Chapitre 12

Grey's Anatomy version wish

Eden

Le silence. Il me sort par les trous de nez. Entre Miranda qui ne fait que pleurer sans un bruit, Michael qui se ronge les ongles et Violet totalement immobile sur sa chaise, j'ai envie de hurler.

Les hôpitaux me rendent anxieuse. Mais depuis que Violet a eu vent de sa maladie, je n'ai jamais pris le temps de m'arrêter dans les couloirs, de sentir l'angoisse près des urgences ou la tension avant une opération. Non. Mon cerveau s'est toujours concentré sur ma nièce et ses angoisses en mettant les miennes en arrière. Mais maintenant que ses parents sont au courant et qu'elle peut être épaulée par eux, je ne peux pas me concentrer sur autre chose que le silence et le blanc des murs. Sur le bureau impersonnel en face de moi. Sur l'angoisse qui règne dans la pièce. Sur le bruit des brancards qui passent près de notre porte. Sur cette odeur si particulière.

Je me revois sur ce lit d'hôpital, des plaies sur les bras et un bandage sur la tête. Je revois Harper endormie après sa pseudo tentative de suicide. Je revois le drap blanc sur le corps d'Anita. Sans parler de mon idiote de mère dont je ne sais plus rien.

Mais je revois aussi la naissance de Gareth et Lola, les enfants d'Harper. La seule chose positive dont je me souvienne.

Oui, je déteste les hôpitaux.

Le vieil oncologue entre dans la pièce, me faisant penser à l'agent immobilier qui m'a accueilli lors de mon premier jour dans cette ville. Le temps fait renaître les souvenirs, on dirait bien. Il nous salue un à un, un gros dossier dans les mains. Pour l'avoir vu une vingtaine de fois, je devine facilement qu'il s'agit du dossier médical de Violet. Ou du moins, tout ce qui n'est pas numérisé.

Entre son mari et sa fille, je vois Miranda attraper la main de chacun des deux pour se rassurer. Son état second donne une drôle d'ambiance à la pièce, nous rendant tous mal à l'aise pour rien. Violet à ma droite se raidit au contact de sa mère, comme si elle avait une limace géante qui l'étreignait. Elle reste droite, une mine un peu dégoûtée sur le visage, mais je pense qu'il ne s'agit que de peur. Parler à ses parents a été une épreuve assez compliquée. La preuve, elle l'a dit sans détour, créant un choc général dans la famille. Michael a failli s'étouffer, Miranda a fait une crise de panique et Violet était en totale déréalisation ; elle semblait hors de son corps, juste spectatrice de ce qu'il se passait sous ses yeux.

Dieu merci, Zack était le seul assez lucide pour l'aider. Un chouette type.

-    Veuillez m'excuser pour avoir pris tant de temps, commence docteur Smith en triant la paperasse. Nous venons de faire des examens à votre fille pour essayer de vous rassurer, madame Davis, mais rien n'a changé depuis la dernière fois.

Miranda déglutit bruyamment, retenant déjà les larmes qui perlent au coin de ses yeux. Prévenant, Michael la prend par les épaules pour qu'elle se rapproche de lui. Il lui pose un baiser sur le front mais la femme a les yeux rivés sur le médecin. C'est fou comment en vingt ans que je la connais elle n'a pas changé. En tout cas, ils se sont bien trouvés avec Michael, digne d'une romance dans Bridgerton alors que moi, je suis restée coincée à l'ère Bridget Jones.

-    Je vais récapituler pour que ça soit plus simple à comprendre. Votre fille a un sarcome d'Ewing, il s'agit d'un cancer assez agressif dans l'os, pour le cas de Violet. Il semble que pour l'instant, ça soit sa jambe blessée qui en souffre le plus. Après tous les examens que nous avons pu faire, nous vous proposons de commencer la chimiothérapie en vue d'une opération. Je compte te revoir avant, Violet, mais tu commenceras la chimio le 17. Cela permettra de rétrécir la tumeur au mieux, au pire ça ne fera rien et nous opérerons plus tôt.

Cette fois, Miranda ne retient plus ses sanglots. Elle se blottit contre son mari qui semble ressentir toute la peine de sa femme sans rien dire pour autant. Il caresse ses cheveux bruns en silence, invitant le médecin à poursuivre.

-    Nous... nous en avons déjà parlé avec Violet, mais il semble qu'il soit métastatique.

Miranda se redresse d'un coup, un air horrifié sur le visage comme si elle avait vu un détraqueur en vrai.

Gêné, le médecin se gratte la nuque avant de reprendre. Le pauvre, je n'aimerais pas être le genre de personne qui doit tout le temps annoncer une mauvaise nouvelle.

