Chapitre 8 : De belles promesses
Lily s'était imaginé un million de scénarios. Mais dans aucun, James s'effondrait. Une partie d'elle-même se sentait coupable de ne pas avoir réussi à lui annoncer correctement la nouvelle. Mais elle n'avait aucune expérience dans ce domaine...Comment expliquer à James que les sœurs d'Emmeline étaient en vie, mais que sa meilleure amie d'enfance ne reviendrait, quant-à elle, jamais ?
Il était resté assez longuement inconscient, si bien qu'elle se mit à paniquer quand il ne daigna pas rouvrir les yeux après quelques minutes. Finalement, quand elle se décida à l'emmener de force à l'infirmerie, il entrouvrit les paupières. Elle retrouva alors son souffle. Bien que ce soit difficile à admettre, et qu'elle ne le prononcerait jamais à voix haute, apercevoir la pâleur macabre de son visage, lui avait retourné l'estomac.
« Je suis désolée, lui dit-elle alors immédiatement, en l'aidant à se redresser. »
Il paraissait désorienté, comme s'il ne se souvenait pas de la raison pour laquelle il était tombé en premier lieu. Ses yeux chocolat arpentèrent d'abord la silhouette de la rouquine. Puis son regard dériva vers Claire, qui ne savait plus comment réagir.
« Emmy ? demanda-t-il faiblement»
Le cœur de Lily accéléra furieusement sa course, et elle broya presque les os de la main de James. Claire tremblait derrière elle. Il fallait qu'elle retrouve son sang-froid, car aucun des deux ne pouvaient gérer correctement la situation. Claire était traumatisée et toute mention de l'incident risquait de réveiller l'angoisse qu'elle essayait tant bien que mal de chasser. Quant à James, il fallait le ménager pour lui éviter de retomber dans les pommes. Elle prit deux grandes inspirations, et se décida à prendre les choses en main. Elle était préfète non ?
« Claire, retourne dans le dortoir s'il te plaît. Je dois parler à James, ordonna-t-elle d'une voix douce mais ferme. »
La jeune fille hésita, mais obéit, en faisant confiance à Lily, qui avait été honnête avec elle depuis la venue des aurors. Elle se retourna une dernière fois, avant de monter les escaliers, et adressa un signe de la main à James. Comme une façon de dire, qu'elle comprenait.
Une fois que les oreilles de Claire, furent hors de portée, Lily tourna toute son attention vers James. Une partie de la jeune femme voulait le laisser dépérir dans son chagrin, et se venger de toutes ces années, où il avait été un imbécile. Mais c'était du passé. Ils étaient presque adultes désormais. Elle n'était plus la fillette prête à tout pour rabrouer les maraudeurs ; et il n'était plus le rebelle arrogant et charmeur qui avait jeté son dévolu sur une rouquine. Non...Dans la salle commune, au coin du feu, se trouvaient une préfète au grand cœur, et un élève endeuillé.
« Annabelle et Claire ont survécu. Les aurors m'ont chargé de veiller sur Claire, pour que son retour à la normal, se fasse de la meilleure manière possible. Je suis désolée...mais...Emmeline...elle n'a pas eu cette chance... »
Il cligna plusieurs fois des yeux. Pour effacer les larmes ? Il y eut plusieurs minutes qui s'écoulèrent sans que l'un et l'autre ne fassent un seul mouvement. Il était toujours assis sur le plancher, le dos avachi contre le sofa, tandis que Lily s'agenouillait à sa hauteur, et faisait preuve de patience.
« Je..., essaya-t-il après un moment. »
Elle plaça une main réconfortante sur son avant-bras, pour lui indiquer qu'il pouvait prendre son temps, et qu'elle l'écouterait simplement. Elle ne pouvait pas faire plus. Elle craignait d'aggraver son chagrin par quelques phrases maladroites.
« Je...je sais même plus comment...co...comment je me sens. »
Lily ne pouvait que s'imaginer la situation, n'ayant jamais perdu quelqu'un de proche. Elle supposa que c'était normal d'être perdu aussi sur ses ressentis. James était passé par beaucoup de stades durant l'été : peine, douleur, énervement, haine, envie de vengeance...Son cœur avait tant souffert qu'il ignorait comment réagir, face à la goutte de trop.
« J'avais de l'espoir... »
Elle se mordit la joue, pour s'empêcher de lui donner de mauvaises prédictions, afin d'obtenir un maigre sourire.
