Chapitre 30

« J'ai peur des gens que j'aime car je leur ai confié mon cœur » — Bigflo et Oli

Nate

- Je te dérange ?

Violet me sort de ma rêverie, à l'entrée du Milady's. Dans son fauteuil roulant elle parait toute petite mais pas du tout vulnérable : une sorte de force se dégage d'elle, de confiance aussi et de puissance. Un peu l'air de dire « Ok, je n'ai pas de cheveux et je tiens difficilement debout, mais je n'ai aucunement pas besoin de vous. Mais évidemment, je vais l'aider quand même.

- Attends, je vais t'aider.

Je cale ma clope dans un coin de ma bouche pour l'aider à descendre la petite marche. Elle me remercie en murmurant à peine. Je la pousse jusqu'au muret où j'étais posé, puis la laisse faire sa vie. Je me contente de finir ma clope en l'observant discrètement. En soit, elle n'a pas trop changé depuis la dernière fois que je l'ai aperçue. La seule chose un peu différente, c'est les cernes sous ses yeux qui ne sont pas cachées par le maquillage qui la décore. Son crâne est coiffé d'un joli bandeau rose assorti aux fleurs sur ses yeux. Entre le vert, le rose et les motifs de zèbre, je ne sais pas trop si j'aime tout ce combo de couleurs mais ça lui va bien. En fait, je me rends compte que même si elle est totalement différente physiquement du moins, elle reste d'une beauté à couper le souffle. Ça a toujours été le cas, mais là elle me scotche un peu plus, comme si la voir si « nue » faisait un déclic dans ma tête.

Harper n'a peut-être pas tort quant au béguin que j'ai eu pour Violet pendant longtemps, mais je ne suis pas près à me l'avoue quand même.

- Arrête de me dévisager s'il-te-plaît, lâche-t-elle dans un souffle.

- Je ne te dévisage pas.

- Si.

- Non.

- Arrête.

- Tu es belle.

Le regard de Violet remonte vers moi. Je ne savais pas qu'on pouvait devenir aussi rouge en si peu de temps. Ses yeux bruns m'observent un peu pour me rendre la pareille, et je n'avais jamais fait attention qu'ils étaient si clairs.

Punaise, tu nous fais quoi Nate ? T'as bu qu'une coupe de champagne pourtant...

- Tu dis n'importe quoi...

- Je pense que si tu poses la question à n'importe qui dans la soirée, il te répondra la même chose que moi parce que c'est la pure vérité.

- Même tes parents ?

Aïe. Elle sait appuyer où ça fait mal et me faire redescendre de mon nuage. Évidemment qu'elle a vu qu'ils sont rentrés, même moi je l'ai bien vu. Mais je sens qu'elle ne m'a pas rejointe pour rien. Même si elle ne sait pas l'origine de mon malaise, je n'ai absolument pas pu faire semblant d'être content de les voir. C'est vrai quoi, ils ne m'ont même pas prévenu qu'ils rentraient aujourd'hui ! Je m'en suis rendu compte en voyant mon « père » à moitié nu sur une scène... Mon entourage est vraiment barjo.

- Tu veux en parler ? demande-t-elle doucement avec empathie.

- Et toi, tu veux en parler ? je crache un peu trop sèchement sans faire exprès.

Violet se raidit mais la flamme que je vois brûler dans ses yeux ne s'éteint pas. Quand elle se met quelque chose dans la tête...

- Moi, ça va très bien, déclare-t-elle avec une sincérité qui m'étonne. Je suis fatiguée, j'ai constamment mal à ma jambe et j'en ai marre que tout le monde prenne des pincettes avec moi, mais je vais bien. Je suis en vie, et c'est le principal je crois. J'ai lu un jour dans un roman qu'une vieille dame posait une question tous les dimanches à un garçon. Ça s'appelle Landon & Shay, et le garçon était dépressif.

Sa franchise me perturbe un peu mais j'essaye de ne rien laisser transparaître. Elle m'énerve à penser de telles choses de moi, sachant que c'est faux, mais aussi parce que je n'ai pas son courage. Je reconnais qu'avouer tout ça si naturellement, je n'en serai pas capable.

