Chapitre 15
Depuis notre retour de chez Bennett, je suis dans une profonde incertitude. Ce que j'ai entendu de la bouche de Jackson m'a totalement retourné.
"J'ai mes raisons"
"J'ai mes raisons"
"J'ai mes raisons"
Cette phrase tourne en rond dans mon esprit sans que je puisse parvenir à l'analyser.
Mais qu'est ce qu'il a donc voulu dire ?
Je me mets à douter de tout. De tout le monde. De Jackson ! Mon acolyte, celui qui n'a pas hésité à m'aider quand j'en avais besoin. Il ne m'aurait jamais trahi, j'en suis certaine.
Tout de même dans le doute, je l'avais évité pendant tout le week-end, ignorant ses appels et ses prises de risques nocturnes.
Il ne comprenait pas mon changement d'attitude soudain. Le soir je m'endormais dans ses bras et le matin, je refusais tout contact. C'est vrai que cela pouvait paraître louche.
Les mots de Jackson n'ont pas été ma seule tourmente.
La communauté de Bennett était ma première source de stress.
Nous n'avons pas vraiment d'échappatoire, cette fois. Nous allons être obligés d'intégrer cette communauté et d'accepter tous les désagréments qui vont avec.
Jackson n'a toujours pas voulu me raconter son passé. Il doit vraiment être lourd à porter pour lui, mais en attendant je ne comprends plus rien.
Je ne sais pas du tout ce que veut dire "faire partie de la communauté de Bennett" et je vais être obligée d'entrer dans cette cage aux lions à l'aveugle.
Lassée de réfléchir, je prépare mes affaires.
Une sortie dans la cascade paradisiaque me fera le plus grand bien.
****
L'eau fraîche coulant sur ma peau a un effet réparateur. Elle me permet d'oublier mes problèmes durant quelques instants. Je me demande comment j'ai fait pour ne pas venir ici pendant aussi longtemps.
Je ne pense plus à rien, ma tête est totalement vidée. Je ne fais attention qu'au frémissement des feuilles et aux rayons du soleil réchauffant ma peau.
C'est tellement plus plaisant que les moteurs des gusters.
- Amande ! J'étais certain de te trouver ici !
La voix de Jackson me sort de mes pensées. On ne peut jamais avoir un moment de tranquillité...
Voyant que je l'ignore, Jackson semble se renfrogner.
- Bon, maintenant j'aimerais savoir ce qui se passe. J'en ai marre qu'on me prenne pour un retardé ! Qu'est ce que je t'ai fait ? Je ne comprends vraiment pas pour le coup !
- Cela n'a rien à voir avec toi, mentis-je, j'avais juste besoin de réfléchir. Maintenant si cela ne te dérange pas, j'aimerais rester seule.
Ma période d'incertitude n'avait aucune importance. Cela ne ferait qu'engendrer une dispute si je disais à Jackson que j'avais douté de lui.
Et je n'ai vraiment pas envie de ça.
- Je ne compte pas te laisser toute seule aujourd'hui ! Rhabille-toi ! Nous passons la journée ensemble ! Regarder des films en buvant des chocolats chauds est le meilleur programme possible !
Je ne trouvais rien à y redire. C'était définitivement la meilleure solution pour oublier les problèmes. Ou du moins pour faire comme s'ils n'existaient pas. Cependant l'option était très tentante.
Sans ajouter un mot, je ramasse mes habits sur le bord de l'eau et me dirige vers la voiture de Jackson.
Satisfait, il sourit.
- Amande, j'ai remarqué quelque chose.
Intriguée je me retourne et l'attends. Essoufflé, il parvient à ma hauteur.
- Tu n'es plus la même personne que celle que j'ai rencontrée il y a quelques temps. Tu vas peut-être me prendre pour un fou, je sais que cela fait tout juste un mois, mais tu es différente.
Il s'arrête quelques instants.
Voyant que j'attends la suite et que je ne moque pas de lui, il ne se fait pas prier pour continuer
- Je ne sais pas vraiment comment t'expliquer mais cette petite chose fragile que tu devrais être selon Bennett, tu l'étais quand je t'ai rencontré. Isolée, tu n'osais pas affronter la vie. Selon moi tu n'es plus comme ça. On pourrait peut être croire que c'est un philosophe qui parle ou tout simplement un ringard mais on dirait que tu as plus ou moins repris goût à la vie. La vraie Amande refait son apparition !
Je sonde ses propos et me rends compte qu'il a raison. Mes parents ne reviendront jamais. Mon frère non plus. Macoll ne s'en ira sans doute pas du pouvoir avant sa mort. Ses enfants, s'il en a, prendront les rênes et l'enfer continuera pendant des décennies et des décennies. La vie n'est pas prête de s'améliorer mais j'ai compris que m'apitoyer sur mon sort n'avait servi à rien et ne servirait jamais à rien.
En ce moment, je me sens plus proche de Jackson que je ne l'ai jamais été.
- Jackson, tu ne peux pas savoir à quel poi...
Il prend la parole sans me laisser terminer ma phrase.
- Mais que suis-je bête ! C'était évident ! Tu as retrouvé de l'entrain quand je suis entré dans ta vie ! Je sais très bien que je suis indispensable ! Jamais tu ne pourrais te passer de moi dorénavant ! Je suis ton sauveur !
En tout cas, tu me flattes !
Et il s'en va, comme ça, sans me laisser le temps de répliquer quoi que ce soit, en criant à travers les bois qu'il est la personne la plus géniale de l'univers.
Lui par contre, il ne changera jamais.
*****
- Allez s'il te plait ! Il n'y a que ça d'intéressant, les vieux films ! Ceux d'aujourd'hui sont truqués, truqués et encore truqués, ils cherchent juste à nous faire ancrer dans nos têtes leur fichue manière de penser !
