Chapitre 44
Comme mon château de sable quand un gosse passe dessus.
Nate
On s'écarte un peu de la foule histoire d'être en famille plutôt que de laisser des oreilles traîner. Mes parents n'ont pas l'air super stressés mais moi un peu. Eden a vite compris qu'on avait besoin de se retrouver alors elle nous a prétexté une envie pressente pour nous laisser de l'intimité. Je ne sais pas si j'ai envie de la remercier pour cette avenance ou de la maudire de m'avoir laissé seul avec eux.
Depuis qu'on a eu la discussion sur John et mes liens de parentés, il s'est passé énormément de choses, au point que je les ai esquivés. J'avoue, je le reconnais, ce n'est pas cool de ma part. Ils sont partis pendant super longtemps et je me retrouve à les fuir.
Ma mère est vraiment jolie aujourd'hui. Elle porte une jolie robe bustier noire qui taille parfaitement sa fine taille. Ses cheveux noirs carrés sont lâchés et elle s'est dessinée un fin liner qui met en valeur ses yeux bridés. Malgré tout, elle a gardé aux pieds de vertigineux talons qui lui font des jambes de déesse. Ma mère est vraiment belle.
- Comment tu vas Nate ? Me demande maman en me serrant contre elle.
Je suis obligé de me pencher un peu malgré ses chaussures et sa grande taille, puis elle s'écarte enfin de moi quand je ne respire plus.
- Ça va bien, je dis simplement en haussant les épaules. Et vous deux ? Pas trop dur de revenir à la vie normale.
- Tu le saurais si tu prenais de nos nouvelles, lâche John.
- Un petit coup de fil c'est pas la mort, renchérit ma mère.
C'est parti... De toute façon, même si je l'appelais tous les jours ça ne serait pas assez.
- Je suis désolé, je suis pas mal occupé en ce moment avec le travail et...
Violet. Mais ça, je le garde pour moi et me tais à temps. J'avoue que depuis quelques jours, je me lève, me consacre à Violet puis travaille et me reconsacre à Violet. Ça ne me dérange pas du tout comme ça me tire de ma routine. Et j'en ai besoin.
- Justement Nate, c'est de ça qu'on veut te parler.
De Violet ? Mais ils ne sont pas au courant...
- Ton travail, complète John en voyant mon incompréhension.
Oula, j'ai déjà eu une conversation avec Michael tout à l'heure, elle m'a beaucoup aidé, ce n'est pas pour que mes parents me brouillent le cerveau juste après.
- On pense qu'il est temps que tu arrêtes. Tu viens de faire un an à New-York et pour te dire j'ai fait mes débuts là-bas, pas la presque fin de ma carrière...
- Ce que veut dire ta mère, c'est qu'on s'inquiète. On en a parlé avec Greyson et Harper, et ils sont d'accord avec nous. Greyson ne veut pas avoir à te virer parce que tu fais du bon travail et tu ne mérites pas ça. Mais il est temps que tu fasses autre chose pour assurer ta vie.
Je passe de John à maman sans vraiment comprendre, un peu choqué qu'ils complotent dans mon dos. Je sais qu'en ce moment ça doit se ressentir, tout ce qui est doutes au niveau de ma carrière et tout ça. Mais je commence à peine à envisager de changer qu'on me menace de me virer ! Je ne trouve pas ça très juste.
- On ne veut pas te faire de peine, tente de se justifier maman. Nate, tu sais que j'ai arrêté assez tôt, c'est à ton tour maintenant. Je ne te souhaite pas de faire ça toute ta vie. Quand tu m'as appris que tu voulais faire ça pour le moment, j'étais d'accord parce que moi-même j'ai fait ce job, mais pas à ton niveau. Tu as trente ans Nate... Il est temps de grandir.
- Je suis un adulte maman.
- Je sais Nate, mais...
- Non. J'apprécie ce que vous faites pour moi, votre inquiétude. Si ça peut vous rassurer, j'y réfléchis depuis un moment déjà. Ce que je n'apprécie pas, c'est que vous en ayez parlé à mon patron dans mon dos, que ça soit votre ami ou non. C'est ma vie, mon contrat, mon travail. Vous n'avez en aucun cas à vous immiscez là-dedans.
Maman se tait, une mine un peu triste mais elle sait que j'ai raison. Elle ne pense pas à mal, c'est évident. Elle a même raison au fond du fond, sinon je ne réfléchirai pas à changer de taff aussi, mais ce n'est pas comme ça que je veux que ça se fasse. Je veux que la décision vienne de moi, pas des autres. J'en ai marre qu'on me materne.
- Je dois aller fumer, je déclare en sentant mon nez me piquer.
John ouvre la bouche pour répliquer mais ma mère pose une main sur son bras pour l'en empêcher. Je remercie ce petit geste qui veut dire beaucoup en hochant la tête puis m'éclipse le plus vite possible.
Putain, je ne peux pas pleurer ici.