« ...mais l'espoir c'est pour les cons... »
Il venait de dire cela avec tant de dureté, qu'elle se redressa brusquement.
« Non, c'est faux, se surprit-elle à contrecarrer. Sans espoir, ils auraient déjà gagné cette foutue guerre. »
Il eut un rire, entre deux sanglots silencieux.
« Ils ont gagné Evans. On ne le réalise juste pas pour le moment... »
Voilà, Lily se mit donc à pleurer elle aussi. Le pessimisme en l'avenir du myope la touchait en plein cœur. Elle se rendit alors compte que depuis toujours, bien que les maraudeurs soient une source perpétuelle d'ennuis dans sa vie, ils étaient aussi un signe que tout allait bien. C'étaient les éternels optimistes, toujours le sourire aux lèvres, et la joie qui pétillait dans leurs yeux. James qui pleurait...c'était un mauvais signe, pas seulement pour lui, mais pour le monde des sorciers, du moins du point de vue de la jeune fille, qui avait toujours trouvé refuge dans la tranquillité de Poudlard. Le début du changement...
« Je pensais que Remus reviendrait, j'imaginais qu'Emmeline s'en sortirait...Et rêver de tout ça ? Ca m'a mené où dis-moi ? Nulle part...L'espoir est un frein. Il faut que j'arrête de me voiler la face comme ça ! Ils avaient raison. J'ai toujours eu tout ce que je voulais...Rêver c'était facile, quand on est sûr d'obtenir ses désirs...En fait c'est de la foutaise. »
Il n'y avait plus grand-chose à dire. Alors elle passa un bras autour de ses épaules voutées, et elle posa sa joue contre la sienne. Quand elle était jeune, ses parents l'avaient encouragé à faire du baby-sitting pour gagner un peu d'argent de poche. Une fois, elle avait du veiller sur un garçon de sept ans, qui venait de perdre son grand-père. N'ayant jamais perdu quelqu'un, et ne pouvant se résoudre à parler, elle l'avait entouré de ses bras minces, et l'avait bercé jusqu'au levé du jour. Aujourd'hui, elle revivait la même scène. Elle berça James comme elle l'aurait fait pour un enfant, doucement, en lui murmurant quelques mots à l'oreille.
Sa technique porta ses fruits, ses pleurs se calmèrent, et il la serrait un peu plus fort contre lui, comme si elle eut été une bouée en mer.
« Emmy, murmurait-il inlassablement. Emmy... »
**
Sirius venait de bousculer une quatrième personne en moins de cinquante mètres. Ce n'était pas qu'il ne faisait pas attention...Mais il n'était pas d'humeur à se décaler lorsqu'un serpent le frôlait de trop près. En fait, leur uniforme vert lui donnait la nausée depuis la veille au soir. C'était comme un rappel incessant de la dispute qu'il avait eu avec son frère. Il détestait donc cette journée, et prenait un malin plaisir à le montrer.
Pour couronner le tout, James était absent depuis le début de la matinée, il n'était pas venu en cours, et plus surprenant encore, il venait de louper les sélections de Quiddich. Il avait prévenu sa suppléante, qu'il avait la diarrhée, et qu'il séjournait actuellement à l'infirmerie. Mais Sirius connaissait James mieux que personne, et il n'en croyait pas un mot. Il y avait un problème, et il n'avait pas la moindre idée de ce que cela pouvait être, ce qui l'énerva au plus haut point.
Alors qu'il ruminait intérieurement, les joues en feu, il ne vit pas la silhouette fine foncer vers lui, et il la percuta de plein fouet.
« AIE ! hurla cette dernière lors de la collision. »
Il mit un instant avant de réaliser que la voix appartenait à une jeune fille qu'il connaissait plutôt bien.
« Jenkins ? »
La brune le fusilla du regard en se massant le thorax.
« Sirius, tu m'as enfoncé ton coude dans mes côtes ! »
Il grommela quelques excuses rapides, avant de partir...ou plutôt de s'enfuir. Elle resta plantée dans le couloir, les yeux écarquillés de stupeur. Puis, une fois qu'il atteignit le bout du couloir, il perçut le son de ses petits pas qui courraient sur le carrelage glissant. Quelques secondes plus tard, il sentit une main ferme lui saisir l'avant-bras.
