Épisode 1 - L'Homme de la situation
Toujours à Tønsberg — 2014
Lars tira sur sa cigarette puis l'éloigna de ses lèvres en s'agitant avec agacement.
Mais quel horrible fauteuil, franchement ! En plus d'être moche, il était inconfortable au possible. La maire de ce trou perdu aurait pu faire l'effort de lui trouver un siège digne d'un magicien de sa trempe. Face à lui, cette dernière le regardait en silence, le visage fermé, et Lars décida de la torturer encore un peu. Une petite vengeance mesquine pour ce supplice physique qu'elle lui faisait sciemment endurer depuis de longues minutes déjà.
Trouvant finalement un semblant de position confortable, Lars reporta son attention sur son interlocutrice. Peut-être dans les trente-cinq ans, elle avait un beau visage aux traits décidés, ses cheveux blonds étaient rassemblés en un chignon strict.
Une jeune femme vraiment ravissante. Dommage qu'elle ne le portait pas dans son cœur au vu de son attitude froide et peu avenante. Les mains croisées sur la table de bureau qui les séparait, elle continua de fixer Lars sans un mot. Seul le tic tac de l'hideuse montre murale accrochée dans son dos égayait un tant soit peu le silence pesant entre eux.
Silence que Lars n'était lui aussi pas décidé à rompre. À la place, il prit davantage ses aises : il croisa les jambes, posa un coude sur le bras de son fauteuil, puis tira une nouvelle bouffée de sa cigarette. Et pendant ce temps, la ravissante maire le dévisageait avec insistance. Il se contenta de lui adresser un petit sourire en coin en réponse.
— Alors ? finit-elle par demander d'un ton abrupt.
— Alors quoi ? répliqua Lars, les lèvres toujours étirées en un rictus aimable.
— Quel est votre prix, Lars Strøm ?
Tout en parlant, elle se pencha légèrement sur le côté pour saisir quelque chose sous son bureau. La minute d'après, elle posait une petite valise en cuir usée devant lui. Lars n'esquissa aucun geste pour l'ouvrir. La jeune femme le fusilla du regard et le fit à sa place. La mallette débordait d'or et de bijoux visiblement de grande valeur.
— Admirable, mais je suis ici pour l'Anneau et rien d'autre, déclara Lars d'une voix suave.
— Il s'agit d'une fortune, Strøm, siffla la ravissante maire en serrant les dents dans une amusante tentative de tempérer sa colère. Tout ce que je vous demande en échange c'est de retrouver et éliminer un malheureux démon. Que voulez-vous de plus ?
— Rien du tout. Juste l'Anneau. Les Dieux veulent récupérer leur babiole.
— Qu'ils viennent le chercher eux-mêmes, dans ce cas !
— Je suis bien d'accord avec vous, fit Lars en agitant une main ennuyée. Mais bon, étant donné que je n'ai pas le choix, me voici pour le récupérer à leur place. Donc je vous saurais gré de me donner l'Anneau sans faire d'histoires. Je suis pressé, voyez-vous ?
— Retrouvez-moi ce démon d'abord, rétorqua la maire avec entêtement.
Lars sentit l'agacement revenir. Il n'avait aucune envie d'être ici à poireauter dans ce bureau miteux. Il avait mieux à faire que d'essayer de convaincre cette femme de lui remettre une foutue breloque divine ! Perdant soudain patience, il se leva dans l'intention de partir.
Très bien, si elle ne voulait pas coopérer, il n'allait pas se gêner pour récupérer l'Anneau par la force. Tant pis s'il devait excaver la ville toute entière pour cela !
— Madame la maire, la salua-t-il, d'une voix de velours.
Il se détourna ensuite d'un geste élégant, puis se dirigea vers la porte, lorsque cette dernière s'ouvrit soudain à la volée. Un homme en soutane fit irruption dans la pièce. Il parcourut brièvement un regard de fanatique autour de lui, puis se planta devant Lars.
— Retourne dans les enfers d'où tu viens, abominable créature ! hurla-t-il en lui brandissant une croix en bois sous le nez. Il se tourna ensuite vers la ravissante maire, l'air furieux : comment osez-vous ramener ce suppôt de Satan dans notre ville, Liv ?! Après tout ce qui s'y passe ? Ne voyez-vous pas que cet homme et ses yeux violets sont démoniaques ?
Sérieusement ? Lars adressa un rictus glacial à son détracteur. Voilà pourquoi il avait une sainte horreur des religieux. Des petits pédants qui pensaient tout connaître, alors qu'ils n'étaient rien d'autre que de pauvres moutons ignares que les anges et les Dieux se faisaient une joie de manipuler et mener à l'abattoir. Tellement pathétique.