Je me faufile entre les quelques personnes mais avant d'atteindre le couloir qui donne sur l'extérieur, je tombe nez à nez avec Harper. Sa jolie crinière rousse est lâchée, et elle semble chercher du regard ses enfants sûrement.
- Oh, Nate ! s'exclame-t-elle avec surprise. Comment ça va ? Tu as l'air préoccupé.
Je renifle doucement puis plaque le sourire le plus faux que je peux sur mon visage. Je ne vais pas tenir longtemps, il faut que j'écourte cette conversation si je ne veux pas m'effondrer comme une merde devant elle. C'est ça le problème quand on retient trop ses émotions : ça peut exploser à n'importe quel instant.
- Ça va, je suis un peu fatigué c'est pour ça.
Harper fronce les sourcils avant d'attraper mon visage de sa main. Elle le bouge à droite, puis à gauche, analysant la moindre de mes cellules. Quand elle semble satisfaite, elle me sourit et me lâche enfin. Punaise, sacrée poigne.
- Tu dois ralentir. Greyson m'a dit que tu as fait des heures de malade hier soir.
Je ne peux pas m'empêcher de soupirer d'agacement. Ils s'y mettent tous aujourd'hui ou quoi ? Ça commence à me gonfler.
- J'avais des heures à rattraper, je marmonne en guettant la sortie.
- Je sais mais même. Pense à toi un peu.
- Bon tu me lâches, merde ?!
J'explose, j'en peux plus. Je veux juste qu'elle me laisse passer pour que je puisse aller fumer ma putain de clope et qu'on me laisse tranquille.
Harper me regarde de haut en bas, stupéfaite de mon comportement. Moi-même je me surprends à perdre mon sang-froid comme ça, mais plus rien à foutre.
- Tonton Na...
Lola n'a pas le temps de finir sa phrase que je contourne Harper et laisse les filles en plan. Je me dépêche de parcourir les derniers mètres qui me séparent de la rue en grandes enjambées. Je tremble de partout. L'air frais de novembre me claque à la gueule, je ne suis pas du tout habillé pour le temps qu'il fait mais tant pis.
Je descends la marche du club puis dépasse le muret que j'aime utiliser d'habitude. Cette fois, je ne veux pas qu'on me trouve de suite. Si quelqu'un vient encore de ma parler de mon taff et de ma non-vie, je vais m'effondrer.
Je sais que tout ce qu'ils disent est vrai. Je sais que mon taff n'est pas celui qu'on attend pour quelqu'un de mon âge. Je sais que j'ai tendance à me comporter comme un gamin pourri gâté. Et je déteste ça. Je me rends compte qu'avec tous les problèmes de Violet, j'en ai oublié les miens. J'ai préféré me focaliser sur elle et ce qu'elle vivait, même quand je n'étais pas à ses côtés, plutôt que d'affronter ma propre cervelle qui est incapable de prendre une décision.
Au fond de moi, j'ai envie d'arrêter ce travail. J'ai envie de faire quelque qui me plait, comme quand j'ai commencé à être strip-teaseur. Mais qu'est-ce que j'aime au fond ? Moi-même, je n'en sais rien. Je n'ai pas une passion aussi prenante comme Violet, je n'ai pas autant d'ambition que Roméo ou le courage de mes parents qui ont décidé de tout plaquer.
J'allume ma clope et tire une taffe, essayant de me concentrer pour que mes doigts arrêtent de bouger comme ça. En deux minutes, j'ai déjà fini ma clope et j'en allume une deuxième.
Toutes les conversations se bousculent dans ma tête et je ne sais plus quoi penser, quoi faire. Est-ce que je dois attendre de le sentir, comme m'a dit Michael ? Est-ce que je dois attendre qu'on me vire, comme l'a suggéré maman ? Ou est-ce que je dois attendre d'être en burn-out, comme l'a dit Harper ? Enfin, est-ce que je ne suis pas déjà dans ce cas-là ? J'en sais rien.
Je me laisse tomber contre la façade derrière moi et tout en glissant comm d'une merde, les larmes décident enfin de dévaler mes joues. Je pleure comme un enfant, la clope à la main, mes sanglots faisant écho dans le début de la nuit. J'essaye de tirer une nouvelle taffe mais même ma clope me déteste, elle s'est éteinte. Frustré, je fonds en larmes encore jusqu'à qu'une voix me ramène un peu sur Terre.
- Nate ? Tu vas bien ?
Violet est devant moi, béquilles en main. Elle me regarde avec un air inquiet sur le visage, les lampadaires faisant de jolis reflets dans sa perruque. J'ouvre la bouche pour répondre mais un nouveau sanglot m'étrangle, impossible de lui répondre. Je ramène mes genoux contre moi pour cacher ma tête, et pleure en silence. Je sens qu'elle s'installer à côté de moi sans me forcer à dire quoi que se soit. Sa tête se pose sur mon épaules, et nous restons comme ça le temps que ma peine se calme. Pour autant, les battements de mon cœur continuent de s'affoler dans ma poitrine.
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