Chapitre 9 [2] :...les ombres dansent.


Emily ne sut pas combien de temps, ils jouèrent à ce jeu du chat et de la souris avec les deux hommes, et Rusard, qui s'en était bien entendu mêlé. Ils avaient certainement arpenté tout le château, lorsqu'ils parvinrent à les semer. Avec un peu de chance, si tout se passait bien, ils ne sauraient jamais qui étaient les deux idiots qui les avaient espionnés.

En observant avec minutie les alentours, Emily comprit rapidement qu'ils venaient de trouver refuge dans une partie de château qui lui était inconnue. Sirius tenait toujours fermement sa main, comme s'il craignait qu'elle ne s'envole. Elle tira donc un peu sur son bras, pour lui faire signe, qu'elle avait besoin d'une poignée de minutes pour reprendre sa respiration. Après tout, ils n'étaient plus derrière eux.

Il acquiesça et relâcha un peu sa prise. Elle posa ses mains sur ses genoux, et tâcha tant bien que mal, de calmer les battements rapides de son cœur. Elle avait une douleur au niveau du thorax, et le sol dansait un peu...Il fallait vraiment qu'elle se remette au sport.

« C'est quoi ces conneries ? C'est une Malfoy c'est ça ? Et puis ce gars ? C'est le fils de Noah ? débita-t-il d'une traite. Putain, plus on avance dans cette affaire, plus ça pue la bouse de dragon à plein nez ! »

Elle ne trouva que la force d'acquiescer silencieusement. Les joues rouges, les tempes humides, les cheveux collant sur leurs visages...Qui aurait cru que leur soirée se transformerait en une énorme course poursuite ? Elle secoua la tête comme pour évacuer la migraine qui menaçait de pointer son nez. Elle était encore dans l'action, son cerveau ne parvenait pas à se poser pour réfléchir. Elle détailla longuement le rebord poussiéreux d'une des rares fenêtres, et décida finalement de s'y reposer. Sirius ne tarda pas à l'y rejoindre.

Il y eut un silence inconfortable pendant plusieurs minutes avant qu'Emily ne pointe un certain détail du doigt :

« Tu sais où on est ? s'enquit-elle.

― Si je te le dis, ça ne va pas te plaire, prévint Sirius.

― Je crois que je ne suis plus à ça près. On vient d'enfreindre combien d'articles du règlement intérieur selon toi ? »

Sirius eut un petit rire sinistre.

« Un conseil de maraudeur : évite de les dénombrer...C'est beaucoup plus simple quand on oublie que le règlement existe. Ce n'est qu'un bout de parchemin... »

Elle ne sut pas si elle devait se réjouir de cette réponse.

« Alors ? Où est-on ? insista-t-elle.

― Au couloir interdit du troisième étage, marmonna Sirius, en évitant soigneusement de croiser son regard. C'était le seul moyen de les semer ! Même eux, n'oseraient pas venir ici, car ils savent que Dumbledore n'aime pas trop qu'on brave ses consignes.

― Mais pas nous ? »

Il eut un sourire en coin. Le même sourire qu'il avait à chaque fois que Potter franchissait un peu trop les limites.

« Pas les maraudeurs. On ne va nulle part si on est incapable de dépasser la peur des lignes et des frontières. »

Sauf qu'Emily n'avait pas encore l'habitude. Elle aimait ça. Mais, son cœur cognait encore trop dans sa poitrine, la sueur collait à sa peau, et quand elle fermait les yeux, elle voyait le visage décontenancé de son frère. Et pourtant, c'était comme une drogue. Il lui avait fait goûter l'aventure, et elle avait le sentiment que plus elle irait loin, plus un retour en arrière serait quasiment impossible. Et puis, elle avait besoin de savoir, de connaître la vérité. C'était devenu vital.

« Il faut qu'on en sache plus sur ce jeune Rosenvald, souffla-t-elle après avoir repris une partie de ses esprits.

― Il faut que l'on comprenne ce que fout Regulus dans cette affaire..., grogna Sirius, plus pour lui-même. »

Ils hochèrent la tête en silence, les yeux rivés sur le carrelage moisi qui puait l'humidité à plein nez. Une centaine de questions arpentaient leurs esprits de jeunes adultes : si Regulus était de mèche, Abraxas avait-il une longueur d'avance depuis le début ? Pourquoi Rosenvald refusait-il de choisir un camp ? Pourquoi la mère d'Alycia ne semblait-elle pas innocente dans toute cette histoire ? Quel était vraiment le rôle du grand-père de Sophie ?

Sans pouvoir se l'expliquer, Emily eut le reflexe d'agripper de nouveau la main de Sirius, et d'entrelacer ses doigts avec les siens. Elle pencha la tête en arrière, pour que son crâne repose sur la pierre froide de la fenêtre. Sirius passa son pouce sur le dos de sa main, comme pour calmer le flot de pensées qui les prenait tous deux.

« Il est bien plus tard que je ne le pensais, fit-il.

― Tu veux dire que c'est déjà le couvre-feu et que l'on ne va pas pouvoir rejoindre nos dortoirs aussi facilement que prévu ?

― Ouais...

― Et que l'on va devoir moisir un peu plus longtemps au troisième étage le temps que Rusard finisse sa ronde ?

― Exactement. »

Rester un peu plus longtemps dans ces couloirs poussiéreux, où le froid s'engouffrait facilement n'enchantait pas particulièrement Emily. Les murs étaient couverts de toiles d'araignées, les tableaux représentaient des scènes morbides, les statues les observaient la gueule ouverte, tous les ingrédients étaient réunis pour une bonne ambiance d'halloween. Elle frissonna, et resserra les pans de sa cape de sorcier autour d'elle.

« Tu veux la mienne par-dessus ? s'enquit presque immédiatement Sirius.

― Non merci, ça va aller je t'assure.

― Evite de mourir de froid, ça serait con quand même. Pas après tout ça, plaisanta-t-il. »

Elle pouffa légèrement, pour le rassurer, même si elle le sentait hésiter à lui imposer sa cape. La main toujours dans la sienne, il l'entraîna :

« Aller viens, on va bouger un peu en attendant. Rester près d'une fenêtre mal isolée, c'est pas la meilleure idée du siècle. »

Elle se laissa aller, en essayant d'éviter de jeter des regards douteux sur les environs. Ce lieu lui donnait la chair de poule. Instinctivement, elle se rapprocha de Sirius et se colla presque à son épaule, alors qu'ils arpentaient sagement le couloir.

« Tu...tu es déjà venu ici souvent ? demanda-t-elle pour éviter que le silence ne la trouble encore plus.

― Une ou deux fois en première année, une autre fois en quatrième année, et peut-être plus souvent en sixième année, pourquoi ?

― Co...comme ça...

― En première année et en quatrième année, c'était surtout pour se cacher, et élaborer...quelques projets personnels de maraudeurs. Ici, Rusard vient moins souvent, on dit qu'il n'aime pas trop l'endroit. Alors, que le seul truc effrayant, c'est le fait que ce couloir ait vraiment besoin d'un coup de balais. »

Alors pourquoi sentait-elle que quelque chose n'allait pas dans cet endroit ? C'était comme un pressentiment, un avertissement qui clignotait dans sa tête.

« Je... »

Elle voulait lui dire de faire demi-tour, mais Sirius semblait subjugué par leur petite expédition. Elle ne trouva pas la force de lui demander de faire demi-tour. Alors elle lâcha sa main, et glissa plutôt son bras sous le sien. Il avançait avec minutie. Le carrelage paraissait instable, presque glissant, et certaines pierres ne tenaient plus. En plus du ménage, il y avait de nombreuses réparations à faire : les carreaux à réparer, des tapisseries à recoudre, et surtout consolider certaines parties du mur.

« Oh une porte ! s'exclama-t-il. »

Normal, c'est un couloir Sirius !

Elle offrit un peu de résistance en appuyant sur son bras, mais il ne parut pas s'en rendre compte.

« Viens, on va voir ce qui s'y trouve derrière. »

La porte avait déjà mauvaise mine avec son bois peint décrépi et l'énorme verrou au dessous de la poignée, elle n'osait même pas imaginer l'aspect de l'intérieur. Elle serra les joues et pria pour que la porte soit verrouillée.

« C'est ouvert ! s'écria de nouveau Sirius après plusieurs tentatives.

― Sirius je ne suis pas certaine que ce soit une bonne idée, tu sais, on ne sait jamais, il pourrait y avoir un épouvantard ou... »

Mais essayer de dire non à un maraudeurs, c'est risquer de se prendre un coup de vent. Les bons conseils de sagesse passaient par une oreille et ressortaient par l'autre. Et au lieu de la laisser seule, dans le couloir, il l'empoigna, et la fit entrer derrière lui.

