Chapitre 36
« Ptete qu'aujourd'hui le vide était trop grand, va comprendre. C'était pas un jour si différent des autres, pourtant ; il faisait même plutôt beau. » — Nekfeu
Violet
Nate me tient par la taille jusqu'à ce qu'on arrive au niveau du canapé vert assez particulier qui décore son salon. Je me pose dessus, appréciant le moelleux des coussins ce qui change de la fermeté de ma chaise. En parlant de celle-ci, Nate m'abandonne quelques minutes le temps de retourner la chercher, en espérant que personne n'a eu la bonne idée de me la voler. Même si j'ai hâte de m'en débarrasser, je n'ai pas vraiment envie qu'elle disparaisse. Ça coute cher toutes ces bêtises !
L'appartement de Nate est assez simple, ça se voit qu'il n'y passe pas beaucoup de temps. En fait, il n'y a presque pas de décoration ou alors beaucoup de choses qui semblent avoir appartenues à Courtney. Il y a quelques vases sans fleurs et quelques cadres décorés de photos de sa famille ou de ses amis comme mon frère. Les quelques objets abandonnés sur la table basse prouvent bien qu'il vit ici mais hormis ça, la maison est tellement nickel que je commence à me demander si ce n'est pas un maniaque du ménage.
- Mon appart' te plait ? me demande-t-il en revenant avec mon siège qu'il plie délicatement et pose dans l'entrée.
- C'est plus propre que ma chambre en tout cas, fais voir tes mains ? À mon avis, elles sont bouffées par la javel.
Nate rit doucement avant d'aller dans la cuisine ouverte qui donne sur le salon. Ce n'est pas très grand donc il est vraiment à côté.
- J'aimerais, avoue-t-il en nous servant de l'eau dans des verres. Quand je ne bosse pas, je n'ai pas beaucoup de choses à faire alors j'aime bien avoir mon appartement nickel. Quand je rentre dans la nuit, ça ne sent pas...
- Le sexe ?
- Oui, et non. Ça sent chez moi, ça sent le propre et pas la sueur. Je pense que c'est l'odeur de la sueur qui me dérange le plus.
J'acquiesce et il me rejoint, verre à la main. Je le remercie quand il me le tend et boit tout d'une traite. Quand je disais que j'aurais dû me prendre un verre avec Charles...
Nate s'installe à ma gauche, s'asseyant en tailleur sur le canapé.
- Et donc, je change de sujet en sentant la fatigue monter, qu'est-ce qu'il s'est passé au juste ? Je crois que tu as tout compris mais pour moi ce n'était qu'une dispute ridicule. Greyson avait l'air hors de lui... Je veux bien comprendre qu'il ne s'entendait pas avec l'ex de son meilleur ami, mais de là à vouloir la bannir de l'État... Je crois que j'ai loupé quelques épisodes.
Il tire une grimace puis pose son verre sur la petite table en bois.
- C'est normal que tu n'en saches rien, tu n'étais pas née et je t'avoue que je ne connaissais même pas Gareth quand il était avec cette femme, ni mes parents non plus, et au risque de te surprendre, Greyson non plus.
Mais comment c'est possible ? Je sais que je suis plus jeune que Nate, assez pour ne pas avoir connu Gareth en fait... Mais je sais aussi que Grey et lui ont toujours été cul et chemise. Les imaginer inconnus c'est comme imaginer une poule qui pond un dinosaure !
- Greyson savait qui était Sidonie, je le coupe gentiment. Donc ce que tu dis ne tiens pas.
- Si Violet, mais laisse-moi finir, ricane-t-il. Tu sais que Gareth a été en prison deux ans ?
- Oui, Eden m'en a vaguement parlé. Elle n'aime pas trop aborder ce sujet, elle ne le fait que quand elle a un coup de mou ou qu'on regarde un film qui la fait penser à lui.
Nate acquiesce puis il m'explique rapidement qu'avant que Grey ne le connaisse, Gareth a fait deux ans de prison puis a été libéré car la personne qui l'a incriminée à avouer un mensonge, ou quelque chose du genre il ne sait pas trop. En attendant d'être définitivement libre, c'est là qu'il a rencontré Greyson qui cherchait des employés pour le nouveau Milady's Club. Gareth a réussi haut la main et après ils sont devenus très proches.
- Mais tes parents dans l'histoire ? Ils se sont tous connus comment ?
- Ma mère travaillait à New-York, comme moi il y a quelques mois. Elle était enceinte alors elle a voulu venir ici. Grey a accepté, Harper est arrivée au même moment aussi et apparemment elles sont devenues amies pour une histoire de lancer de hache ou je ne sais quoi. En fait, c'est Greyson qui les a tous réunis.
- Ok, je vois un peu mieux.