— Révérend Kristian, s'il vous plaît, arrêtez de crier ainsi, intervint la ravissante maire qui s'était levée de son bureau. Lars Strøm n'est pas un démon ! Il est là pour nous aider.
Bien essayé, très chère, songea l'intéressé en souriant. Mais il n'avait ni le temps ni l'envie de jouer les preux chevaliers pour ce soir. Cette histoire de démon ne le regardait absolument pas et son hôtesse n'était pas prête de le convaincre du contraire.
Lars lui adressa ainsi un léger signe de tête ironique, puis essaya de contourner le révérend pour rejoindre la porte, mais cet abruti lui barra le passage.
— Tu n'iras nulle part, créature des ténèbres ! siffla-t-il d'un ton haineux.
— Révérend, je vous en prie...
— Silence, femme stupide ! Je savais que vous n'aviez pas l'étoffe pour diriger cette ville. Je l'ai toujours su ! Vous n'avez jamais été une bonne chrétienne et vous venez d'en donner la preuve en pactisant avec cet envoyé du diable au regard immonde...
Les derniers mots du révérend se transformèrent en couinement surpris lorsque le ridicule bout de bois qu'il avait entre les mains prit soudain feu. Avec un glapissement des plus ridicules, il lâcha la croix qui tomba sur sa soutane et enflamma le tissu chatoyant.
Les flammes gagnèrent rapidement du terrain. La ravissante maire se précipita aussitôt pour l'aider à les éteindre sous le regard pleinement satisfait de Lars. Une lueur surnaturelle émanait de ses iris dont la couleur violette était déjà inhabituelle en soi.
Léger rictus aux lèvres, Lars se délecta un instant du spectacle. Il quitta ensuite la pièce d'un pas tranquille au moment où de l'eau se déversait du plafond pour arroser les deux autres et éteindre le feu. Il traversa le couloir avec un petit rire, croisant quelques personnes qui accouraient vers le bureau de la maire, alertées par les cris de ce bon vieux révérend.
Bien fait ! Cet imbécile heureux avait grand besoin d'une leçon.
Lars aspira une dernière bouffée de nicotine avant de faire disparaître son mégot d'un claquement de doigts. Le soleil était couché depuis longtemps, mais la mairie grouillait encore de monde lorsqu'il traversa le hall pour rejoindre la sortie.
L'ambiance était lourde et angoissée. Les gens avaient peur.
Ils le regardèrent passer d'un œil à la fois curieux et craintif, fasciné et plein d'espoir pour certains. Ils chuchotèrent dans son dos, mais Lars ne leur prêta aucune attention. Il avait l'habitude. Imperturbable, il poursuivit sa route pour quitter les lieux.
Dehors, de minces flocons de neige virevoltaient dans l'air. L'air marin lui chatouilla le nez, c'était vivifiant et agréable. Le vent fouettait doucement ses longues mèches corbeau. Mais cela ne le dérangeait pas du tout. Au contraire ! Lars aimait le froid, la neige, l'hiver... C'était tellement plus agréable que la chaleur dont il avait une sainte horreur.
Bon, le soleil, il devait bien s'en accommoder, parce que vivre dans la nuit éternelle, non merci. Du moment que l'astre ne tapait pas trop fort, Lars pouvait s'y faire.
Il poussa un petit soupir d'aise, puis s'éloigna ensuite d'un pas nonchalant, sachant d'avance qu'on allait le rattraper...
— Attendez, Strøm ! Ne partez pas !
L'interpellé continua sa route en souriant de satisfaction. Les gens étaient si prévisibles ! C'en était presque déprimant de voir à quel point il pouvait en faire ce qu'il voulait... Son interlocutrice le rattrapa bien vite et se planta devant lui. C'était la ravissante maire bien sûr.
— Vous ne pouvez pas vous en aller comme ça ! Ce démon a kidnappé neuf enfants ! Cela ne vous fait donc rien ?! Je vous en prie, vous êtes notre dernier espoir !
Complètement trempée, elle avait enfilé une veste à la hâte. Ses longs cheveux blonds dégoulinaient désormais sur ses épaules, lui donnant des allures guerrières. Son regard bleu affrontait le sien avec défi et supplication. Elle était vraiment belle.
Lars aimait bien l'idée qu'elle le voie comme l'Homme de la situation, le dernier recours... Alors qu'au fond, il ne valait pas mieux que cette vermine qui sévissait dans sa ville. Oui, il pourrait facilement trouver et débusquer ce démon, mais non. Il n'était là que pour récupérer une maudite babiole que les Dieux mineurs avaient oubliée dans le monde des hommes.