« Sirius, je maintiens que c'est une mauvaise idée... »

Elle cligna plusieurs fois des yeux pour s'habituer à l'étrange luminosité de la pièce. Il n'y avait qu'une fenêtre, bien trop haute pour être atteinte, qui éclairait très peu l'ensemble. Deux grandes bibliothèques aux étagères brisées trônaient le long du mur à sa droite, tandis que le sol était jonché de détritus en tous genres. Personne n'avait visiblement mis les pieds dans cette salle depuis des lustres. Il y régnait une odeur de pourriture qui lui donna envie de tousser. Ce n'était pas très grand, ni très original. Il y avait un grand tableau à craies, sur lequel étaient inscris quelques symboles étranges, runiques peut-être...

Derrière elle, elle entendit la porte claquer, et cela lui fit faire un bond de plusieurs mètres. Son dos heurta une pile de livre, qui s'effondra dans un bruit sourd. Elle mit sa main devant sa bouche, pour éviter de crier.

« Peur de son ombre Jenkins ? se moqua gentiment Sirius en fouinant du côté des bibliothèques. »

Non, d'ordinaire non...Mais là, elle ne saurait en expliquer les raisons, mais son ventre était noué.

« Sirius, je suis sérieuse, s'il te plaît. »

Elle devait être pâle. Sinon, il n'aurait pas froncé les sourcils d'inquiétude. Il s'approcha d'elle et posa une main sur son front.

« Tu es toute brûlante..., tu as raison, je suis désolé, viens...on sort de là. »

Elle reprit son souffle. Elle avait chaud, il disait vrai. Mais ce qui lui faisait peur, ce n'était pas ces frissons, ces sensations de chaud froid...c'était cette impression de déjà vu. Elle s'était déjà sentie ainsi...quand elle avait vu le visage d'Emmeline au chemin de traverse, dans un miroir...

« Emily ? »

Etait-ce une vision ? Avait-elle ressenti une catastrophe qui venait d'arriver ? Ou qui allait se dérouler ? Est-ce que cela concernait encore une fois le cercle. Elle ferma les yeux, sa tête devenant soudainement plus lourde. Pourquoi ses jambes tremblaient-elles ?

« Emily ! »

Elle s'appuya sur le mur, le froid de ce dernier l'aidait à réfléchir. Ce n'était peut-être pas le couloir qui lui faisait cet effet. Et s'il était arrivé quelque chose à Evan ? A Alycia ? Ils étaient au dortoir...ils devaient aller bien. N'est-ce-pas ?

« Em... »

Elle ouvrit les yeux et tourna la tête en sa direction. Elle voulut dire quelque chose, probablement lui expliquer cette impression qui la prenait, mais quand elle loucha sur son visage, elle n'eut plus les mots.

Sirius était blanc comme un linge, la main sur l'endroit où aurait dû se trouver la poignée de la porte. Mais il n'y avait rien. La porte ne s'ouvrait pas de l'intérieur.

Et il était claustrophobe.

**

Depuis combien de temps détaillait-il le plafond ? Peut-être une heure...Il sut simplement que la nuit était déjà tombée depuis un moment, et qu'il n'avait pas bien faim. Il devrait probablement se lever pour commencer à cuisiner, sa mère ne devrait plus en avoir pour longtemps. Quoique...ces derniers temps les politiciens aimaient la saleté : ils prétendaient ne pas avoir vraiment le temps de nettoyer en temps de guerre.

Il se leva et s'étira. Dehors, le ciel était bien étoilé malgré les nombreux nuages. Il n'y avait rien de plus calme qu'une nuit là où ils habitaient : pas de voisins bruyants, pas de lumières parasites, pas de routes moldues, mais uniquement des champs, et une forêt à perte de vue. Seul le vent faisait battre les volets. Il connaissait le chant de cette maison de bois qui grince, il savait quels étaient les sons étrangers, il avait passé toute son enfance, à l'abri entre ces quatre murs, loin de toutes les foules.

Alors, quand la porte d'entrée s'entrouvrit avec fracas, et que des pas précipités s'engouffrèrent dans le petit salon : Remus sut que ce n'était pas sa mère. Elle avait l'habitude de déposer son manteau avec calme sur le crochet du mur de droite, elle marchait sur la pointe des pieds, pour ne pas brusquer le calme ambiant, et ses pieds ne faisaient quasiment jamais craquer le parquet. Automatiquement, il saisit sa baguette magique qui traînait sur le bord de sa table de chevet, et inspira profondément.

Cela ne sert à rien de paniquer, utilise ton cerveau Remus !

Cinq personnes connaissaient officiellement l'emplacement de la maison des Lupin : sa mère, les maraudeurs et lui-même. Et son père...mais celui-ci ne mettrait plus jamais les pieds ici, sa mère s'en était assurée, et il aurait trop honte de franchir le palier d'une demeure de loup-garou. Ce n'était pas lui. Cependant, cela pouvait très bien être James, et Sirius.

Son cœur se mit à battre bruyamment contre sa cage thoracique, avec espoir. Et si c'était eux ? Leur avait-il tant manqué ? Etaient-ils venus à sa rescousse pour le ramener à Poudlard ? Cette simple pensée, lui donna envie d'éclater en sanglot. Ils avaient déjà tant fait pour lui dans le passé, iraient-ils jusqu'à cet énième sacrifice ? Remus n'était pas égoïste, mais il se permit de rêver quelques secondes.

« Remus ! s'écria une voix. »

Ce n'était pas celle d'un homme, et encore moins celle d'un maraudeur.

« Remus ! recommença la voix. »

Et cette fois-ci, il la reconnut, même si cela semblait absurde. Qu'est-ce que faisait Lily Evans, dans ce coin paumé d'Angleterre, en plein milieu de la nuit ? Etait-elle devenue folle ? Le monde allait-il si mal que cela sans lui ?

« Lily ? s'exclama-t-il, d'un ton rauque et tremblant. »

Presque aussitôt, il entendit ses pas, ou plutôt deux paires de pas, gravir les marches avec précipitation pour venir le rejoindre à l'étage. Il n'eut pas le temps de s'approcher du couloir, qu'une masse de cheveux roux s'abattit sur lui. Des bras fins l'encerclèrent, et le serrèrent avec force, si bien qu'il peinait à respirer convenablement.

« Mais...mais...

― Oh tu m'as manqué ! »

Il lui rendit son étreinte avec autant de vigueur. Son cerveau réfléchissait à vive allure : pourquoi Lily brisait-elle le règlement intérieur ? Qui était avec elle ? Devait-il la suivre jusqu'au château ? Sa mère...que dirait sa mère ?

Il se rendit compte qu'il ne respirait plus lorsqu'elle relâcha sa prise. Il avait retenu son souffle. Lily n'avait pas changé, même taille de chevelure, même regard doux et bienveillant...cependant, elle semblait fatiguée, elle avait d'énormes cernes sous ses yeux, et son teint était bien trop pâle, même pour une rousse.

« Qu'est...qu'est-ce que tu fais ici ? »

Son sourire se fit bien plus grand.

« Tu veux dire, que faisons-nous ici ? »

Elle se tourna, rayonnante, vers la deuxième jeune femme. Son cœur loupa un battement. Si trouver Lily en dehors du château était surprenant, comprendre qu'Alycia venait de risquer sa vie et le renvoi pour le persuader de revenir...lui donnait d'agréables frissons le long de l'échine. Elle se tenait timidement, dans l'embrasure de la porte, ses cheveux mouillés, ses joues rougies par le froid, et ses yeux presque larmoyants...Elle n'avait jamais été aussi belle.

« Mais...vous êtes...vous êtes dingues... »

La stupeur le paralysait, il n'osait même pas faire un mouvement, alors qu'il mourrait d'envie de l'enlacer, voire de l'embrasser. Du coin de l'œil, il vit Lily qui haussait les sourcils comme pour l'inciter à quitter sa réserve.

Et c'est ce qu'il parvint à faire. Il fit un pas puis deux, et l'embrassa. Peut-être était-ce ça le courage.