C'est vrai que je considère tout ce petit groupe comme ma famille mais au final, je ne sais pas vraiment comment tout le monde s'est rencontrés. Leur passé à chacun est douloureux, complexe, et ensemble, ils ont affronté beaucoup d'épreuves éparses que certains ont plus de mal se détacher que d'autres. Mon cancer n'est qu'un petit point noir sur leur grande toile des malheurs, je pense.
- Et Sidonie dans tous ça ? Parce que si Grey n'a connu que Gareth après elle, comment ça se fait qu'il la connaisse ?
Nate se renfrogne un peu, s'installant plus profondément dans les coussins comme s'il n'avait pas trop envie d'en parler. Je le comprends, ce n'est pas vraiment son rôle de m'expliquer mais je ne veux pas demander ça à Eden. Elle, elle n'avait pas l'air de connaitre le visage de Sidonie mais bien le passif qu'elle a. Ce n'est jamais bon signe.
- Nate, je sais que c'est mal poli mais tu peux te dépêcher ? J'ai mal à la jambe en fait et... je suis plutôt fatiguée. Il est tard et j'aimerais bien me coucher.
- Oh, oui désolé !
Il se met à paniquer en se redressant, un air plutôt concerné sur le visage.
- Je peux faire quelque chose pour t'aider ? J'ai peut-être un médicament ou...
- Non, c'est gentil, je dis doucement en riant légèrement, mais ça n'y fera rien. J'ai constamment mal mais ça disparaîtra petit à petit. J'ai déjà mes propres médicaments sur moi, je les trimballe partout. Ça me rassure...
- Ok je me dépêche alors. Hum... Du coup on en était à Sidonie.
Il se gratte la tête comme si ça pouvait l'aider à réfléchir puis chasse les mèches noires de ses yeux. Je n'avais jamais fait attention, mais il a un peu hérité des yeux de sa mère, plus sombres et moins bridés qu'elle, mais ça m'intrigue quant à la tête de son vrai père. Parce que oui, il a ça aussi, John n'est pas le père de Nate mais je m'en doutais. Ils n'ont vraiment rien en commun.
- Sidonie était avec Gareth avant son emprisonnement il me semble. Et en fait, c'est elle qui l'a condamné. Enfin pas elle directement mais tu as compris. Gareth est profondément gentil et elle le maltraitait. Tu sais quand t'es amoureux... je pense que tu ne te rends pas compte de quand ça va mal ou du moins tu fais tout pour atténuer la chose.
Un peu comme moi et ma jambe finalement. Tout va tellement mal que je préfère être dans le déni, ça soulage mon propre cerveau.
- Elle a porté plainte pour violences conjugales quand il s'est enfin réveillé, et elle a gagné. Son frère... le père de Roméo, était assez particulier. Gareth était persuadé qu'on ne le croirait pas, même pas son propre frère, alors il s'est tut. Il a fait deux ans de prison avant que Sidonie avoue avoir légèrement grossit l'histoire. Il a été libéré mais il n'a jamais parlé à Eden de ça, pas assez pour savoir toute la vérité. Sidonie n'a rien eu, elle est partie faire sa vie alors que Gareth a perdu deux ans pour rien.
C'est assez complexe comme histoire en effet. Je ne sais pas trop quoi en penser comme je n'étais pas là, mais je suis à la fois choquée de Gareth qui n'a pas l'air d'avoir essayé de se défendre, et de Sidonie qui donne la pire image possible ! Combien de femme qui portent plaintes n'ont pas gain de cause alors que c'est réel ? Et elle ose mentir, faire condamner un innocent alors que c'est elle la coupable ?
- Pourquoi Gareth n'a pas porté plainte ? Je demande en me redressant à mon tour. C'est horrible, c'est elle la fautive ! Peut-être qu'elle en fait de même avec le père de Charles ? Elle sabote tous les combats qu'il peut y avoir !
- Tu as déjà entendu parler d'histoires de violences conjugales sur un homme, Violet ? Moi non. Sauf si on se renseigne nous même. À partir de là, je peux comprendre que Gareth avait peur de ne pas se sentir légitime. C'est dégueulasse qu'il ait fini en prison pour quelque chose qu'il n'a pas commis et qu'elle fasse sa vie tranquillement, mais d'un côté comment tu veux vérifier cette histoire ? On n'était même pas né. Je ne pense pas qu'on puisse s'exprimer là-dessus.
Nate se lève en s'étirant, puis attrape les verres vides d'une main pour aller les laver.
- Greyson, mes parents et Eden, il continue en allant dans la cuisine, sont les plus aptes à avoir un jugement. Je te rapporte juste ce que je sais, mais je n'ai pas toute l'histoire ni les deux versions. J'ai connu Gareth mais sans savoir l'histoire et je pense être de son côté. Maintenant, il n'est plus là et Sidonie a été congédiée. C'est du passé. La seule chose que tu puisses faire, c'est ne plus parler à Charles et être auprès d'Eden. Elle en aura besoin, je pense.