-    Elle en a dans les poumons. Ce... ce n'est pas opérable. Je ne te l'avais pas dit jusqu'ici, Violet, mais nous ne pouvons rien faire pour tes poumons. La seule chose à espérer, c'est que la chimiothérapie fasse le travail correctement. Ce que nous allons faire, c'est traitement toutes les deux semaines environ pendant huit mois avant d'opérer, sauf cas d'urgence. Suite à l'opération, nous verrons s'il y a besoin de radiothérapie et...

-    Attendez, coupe Miranda. Vous êtes en train de me dire qu'il faut huit mois avant que ma fille ne soit opérée ? Elle a un cancer ! Il faut l'opérer pour enlever cette merde !

-    Ça ne se passe pas comme ça, madame...

-    MAIS C'EST MON BÉBÉ !

Elle se lève pour appuyer ses propos mais Michael la rattrape rapidement pour qu'elle se rassoit. Sa douleur se ressent à travers la pièce, et je peux la comprendre même si je ne l'ai jamais vu aussi hystérique. Elle qui est d'un tempérament calme... Moi aussi, j'ai réagi comme ça quand on m'a dit qu'il n'y avait plus d'espoir pour Gareth. Je voulais avoir une solution, quelque chose de rapide. Malheureusement, je pense que les médecins sont mieux placés que nous pour savoir ce qui est bon ou non.

Je risque un regard à Violet qui a relevé ses cheveux blonds en une queue de cheval, dégageant ses oreilles. Son visage fin semble crispé tant elle est concentrée sur le médecin. Le menton haut, on dirait qu'elle ne veut pas faire tomber une couronne invisible sur sa tête. Fière. C'est tout ce qui la définit.

-    Madame, je comprends votre trouble, reprend le médecin avec empathie bien qu'il semble agacé qu'on hausse la voix sur lui. Seulement voilà, la chimiothérapie est ce qui semble la meilleure solution pour l'instant. Pour que votre fille garde sa jambe.

Cette fois, c'est Violet qui réagit. Elle qui semblait perdue dans un rêve bouge enfin, une lueur d'horreur passant dans ses yeux. Elle, elle n'a pas vu de détraqueur mais bien un sépulcreux.

-    Faites-nous confiance, si elle fait attention, que tout se passe bien, la chimiothérapie fonctionnera. Et dans ce cas là, nous enlèverons la tumeur par chirurgie.

-    Vous avez parlé de m'enlever une jambe, articule Violet le visage dur.

-    Eh bien, selon la tumeur qui est dans ta jambe, nous ne pourrons pas préserver les tissus touchés. C'est dans cet optique que la chimio est la meilleure option...

Violet se replace dans son siège, s'enfonçant un peu plus comme si la réalité pouvait lui échapper.

-    Merci pour ces précisions en tout cas, approuve Michael qui semble sincèrement reconnaissant. Ma femme est troublée tout comme moi, nous aurions préféré être tenu au courant plus tôt de la situation mais bon. Elles sont des adultes responsables, je comprends le choix de se taire.

Il vient de m'inclure dans sa mini engueulade discrète ou je rêve ? Je n'ai plus l'âge de me faire sermonner pour un rien. J'ai respecté le choix de Violet en l'accompagnant à ses rendez-vous, maintenant c'est avec elle qu'ils doivent régler leurs comptes.

S'en suit une dizaine de minutes question-réponses entre les parents et le médecin face au mutisme de la danseuse et à ma mauvaise foi impossible à cacher. Une moue boudeuse, les bras croisés sur sa poitrine tout comme moi, je connais assez ma nièce pour savoir qu'elle n'écoute absolument rien de ce qui est dit, bien que se soit pour son bien.

Dans la foulée, nous remercions le médecin et quittons l'hôpital quand tout a été dit, parce que ça ne sert plus à rien de creuser. Violet attrape discrètement ma main quand nous sommes dans le hall d'entrée, serrant ses doigts contre les miens. Pendant un instant, les souvenirs ressurgissent, me rappelant sa petite main d'enfant qui cherchait la mienne quand nous nous baladions un peu trop loin dans la forêt, assez pour qu'elle ait peur des monstres qui s'y trouvent. Je lui souris doucement quand elle redresse sa tête pour me jeter un coup d'œil, mais elle ne me le rend pas.

En même temps, qui aurait envie de sourire alors qu'on vient de lui annoncer la possibilité de perdre sa jambe ? Un comble pour une danseuse. Surtout quand ses parents semblent la voir déjà enterrée entre quatre planches alors que ce n'est que le début du processus.

Dans un silence aussi assourdissant que celui de l'hôpital, nous rejoignons nos voitures respectives, et je ne feins pas d'être surprise quand elle rejoint la mienne plutôt que celle de ses parents, la tête haute, fière.

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