Mais une fois que ces minutes infinies de bonheur s'estompèrent, il put observer plus clairement son visage. Elle aussi paraissait plus fatiguée qu'à l'ordinaire, bien que soulagée de le voir. Il y avait une étincelle dans son regard, qui gagnait en puissance au fur et à mesure qu'elle le détaillait. C'était de la colère comprit-il quand elle s'écria contre sa poitrine :

« Pourquoi ? Pourquoi nous as-tu laissé ainsi ? »

Il voulut s'expliquer, mais au fond, après avoir retourné le problème cent fois dans son esprit, il savait qu'il n'aurait jamais du céder aussi facilement, et que sa mère n'était pas la seule responsable. Le problème était clair : il n'avait jamais réussi à lui désobéir. C'était sa faiblesse depuis toujours, depuis que son père était parti. Il avait toujours craint de la voir s'enfuir également, et de se retrouver seul...avec sa condition. Et puis après tout ce qu'elle avait toujours fait pour lui, tous ces sacrifices, ces petits boulots dégradants, ces nuits de pleine lune à veiller la boule au ventre, ces entrevus avec Dumbledore pour le persuader de le prendre à l'école, tout le temps investi à son éducation sans savoir si un jour quelqu'un voudrait bien de lui ... Il ne pouvait que tout faire pour lui rendre la monnaie de la pièce, supposé que cela soit possible un jour.

« Je..., il chercha ses mots avec insistance. »

Ses yeux clairs ne le lâchaient pas. Elle mettrait du temps avant de lui pardonner, il n'en attendait pas moins...

« Je...je ne voulais pas, je te le jure... »

Lily soupira derrière eux, et posa une main douce sur son avant-bras.

« Remus, on ne t'aurait rien dit si cela avait été une année normale. On aurait compris. On comprend qu'avec ta mère malade, ça n'est pas facile de la laisser seule en plein milieu de cette guerre. Mais voilà, rien ne va depuis la rentrée. Rien. Les maraudeurs sont dans un état pitoyable : Sirius s'est disputé avec son frère, Peter se sent beaucoup trop seul et délaissé, et James...James est une loque depuis la mort d'Emmeline et le retour des sœurs Vance. »

Il l'avait lu dans le journal. Bien sûr qu'il avait pensé à James. Il y pensait tous les jours. Savoir que certains Vance avaient survécus mais pas sa précieuse Emmeline, c'était une goutte de plus dans ce déluge de tristesse. Il n'osait même pas imaginer son état.

« Et puis ce ne sont pas les seuls ! J'ai été chargée de veiller sur une des sœurs Vance, j'ai donc deux adolescents en peine à aider au quotidien, car il était hors de question de laisser James seul dans cet état, et j'ai besoin d'aide ! Je suis une préfète, mais j'ai besoin de mon coéquipier ! Il y a des centaines d'étudiants qui ont besoin de nous Remus...Tu n'es pas le seul à avoir fait ce choix de ne pas revenir à l'école, et beaucoup se posent donc des questions...Je crois qu'il n'y a jamais eu une année à Poudlard, où les professeurs ont autant eu besoin des préfets pour gérer la situation. »

Il savait qu'il sous-estimait la gravité de la situation. Lily s'exprimait souvent avec passion, mais il n'avait que rarement eu l'occasion de lire cette détresse dans son regard. Elle allait pleurer, elle serrait son manteau avec ses mains. Elle avait pris un tel risque pour le forcer à revenir...Elle était au bord du désespoir. Alycia l'avait laissé parlé, mais l'expression de son visage n'était pas bien tendre : elle aussi avait dix-mille arguments en tête. Il se trouvait face aux deux jeunes femmes les plus têtues du monde des sorciers. Il n'avait quasiment aucune chance...

« Ecoutez, je pourrai essayer de revenir aux prochaines vacances...Je ne peux pas partir comme ça, sans parler à ma mère...Elle le vivrait comme un abandon...Mon père avait fait cette erreur, je me ferais renier si j'osais faire cela.

― Remus..., essaya de le couper Alycia.

― Elle vit seule et elle a peur...Et s'il lui arrivait quelque chose ? J'en mourrais ! Je ne suis pas comme vous, je suis seul avec elle. Je n'ai pas de frère ou de sœur, je suis l'homme de la minuscule famille...C'est mon... »

Lily posa une main sur sa bouche. Alycia sursauta ne comprenant pas le geste soudain de son amie. Un bruit sourd raisonna dehors, et Remus frissonna : il n'y avait jamais de bouquant à l'extérieur de sa maison...Ils vivaient dans un coin paumé, au beau milieu de la campagne. Les filles se jugèrent du regard pendant un instant, avant de pâlir.

« Oh non, tu m'as dit que tu lui faisais confiance Aly ! s'écria Lily en posant ses mains contre ses joues pour se retenir d'hurler.

― C'est...ce n'est pas...C'est peut-être un animal..., se défendit la concernée en se ruant vers la fenêtre pour observer l'extérieur.

― De qui tu parles Lily ? Avec qui êtes vous venues ? s'exclama le garçon, ne comprenant rien à leurs allusions.

― Oh..., s'étouffa Alycia, en reculant de quelques pas. »

Son regard était rivé vers la fenêtre. Lily voulut se rapprocher pour contempler la source de ses inquiétudes, mais Alycia la prit de court en criant :

« On s'enferme dans une pièce ! Bloquez la porte avec des meubles ! »

Et sur ces mots, elle les empoigna avec force et les entraîna dans la chambre de la mère de Remus, devant laquelle ils stationnaient depuis plusieurs minutes. Elle ferma la porte à la volée, et entreprit de décaler l'énorme commode en bois contre cette dernière. Remus voulut l'aider mais sa curiosité était plus forte, il tourna la tête vers la fenêtre qui donnait sur les vastes étendues agricoles. Au loin, une forme de tête de mort flottait dans les airs, éclairant le paysage d'une lumière verte mortelle.

Et puis un cri, un seul, glaçant, qui provenait de l'extérieur :

« MANGEMORTS !!! »

**

« Je t'avais dit qu'il ne fallait pas entrer, grogna pour la quarantième fois Emily. »

Ils étaient tous les deux étendus sur le sol poussiéreux, les yeux rivés sur le plafond dégarni. Sirius se sentait mieux allongé, alors Emily n'avait pas posé de question : il était au bord de la crise d'anxiété, alors elle ferait n'importe quoi pour ne pas aggraver son cas. Sauf râler...pour ce point là, elle tenait encore trop de son frère jumeau.

« Je sais..., marmonne le garçon. Et s'il te plaît, arrête de me le rappeler sans cesse...je crois que je culpabilise assez en ce moment. »

Il soupira plusieurs fois. Sa respiration était tremblante, et Emily ne pouvait s'empêcher de jeter un coup d'œil toutes les cinq minutes vers son teint pâle pour s'assurer qu'il ne frôlait pas le malaise.

« Tu préfères que je parle, ou le silence te fais du bien ? demanda-t-elle finalement, ne sachant pas quelle attitude adopter dans ce cas là.

― Non...non parle, le silence c'est oppressant.

― Que veux-tu que je raconte ?

― Je ne sais pas...Un truc, n'importe quoi...

― Tu ne m'aides pas trop là, fit-elle en riant. »

Un fin sourire se dessina sur ses lèvres. Il parut hésiter, puis il pouffa légèrement.

« Tu es déjà sorti avec un gars ? »

La question la prit tellement au dépourvue, qu'elle s'étouffa avec sa salive, en voulant simplement déglutir.

« Que...quoi ? Hein ? Mais c'est quoi cette question ? S'offusqua-t-elle. »

Elle se retourna pour lui donner un coup de poing léger sur l'épaule. Sa colère l'aidait à cacher la rougeur qui lui montait aux joues, et la gêne qui menaçait de se dévoiler dans ses yeux. Sirius paraissait sérieux, et quand il poursuivit sa phrase, elle saisit qu'il voulait vraiment qu'elle réponde :

« Non mais je suis curieux, tu es mon amie, et généralement les amis ont tendance à se confier sur ce genre de choses...

― Mais c'est personnel ! Riposta Emily. Et puis c'est embarrassant !

― Et en échange, je te parle de mes affaires de cœur. »

Emily réprima une grimace en se souvenant de toutes les fois où elle l'avait croisé au détour d'un couloir, sa langue imbriquée avec celle d'une pimbêche à talons.

« Non merci, je n'ai pas envie de connaître tous les détails, marmonna-t-elle à moitié pour elle-même. »

Il tourna la tête vers elle, et pour fuir son regard insistant, elle préféra se mettre debout. Elle détailla la fenêtre avec intérêt, quel dommage qu'ils soient au troisième étage...

« Emi... »

Et voilà qu'il se mettait à utiliser ce surnom. Elle détestait l'effet que ce simple mot avait sur elle, et pire encore, elle haïssait le fait que Sirius en soit conscient et l'utilise. Elle se mordit la lèvre et jeta de nouveau un coup d'œil vers lui. Il était toujours aussi blanc, et il fermait les yeux de temps en temps pour respirer bruyamment. Elle admirait son courage : il avait peur mais n'oserait jamais trop le montrer.