En plus, elle sait que le terme de dépression m'énerve quand il est utilisé comme ça. Pendant toute ma scolarité, on n'a pas arrêté de me traiter de dépressif gothique, d'ennuyant ou de coincé alors que pas du tout. Ils ne m'intéressaient juste pas. Jusqu'à ce que Roméo débarque dans ma vie avec son putain de sourire contagieux. Il m'a permis de m'ouvrir à de nouvelles choses et d'avoir enfin des amis de mon âge. Même si notre rencontre s'est faite dans le tragique, je crois que lui comme moi nous sommes trouvés au moment de notre vie où on en avait le plus besoin.

Alors même si je trouve Violet très belle ce soir, que mes pulsions parlent à ma place et que je suis plus ivre que je ne pensais l'être, je ne ferai jamais une telle chose à mon frère de cœur. Violet est sa demi-sœur, rien d'autre.

- Je ne suis pas dépressif... je m'agace en bougeant frénétiquement ma jambe.

- Comment va ton cœur, aujourd'hui ?

J'écrase ma clope contre le mur puis la regarde, les sourcils froncés. C'est quoi son délire ? Trois semaines qu'elle ignore tout le monde, qu'elle fuit chaque interaction sociale, et là elle redevient bavarde comme par magie. Elle ne me facilite pas la tâche, il me faut une autre clope je crois.

- À quoi tu joues, Violet ? Tu es invisible depuis des jours et là tu me parles comme si on était amis.

- On est amis, tu t'es excusé et je m'excuse aujourd'hui aussi.

- Pourquoi ?

- Parce que si tu es dépressif, je ne veux pas que l'un de nous meure avant qu'on ne se réconcilie.

J'éclate de rire tellement ses propos sont absurdes. On dirait vraiment une conversation que j'ai eu il y a quelques temps...

- Alors, comment va ton cœur aujourd'hui et je te dirai comment va le mien.

Je souffle, un peu résigné. Violet cligne des yeux plusieurs fois en attente de ma réponse mais je ne sais pas réellement quoi répondre en fait. Comment va mon cœur ? En général ça va, je ne ressens pas grand-chose. Mais aujourd'hui je ne sais pas. En fait, toutes les émotions se bousculent dans ma tête. Je ne sais pas ce que je ressens parce que je suis paumé depuis des mois.

- Il bat encore, je suppose.

Violet éclate d'un rire clair qui illumine son visage instantanément. J'avoue que ça me perturbe un peu qu'elle soit si pétillante malgré ce qui lui arrive. Avec elle, c'est tout ou rien et avant, c'était souvent le rien. Je ne sais pas si ça change quelque chose à la personnalité de côtoyer la mort de si près, mais ça semble avoir un petit effet sur elle. Un effet qui la rend plus intrigante.

- C'est drôle, elle explique en voyant ma grimace d'incompréhension, parce que c'est exactement ce qu'ils répondent dans le livre.

J'hoche la tête et la laisse finir de s'étouffer avec sa bave avant de dire :

- Et toi ? Comment va ton cœur ?

- Il a peur mais il est en vie. Il bat encore, pour te reprendre.

- Pourquoi il a peur ?

Plus vite je changerai de sujet, plus vite on arrêtera de parler de moi. J'ai les idées trop embrouillées. Je préfère largement prendre de ses nouvelles plutôt que d'essayer de comprendre le labyrinthe de merde qui s'est crée dans ma tête.

Je sais qu'elle a peur, que ma question est idiote et que même le plus idiot des idiots saurait pourquoi. Mais je veux l'entendre parler. En fait, depuis tout à l'heure je n'ai même pas pensé à mes parents et la confrontation qui aura forcément lieu tout à l'heure. Si Rom' me couvre pour le moment, je ne pourrai pas les éviter indéfiniment. Et même si c'était le cas, ma mère sait où j'habite.

- Eh bien, bonne question.

Elle se met à tripoter nerveusement son fauteuil. Son nez se fronce un peu comme quand elle est contrariée ou qu'elle réfléchit trop. Elle a toujours fait ça, je me souviens qu'on pouvait lire en elle comme dans un livre ouvert avant que la danse ne prenne une trop grande place dans son cœur.

- En fait, j'ai eu peur quand on m'a annoncé mon cancer mais même maintenant, je ne peux pas m'empêcher d'avoir un peu peur alors qu'il est derrière moi. Je peux récidiver, même si mes poumons se traitent merveilleusement bien avec la radiothérapie. Entre nous, c'est un miracle. Ça fait du bien de rentrer chez soi et de ne pas avoir ses parents qui pleurent en te voyant. C'est dur la rééducation mais le fait de faire autre chose que de se faire injecter des produits dans le corps, ça me donne l'impression d'avancer. J'ai peur d'avoir une prothèse, d'avoir tout ça derrière moi et de devoir reprendre une vie normale. C'est bête, hein, mais c'est vrai. Je ne sais pas où je vais.