Le reste n'avait aucune importance.
— Écoutez, ce qui arrive à votre ville est terrible, mais je ne suis pas l'Homme qu'il vous faut. Je n'ai pas prévu de me battre contre un démon ce soir. Je veux juste l'Anneau... Donc je vous repose la question : allez-vous me le donner, oui ou non, très chère Liv ?
Tout en parlant, Lars se pencha vers son interlocutrice, rapprochant ostensiblement leurs visages. Il saisit une mèche trempée d'un geste délicat. Ses iris et le bout de ses doigts s'illuminèrent brièvement d'une faible lueur violette. La seconde suivante, un souffle chaud enveloppa la ravissante Liv pour la sécher complètement.
— Allez au diable ! cracha celle-ci en guise de remerciement. Je ne vous donnerais rien du tout !
Ses yeux bleus mitraillaient Lars avec colère. Ce dernier ne recula cependant pas. Au contraire, il garda leurs visages tout proches encore quelques secondes, juste pour le plaisir. Comme il s'y attendait, la fureur de la jeune femme ne tarda pas à se transformer en trouble face à son sourire charmeur. Lars se recula alors avec un petit rire.
C'était tellement amusant de voir à quel point les gens étaient sensibles à sa proximité. Personne, ou presque, ne pouvait lui résister. Don ou malédiction ? Il avait le déplaisir de partager cette particularité avec son père... ou plutôt sa mère. Enfin, peu importe.
Lars se détourna, sans se départir de son rictus. Plantant royalement Liv au milieu de la rue déserte, il poursuivit son chemin comme si de rien n'était.
— J'ai été ravi de vous rencontrer, très chère, lança-t-il par-dessus son épaule. Je vous souhaite sincèrement de retrouver tous ces pauvres enfants vivants. Pour ma part, je vous promets de faire le moins de dégâts possible en récupérant l'Anneau par moi-même...
La jeune femme n'essaya plus de le retenir. Tant mieux.
Lars sentit néanmoins son regard furieux lui brûler la nuque tandis qu'il s'éloignait dans la nuit. Il haussa les épaules et continua son chemin sans se retourner.
Il n'était que vingt et une heures et pourtant, les rues bordées de voiture étaient désertes. Comme à la mairie, une atmosphère lourde et sinistre flottait dans l'air, en contraste avec les décorations lumineuses qui ornaient les façades des magasins et habitations. Lars détestait les périodes de Noël, mais là, il devait admettre que l'ambiance était vraiment déprimante.
Le silence pesant fut soudain rompu par les babillages d'un jeune couple qui arrivait dans le sens inverse. La fille tirait le bras du garçon avec impatience, le pressant d'avancer plus vite.
— Dépêche-toi, Leo ! lança-t-elle dans un anglais approximatif. Maman déteste attendre. Et puis, il faut respecter le couvre-feu, les rues ne sont plus sûres à cette heure...
— T'inquiète, ma belle. T'es avec moi, tu risques rien ! se vanta son compagnon, un grand blond nonchalant qui avait visiblement une très haute estime de lui-même. Viens par là...
Un petit sourire taquin aux lèvres, il attira la jeune fille dans ses bras pour l'embrasser sur la bouche, puis dans le cou. Ses mains se firent ensuite baladeuses dans son dos, descendirent plus bas... Il n'en fallut pas plus pour que la gamine se mette à glousser, ravie de se faire peloter avec autant d'ardeur. Lars leva les yeux bien haut vers le ciel en passant près d'eux. Des effluves virils et boisés, plutôt agréables, lui chatouillèrent brièvement le nez. L'odeur se perdit cependant bien vite dans le vent, alors qu'il poursuivait sa route.
Tout en marchant, Lars fourragea dans la poche intérieure de son manteau pour en sortir son étui à cigarettes. Une belle pièce en argent, discrète et délicatement ouvragée. Parfaite pour accueillir ses petits péchés mignons. Il attrapa une longue et fine tige qu'il fit un instant rouler entre ses doigts avant de la ficher entre ses lèvres avec un léger rictus.
La nuit va être longue, songea-t-il en disparaissant dans l'ombre.
***
Lars poussa un long soupir affligé en se maudissant une fois de plus pour sa bêtise. Récupérer l'Anneau, voilà ce qu'il devrait faire. Mais non, à la place, il se retrouvait planté comme un imbécile devant une villa moderne. Il détailla cette dernière avec dédain : c'était une maison des plus banales avec sa toiture en tuiles, ses larges fenêtres vitrées et ses murs dont la peinture pimpante piquait horriblement les yeux. Il y avait même un ridicule balcon enguirlandé ! Un jardin idyllique, très bien entretenu, complétait parfaitement le tout.