« Oui, j'ai déjà eu un copain, mais ce n'est pas vraiment une histoire passionnante...

― C'était qui ? s'empressa de demander Sirius. »

Il paraissait surpris qu'elle ait déjà eu quelqu'un dans sa vie. Elle frissonna : pensait-il qu'elle n'en valait pas la peine ?

« Tu ne le connais pas Sirius...

― Je suis populaire, j'ai mes contacts...Allé, sois pas timide...C'est qui ? »

Elle soupira, son regard dérivant une nouvelle fois vers la fenêtre. Elle était très haute ; et touchait le plafond. De loin, on ne pouvait deviner l'extérieur à cause de la poussière opaque qui s'était installée. Mais peut-être que si elle frottait assez fortement avec sa manche, elle pourrait discerner le paysage, et trouver une sortie.

« Emi ? s'impatienta Sirius. »

Les meubles ne semblaient pas assez solides pour supporter son poids, elle chercha désespérément un appui autour d'elle, mais rien.

« Justin Turner-Pelton, Poufsouffle, brun, beau, mais discret, souffla-t-elle pour faire taire sa curiosité. Sirius vient m'aider, je crois que j'ai une idée. »

Réanimé par sa réponse, il mit à peine deux secondes à se mettre sur pieds, et vint se poster sur sa gauche.

« Et...il te plaît encore ce Justin machin-blabla ? poursuivit-il innocemment.

― Sirius, tu pourrais me faire la courte échelle ? »

Toujours plongé dans ses pensées, le garçon ne répondit pas avec des mots et se contenta de présenter un appui avec ses mains. Elle mit ses deux mains sur ses épaules musclées, son pied droit sur l'appui et s'élança. Il n'eut aucun mal à la soutenir pendant qu'elle posait son nez contre la fenêtre.

« Je ne vois vraiment pas qui c'est...C'est un intello ? poursuivit-il. »

Cette fois-ci, Emily décréta qu'elle arrêterait de répondre. Elle sentait qu'au plus d'informations elle donnerait, plus elle n'arriverait pas à changer de sujet par la suite. Son silence fonctionna puisqu'il lui demanda enfin ce qu'elle était en train de faire :

« Tu y vois quelque chose ?

― Non, la poussière est trop opaque, je n'arrive même plus à l'enlever avec ma manche. »

Elle voulut descendre, mais la posture dans laquelle elle était actuellement n'était pas des plus aisées. Elle avait un pied sur les mains de Sirius, qu'il tenait en équilibre, et l'autre pied appuyé sur une étagère adjacente peu solide. Ses mains glissaient sur le rebord de la fenêtre. Un moment donné, elle voulut observer un coin du paysage vers la gauche, et déplaça ses mains pour avoir une meilleure vision. Malheureusement, sa main droite entra en contact avec un liquide visqueux qui lui arracha un cri. Elle eut un sursaut et Sirius, surpris, la lâcha malencontreusement.

Elle ne sut trop comment se déroula sa chute, mais en l'espace d'un instant, elle se retrouva face contre terre, Sirius sur elle, et une pile d'objets en tout genre leur tombèrent dessus. Une fois que le refus fut terminé, Emily releva la tête, sonnée. Sirius était sur son dos, et respirait bruyamment contre son oreille :

« Je suis désolé..., souffla-t-il peiné en réalisant qu'il l'écrasait de tout son poids. »

Mais Emily n'écoutait plus que d'une oreille, ses yeux désespérément attirés par l'étrange objet qui se trouvait devant elle. Elle cligna des yeux. Il s'agissait d'une coupe cristalline, contenant un indescriptible liquide.

« Emily, n'y touche pas, prévint Sirius en détaillant également la relique. »

C'était trop tard ; Emily était curieuse, et lorsque c'était le cas, plus rien ne pouvait l'arrêter. Même un Sirius un peu trop inquiet.

Sans trop savoir pour quelle raison, elle plongea la tête dans le mélange, qui ne faisait que l'appeler silencieusement.

**

Ils avaient renversé le lit, et s'étaient dissimulés derrière. Cela n'aurait probablement aucun effet si les mangemorts parvenaient à franchir la porte, malgré les nombreux obstacles. Mais comme disait Lily : « Si vous avez une meilleure idée, agissez ! ». Or le sang battait trop fortement dans ses tempes, Alycia n'arrivait plus à penser correctement. Remus tenait sa main et la serrait si brutalement, qu'elle en sentirait la douleur pendant des jours...Lily pleurait, à chaudes larmes, et ne cherchait plus l'élégance. Ils s'étaient recroquevillés, prêts à riposter...leurs baguettes fermement ancrés dans leurs mains sales.

Ils pouvaient distinguer des voix, des bruits de pas au rez-de-chaussée, le bruit d'une vitre que l'on fait exploser, le craquement familier d'un meuble qui se brise...Ils étaient en train de saccager le salon. Puis quelqu'un s'empressa de rejoindre l'étage. A cet instant, Alycia arrêta de respirer, comme si le son de ses expirations pouvait parvenir à ses oreilles.

Elle ne sut pas pourquoi. Mais elle se mit à détailler minutieusement le visage pâle et cicatrisé de Remus. Son nez droit. Ses oreilles un peu trop petites. Ses cheveux déjà grisonnants. La courbure de sa mâchoire. La douceur de ses traits. Elle avait besoin de cela pour ne pas sombrer dans une panique pure, et dévastatrice. Elle avait besoin d'un rocher pour lutter contre la tempête. Et Remus ? Même effrayé, il demeurait d'apparence calme et paisible. Finalement, il tourna la tête vers elle, et lui sourit gentiment, comme pour lui signifier : tout ira bien, ne t'inquiète pas. Mais ses yeux...ses yeux lui murmuraient aussi je suis désolé...

Elle avait extrêmement peur. Mais il lui donnait envie de faire preuve de bravoure jusqu'à la fin. Car après tout, ils n'étaient pas venus pour rien, pour finir ainsi.

Un bruit d'explosion les surprit, et ils se couchèrent sur le parquet poussiéreux. Les Mangemorts venaient de faire exploser la porte d'entrée, et tous les meubles soigneusement entassés contre cette dernière.

C'était maintenant, ou jamais.

Poussant un cri de rage, qu'Alycia n'aurait jamais soupçonné de sa part, Lily se leva et riposta en lançant sorts après sorts. Et bientôt, la vieille chambre se transforma en une scène de combats magiques. La lumière des sorts les aveuglait, certaines fois Alycia se dressait sur ses pieds sans savoir où viser, ni quoi éviter. C'était du hasard, de la chance...Elle sentait sur son visage, les éclats d'échardes qui volaient, les griffures qui marquaient sa chair...Remus avait lâché sa main, mais mettait un soin à se placer devant elle pour faire barrage.

Pour tout dire, Alycia eut cette fameuse sensation, que son esprit était sorti de son corps ; elle combattait, mais l'adrénaline alimentait sa rage. Elle ne sentait plus ses bras, ni la douleur des blessures accumulées. Elle ripostait mécaniquement, comme désespérée à l'idée de survivre.

Lily la tira sous le lit, hurlant presque derrière son oreille :

« La poudre de cheminette ! »

Elle pointait d'un doigt tremblant, la cheminée à l'autre bout de la pièce. Mais Remus eut un rire nerveux.

« Tu crois que ma mère n'aurait pas eu la prudence de la jeter ? Il n'y a rien pour sortir d'ici Lily...A un mois près, vous auriez eu les notions de transplanage...»

Lily poussa un juron des plus déplaisants. Et Alycia eut réellement peur en voyant tout espoir disparaître du visage de la rouquine.

Si seulement...si seulement ils avaient eu la prudence de prévenir un élève de leur départ...

Alycia ferma les yeux un instant. Puis se redressa, et continua le combat. Quoi qu'il lui en coûtait. Elle avait encore trop de fierté pour se laisser mourir à petit feu sans essayer.

