Chapitre 52
Pour que ce jour compte.
Violet
Je scrolle encore et encore à la recherche de prothèses. Mon médecin m'a bien dit que je devais attendre d'avoir fait une bonne partie de ma rééducation avant, mais je suis décidée à avancer plus vite. Hier, en voyant Nate se faire frapper par mon frère, j'ai eu un déclic. Seule sur ma jambe, contrainte par les béquilles, je ne pouvais rien faire. Je connais Roméo, je sais qu'il n'aurait rien fait de grave au point de faire très mal à Nate, mais quand même. Zack a du me soutenir pour ne pas que je tombe, puis Nate a pris le relais. Pendant quelques instants, je me suis sentie tellement faible et impuissante... Avec le recul de la situation, je me dis qu'une prothèse me permettra au moins un minimum de mobilité, quitte à laisser passer le confort.
Je regarde quelques vidéos, me renseigne sur les matériaux, les formes et les utilités, mais aussi le prix. Déjà, il me faut une prothèse fémorale car je n'ai plus de jambe et de genou. Je me rends de plus en plus compte que le chemin que j'ai parcouru jusqu'ici n'est même pas la moitié de ce qui m'attend... On m'a dit d'attendre les médecins, qu'eux me renseignent sur la chose, mais en prenant des informations à droite et à gauche je commence à me rendre compte de l'ampleur de la tache.
Si c'est ça que je dois faire pour me sentir plus humaine et indépendante, je vais le faire.
- Violet ?
Je relève la tête de l'ordinateur pour voir Nate avec un sac dans la main. Il a enfilé un blouson bien chaud ainsi que ses chaussures, prêt à partir je ne sais où. Je le dévisage un instant pour essayer de comprendre ce qu'il manigance, mais Nate est devenu un pro quand il s'agit de surprises.
- Qu'est-ce que tu faisais ? Il me demande en posant son sac sur le canapé et en prenant ma chaussure.
- Je regardais les prothèses. Je sais que je dois voir ça avec le médecin mais j'aimerais bien me débrouiller...
- Ferme cet ordinateur de suite, on s'en va loin de cette histoire de prothèse !
Je lui tire la langue et enfile la chaussure qu'il me donne sans poser de question. À force d'être ensemble, nous avons trouvé une petite routine qui nous convient. J'ai appris ce matin à mes parents ma relation avec lui et ils l'ont plutôt bien pris. En fait, ils préfèrent que je sois avec Nate qu'ils connaissent bien plutôt qu'avec un autre homme. Résultat : ils n'ont même pas râlé quand j'ai prévenu que je dormais chez lui ce soir. Plutôt pas mal.
- On va où ? demandé-je en me redressant pour prendre mon manteau.
Nate me l'attrape puis me le lance au visage avec de mettre un doigt devant sa bouche.
- Tu verras, arrête de poser des questions.
J'acquiesce et m'approche pour qu'il me prenne dans ses bras. L'appartement ne comporte pas d'ascenseur alors pour le moment, avant de trouver une solution, Nate me porte à chaque fois. Il profite que je sois contre lui pour me voler un baiser.
- Nate, je gronde gentiment, faut qu'on y aille sinon on va rester là toute l'après-midi...
- Tu as raison, j'arrête de me distraire !
Je ricane et il ferme à clé derrière nous, son sac sur les épaules.
***
- La piscine ?
Je regarde longuement Nate qui m'offre son plus beau sourire, fier de lui. Je ne peux pas m'empêcher de rire en voyant qu'il veut me faire nager. Évidemment, je sais le faire, il n'y a aucun problème là-dessus, mais avec une jambe ? Je vais me noyer !
- Un ami me devait un service, m'explique-t-il en ouvrant le lieu fermé au public. Je lui ai demandé quand il fermait et il m'a répondu aujourd'hui alors voilà, on a la piscine pour nous deux.
- Mais je ne sais pas si je peux...
- Je me suis renseigné et c'est bon. Tu es soignée depuis longtemps maintenant, alors tu ne risques rien hormis la noyade mais c'est pour ça que je suis là !
Je ne peux pas m'empêcher de rire en le voyant mettre ses deux mains en coupe sous sa tête. Comment lui dire non alors qu'il se démène pour me faire sentir normale. Depuis qu'on est ensemble, on fait des tonnes de choses que je ne pensais même plus possible. Je me sens vivante.
- Ok, je lâche en entrant à mon tour.
Nate crie de joie avant de sautiller en direction des vestiaires. Je vous passe les détails mais nous nous changeons en vitesse une fois qu'il a tout mis en route comme son ami lui a soi-disant montré puis c'est parti. J'hésite un peu, d'abord parce que je ne suis pas sereine, mais aussi à cause de mon moignon. Nate m'a déjà vu nue, mais pas comme ça. C'est différent.