Après deux chefs-d'oeuvres des siècles derniers, Jackson cherche à me convaincre d'en regarder un troisième. C'est vrai que ceux d'aujourd'hui ne sont pas dignes d'intérêts et ne font en aucun cas rêver. Mais tel est le problème ! À quoi bon rêver d'une société enviable qui ne reviendra plus jamais !
Durant une bonne dizaine de minutes, nous débattons sur le sujet sans parvenir à trouver un accord.
Nous restons par conséquent assis sur le canapé sans occupation, faute de compromis.
Alors que Jackson éclate de rire, prenant conscience de la situation, mon regard dévie sur la date indiquée par la télé.
Je me rends compte du jour que nous sommes.
Nous sommes le 18 novembre.
Cela fait exactement 3 ans que mes parents sont morts, par ma faute.
3 ans que j'ai vu leurs têtes tranchées à la télé.
3 ans que mon frère n'est plus là.
3 ans que je l'ai vu se faire battre à sang par des bourreaux.
3 ans que je l'ai vu recevoir un coup extrêmement violent sur son corps d'enfant, le rendant inerte à jamais.
3 ans que j'ai vu ses yeux se fermer définitivement.
Mes prunelles croisent alors celles de Jackson.
Sans que je ne prononce un mot, il blêmit.
Je comprends alors.
J'avais tout à fait raison.
Le chocolat chaud est le meilleur remède pour esquiver les problèmes.
Il avait tout prévu pour que je ne moisisse pas dans mon coin toute la journée, envahie de souvenirs.
Sans comprendre ce que je fais, je me jette dans ses bras laissant mes larmes couler.
Je suis tellement émotive ces derniers temps, c'en est déconcertant.
Ce que Jackson fait pour moi me touche beaucoup.
Il me serre de plus en plus fort et me murmure à l'oreille des choses toutes plus touchantes les unes que les autres.
Il me certifie une fois de plus qu'il ne me laissera jamais.
Ne t'inquiète pas Jackson, je ne vais jamais te laisser non plus.
" Messieurs et Mesdames,
Je viens vous transmettre une information d'une importance capitale..."
Notre moment d'émotions est rompu par une voix sortant de la télé, pourtant éteinte.
Mon sang se glace à la vue de la personne présente sur l'écran.
Macoll.
Ses messages obligatoires sont uniquement transmis pour l'annonce de mauvaises nouvelles ou pour montrer les exécutions publiques.
Mes jambes se mettent à trembler.
Tout comme les larmes, c'est très fréquent ces derniers temps.
" Ce jeudi aura lieu une prise de sang obligatoire dans l'enceinte du palais, pour tous les jeunes de moins de 18 ans. Chaque personne non présente sera tuée publiquement"
Son affreux visage disparaît de la télé.
Son discours bref et droit au but a eu l'effet de jeter un froid polaire dans la pièce.
Jackson se tourne vers moi.
- Je ne le sens pas Amande, je ne le sens pas du tout.
***
Toute la nuit, mon cerveau était en ébullition cherchant à trouver ce que Macoll pouvait bien préparer.
Il mijote un mauvais coup, c'est évident.
Mais quoi ?
Aucune réponse concrète ne m'était parvenue et je ne cessais de réfléchir encore et encore.
Une autre question se posait alors.
Est ce que nous devrions y aller ? Ou alors prendre le risque de se faire tuer ?
Jeudi, il y aurait des milliers d'enfants à la disposition de Macoll, il pourra faire tout ce qu'il souhaite sans aucun problème.
Également, il pourrait nous arrêter où nous tuer, personne ne le stopperait.
Mon téléphone m'annonce alors un message provenant d'Olivia.
De: Olivia
Amande, je suppose que tu as vu le message de ce tyran.
N'y va pas, je t'en supplie ! Je ne supporterais pas de te perdre, tu es devenue tellement importante pour moi.
Macoll n'a rien fait durant des années pour te retrouver, tu ne trouves pas ça louche ?
Il ne t'a pas oublié c'est évident. Il a quelque chose derrière la tête Amande..
Réfléchis, réfléchis vraiment, tu ne dois pas prendre ça à la légère !
Je suis tout à fait d'accord avec elle, c'est plus que louche.
Mon cerveau est en surchauffe, je ne peux plus rien lui demander pour l'instant.
Je décide de retourner à la cascade. Elle pourra peut-être m'aider à rendre mes idées plus claires.
***
Comme les fois précédentes, l'eau à un effet plus qu'apaisant sur ma peau.
Aujourd'hui, contrairement à la dernière fois, personne ne vient me perturber. Le silence ne me quitte pas, il est plus que bienfaiteur.
Je me plonge sous le jet cinglant de la cascade. Cela me donne l'impression de recevoir une gifle et je me dépêche de sortir.
Soudain, j'entends un bruit brisant la paix du lieu.
Je me fige. Qu'est ce que cela peut bien être ?
Un deuxième bruit provenant de la cascade confirme mes doutes et me perturbe un peu plus.
Prenant mon courage à deux mains, je me redirige vers le violent jet.
Je remarque alors quelque chose que je n'avais jamais vu.
Un trou d'environ un mètre de diamètre est présent dans la roche.
Sans réfléchir, je me hisse à l'intérieur du trou.
Ce que j'aperçois me laisse bouchée bée.
Une personne est assise au milieu de cette étrange grotte et me regarde avec des yeux exorbités.
Elle disparaît dans les profondeurs de ce tunnel avant que je ne puisse lui adresser la parole.
Cependant, j'ai eu le temps de l'apercevoir.
Je reste figée sur place, sans réaction.
Ces personnes n'existent plus depuis longtemps.
Cela fait une éternité que les noirs ont disparu de la population.
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