Je comprends ce qu'elle veut dire. Moi non plus, je ne sais pas où je vais. Elle est encore à fond dans les hôpitaux et dans sa maladie mais quand tout s'arrêtera et qu'elle aura été assez forte pour tout surmonter, qu'est-ce qui lui restera ? Même si je ne suis pas malade ou que je n'ai rien d'aussi grave dans ma vie, j'ai l'impression d'être arrivé à un stade où j'ai besoin de changer, de reprendre un schéma plus classique de vie.

- Et puis, en ce moment c'est plus dur parce que... Enfin tu vois bien. Peut-être que vous me trouvez belle, mais moi je vois ce que j'ai perdu. En quelques mois mon physique a tellement changé... J'ai une jambe en moins, plus de poils et mes cheveux me manquent. Pas le reste parce que c'est un peu chiant de s'épiler tous les quatre matins.

Un petit rire m'échappe en même temps que le sien.

- Je ne danse plus. Je crois que j'ai réussi à faire un peu mon deuil de ça, mais qu'est-ce que ça sera quand je marcherai à nouveau ? Et puis y a mon physique ! Vous ne le voyez pas mais j'ai pris du poids...

Elle rigole ou quoi ? J'ai l'impression qu'elle est encore plus mince qu'avant ! Je pourrais faire le tour de sa taille avec une seule main.

- Enfin c'est comme ça. Je crois que j'ai réussi à prendre du recul tout en étant dedans. Je ne dis pas que c'est facile tous les jours, mais aujourd'hui ça va. Personne ne m'a dévisagé, c'est agréable. M'éloigner de tout le monde après l'hôpital, c'était peut-être égoïste comme tu aimes me le dire, mais j'ai réussi à aller un peu mieux. Il faut relativiser, Layla me l'a encré dans le crâne.

J'hoche la tête et envisage d'allumer une deuxième clope quand la tête de ma mère apparaît dans l'encadrement du Milady. Merde. Violet se met à me regarder bizarrement jusqu'à ce qu'elle remarque Courtney qui nous sourit. Je suis un peu dégouté parce que j'aimais bien parler avec Violet de tout et de rien, sous les étoiles. C'est cliché mais parfois, une bonne conversation entre amis peut changer beaucoup de choses. Et je crois que Violet a réussi à m'ouvrir un peu les yeux.

Certes, c'est encore flou dans ma tête et je ne sais pas trop quoi ressentir en ce moment, mais elle a raison. Il faut relativiser. Je crois que je n'ai jamais fait ça de ma vie. À commencer par la situation de ma famille. J'aurais pu avoir un beau père immonde ou carrément ne pas naître. J'aurais pu connaitre mon vrai père et qui sait, peut-être que c'est un con. J'aurais pu ne jamais avoir la vie que j'ai maintenant, ne jamais connaitre mon entourage. Maman serait peut-être restée à New-York, peut-être qu'elle serait resté dans le club de là-bas, à faire des trucs plutôt dégueulasses. Peut-être...

Ma mère n'a pas tellement changé depuis la dernière fois que je l'ai vu avant leur départ en vitesse. Ses cheveux lisses sont toujours bruns — je la soupçonne de faire des colorations —, elle a une taille de guêpe et elle n'a pas changé d'origine. Je sais que ses yeux bridés la complexent de temps en temps alors on ne sait jamais...

John émerge derrière elle, vêtu d'une chemise blanche et d'un jean bleu. Ses cheveux blonds sont coupés très court et ses yeux sont toujours aussi transparents. Tu m'étonnes qu'il ait déjà dû aller se faire exorciser, avec de tels yeux on peut se poser des questions.

Ça aurait dû me mettre plus la puce à l'oreille que je ne lui ressemble pas du tout...

- Ça va mon chéri ? Me demande maman en posant un baiser sur ma tempe.

Merde, j'espère qu'elle ne m'a pas laissé une trace de rouge à lèvre. Par réflexe, je m'essuie ce qui fait rire Violet. J'aime bien quand elle rit.

- Ça va, on discutait.