**

Quand elle rouvrit les yeux, Sirius était toujours à ses côtés. Mais le décor était radicalement différent. Une douce valse raisonnait à leurs oreilles. Une foule de jupons tourbillonnaient en rythme dans les bras de leurs amants au sein d'une salle de bal, qui n'aurait jamais à envier Poudlard. Ils étaient au beau milieu d'une soirée mondaine d'une autre époque, où se réunissaient les grands de ce monde. Emily n'en revenait pas, si Sirius était là, ce n'était pas une vision. Un homme la frôla, et puis passa à travers son corps, sans qu'elle ne le sente. Elle frissonna et agrippa le bras de son partenaire :

« Shhhh, ils ne nous voient pas Emi. Ce sont des souvenirs. »

L'émerveillement remplaça finalement l'inquiétude dans ses yeux bleus. Tout ici, avait une allure de paradis : les farandoles de toasts, les coupes de champagne, les costumes sur mesure, les sourires enchanteurs des femmes, les regards ravis de leurs prétendants, les transactions secrètes dans les coulisses : Emily était dans un rêve. Ce type de paysages n'existait pour elle, que dans les romans de Jane Austin, même s'il s'agissait là d'une époque plus récente que le dix-neuvième siècle, et que la population était sorcière au vu des nombreux elfes valets qui servaient sur des plateaux d'argent.

S'il n'eut s'agit de souvenirs, elle aurait pris le bras de Sirius. Peut-être aurait-il était celui qui serait venu quérir sa main...Et ils auraient valsé, jusqu'au petit matin. Son émerveillement se reflétait comme des étoiles dans ses yeux et elle devait avoir un sourire idiot collé sur le visage car Sirius s'empressa de la secouer :

« Emily ! Eh Emi ! Réveille-toi, il faut qu'on sorte de ce truc ! »

Elle sursauta et fit volte-face pour plonger ses prunelles dans les siennes. Sirius ne semblait pas apprécier le spectacle autant qu'elle ; ses sourcils étaient froncés, et un air renfrogné s'était immiscé sur ses traits aristocratiques. Elle ressentit alors une pointe de regret, lui qui aurait été si assorti avec le paysage avec un costume adéquat ! Les femmes se seraient toutes tournées vers lui, pour lui faire la cour. Mais elles étaient des souvenirs, et Emily était bien réelle.

« Non, profitons donc un peu de ça s'il te plaît...Qu'est-ce qui te dérange donc tant dans ce paradis ? »

Il regardait maintenant certains personnages avec dédain.

« Je ne sais pas...c'est artificiel...Méfie toi un peu plus des apparences...les bals comme ça, c'est souvent un lieu de transactions et de complots...

― Mais tu l'as dit toi-même, ce sont des souvenirs, nous ne risquons rien. Et je suis curieuse, pas toi ? »

Sans lui laisser le temps de répondre, elle s'élança dans la foule, comme si elle était guidée par un instinct. Mais Sirius, lui comprenait ce qu'il se passait, le souvenir était de l'autre côté, et attendait de se révéler. Emily s'arrêta nette de l'autre côté de la piste de danse, auprès de deux hommes qui discutaient allégrement. Le premier homme était trapu, et arborait une immense moustache qui devait bien doubler de largeur son visage. En face de lui, l'autre interlocuteur était bien plus familier, et cela fut confirmé à Sirius lorsqu'Emily agrippa une nouvelle fois sa main.

C'était Noah.

Il n'y avait aucun doute : même allure gracieuse et élancée, même yeux perçants d'intelligence...Il devait avoir une vingtaine d'année, ses cheveux étaient dépourvus de blanc, et il y avait encore un peu de malice dans son regard.

« ...Pourquoi hésites-tu autant mon cher ? S'impatientait l'inconnu à l'accent irlandais. Tu vois bien qu'elle attend qu'on l'invite à danser !

― Je pensais que ton sens de l'observation serait plus aiguisé Eddy ! Elle vient de refuser trois hommes venus la courtiser. Je n'ai pas envie d'être un autre refus. »

Visiblement, ils parlaient tous deux de la magnifique femme assise sur un banc plusieurs mètres plus loin. Sirius laissa échapper un sifflement : il avait rarement eu le privilège d'apercevoir une aussi belle femme. Elle avait des yeux étrangement clairs, et sa chevelure noire était peignée en une multitude de tresses agencées de manière complexe et singulière. En fait, elle ne ressemblait à aucune femme de cette salle, elle ne semblait appartenir à aucune époque précise...

« Si tu n'y vas pas dans les cinq minutes qui suivent, j'irais à ta place, je te préviens ! poursuivit le prénommé Eddy.

― Et que pourrais-je bien lui dire ?

― Parle lui de tes travaux, de tes études...Regarde-toi Noah ! Tu es issu d'une famille modeste, tu as forcé la roue de la fortune. Cette réussite ne peut que la fasciner.

― Je ne connais même pas son nom...

Va lui demander idiot ! »

Cette fois-ci, se fut Sirius qui s'impatienta en premier, et lui hurla dessus.

« Non mais quelle mauviette ! s'exclama ce dernier. Ce n'est pourtant pas compliqué ! »

Emily ne lui répondit, trop fascinée par le spectacle qui se déroulait devant ses yeux. Des mois d'enquêtes pour reconstituer la vie d'un homme mort depuis longtemps. Mais voici qu'il se tenait devant eux, à peine plus âgé, et tremblant de peur à l'idée de courtiser une jeune femme. C'était une chance inouïe, de pouvoir enfin comprendre le commencement de toute cette histoire qui la hantait depuis un an. Elle tendit sa main dans l'espoir de toucher ce rêve du bout des doigts, mais Sirius n'avait pas tord, Noah n'était qu'un reflet.

« Mais pourquoi lui fais-tu signe enfin, s'affola Noah en s'accrochant à son ami, comme à une bouée de sauvetage. »

Il cacha son visage dans le creux du cou de son ami, qui agitait joyeusement la main en direction de la belle jeune fille. Il paraissait ravi à l'idée de jouer les entremetteurs.

« Elle vient ! s'exclama-t-il tout heureux de sa réussite alors que Noah blêmissait affreusement. Tu vas enfin pouvoir l'épater avec de beaux discours, j'espère que tu en as en réserve. »

En effet, elle s'élançait gracieusement à leur rencontre, sa longue robe noire flottant délibérément derrière elle. Quand elle arriva au niveau de Sirius, ce dernier retrouva tous ces réflexes de charmeur et oublia visiblement que ce monde là n'était pas le sien. Il s'inclina et lui offrit son meilleur sourire. Quel dommage qu'elle ne pouvait le voir ! Emily tenta de dissimuler le roulement de ses yeux quand il admira sa robe. Ce garçon était bien trop sensible aux charmes féminins...

« Bonjour..., murmura-t-elle une fois à leur hauteur. »

Ses joues prirent une teinte rosée, et Emily admira l'espace d'un instant ce semblant de timidité qui passait aisément auprès des garçons.

« Bonjour...heu...Je suis désolé pour l'interruption impromptue de mon ami..., commença Noah en devenant rouge pivoine et en balbutiant maladroitement.

― Mademoiselle, je vous présente Noah Rosenvald, étudiant chercheur en contre-sortilèges à l'Université Magique de Londres, trouva bon d'intervenir Eddy. Il vous observait depuis plus d'une demi-heure, je me devais d'intervenir ! Il vous trouve très belle... »

La jeune femme eut un petit rire discret et se mit à détailler minutieusement Noah. Il était beau, elle ne pouvait le nier. Mais surtout, et Emily crut le déceler dans son regard, elle se sentit quasi-immédiatement en confiance face à ses traits timides, maladroits mais sincères.

« Je n'ai pas dit ça comme ça ! s'offusqua Noah en essayant de retrouver une once de dignité.

Alors qu'aviez-vous dit monsieur ? s'enquit-elle en s'amusant.

Je...je...j'ai simplement mentionné le fait que votre regard semblait incroyablement intelligent et sage, avoua-t-il finalement avec difficulté. »

Elle eut un sursaut de surprise, à l'unisson avec Emily. C'était peu ordinaire comme déclaration et flirt, mais cela sembla fonctionner à merveille sur la frêle jeune femme. Elle eut un maigre sourire cette fois, mais plus doux et plus honnête que le précédent. Elle hésita, puis tendit sa main gantée en direction de Noah.

« Je suis Wendy...Wendy Parker. »

**

Alice était perturbée. Quelque chose clochait. Elle le sentait. Elle avait généralement l'instinct pour sentir les imprévus. En ne jetant qu'un seul regard aux joues pâles de son amie, Alice avait saisit que Lily planifiait quelque chose. Elle connaissait la rouquine depuis trop longtemps maintenant, elle pouvait deviner chacune de ses expressions. Et Lily devait être si inquiète, qu'elle n'avait même pas fait l'effort de masquer ses tracas au souper.

Ces doutes s'étaient confirmés quand, après plusieurs heures, Lily n'était toujours pas revenue, elle avait prétexté une mission de préfète pour s'éclipser vers 20h. Mais depuis, plus de nouvelles.