« Sirius, tu es sûr que ça va ? »
Il venait de lui briser une côte, et elle osait se préoccupait de son état ? Bien sûr qu'il allait bien...Au fond de lui, il souhaitait se convaincre que perdre un frère n'était pas si grave que cela. Que sa mauvaise humeur, était uniquement due à la disparition de Remus, au malaise de James, et à une accumulation de facteurs...Pourtant il ne put s'empêcher de rétorquer sèchement :
« Oui, maintenant laisse-moi en paix Jenkins. »
Il s'en voulut presque immédiatement, lorsqu'il vit ses yeux se plisser de méfiance et son teint rougir de colère. Il se rappela, que bien que cette façon de lui parler avait été naturelle pendant longtemps, depuis plusieurs mois, seule la douceur venait orner leurs discussions.
« Non.
― Quoi ?
― Non je ne te laisserai pas en paix, comme tu dis. Pas si tu me le demandes comme ça. »
Ce fut au tour du visage du jeune homme de s'empourprer. Emily oubliait qu'il était biologiquement parlant, un Black. Les Black sont butés. Ils peuvent défendre un argument qu'ils ne soutiennent pas, et cela jusqu'à la mort, juste pour avoir le dernier mot. En ce sens, Sirius était probablement le pire des Black.
« Mais ce sont pas tes oignons Jenkins ! Si tu veux faire chier quelqu'un, va voir ton frère ! »
Il arracha son bras de son emprise, et courut dans la direction opposée. Dans son dos, il sentait son regard perçant. « Sirius ! » criait-elle dans le couloir. Il ne répondit pas. En fait, il voulait juste envoyer balader le monde.... Il voulait s'isoler ; là où personne ne le trouverait jamais, et se laisser ronger par la culpabilité, qui le suivait comme une ombre depuis un an. Il souhaitait fuir. Mais fuir quoi ? Fuir son nom, son sang, son caractère, les attachements qu'il ne devrait pas avoir...Fuir tous ceux qui lui demanderaient comment il allait, pour oublier ce besoin de main tendue.
**
Il était difficile pour Emily de penser à autre chose pendant le repas. Son regard dérivait toujours vers la silhouette avachie de Sirius, plus loin sur la table. En fait, il n'y avait pas vraiment de paroles prononcées : l'engouement habituel s'étant éclipsé au profit des pensées de chacun. Alycia imaginait toujours mille et un scénarios pour retrouver Remus. Et Evan ne semblait pas très enthousiaste devant son bol de soupe aux oignons, coincé entre deux jeunes femmes silencieuses et pensives.
Derrière eux, il y avait de l'agitation. Emily n'avait pas vraiment compris quelle en était l'origine. Tout le monde paraissait tendu, voire excité. Certains discutaient à voix basse, comme pour échanger quelques secrets. D'autres agitaient les bras, et étaient plus démonstratifs.
Au milieu de cette foule en délire, trois têtes qu'ils connaissaient bien, vinrent s'asseoir près d'eux. Alycia se pencha distraitement pour enlever son sac en bandoulière du banc, et leur offrit un mince sourire. Lily, toujours aussi pâle et fatiguée que la veille, se posa à côté d'Evan qui rougit presque immédiatement.
« Sa...salut..., bégaya-t-il »
Alice, était quant à elle plus rayonnante. Elle arborait un sourire en coin qui signifiait qu'elle souhaitait ardemment leur dire quelque chose, mais que quelque chose ou quelqu'un l'en empêchait. En l'occurrence, il s'agissait de la sagesse de Franck qui la bloquait dans son élan. Il lui lançait des clins d'œil, comme pour lui dire d'attendre un peu...
« J'ai un truc à vous dire, annonça-t-elle malgré le coup de pied que lui donna son petit-ami. »
Alycia sortit de sa torpeur et lui lança un regard intéressé, tandis que Lily soupirait bruyamment.
« Alice s'il te plaît...
― Ils doivent le savoir !
― Tu es une commère..., se plaignit Franck en se servant un peu de bouillon. Tu viens de l'annoncer à la moitié de Poudlard, alors que Lily t'avait expressément dit de faire preuve de discrétion. Ce n'est pas parce que les profs ont donné le feu vert, qu'il fallait se ruer comme ça sur l'occasion de briller.
― C'était la première fois que j'étais au courant d'un potin avant Marlène ! C'est un exploit ! Et quel potin.... »
Leur échange venait d'attiser la curiosité d'Alycia qui vint à la rescousse d'Alice.