- Je suis désolée pour ce qu'il t'est arrivé, Violet. La vie est vache parfois, continue maman en posant une main sur l'épaule de la danseuse.

- Merci Courtney. C'est comme ça, je n'y peux rien.

Ma mère lui sourit puis John se met à nos côtés en prenant quelques nouvelles de Violet, surtout au niveau de la santé. Elle leur explique tout ce qu'il y a à savoir dans le plus grand calme, précise et concise. Je vois bien que ça l'embête un peu de raconter tout ça mais ça se voit aussi qu'elle a bossé son discours pour le balancer à n'importe qui de trop curieux.

- Tu es forte, vraiment forte, approuve John en hochant la tête. Je suis déjà en train de pleurer quand j'ai une écharde dans le doigt alors je n'imagine même pas ce que tu vis...

Violet lui sourit. Il a raison, on ne peut même pas imaginer ce qu'elle vit.

- Sinon, désolé Violet de te couper comme ça, dit maman avec nervosité, mais Harper a demandé qu'on vienne te parler. Elle nous a dit que tu as un truc important à nous annoncer.

La garce, elle a osé. Comme si ce n'était pas déjà assez difficile de croiser leur regard en sachant toute la vérité. Je m'en suis douté toute ma vie mais voir la confirmation de mes propres yeux en tombant sur un dossier que garde Greyson dans son bureau, c'était blessant. Je n'ai même pas fait exprès de voir ça en plus. Violet se tourne vers moi en fronçant les sourcils, mais elle ne pourra jamais deviner de quoi il s'agit. La pauvre, elle va assister à cette scène de merde... Après tout, ça va la divertir un peu. Si elle est aussi courageuse, je peux en faire de même. Comme elle dit, je ne veux pas mourir avec des regrets et des non-dits.

Je prends mon courage à deux mains, inspire profondément avant de parler. De toute façon, je devrai crever l'abcès un jour ou l'autre, autant le faire de suite. Je suis un adulte, non ? C'est comme ça qu'on règle un problème entre adultes. En discutant, en parlant...

- Je sais, j'arrive à dire simplement dans un souffle.

Il fait chaud d'un coup où c'est moi ? Ma mère me regarde longuement, dans l'incompréhension totale.

- Je sais, je répète en regardant John cette fois.

Là, il a compris. Son visage devient livide et il ouvre la bouche mais rien ne sort. Maman le regarde avant de comprendre et de devenir comme lui. Greyson et Harper ont forcément parlés de ça avec eux récemment pour qu'ils réagissent comme ça.

- Nate...

- Non, je voulais juste que vous sachiez c'est tout.

- Nate... continue John, l'air dépité. On ne voulait pas que tu saches ça comme ça.

Je me tais, incapable de répondre. Mes mains tremblent mais je sers les poings pour ne pas qu'on remarque. Je suis un adulte. Je suis fort. Ce n'est rien de grave après tout. Je vais réussir à m'en convaincre.

Violet doit remarquer que je tremble car elle bouge discrètement pour attraper ma main de la sienne. Avec son siège, mes parents ne peuvent pas voir qu'elle enlace nos doigts ensembles pour me donner de la force.

- Comment tu as su ? Demande maman avec une certaine gêne.

- Je le sais depuis toujours, je crois. Et un dossier de Grey m'a aidé.

- Il te l'a montré ?

- Non, je l'ai trouvé.

- D'accord.

Plus personne ne parle. Mes parents me toisent longuement, ma mère les larmes aux yeux, tandis que Violet nous regarde tous un à un, serrant un peu plus ma main au fil des secondes.

- Je suis désolée Nate, reprend John. Mais tu as toujours été mon fils dans tous les cas. Tu connais la profession de ta mère, et tu sais que les accidents arrivent. Je n'ai jamais voulu te cacher la vérité, juste ça s'est fait naturellement.

J'hoche la tête. Je le sais, tout ça. Mais ce que je ne sais pas, c'est ce que je dois ressentir. J'ai déjà été choqué, énervé puis triste. J'ai eu des mois voire des années pour me faire à l'idée que John n'était pas mon vrai père et maintenant que la vérité tombe, je ne sais pas quoi ressentir. En fait, je pensais que quand nous aurions cette conversation, je serai furieux et triste, mais pas du tout.