Les lieux étaient d'une mièvrerie affligeante. Lars se fit la remarque que ce démon avait des goûts décidément lamentables en matière d'habitation. Il soupira ensuite à nouveau.
Oui, il en était effectivement là. Après avoir tergiversé pendant une heure, le voilà qui essayait vraiment de débusquer un démon alors que ce n'était pas ses affaires. Pourquoi exactement ? Il n'en savait rien, mais maintenant qu'il était là, autant s'en occuper rapidement. La ravissante Liv lui donnerait ensuite l'Anneau et il pourrait ENFIN retourner à sa vie tranquille, loin de toutes ces niaiseries humaines et noëllesques. Hourra.
Lars prit une profonde inspiration, mais le regretta aussitôt lorsque des effluves de soufre agressèrent ses narines. Dès son arrivée à Tønsberg, il avait ressenti l'aura du démon partout. Elle empestait l'air, envahissant chaque recoin et chaque personne qu'il avait croisée. Pour son plus grand malheur, Lars avait dû utiliser un sort pour s'imprégner de cette essence infecte et mieux la ressentir. Cela lui avait permis de traquer son propriétaire à défaut de pouvoir le localiser avec précision. Il en était sûr : ce maudit démon se trouvait dans la maison.
L'habitation était plongée dans un épais silence qui ne présageait rien de bon. Le démon aurait-il massacré sa pseudo famille sous le coup de l'excitation ? Sûrement une de ces saletés qui se laissaient gouverner par leur côté sauvage et primaire. Lars les avait en horreur, ces petites raclures étaient tout simplement dégoûtantes. Le genre avec lequel il ne coucherait jamais, même sous la torture.
Il poussa un nouveau soupir puis se décida enfin à passer le portail. Ses iris s'illuminèrent et Lars détecta la présence de cinq personnes au rez-de-chaussée.
Il avança à grands pas vers la porte d'entrée, l'ouvrit par magie d'un petit geste négligent de la main. Puis, sans plus de cérémonie, il déboula dans un vestibule plongé dans la pénombre. Lars entendit des sanglots et des chuchotements craintifs dans la pièce d'à côté et décida d'entrer sans tergiverser. Pas pour jouer les preux chevaliers et sauver ces gens, non. Il avait juste hâte d'en finir au plus vite et pouvoir enfin rentrer chez lui, retrouver Cédès pour une petite orgie... un beau programme en perspective !
Lars se figea cependant de surprise sur le pas de la porte face au curieux spectacle qui l'attendait. Serrés les uns contre les autres sur le canapé, se trouvaient Liv, un homme (sûrement son mari) ainsi que deux enfants : un petit garçon et la gamine qu'il avait croisée dans la rue. Le quatuor était tenu en joue par le petit ami de cette dernière.
Une cigarette à moitié entamée aux lèvres, celui-ci leur pointait négligemment deux pistolets dessus. Il affichait un air blasé, malgré les jérémiades de celle à qui il avait pourtant fait des mamours avec tant d'application une heure plus tôt. Mais que diable faisait-il ?
— Pourquoi, Leo ? pleurnichait la gamine. J-je croyais qu'il y avait un truc entre nous ! Je te présente ma mère et mon oncle ! Et toi t-tu...
— Désolé ma toute belle, répondit l'autre avec un petit sourire en coin. C'est pas contre toi, c'est juste que je dois flinguer tes Vieux... C'est le business, tu vois... Mais d'abord...
Sans crier gare et avec une rapidité étonnante, il tourna l'une de ses armes vers Lars et pressa sur la détente. Ce dernier leva une main d'un geste indolent. Un cercle de lumière, aux symboles complexes, apparut devant son visage, juste à temps pour intercepter la balle. Le projectile s'écrasa contre son bouclier qui explosa en une myriade d'étincelles violette.
Tiens, tiens... ce petit avait de bons réflexes. S'il n'était pas aussi jeune, Lars aurait tout de suite pensé à un tueur professionnel. Un apprenti chasseur peut-être ? Mais qui serait assez bête pour engager un gamin et l'envoyer liquider un démon ?
— Intrigant, murmura-t-il en s'approchant d'une démarche nonchalante.
L'autre le regarda faire d'un air à la fois surpris, mais également très intéressé.
— T'es qui, toi ? demanda-t-il en anglais au moment où Lars se plantait devant lui.