« Ce n'est pas dans ses habitudes, affirma-t-elle pour la troisième fois à Franck. »

Elle était redescendue dans la salle commune, parce qu'elle ne parvenait pas à s'endormir en ne sachant où pouvait bien être Lily.

« C'est une adulte Alice, elle est probablement en train de remplacer un autre préfet pour une ronde.

― Mais il est déjà presque minuit ! Les rondes ne durent jamais aussi longtemps...

― Sauf si elle a attrapé un groupe d'étudiants et les a emmenés chez Rusard, ça peut prendre une éternité, tu le sais très bien, répliqua son petit-ami en baillant. »

Il y avait Lily, mais elle n'était pas la seule à être étrange ces derniers temps. Sirius et Emily étaient toujours portés disparus. Alycia avait été fort pensive et n'avait même pas touché au dessert. Et il était toujours difficile d'évoquer l'état mental de James...

« Non quelque chose ne tourne pas rond ! répéta Alice. Tu ne trouves pas que tout le monde est étrange depuis la rentrée ? J'ai l'impression qu'on loupe pas mal d'informations...

― Au vu des événements, ce n'est pas étonnant Alice. On est tous chamboulés.

― Toi aussi d'ailleurs...J'ai l'impression que tu me caches quelque chose... »

Franck bondit sous le regard suspicieux de sa petite amie.

« Arrête Alice, tu frôles la paranoïa ! Vraiment ça devient énervant !

― Mais toutes les preuves sont là !»

Sauf qu'arrêter l'esprit créatif d'une Fortescue était une mission quasiment irréalisable. Il soupira, prit sa tête dans ses mains et secoua le menton. Un jour, il faudrait qu'il se décide à ne plus abandonner devant la persévérance d'Alice.

« Mais qu'est-ce que tu veux faire ? On ne va pas risquer une retenue, simplement pour vérifier que Lily ne s'est pas perdue. »

Le nez d'Alice se retroussa, c'était un signe de mauvais augure. Dès que ses oreilles rougiraient, il n'y aurait pour lui, aucune échappatoire possible.

« Tu es sûr que le choixpeau t'a désigné comme un lion ? Des fois j'ai des doutes...

― Je réfléchis simplement avant d'agir..., maugréa Franck. Le château est vaste, Lily peut être n'importe où...C'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin, mais en essayant de fuir un vieillard excentrique en même temps. »

Alice pinça les lèvres, sentant une once de vérité dans les quelques paroles du garçon. Elle posa ses mains sur ses hanches, l'air autoritaire.

« Alors quoi ? Quel est ton plan ? »

Franck s'enfonça un peu plus dans son fauteuil, et se mit à penser rapidement. Comment pouvaient-ils trouver rapidement un étudiant dans un château aussi grand ?

« Arrête de faire ton maraudeur, avoue tu n'en sais rien... »

Les yeux du jeune homme s'écarquillèrent. Maraudeur ! Il fallait penser comme un maraudeur ! Et quel était le plus gros avantage de Franck ? Il vivait de manière quasi permanente avec ces quatre aventuriers et ennemis de Rusard. Ainsi, même sans être un membre à part entière du célèbre gang, il connaissait tout de même quelques astuces. Dont une, tout particulièrement, que possédait James : la carte du maraudeur.

« Il faut qu'on aille voir James ! s'écria-t-il après s'être levé. »

Il l'empoigna par l'avant bras avant qu'elle n'ait eu le temps de broncher. Elle se laissa emporter, alors qu'il la conduisait jusque dans le dortoir des garçons.

« James ! criait-il en surgissant sans crier gare dans la pièce. »

Le myope était affalé, sans grande prestance, sur son lit à baldaquin, les yeux dans le vide. Il tenait une photo entre ses doigts, et paraissait, au vu de ses sourcils froncés, nostalgique d'une époque révolue. Franck se sentit un peu embarrassé de le déranger, mais il n'y avait que le grand brun qui pourrait l'appuyer.

« James, on a besoin de la carte, s'écria-t-il en prenant place sur le lit également. Juste quelques secondes, pour rassurer Alice. »

La jeune femme marmonna dans sa barbe : ce n'est pas seulement pour me rassurer crétin !

James cligna plusieurs fois des yeux, comme si on le sortait subitement d'un songe.

« La carte ?

― Oui la carte...Lily n'est toujours pas revenue. »

Le prénom de la rouquine sembla éveiller quelque chose en James, une sorte d'instinct surprotecteur. Il se redressa, faisant sursauter les deux jeunes lions.

« Sirius...Sirius non plus n'est pas revenu, chuchota une voix sur leur droite. »

Ils venaient de réveiller, sans prêter attention, Peter, qui se frottait machinalement les yeux.

« Il doit être avec Jenkins..., tenta James en cherchant désespérément sous son lit. Ils ne traînent qu'ensemble...

― Mais Lily c'est inhabituel, insista Alice. Et je doute qu'elle ait décidé de tenir la chandelle entre Sirius et Emily. Ce n'est pas son genre, les couples ça l'agace.

― Mais pas vous ? ricana Peter. Elle tient toujours la chandelle...

― Figure toi qu'elle a mis un temps avant de s'en remettre...Et si Severus n'était pas une tête de troll, elle serait peut-être restée avec lui. »

James poussa un cri de victoire, et brandit un bout de parchemin froissé dans son poing.

« Quoi ? C'est ça le fameux outil miracle ? s'exclama Alice estomaquée.

― Un peu de respect pour la meilleure invention des maraudeurs, s'insurgea James. »

Il ouvrit le parchemin sur sa couette, après l'avoir soigneusement remise en place. Il prit sa baguette de sa poche arrière et la pointa en murmurant « Je jure solennellement que mes intentions sont mauvaises ». Presque immédiatement, les contours d'une carte animée se dessinèrent sous leurs yeux ébahis. Alice fixait bouche bée, les différents personnages qui se mouvaient sur le fond de carte.

« Et si Lily est dans le château..., commença-t-elle.

― Alors son nom aussi...La carte ne ment jamais les gars, si elle n'y est pas...C'est très inquiétant, poursuivit James qui se mit dès lors au travail. »

Les quatre paires d'yeux arpentèrent avidement la carte à la recherche du nom de la jeune femme, mais au bout d'un quart d'heure, Alice poussa un juron.

« Bouse de troll ! Lily est hors du château... »

Franck, notant rapidement que sa petite amie se mettait à hyper ventiler et que son teint pâle n'indiquait rien de bon, s'empressa de la rassurer.

« Alice...Lily est certainement partie de son plein grès...

― Mais qu'est-ce que ça change ! cria-t-elle d'une voix anormalement aigue. Imagine un peu ce qui pourrait lui arriver dehors ! »

James semblait paniquer également, il serrait le bras de Peter qui couina lorsque la douleur devint trop forte.

« Elle ne serait pas partie du manoir seule non ? tenta de réfléchir Peter en se massant l'avant bras. Qui manque-t-il d'autre ? »

Ravivés par cet éclat de génie, les jeunes gens se remirent à chercher d'autres noms.

« Alycia paraissait suspecte au dîner, affirma Alice après un moment. Commençons par chercher son nom. »

Mais là encore, après de longues minutes, ils en vinrent à la conclusion, qu'Alycia était également absente. Franck feint d'ignorer les grognements d'Alice qui évoquait la possibilité que la Serdaigle ait entraîné leur douce et ignorante Lily dans des lieux emplis de dangers. James quant à lui, posa sa main froide sur son front, en essayant de calmer sa peur.

« Sirius et Jenkins sont bien ensemble regardez, leur désigna Peter en essayant d'alléger l'ambiance.

― Dans une pièce du couloir maudit du troisième étage ? s'étonna Franck. Drôle de rencard... »

Aussitôt, James prit son pull rouge qui traînait à terre, et l'enfila. Il mit ses chaussures sans prendre la peine de les fermer correctement, et se précipita dans la salle commune, rapidement suivi par Peter, Franck et Alice.

« James ! s'exclama la jeune femme. Qu'est-ce qu'on a dit ? Où vas-tu ? »

Il s'arrêta net devant le portrait de la grosse dame.

« Emily, elle sait probablement ce que planifiait Alycia...Sirius va me détester si je mets fin à son date, mais il s'en remettra... »

Puis il reprit sa course.

« Et Rusard ? s'enquit de nouveau Alice.

― Il peut nous arrêter, je n'en ai rien à faire...Au pire, il nous emmènera chez Dumby et on lui expliquera que Lily est introuvable. »

Rapidement, ils trouvèrent le chemin du troisième étage et de son fameux couloir interdit, où même Rusard n'osait mettre les pieds. Il y avait une odeur de moisissure qui leur prirent le nez, et ils tâchèrent de ne pas marcher trop vite : le sol était humide et glissant.