« Alors dis-nous ! S'enquit-elle. »
Emily releva doucement le menton, et posa ses couverts. Etait-ce une histoire de couple comme toujours ? Si c'était le cas, ça devait être une association plutôt inattendue pour mettre Alice dans cet état. Du coin de l'œil, elle vit Sirius se redresser, comme si lui aussi il tendait l'oreille. Est-ce que ça le concernait ?
Une peur presque instinctive lui noua les entrailles...Et si son comportement étrange envers elle, était le signe qu'il venait de se mettre en couple ? N'avait-elle été là cet été que pour combler un vide ? Une jeune fille peu attirante uniquement présente à ses côtés en attendant que se présente une femme de meilleur attrait ? Elle frissonna, et évita soigneusement de croiser son regard.
« Alice..., l'avertit de nouveau Franck.
― Certains Vance ont été retrouvé vivants ! s'écria théâtralement Alice. Les deux plus jeunes sœurs d'Emmeline...Et certains disent que Charles Vance également. Vous ne trouvez pas ça dingue ? Ils ont survécu aux mangemorts ! C'est une mission quasi-impossible ! »
Le souffle d'Emily se bloqua dans sa gorge. Elle sentit Evan se raidir, et Alycia faillit s'étouffer. Mais rien ne fut comparable à la réaction de Sirius qui bondit de sa chaise et vint claquer du poing sur la table en face d'Alice.
« Hein ? Qu'est-ce que tu racontes ?! »
Lily bondit sur sa chaise, et offrit à Sirius, des yeux ronds comme des soucoupes.
« Heu bonjour Sirius..., commença-t-elle pour l'apaiser tandis qu'Alice se réjouissait de l'effet obtenu.
― C'est quoi cette histoire ?!
― Je..., essaya Lily.
― C'est pour ça que James fait semblant d'être malade ? »
Lily cligna plusieurs fois des yeux, bouche bée, et Sirius sembla perdre patience, il attrapa son sac, et s'éloigna à grand pas, en bousculant une nouvelle fois une paire d'étudiants qui passaient devant lui.
« Qu'est-ce qui lui prend ? On dirait un chien enragé, s'étonna Evan. Déjà que d'habitude il n'est pas supportable...là c'est carrément pire ! »
Presque automatiquement, la tablée tourna la tête vers Emily qui secoua la tête l'air de dire qu'elle n'en savait pas plus que lui.
« J'en sais rien ! Tout à l'heure, il m'a bousculé et m'a hurlé dessus..., expliqua-t-elle en continuant de regarder la porte par laquelle il venait de sortir.
― Autant pour moi, rectifia Evan. Il est juste redevenu lui-même en fait. »
Il baissa les yeux à temps pour éviter le regard meurtrier de sa sœur.
« Il fait de son mieux ! Il n'est juste pas dans son assiette ! Tu crois que tu es plus agréable quand tu n'as pas dormi ? répliqua-t-elle sèchement. Il a des soucis...
― Cela doit être à cause de son frère..., fit Alycia. »
Emily arqua un sourcil de surprise. Tant à cause de l'information, que du fait que son amie en savait plus qu'elle.
« Pourquoi dis-tu cela ?
― Regulus n'est pas bien non plus, expliqua son amie. Regarde ! poursuivit-elle en le montrant du doigt. »
En effet, le jeune Serpent semblait rêver, seul, loin de sa bande habituelle. Chose surprenante, il ne notait même pas les multiples coups d'œil que lui lançait Alycia depuis une demi-heure. Il était comme...hypnotisé par les détails du mur, et le monde autour de lui s'estompait progressivement.
« Certaines rumeurs disent qu'ils ne se parlent plus depuis que Sirius a quitté la maison familiale, ajouta Alice en mâchant la bouche ouverte. Alors s'ils ont enfin décidé de se parler...J'imagine que ça n'a pas bien fini...Ils ont toujours été le jour et la nuit. »
Elle marqua une pause en délaissant ses couverts sur le côté de son assiette, puis poursuivit à voix basse en direction d'Alycia.
« Je sais que tu t'entends bien avec Regulus Black, rien ne m'échappe à Poudlard, mais vraiment Aly...lâche l'affaire...Car deux meilleures amies, qui poursuivent deux frères ennemis...Cela va mal finir. Et personnellement, je suis une pro-Blackins ! »
Emily en recrachant son jus de citrouille, et s'étouffa maladroitement, pendant que son frère perdait toute couleur.
« BlackQuoi ?