J'hoche la tête même s'il ne me voit pas. Il a raison. Et ça ne sert à rien de remuer le passé, ce qui est fait est fait. Maintenant, c'est l'état d'Eden qui m'inquiète. Elle s'est effondrée dans les bras de Greyson et même si j'ai confiance en eux, je me sens un peu coupable d'être partie comme ça. Je vais devoir me rattraper et préparer un marathon Twilight, elle sera heureuse comme ça.
Je me lève en me tenant sur le rebord du canapé, mais Nate arrive en courant de nulle part.
- Mais ça va pas ! Tu peux te faire mal, surtout si tu es fatiguée.
- Je sais bouger sur une jambe Nate, c'est l'histoire de ma vie maintenant.
- Attends.
Il fonce dans ce que je suppose être la chambre puis revient avec une paire de béquilles.
- Prend ça, ça sera plus simple pour bouger. Je vais te préparer des trucs dans la salle de bain pour te débarbouiller et changer les draps de mon lit pour que tu puisses dormir.
- Ah non ! Je vais dormir sur le canapé ça ira très bien !
Je prends les béquilles que je cale sous mes coudes, puis Nate s'éloigne dans la salle de bain, doigts sur les oreilles pour faire comme s'il ne m'entendait pas.
- Tu as besoin de quelque chose de particulier pour ne pas tomber ou quelque chose comme ça ?
- Non, marmonné-je en avançant vers lui.
- Ok, il a une barre pour te tenir dans la douche de toute façon.
En deux minutes, Nate me sort une serviette propre et de quoi enlever mon maquillage ainsi qu'un pyjama qui est simplement un vieux t-shirt. Je le remercie et m'empresse de me débarbouiller de toute cette fausse crasse et de ce maquillage. Je suis presque étonnée de me revoir dans la glace. Je me tourne, prête à affronter la douche et ce moment de douleur, mais je suis surprise de voir un tabouret en plastique au milieu de celle-ci. Je n'avais pas vu Nate le mettre mais je suppose que c'est pour que je puisse m'assoir lors de ma douche. Son intention me touche profondément car c'est le genre de choses qui vont me rappeler mon handicap au quotidien, surtout quand je suis chez quelqu'un, et effectivement, ça me sauve.
Je me douche rapidement jusqu'à sentir bon le monoï — décidément, il a l'air d'adorer cette odeur —, puis me change ne mettant ses vieux vêtements soit un caleçon neuf encore sous emballage et un t-shirt des Destiny's Child. Il est carrément trop large pour moi mais la taille n'est pas si mal comme je suis plutôt grande.
Je passe un dernier coup d'eau sur ma tête, respire un bon coup en voyant mes cernes bleues et mon crâne, puis sort de la salle de bain pour aller dans la chambre. Nate m'attend dessus, se battant avec une taie d'oreiller.
- Tu n'étais pas obligé de faire ça, je dis doucement en m'approchant pour m'assoir dessus.
Il sursaute, sûrement parce qu'il ne m'a pas entendu, puis il me regarde de bas en haut, les joues rougissantes. Il me dévisage légèrement mais ce n'est pas comme les gens le font d'habitude, tout est bienveillant dans son regard. S'en est presque perturbant, au final. C'est bête quand on pense à tout ça ; un regard malveillant ne me fait ni chaud ni froid mais un regard bienveillant me fait froid dans le dos.
- C'est normal, tu es mon invitée et je suis bien élevé, il me dit en souriant.
- Et merci pour le tabouret. On n'y pense pas comme ça mais c'était vraiment pratique.
- Je t'en pris, je me doutais que la barre de suffirait pas. En fait, je ne vais pas te mentir mais j'ai essayé de faire une douche à cloche-pied l'autre jour. Bizarre hein ? Mais je ne sais pas, je voulais essayer de voir, pas comprendre parce que c'est impossible mais juste voir ce que ça fait.
Il rit doucement avant de descendre du matelas.
- Et le résultat ? Je demande, curieuse.
- J'ai glissé et j'ai un sacré bleu sur la cuisse.
J'éclate de rire en imaginant la scène, car moi aussi, j'ai déjà glissé plusieurs fois. Et je peux vous dire que ça fait mal.
- Bon, je te laisse dormir. Fais comme chez toi et si jamais tu as un problème n'hésite pas à venir me réveiller.
- Hein ? Non Nate, hors de question que tu restes sur ce pauvre canapé vert pour la nuit ! Je ne suis même pas sûre que tu passes tellement il est petit et toi grand. Dors avec moi, il n'y a aucun problème.