- Sache qu'on t'aime Nate. Tu as le droit de nous en vouloir mais nous ne voulions pas te mentir. En fait, pour être transparente avec toi, je comptais t'en parler rapidement. Je me suis toujours doutée que tu le savais, mais j'avais un peu honte...

Maman se tait pour ravaler un sanglot, John la prend par la taille en soutien.

- J'avais honte, tellement honte... Quand j'ai su que j'étais enceinte, c'était trop tard. Tu allais arriver, je ne connaissais pas le père et même si c'était le cas, je ne voulais pas de ces hommes dans ma vie personnelle. C'était un choix de faire ce travail, et même s'il y a des conséquences plus ou moins graves, tu es la plus belle chose qui me soit arrivée. Quand tu es né, j'étais déjà en couple avec John, il n'a pas cherché à te rejeter ou quoi, c'est à peine si on en a parlé ! Tu te rends compte, il t'a directement considéré comme son fils et toi... comme ton père. On savait que tu devinerais, tu as toujours été intelligent. Mais plus le temps passait plus j'avais honte, Nate...

Je lâche Violet pour aller vers ma mère et la prendre dans mes bras. Elle me prend par la taille pour pleurer doucement dans mon torse. Je me doute que la situation est aussi compliquée pour eux que pour moi. Personne ne pensait à mal.

- Je suis désolée Nate, mais ça ne change strictement rien à notre vie.

- Je sais, maman. John est quand même mon père, peu importe ce qu'il se passe. J'aurais juste voulu l'apprendre de vous.

- Je sais Nate, je sais...

Je la serre contre moi jusqu'à ce que les tremblements de son corps se calment. Lentement, elle s'éloigne puis me sourit avant de retourner dans le club et sûrement aux toilettes. John pose une main sur mon épaule avant de me faire une accolade qui veut dire bien plus que des mots, puis il rejoint ma mère en courant.

On est vraiment une famille bizarre.

- Ça va ?

La voix de Violet me sort un peu de mon mutisme, perdu.

- Oui, je crois. C'était...

- Bizarre ? Touchant ? Délirant ? Prévisible ?

Elle arrive à m'arracher un sourire.

- Oui, je confirme. Je crois qu'on peut dire que c'était tout ça en même temps.

- Je suis désolée pour toi, je sais que ça va prendre du temps mais tu as bien fait de crever l'abcès, surtout si tu connaissais la vérité. Tu verras, tu vas te sentir plus léger.

J'hoche la tête et soupire pour me remettre les idées en place. Je suis fier d'avoir parlé avec eux mais en même temps, quelque chose me dit qu'on n'en a pas fini. Il y a eu des larmes mais pas de cris — ce n'est pas mon genre de toute façon —, mais je m'étonne moi-même en fait. Je pensais que ça ne se passerait pas bien, je ne sais même pas pourquoi. Maman culpabilise tellement que je n'arrive pas à lui en vouloir.

- On rentre ? Demande Violet en avançant vers le club. Tu me fais peur à fixer le sol comme ça.

- Je vais fumer une clope, mais rentre si tu veux, il fait froid ce soir et avec ton petit haut, tu vas choper la mort.

- Je l'ai déjà chopé la mort, mais merci de t'inquiéter pour moi.

- Tu as besoin d'aide ?

Elle secoue la tête puis se détourne pour arriver devant la marche. Elle prend une grande inspiration puis descend de son siège en s'appuyant sur les accoudoirs des deux mains. Elle reste ainsi quelques instants jusqu'à trouver l'équilibre sur sa jambe, puis en s'aidant du mur, elle fait passer la marche à son siège. On dirait qu'elle a fait ça toute sa vie.

Plus qu'à se rassoir dedans, puis elle me fait un dernier salut de la main avant de disparaître. J'entends son amie Layla lui crier quelque chose puis plus rien, juste la petite musique qui s'échappe de la porte.

Je prends mon paquet puis constate qu'il est vide. Merde jusqu'au bout on dirait.

Tant pis, je reste quand même sur le muret, posant mes fesses pour faire balancer mes pieds dans le vide puis profite du calme de la nuit. Les étoiles sont belles, et je devine quelques constellations apprises par Harper. Pendant un bon quart d'heure, j'observe le ciel en m'empêchant de penser au reste, faisant le vide dans mon esprit.

Il n'y a qu'une seule chose qui me fait rager car elle ne fait que revenir en boucle dans ma tête.

La chaleur de la main de Violet dans la mienne.

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