― Blackins...Black plus Jenkins...ça donne Blackins. Avec Marlène McKinnon, on hésitait avec Emirius, mais j'ai trouvé que ça faisait vieux nom latin, ça ne te correspondait pas du tout... »
Elle continua son monologue alors qu'Alycia se mordait les lèvres d'inconfort. Grâce à Alice, elle venait de comprendre à quel point la situation pouvait dégénérer. Mais Regulus n'était qu'un ami, tout comme Sirius pour Emily...Ce fut du moins ce qu'essaya d'argumenter la brunette.
« C'est ridicule ! On ne sort pas ensemble ! cria-t-elle un peu trop fort.
― La relation est bien entamée maintenant que je m'en mêle. J'ai arrangé soixante et un couples dans l'école. J'ai une réputation à tenir. »
Franck souhaitait clairement disparaître six pieds sous terre, alors que Lily secouait la tête de désespoir. Evan quant à lui, s'était arrêté à l'histoire du surnom, et un détail retenait son attention, il coupa la parole à Alice pour protester :
« A quel moment, tu as cru qu'il était possible d'associer mon nom de famille à celui de Black !? Je refuse ! »
Alice leva les bras au ciel comme pour signifier que c'était trop tard : ce n'était plus de son ressort.
« Et puis de quoi tu te mêles ? riposta Emily. Ce sont mes affaires !
― Tout devient public à Poudlard lorsqu'il s'agit d'un maraudeur. Surtout si on parle de Sirius Black, le centre d'intérêt de quatre-vingt dix pourcents des filles de cette école. Tu es en train de leur voler la place, alors...
― Excuse-la, l'interrompit Franck pour stopper net les folies de sa petite amie. Alice n'est plus elle-même lorsqu'il s'agit de potins amoureux. Tu ne l'imagines même pas à la saint-valentin ! »
Il se tourna ensuite vers Alice, après avoir terminé ses paroles d'un sourire aimable à Emily.
« Alice, excuse-toi ! ordonna-t-il plus sèchement. »
Cette dernière lui fit une moue, comme une enfant en plein caprice, avant d'abandonner la partie face à la détermination farouche de son petit-ami.
« J'y suis peut-être allé un peu fort..., concéda-t-elle. »
Mais Emily n'écoutait déjà plus. Il fallait qu'elle trouve Sirius, elle ne savait plus très bien pour quelle raison : le soulager ? Ou la rassurer ? Ou peut-être bien les deux. Elle plongea son visage dans sa main pour y voir plus clair. Qu'importe ce qu'ils disaient tous : les rumeurs romantiques lancées par Alice, l'imagination débordante et protectrice de son frère, les inquiétudes discrètes d'Alycia, les méfiances des maraudeurs...Elle était son amie, et il était le sien, et ce n'était pas un serment en l'air pour un Jenkins. Il l'avait aidé à garder confiance en elle, il était temps qu'elle lui rende la pareille.
**
« Je savais que tu n'étais pas à l'infirmerie, murmura-t-il à la forme avachie en haut de la tour d'astronomie. »
Un silence vint prolonger ses paroles, alors qu'il regardait pensivement l'horizon et le soleil de l'après-midi d'une fin d'été. Après quelques minutes à écouter sa respiration tremblante, il s'assit lui aussi, et posa une main réconfortante sur l'épaule de son ami.
« Tu n'es pas obligé d'en parler...On n'est même pas obligé de parler du tout...Sache juste, que je suis là. Je serai toujours là Cornedrue..., soupira Sirius en secouant légèrement son épaule.
― Je sais, semblaient dire les prunelles humides de James Potter. »
Alors ils demeurèrent là, pendant plus d'une heure, tout en étant parfaitement conscients que s'ils tardaient trop, ils risquaient de louper leur cours de potions de quinze heures. Mais ce n'était que d'une maigre importance comparé à leur peine.
« J'en ai juste marre, que tout s'effondre depuis cet été..., avoua finalement James d'une voix faible.
― Tout ne s'effondre pas...On est encore debout, on a des amis formidables, et nous sommes toujours en sécurité au sein de l'école, relativisa Sirius en détournant son regard du ciel. Les maraudeurs... »
James eut un rire triste à l'entente de leur nom de groupe. Il s'essuya rapidement les yeux avec sa manche.