Ses joues deviennent encore plus écarlates alors qu'il passe de moi au lit.
- Non, je ne peux pas...
- Ce n'était pas une question. Va te débarbouiller et tu dors dans TON propre lit. Je me ferais petite.
- Mais...
- Nate ! On a grandi ensemble arrête de faire ton rabat joie alors que tu m'as vue courir à poil sur la plage enfant !
- J'avoue, t'avais les fesses toutes lisses, finit-il par rire en rejoignant la salle de bain.
Dès que j'entends l'eau couler, j'éteins la lumière et me dépêche de me mettre sous la couette. J'adore sentir les draps frais et propres sur ma peau, ça me donne directement envie de piquer un somme mais malheureusement, quelque chose m'en empêche. Je n'arrive pas à oublier la douleur dans ma jambe, tout ça à cause des nerfs qu'on m'a enlevés. Je n'arrive pas non plus à m'enlever le souvenir de mon visage dans le miroir. Mes cheveux me manquent. Mes sourcils aussi. Il y a des jours comme ça ou même si je vais bien, même si ma journée était super en général, une fois dans mon lit tout me revient dans la gueule.
J'essaye de penser à autre chose parce que je ne suis pas chez moi et que je ne veux pas pleurer. Je ne l'ai pas fait jusqu'ici, ce n'est pas maintenant que ça va être le cas.
Je renifle pour empêcher les larmes de couler mais à chaque battement de mon cœur je me rappelle ce que j'ai perdu. Voir Charles m'a aussi fait du mal, parce qu'il m'a rappelé tout ce que j'ai pu louper à l'Opéra depuis des mois. C'était toute ma vie. Et même si je me suis détachée de ça de force, je ne sais pas quoi faire quand tout sera derrière moi. En fait, je n'ai jamais envisagé autre chose alors là...
Une larme coule sur ma joue mais je la laisse glisser jusqu'au coussin. Avec un peu de bol, c'était la seule.
J'entends la porte de la salle de bain s'ouvrir puis je sens une présence dans la pièce. Quand Nate s'installe à ma gauche, je sens le matelas s'enfoncer sous lui et la couette bouger pour qu'il se mette en chaud.
Et moi, je fais semblant de dormir. Les larmes coulent abondamment sur mes joues à en tremper le coussin, mais je serre très fort les yeux en espérant que quand je les rouvre, tout sera derrière moi. Une partie de mon âme espère encore que tout ça n'est qu'un mauvais rêve duquel je me réveillerais un jour ou l'autre.
- Tu pleures ? Me demande Nate en chuchotant.
Je ne réponds pas. Je ne sais pas si mes larmes ont une odeur qu'il a pu sentir, mais si c'est le cas ça doit sentir fort. J'essaye d'être encore plus silencieuse, ne sachant pas trop comment il a deviné, mais il bouge pour être dans le même sens que moi alors que je lui tourne le dos.
- Violet, tu ne t'en rends peut-être pas compte mais tu renifles là.
Non, je ne renifle pas, il ment.
- Qu'est-ce qu'il y'a ? J'ai fait ou dit quelque chose de mal ? Si c'est le cas, excuse-moi.
- Non, j'arrive à dire malgré ma voix étranglée.
- Oh, Violet...
Nate bouge de nouveau et je sens un bras entourer ma taille pour me serrer contre lui. Rien de déplacé ou de gênant, il m'enlace juste dans ses bras pour me donner un peu de réconfort. Je ne sais pas si j'en ai besoin. Je ne sais même pas pourquoi mes yeux pleurent en fait, mais je le laisse. Je n'ai pas la force de l'envoyer bouler dans tous les cas.
- C'était tellement plus simple avant, je sanglote en chuchotant. Depuis quand tu es devenu un adulte, Nate ?
Il me presse un peu plus contre lui, son visage dans mon cou.
- Je crois que je l'ai toujours été, Violet. Il faut juste qu'on ouvre les yeux, c'était mieux avant mais on est obligé d'avancer.
- J'ai peur...
- Je sais.
- Je suis hideuse.
- C'est faux, tu ne l'as jamais été.
Il ment. Tout le monde me ment tout le temps pour me faire plaisir.
- Tu as le droit de pleurer, il continue. Tu es la personne qui est la plus légitime de pleurer sur cette Terre. Ne pense jamais le contraire Violet.
Je sanglote de plus belle mais Nate ne bouge pas. Tout se bouscule dans ma tête ce qui fait que je suis incapable d'avoir une pensée cohérente.
- Je suis désolée, j'arrive quand même à dire en reprenant ma respiration.
- Ne t'excuse pas, ça fait du bien de se vider. Tu peux le faire avec moi, Violet. Tu pourras toujours tout faire avec moi.
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