« On se croirait dans un autre monde..., souffla Franck, alors que Peter s'accrochait aux pans de sa veste. »

James sortit la carte de sa poche et se mit à guetter les portes se trouvant sur leur droite. La carte ne mentait jamais : les deux tourtereaux se cachaient dans l'une de ses salles. Au fond de lui, il ne parvenait pas à comprendre comment Sirius avait bien pu emmener une fille dans un endroit pareil...Mais bon, il répondrait à cette question plus tard. Leur priorité était Lily.

« Là ! leur indiqua Franck. »

Il pointait du doigt une vieille porte qui contrastait un peu, de part son aspect, avec les autres. Derrière, on pouvait entendre, par bribes seulement, deux personnes qui discutaient vivement :

« ...tu n'aurais jamais dû nous sortir de là Sirius...

― ...réfléchit...on...déjà assez vu...

― ...important...arrête...me protéger... »

Sans état d'âme et grande préoccupation pour ce que pouvaient faire les deux adolescents, James ouvrit la porte à la volée. Il fut un peu déconcerté quand il vit les nombreux objets et éclats de verre brisé qui jonchaient le sol humide. Emily avait les cheveux en bataille, et les joues rouges. Sirius était pâle et perturbé. Le duo se tourna vers lui, tout aussi abasourdis.

« On est sauvé ! s'écria Sirius en s'élança vers la sortie. »

Emily s'empressa de le rejoindre, en enjambant tant bien que mal l'étagère renversée. Elle fit un petit sourire à James, avant de lui préciser :

« Ca va faire un moment qu'on est coincés. La porte ne s'ouvre que de l'extérieur. »

James cligna plusieurs fois des yeux, avant de détailler la face intérieure de la porte. Il ne comprit pas où voulait en venir Emily...Il y avait bien une poignée à la porte. Et celle-ci fonctionnait correctement.

« Jolie excuse pour votre rencard...souffla-t-il dans sa barbe. »

Sirius blêmit encore un peu plus, et loucha sur le verrou que désignait son ami.

« Mais non, je te le jure James. Elle n'y était pas !

― James...Sirius est claustro...Crois-moi, il a bien regardé. Il n'y avait pas de poignée ! assura la brune, consternée.

― C'est salle n'est pas normale..., poursuivit Sirius.

― Arrêtez de trouver des excuses, on imagine très bien..., commença Alice en roulant des yeux.

― Mais arrêtez bon sang ! s'énerva Emily. On est arrivés par hasard ici, et...on est restés enfermés. »

Il fallut que Franck intervienne pour mettre fin au débat, car il sentait, en bon médiateur, que cela leur ferait perdre énormément de temps. Il se posta entre James et Alice, et les deux vagabonds.

« Lily et Alycia ont disparu, elles ne sont plus sur la carte du maraudeur...On se demandait, Emily, si tu n'aurais pas une petite idée, de ce qui les aurait pris de quitter le château ? »

L'annonce fit le même effet qu'une massue pour la jeune femme, qui recula sous le choc. Elle secoua la tête, en essayant d'intégrer l'information. Comment ça Alycia n'était plus dans le château ? Alors qu'elle savait pertinemment qu'elle était en danger ? Une vague de colère s'engouffra en elle...Pourquoi continuait-elle de prendre autant de risques, sans même les en informer ? Et puis l'inquiétude aussi...Où était-elle ? Que faisait-elle ?

C'était un peu de sa faute non ? Ces derniers temps, elle s'accrochait du mieux qu'elle le pouvait à Noah, à cette énigme du cercle, et ces aventures...qui d'une certaine manière, lui permettaient de côtoyer Sirius Black. Et elle s'éloignait de ses amis, de son frère...Alors qu'eux aussi avaient probablement des soucis, des choses qu'elle pouvait régler à leur place. Depuis combien de temps n'avait-elle pas prêté oreille ? Ne s'était-elle pas montrée égoïste ? Soudainement, elle eut l'impression d'être une fillette en quête d'amour et d'aventures, qui vivait dans son monde, sans prêter attention à la réalité et à son entourage, à ceux qui avaient besoin d'elle.

« Non...non...je ne savais pas qu'elle voulait..., balbutia-t-elle. »

Une vague de déception déferla sur le groupe. Alice se remit à ronger ses ongles. Et James serrait les dents, pour ne pas crier.

« Après elle était très perturbée depuis que Lupin... commença-t-elle avant d'entrevoir une hypothèse. Lupin ! Elle est partie le chercher !

― Elle est partie chercher Remus ?! S'estomaquèrent les trois maraudeurs. »

Emily passa une main nerveuse dans ses cheveux emmêlés.

« Je ne vois pas ce que cela pourrait être d'autre...Elle en parlait à tout le monde...Remus, Remus...Encore et encore... »

Alice soupira si bruyamment que Peter fit un bond.

« Cela fait sens...Lily a toujours été proche de Remus...Et apparemment, elle n'arrive plus à être préfète sans lui. Je ne pensais pas qu'elle serait désespérée à ce point. »

Un silence s'ensuivit. Personne n'osait élaborer une théorie sur ce qui pourrait leur arriver à l'extérieur des murs réconfortants de Poudlard. Ils étaient en cercle, chacun observant minutieusement leurs pieds, ou bien un détail insignifiant de l'obscurité. C'était la grande inspiration avant le début. La minute d'attente, de repos...avant de foncer, tête baissée.

Sans vraiment en comprendre les raisons, ils avaient tous, au fond d'eux, le sentiment que quelque chose n'allait pas tourner rond dans le plan des deux jeunes fuyardes.

La détente...elle provint de James :

« Allons tous au bureau du directeur. »

Ce n'était pas une proposition, mais un ordre. James reprenait les rennes. Depuis la rentrée, à cause du deuil qui pesait sur ses épaules, il s'était éclipsé, et on en aurait oublié qu'il avait été le chef des maraudeurs. Mais la disparition de Lily, avait eu l'effet d'un électrochoc. Il s'était recadré. Il était revenu à sa place, de meneur, de Gryffondor. Il avancé à grands pas. Et il n'y eut personne pour le contredire. Ils suivirent tous ses pas, en rythme soutenu.

**

Regulus était paniqué. Un état d'esprit qui le torturait de plus en plus rarement, si bien qu'il ne savait trop comment gérer la situation. Il s'était caché derrière une butte, d'où il pouvait discrètement apercevoir les mouvements des ombres à l'extérieur de la maison.

Ils connaissaient ces mangemorts. Il n'apercevait certes pas leurs visages ; mais c'était la première unité avec laquelle il avait pu faire ses preuves. L'unité de sa famille, de ses proches. Il pouvait reconnaître les mouvements distincts de Lucius, le rire infernal de sa cousine Bellatrix, le croassement des Lestrange,...

Mais surtout, et c'était peu ordinaire de le croiser lors de ce genre de sorties...il avait reconnu d'un seul coup d'œil le boitement de son père, Orion Black, qui ne sortait plus sans sa cane. Un rire menaçait de le prendre : quelle ironie ! Pas vrai ? La seule fois, où lui, Regulus, ose contrer son destin pour assister une amie, son histoire de famille le rattrape. Ainsi, c'était vrai...Son destin était déjà écrit. Car chaque détour emprunté, le ramenait toujours à la maison.

Il entendit des cris à l'intérieur et son cœur saigna.

Il ferma les yeux, prit une inspiration.

Il n'avait pas le choix, s'il sortait de sa cachette pour défendre Alycia...Il déshonorerait sa famille, serait renié...et il ne se faisait pas d'illusion, il serait probablement tué dans les minutes qui suivraient. La rage de Bellatrix n'avait pas de précédents.

Alors que devait-il faire ? Fuir ? Attendre ? Guetter ? Aller chercher de l'aide ?

Son cœur accéléra sa course. Ses cheveux collaient à son front en sueur. Il se laissa une trentaine de secondes pour faire son choix.

Alycia, ses cheveux blancs, son sourire, et sa compréhension. Si semblables, malgré toutes les différences. La première amie qu'il pouvait appeler comme telle.

Sa famille, sa maison, les seuls qui se tiendraient derrière lui, quoi qu'il arrive. Sirius avait toujours pensé qu'il n'y avait que sa mère qui comptait. Sa méchanceté, sa noirceur d'âme. Mais Regulus avait été meilleur pour discerner sa tristesse, sa volonté de les voir réussir mieux qu'elle, les sourires rares, mais précieux de son père, la sagesse de Narcissa, les rires déments, mais enivrants de Bellatrix...Il n'avait jamais voulu que tout cela se brise.