Ce dernier ne répondit pas, trop occupé à le dévisager, sans la moindre gêne.
Un peu plus de vingt ans, très beau garçon avec une tignasse dorée et des yeux verts vraiment magnifiques. À part d'agréables effluves boisés, il n'émanait de lui aucune énergie démoniaque et encore moins magique. Ce gamin n'était ni une créature surnaturelle ni un chasseur. Mais dans ce cas, qu'est-ce qu'un simple humain comme lui faisait dans cette maison ? Il disait avoir été payé pour éliminer la maire et son mari...
Lars fut tiré de ses réflexions par un cliquetis métallique au niveau de sa tempe. Le morveux pointait désormais son pistolet tout contre sa tête. Il se pencha vers lui, un sourire féroce sur son joli visage. On aurait dit un vilain petit ange échappé du paradis. Non. Plutôt un petit Chat dont le regard brillait d'une excitation malsaine à la vue de sa proie.
Un ravissant petit Chat aux yeux verts...
— M'oblige pas à me répéter, l'Aristo. T'es qui ? Ou plutôt t'es quoi ?
— Je te retourne la question, joli petit Chat ? rétorqua Lars également en anglais, tout en se rapprochant à son tour pour lui chuchoter les mots presque au creux de l'oreille.
Son interlocuteur tressaillit légèrement à cette proximité, mais Lars non plus n'en menait pas large. Le gamin sentait très bon, les senteurs chaudes et masculines de son parfum étaient diablement grisantes. En d'autres lieux ou circonstances, Lars aurait adoré flirter avec ce beau spécimen. Mais il avait malheureusement d'autres priorités pour l'instant. Il se recula à regret, nullement inquiété par le pistolet toujours collé contre sa tempe.
— Que fais-tu dans cette maison où un démon se fait passer pour le parent de ta charmante petite amie ? s'enquit-il en écartant l'arme de sa tête d'un doigt autoritaire. Un démon contre lequel tes ridicules petits pistolets ne sont d'aucune utilité, je précise.
— Ben ouais, je suis au courant pour le démon. Qu'est-ce tu crois, je suis là pour ça ! rétorqua le blondinet, la tête vexée. Et me prends pas pour un con, l'Aristo. Je sais ce que je fais. Tu veux tester l'efficacité de mes petits pistolets peut-être ?
D'un geste nonchalant, il ramena le canon de son pistolet à sa place initiale, c'est-à-dire contre la tempe de Lars. Celui-ci lui adressa un petit sourire moqueur en réponse.
Adorable petit Chat, se dit-il en agitant une main. Sa magie envoya soudain le gamin valser à l'autre bout de la pièce. Poussant un juron des plus grossiers, ce dernier termina sa chute dans un placard rempli de vêtements et de chaussures.
Lars se tourna ensuite vers les quatre autres, un léger rictus aux lèvres. Ces derniers étaient restés tétanisés durant les quelques minutes qu'avait duré son échange avec l'insupportable gamin. Ils n'avaient même pas essayé d'en profiter pour s'enfuir. Déprimant.
— Strøm ? Mais... que faites-vous ici ? finit par demander Liv.
Ce dernier tendit ses deux mains devant lui pour toute réponse. Ses paumes s'illuminèrent d'un puissant halo améthyste. Quatre paires d'yeux le fixèrent avec horreur, mais Lars n'avait ni le temps ni l'envie de faire dans les sentiments. Cette maison empestait l'aura infecte du démon. Le mieux était de faire un grand ménage, histoire d'en finir au plus vite.
Et ne pas prendre de risque.
Mais c'était sans compter l'autre enquiquineur qui ne s'était malheureusement pas rompu le cou durant son vol plané au paradis des chemises et des escarpins bon marché.
— Enfoiré ! Ce putain de démon est pour moi ! cracha-t-il en se jetant sur Lars.
En bon petit crétin, il trébucha cependant sur une pantoufle échappée du placard.
Lars n'eut pas le temps de réagir que le gamin lui tombait directement dans les bras. Mais ce ne fut pas le pire, non. Dans le feu de l'action, leurs bouches se retrouvèrent en effet plaquées l'une contre l'autre en une grossière parodie de baiser. Sérieusement ?!
Le petit Chat avait des lèvres toutes douces, ne put s'empêcher de constater Lars dans un bref moment d'égarement. Mais il s'empressa aussitôt de chasser ces pensées parasites de son esprit tout en repoussant l'indésirable d'un geste agacé.
Trop tard, car cet intense moment de distraction fut tout ce qu'il fallut au démon pour se manifester. Lui donner l'ouverture dont il avait besoin pour attaquer. Tuer.
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