J'inspire un bon coup puis j'entends qu'il m'appelle pour venir me chercher étant donné que je ne peux pas marcher seule. Je réponds à la positive et il me rejoint. Le voir dans ce maillot est la plus belle vision de l'univers. Ses tatouages serpentent autour de ses bras, sur ses pectoraux et ses jambes, ses cheveux sont ramenés en arrière comme s'il avait déjà pris une douche et je parie que s'il se retourne, ses fesses sont incroyables.
Nate me regarde un instant avant de me prendre dans ses bras. Il dépose un délicat baiser sur mon front puis nous passons à travers les couloirs pour rejoindre le bassin. Il passe dans le pédiluve puis me dépose dans le premier bassin pour les petits enfants. L'eau chaude chatouille mes fesses et mes jambes, peu profond mais ça me va. En fait, je commence à me dire que je vais rester dans ce bassin.
- Je vais chercher une planche ou une frite ? Il me demande en désignant un grand bac fermé.
- Frite, s'il-te-plaît.
Il s'exécute et mon ventre commence à se tordre. Et si jamais je n'y arrive plus ? Si je coule et que Nate ne peut rien faire ? Il parait qu'on meurt deux fois en se noyer, je ne veux pas subir ça.
- Eh, Violet ça va ?
Nate se pose à côté de moi, prenant ma taille de son bras pour me rapprocher de lui.
- Tu es blanche, qu'est-ce qu'il se passe ? Tu sais que tout ira bien ? On va juste faire quelques brasses. Si tu veux je peux même te prendre les ceintures qui flottent là, mais j'ai peur que tu bascules en avant alors...
- Non, c'est bon. On y va ?
J'essaye de lui offrir le sourire le plus convainquant qui soit et il semble me croire. Je suis terrifiée mais je dois le faire. C'est en me dépassant que tout va revenir à la normale. Nate me soulève doucement en attrapant la frite qu'il avait posé sur le côté. Une verte, ma couleur préférée.
Il me propose d'aller dans le bassin du milieu mais je refuse, autant aller à un endroit où l'eau m'arrivera directement à la poitrine. Il m'aide à m'assoir sur le rebord, et l'eau est nettement plus froide même si ça reste acceptable. Il se glisse dans l'eau dans une grimace qui me fait rire puis je me laisse glisser doucement, jusqu'à ce que ma jambe valide sente le fond. Nate me propose son bras, j'accepte et la sensation est très bizarre. C'est à la fois comme d'habitude, mais en même temps pas vraiment. Il n'y a pas de courant ou de vagues capables de faire tomber, mais j'ai l'impression d'avoir plusieurs forces qui me font perdre l'équilibre.
Nate bouge un peu, me forçant à sauter à cloche pied pour le suivre et ne pas tomber dans l'eau.
- Tiens.
Il me donne la frite que je passe sur mon ventre pour flotter doucement. D'un coup, en voyant que ça me stabilise pas mal, je peux lâcher le bras de Nate sans paniquer. Je retrouve le plaisir d'être dans l'eau et ça me fait rire.
- Violet, tu flottes !
- Oh, tu sais, le cœur d'une femme est un océan de secrets. Je flotte aujourd'hui parce que j'ai ma frite.
- Tu es la reine du monde !
J'éclate de rire et continue notre charabia en réplique de Titanic. Nate est mort de rire aussi ce qui rend la scène épique.
- Si tu sautes, moi je saute pas vrai ?
Nate rit et saute littéralement dans l'eau sur le côté, un peu comme une baleine. Il m'éclabousse au passage puis secoue ses cheveux en sortant de l'eau. Les gouttes viennent s'écraser sur moi mais il n'arrête pas même si je râle.
- On est les fils de pute les plus chanceux du monde, je continue en n'ayant plus que ça en stock.
Il relève le nez, plante ses yeux noirs dans les miens avant d'articuler lentement.
- Trois consonnes, quatre voyelles et un seul sens : je t'aime.
Ma bouche s'ouvre légèrement sous le choc, et je suis muette. Je suis incapable de dire quoi que se soit tant ses mots me touchent en plein cœur. Je déglutis en le rejoignant péniblement vers le milieu du bassin où je n'ai plus pied, et il attrape doucement ma taille pour me stabiliser.
- On apprend à accepter la vie comme elle vient pour que chaque jour compte, je dis doucement en baissant les yeux sur ses lèvres.
- Où va-t-on, mademoiselle ?
- Dans les étoiles.
Je pose mes lèvres sur celles de Nate et d'un coup, tout autour de moi disparaît. Les problèmes de la veille, ma subite obsession pour la prothèse et ma crainte de la noyade ne sont plus que de mauvais souvenirs. Tout ce qui compte en cet instant, c'est sa peau contre la mienne.
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