Il secoua la tête ; les larmes ruisselants sur ses joues rougies.

Le choix était déjà tout fait. Il ne pouvait pas mettre en péril, toute une histoire, tous ces souvenirs...Pour une fille, qui lui avait certes volé le cœur...mais qu'il ne connaissait que depuis un an.

Sirius avait tord. Il avait toujours eu tord.

On né Black, on vit en tant que Black, et on meurt comme un Black.

Ce nom de famille était comme gravé dans sa peau, dans son cœur, dans son âme. C'était son identité. Il ne pourrait jamais s'en défaire.

Il ouvrit les yeux, inspira à plein poumon. Et s'apprêta à s'élancer.

Il allait courir. Sans s'arrêter, en sens inverse. Il retrouverait le balais magique, et volerait jusqu'au petit matin, le vent séchant ses larmes et chassant ses doutes. Demain, personne n'aura remarqué son absence de la nuit. Et peut-être qu'un jour, il oublierait cette fameuse nuit, où il se serait détourné d'une certaine jeune femme aux cheveux blancs et aux yeux clairs.

Et tout irait bien.

Tout irait bien.

Une énième larme salée s'écrasa contre l'herbe humide.

Combien de temps encore allait-il mentir à lui-même ?

**

Evan était couché sur le dos, les yeux rivés sur le plafond. Il ne ressentait rien. Il essayait simplement d'accepter toutes les informations qu'il avait réussi à obtenir. Ce surplus, il voulait l'exprimer, le crier sur les toits. Il n'avait jamais été doué pour les secrets ; étant beaucoup trop émotif pour ça. Pourtant, cette fois, il devrait apprendre.

Ses yeux commençaient finalement à se fermer, quand un bruit le fit sursauter. La porte de la chambre grinça, et une silhouette fine se glissa à ses côtés.

Emily.

Elle reniflait. Il saisit qu'elle pleurait.

Immédiatement son cœur se serra, et son instinct de frère jumeau prit le relais. Il se redressa et lui fit un peu de place, toute la rancune qu'il avait pu contenir s'évapora.

« Em... ? »

Elle s'accrocha à sa chemise de pyjama et se blottit contre lui. Il sentit rapidement l'humidité contre son torse, et elle commença à trembler sous le poids des sanglots. Il passa une main sur son dos et murmura à son oreille pour la calmer.

« Un rêve ? »

Elle poussa un petit gémissement de douleur, et secoua le menton :

« Pire...la réalité... »

Sa sœur avait un courage rare. Elle aurait mérité la maison des lions. Qu'est-ce qui pouvait la briser à ce point ? La curiosité prit le contrôle, et il desserra son étreinte. Il la prit par les épaules pour qu'elle plonge ses yeux larmoyants dans les siens.

« Em, dis-moi ! »

Sa respiration était saccadée, elle s'octroya donc quelques minutes pour reprendre son souffle. Et lorsqu'elle verrouilla de nouveau son regard d'acier avec le sien. Sa bouche s'ouvrit pour laisser couler le récit.

Elle lui raconta tout. Le fait qu'elle s'était retrouvée prisonnière dans une salle paumée et oubliée depuis longtemps avec Sirius. Leur sauvetage. La carte du maraudeur qui n'affichait plus les noms de Lily et Alycia. La peur quand elle avait saisit que la vagabonde était certainement partie chercher un certain maraudeur studieux et dont l'absence la tiraillait depuis Septembre.

Mais aussi leur ruée dans le bureau du directeur, qui a leur grande surprise, était déjà pleinement occupé avec ses portraits. Son visage ridé sans expression à l'annonce de la disparition de deux de ses élèves. La compréhension et l'incrédulité sur le visage de McGonagall qui se trouvait à ses côtés. Ses paroles douces mais terrifiantes, leur expliquant qu'une attaque était justement en cours au domicile de Remus. La panique de James qui s'énerva contre ces deux adultes.

« Nous allons sur place, avait annoncé le directeur.

Retournez dans votre dortoir, avait renchérit Minerva. »

Elle arrêta de sangloter, mais ce fut au tour de son frère de trembler. Il l'attira à lui.

Ils se retinrent ainsi, toute la nuit, sans trouver la force de fermer les paupières. Chacun écoutant la respiration de l'autre, pour essayer d'apaiser la terreur qui prenait leurs membres.

**

Au milieu du désespoir, la bague d'Alycia se remit à lui brûler le doigt. Si fortement, qu'elle s'en effondra. Sa tête heurta le coin de la table, et sa vision devint floue. Du coin de l'œil, elle voyait une image vacillante d'un Remus qui prenait appui sur un mur, car sa jambe avait un drôle d'angle. Lily hurlait à chaque sort qu'elle lançait, son bras dégoulinant de sang...

Son premier reflexe, fut de se traîner derrière un pan de mur, et d'essayer d'extraire la bague de son doigt. Celle-ci fumait, et se teintait de rouge. Comme si on l'avait mise au feu.

Utilise la bague, sifflait une voix.

Elle serra les dents. Sa mère avait dit : en cas d'extrême urgence. Mais pourtant, n'était-ce pas là une situation qui correspondait parfaitement ? Encore quelques minutes et ils mourraient. Ils avaient beau être plein de volonté, de ruses, et de détermination...Ils étaient trop nombreux, et ils n'étaient que des étudiants...Leur faiblesse était visible. Elle savait qu'Eugène lui avait déconseillé fermement son usage. Sophie serait déçue. Mais c'était leur ultime recours. Le dernier espoir.

Mais pourtant...Elle avait peur de découvrir ce que pouvait renfermer l'écrin bleu qui meurtrissait sa main.

Utilise la bague.

Elle inspira.

« Je te fais confiance, maman..., marmonna-t-elle pour elle-même. J'espère que ça en vaudra la peine. »

Elle jeta un dernier coup d'œil à ses amis, qui combattaient pour leurs vies. Leurs joues rouges, le sang qui teintait leurs muscles. Les coupures des vêtements. Elle pensa à Regulus, et se demanda s'il les avait réellement trahis. Elle calma son cœur qui voulait sortir de son corps. Elle détailla la longue griffure qui déchirait le papier peint du mur d'en face, et se demanda, comme si elle était en transe, comment un Remus aussi frêle avait bien pu marquer ainsi sa chambre.

Elle passa machinalement le doigt sur sa bague. Elle ferma les yeux, en faisant abstraction des explosions et de la fumée, et saisit le dernier fragment de courage qu'elle pouvait atteindre. Elle l'activa. Comme si elle avait toujours su le faire.

Il y eut un instant sans que rien ne se passe.

Et puis...

Il y eut une lumière aveuglante. Un bruit sourd. Un étourdissement. Sa main gela, la bague semblait soudainement si lourde...Elle eut du mal à respirer. Elle toussa. Elle n'osait plus ouvrir les paupières. Les cris s'atténuèrent. Il y eut...comme un hoquet de surprise. Lily s'agenouilla à ses côtés. Elle se sentit puissante. Elle eut envie de se lever. Elle posa une main à terre, et prit appui.

Elle tendit sa baguette en direction des mangemorts. Hurla un sort, mais le son qui sortait de sa gorge ne semblait pas venir d'elle.

Elle ouvrit les yeux.

La lumière avait disparue.

Il y avait un grand silence.

Les mangemorts étaient tous à terre.

Elle sursauta.

Elle se tourna vers Remus.

Il la regardait avec stupeur, sa bouche largement ouverte.

Ses yeux pâles retrouvèrent le chemin de sa baguette.

Il y avait une main sur la sienne. Une main pâle, presque translucide.

Il y avait un bras contre le sien, peau contre peau, et pourtant elle ne pouvait pas complètement le sentir.

Il y avait une épaule qui touchait son omoplate.

Et il y a ce sourire qu'elle n'avait jamais réussi à oublier. Ces yeux qui la hantaient toujours dans ses rêves. Ces boucles qu'elle avait tant aimé toucher. Ce nez retroussé d'un enfant éternel...Une vague d'émotions qu'elle croyait enfouies, déferla. Comme un ras de marée, l'image fantomatique bouleversa tout sur son passage : elle n'était plus consciente des cadavres à ses pieds, ni du bras de Remus qui vint l'attraper, des cris des mangemorts qui fuyaient dans les champs,...Sa respiration se coupa, et elle suffoqua. 

« Jaimie »




A suivre....





**

Oupsi ;) 

Encore un chapitre, où j'aime faire n'importe quoi, tirailler tous mes personnages...Mais vous êtes habitués, mouhahaha. 

Bon cette bague ? 

Et ce bal ? 

Surpris ou pas surpris ? 


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