Les pépins, le débat d'une existence

Violet

Eden arrive sur le parking de l'hôpital et j'avoue être un peu stressée. Elle m'emmène manger avec Jesse, son copain, et c'est la première fois qu'on va se rencontrer réellement. Je l'ai déjà vu et j'ai discuter rapidement avec, mais rien à voir avec un dîner.

Je sais que ça compte pour Eden, alors je suis prête à être agréable et joviale. Elle sort de la voiture pour m'aider à rentrer, mais comme d'habitude j'essaye de me débrouiller seule. La différence, c'est Jesse à l'avant de la voiture. Quand je rentre dans l'habitacle, il ne manque pas de me saluer gaiement ce qui fait sourire Eden qui retourne conduire.

- Je suis heureuse de te rencontrer officiellement, dis-je avec sincérité. Depuis le temps qu'Eden me parle de toi...

- Ah oui ? Eden parle beaucoup de moi ? Je découvre des choses...

L'intéressée rougit instantanément en sortant du parking et nous éclatons de rire. Sur la route du restaurant, l'ambiance est légère et pleine d'humour. Jesse est totalement l'homme que j'imaginais pour Eden. Il est plein d'humour mais à l'air aussi très attentionné. Je pense que je vais bien l'aimer...

Pendant un instant, avant que nous arrivions au restaurant, Eden et Jesse se mettent à parler tous les deux et j'ai le temps de me perdre en pensant à Nate. Aujourd'hui, juste avant le travail, il fonçait chez Harper pour tout lui avouer. Notre relation semble plutôt solide et sérieuse pour le moment, alors on commence à en parler autour de nous même si quelque chose me souffle que beaucoup de gens sont déjà au courant. La grande discussion c'est quand même mon frère. Roméo ne sera absolument pas ouvert à notre relation, c'est sur et certain. Maintenant, il faut juste qu'on trouve quand et comment aborder le sujet avec lui sans qu'il ne se brusque et nous envoie bouler.

Ce sujet me prend la tête alors je décide de le mettre de côté pour la soirée. Je suis là pour Eden et son nouveau mec, pas pour déprimer parce que mon frère est têtu. À l'occasion, j'en profiterai pour parler à Eden de ma relation, même si je pense qu'elle l'a vue venir avant moi.

- On y est ! Annonce Eden avec un petit sourire.

Nous sortons de la voiture et j'opte pour les béquilles. Jesse me propose son aide mais je décline poliment, bien décidée à prendre mon indépendance. Le sol terreux du parking ne m'aide pas, mais ce n'est pas grave.

Le restaurant est un peu perdu mais il y a de nombreuses voitures garées autour de nous. La façade en terre cuite rouge est assez surprenante, surtout pour un endroit aussi perdu que celui-là mais on a quand même envie d'y entrer. Tout est super lumineux, avec de grandes baies vitrées et des lumières chaleureuses. En fait, on se croirait dans un pays chaud, plus chaud qu'ici genre en Italie ou quelque chose du genre.

- C'est avec Gareth que j'ai découvert cet endroit, elle m'explique en passant à ma droite. Comme toi, j'ai ouvert la bouche la première fois que je l'ai vu.

- On dirait...

- Un lieu de mafieux ? Carrément, mais le restaurant est chouette. Je n'ai jamais pu y manger mais dans mon souvenir, les boissons étaient bonnes.

Je ne renchéris pas, bien que je sente qu'il se cache une histoire derrière cet endroit. Les yeux d'Eden ne mentent pas. Je me contente d'acquiescer et de suivre le couple jusqu'à l'entrée. On nous installe directement à une table réservée et on commande à boire. Soda pour moi, vins français pour les deux autres. On commence à discuter de tout et de rien, détendus et complices. Le restaurant est vraiment accueillant, avec un personnel très agréable. On nous serre nos plats et la soirée passe rapidement.

Jesse regarde Eden avec des étoiles dans les yeux, ça fait chaud au cœur. Elle a l'air aux anges, et elle peut.

- Et donc, qu'est-ce que tu fais dans la vie ? Me demande Jesse après qu'Eden aie parler de baleine pendant dix minutes. Je sais que c'est compliqué pour toi en ce moment et que tu dansais, mais tu as des projets ou tu attends de voir comment le futur arrive ?

Je souris face à sa question et même moi ça m'étonne. On m'aurait posé la question il y a un mois, j'aurais broyé du noir. J'avance petit à petit, et ça fait plaisir de s'en rendre compte.

- Je ne sais pas trop encore. Je pense bosser avec Eden au café pendant un temps jusqu'à ce qu'une idée perce dans mon esprit. Mais j'ai un petit projet qui murit au cours du temps. On verra dans les mois à venir !

- C'est top d'être positive comme ça ! Bravo pour ta force, c'est admirable.

- Merci.

Je m'éclipse aux toilettes peu après puis les desserts nous sont servis. La fin de notre petite soirée approche et je n'ai toujours pas parlé de Nate à Eden. Je sais que je peux tout lui dire, mais j'ai un peu peur de sa réaction. Je ne veux pas qu'elle se vexe. J'ouvre la bouche pour aborder enfin le sujet et me soulager, mais Eden est plus rapide. Elle fronce les sourcils en lissant son haut jaune moutarde décoré d'abeilles, puis se met à parler.

- Violet, tu n'as pas encore touché à ton dessert aux cacahuètes, crache le morceau ! Je te connais par cœur ma belle.

Elle me sourit avec malice et je ne peux pas faire autre chose que de rire. Elle lit en moi comme dans un livre ouvert, c'est impossible de lui cacher quelque chose.

- Je sors avec Nate, je voulais que tu le saches avant que quelqu'un ne te le dise.

- Comme Harper ?

- Euh, oui, pourquoi ?

- Elle m'a appelé avant que je vienne te chercher pour dire que Nate lui a enfin tout avouer. Elle me narguait comme elle l'a su en première.

Merde, je m'en doutais qu'Harper ne garderait pas le secret longtemps mais elle n'a même pas tenu quelques heures !

- Bon, bah j'ai foiré ma révélation alors...

- Ce n'est pas grave, je le savais de toute façon et je suis heureuse que tu me le dises. J'espère que ça fonctionnera entre vous.

- Moi aussi... je chuchote.

Le sujet change rapidement quand Jesse se met à pester parce qu'il y a des pépins dans son coulis. Eden râle aussi en lui disant que c'est logique dans un coulis de fruit rouge maison mais rien n'y fait, les deux se mettent à se chamailler comme des enfants. Je les écoute d'une oreille distraite, l'esprit ailleurs. Un poids s'est encore enlevé de mes épaules, mais le plus gros est encore là. Il manque Roméo, et ça ne sera pas une partie de plaisir.