« Les maraudeurs hein ? Où est Remus rappelle moi ? Toi, tu passes plus de temps avec Jenkins qu'avec nous...Et Peter ? On le néglige putain...Il se sent mal aussi, je le sais, je le sens...Alors il s'éloigne...Remus c'était notre ciment. On fait quoi maintenant ? »
Puisque Sirius était alors à court de mot, James poursuivit avec autant de hargne et de désespoir.
« Emmeline est morte...Le meilleur ami de mon père est mort...Tu savais toi, qu'il s'est mis à boire ? Maman n'osait pas en parler...mais ça commence à lui taper sur les nerfs...Certains couples ont divorcé pour moins que ça ! Je ne sais toujours pas quoi faire de mon avenir. Les maraudeurs partent en fumée. Lily ne me regarde qu'avec pitié...J'ai toujours tout eu dans ma vie. Mes parents sont riches, j'ai d'excellents amis, je suis populaire...Et tout s'est effondré en quelques mois...Tu le crois ça ? »
James était une bombe à retardement, Sirius pouvait le sentir à chacun des syllabes prononcées. Ses joues étaient rouges, ses yeux piquaient, et il tremblait de la tête aux pieds. Il souhaitait pouvoir remédier à tous ces problèmes, revenir en arrière, sauver Emmeline, qui avait été le déclencheur...Mais la magie ne pouvait pas tout ; même elle, pouvait être impuissante.
« Je suis désolée pour Emmeline vraiment...Et je m'excuse pour mes absences. Je ne traîne pas avec Emily pour te remplacer ou quoique ce soit...Juste...J'ai tellement été con avec elle, alors qu'au final elle vaut mieux que moi...En me liant d'amitié avec elle, je répare en quelque sorte mes tords. »
Face au regard insistant, voire interrogateur du myope, Sirius se sentit forcé à enchaîner, par une légère déclaration.
« Et puis...ce n'est pas vraiment une amitié comme avec toi...Je ne sais pas si tu vois...Je veux dire, j'apprécie sa compagnie et... »
James eut le premier sourire de la journée. Il n'était pas très large, et il fut plutôt furtif, mais ce fut déjà un premier pas.
« T'inquiète mec...J'ai compris. C'était vraiment con de ma part d'être jaloux comme ça. Après-tout, on va tous finir par sortir avec quelqu'un, ça devait arriver... »
Sirius sursauta et son visage s'empourpra en moins de deux secondes.
« Quoi ?! Non ! Ce n'était pas ce que je voulais dire ! C'est une amie ! »
James secoua la tête, et refusa de revenir sur sa théorie.
« Calme-toi...autant noter les seules bonnes nouvelles du moment... »
Sirius pinça les lèvres, en se faisant violence pour ne pas répliquer et contredire les paroles de son frère de cœur.
« Et puis tu as besoin de ça Sirius. Je suis pas idiot, j'ai bien vu que toi non plus tu n'étais pas dans ton assiette. Regulus ?
― Ouais...Et Asteria..., murmura-t-il en froissant la lettre dans sa poche. Elle est revenue de France. Elle a décidé d'arrêter ses études, un peu comme Remus. »
Il ponctua bien sa phrase, comme un signe qu'il n'en dévoilerait pas davantage. Mais cela suffit à James qui hocha tranquillement la tête.
« Je ne pense pas qu'elle ait la carrure pour devenir mangemort Sirius...
― On l'a souvent sous-estimé. Si elle se met en tête que c'est pour surveiller Regulus, alors crois-moi qu'elle le fera. Et puis je soupçonne Celia d'y être également...»
Il y eut un long silence, et aucun des deux jeunes hommes ne daigna briser cette armure. C'était comme si le temps s'était figé, en haut de la plus haute tour de Poudlard. Il n'y avait qu'eux, et leur chagrin. Au bout d'un moment, quelques minutes probablement, James prit la main de Sirius et la serra fort. Comme lorsqu'ils étaient deux enfants de onze ans, effrayés de se retrouver seuls pour la première fois. James était venu observer le paysage, après avoir pleuré sur une lettre de sa mère, et il avait retrouvé un Sirius inquiet pour son jeune frère qui subissait seul la cruauté de sa famille. Ils s'étaient trouvés, et tenu la main pendant toute une après-midi...Leur amitié avait réellement débuté ce jour-là.
**
Bien qu'elle ne veuille l'admettre à haute voix, Lily avait passé la plupart du cours de potion à observer la chaise vide de James Potter. Elle savait que ce sentiment qui lui nouait les entrailles, et pesait sur son cœur : c'était de l'inquiétude. Car c'était bien elle cela ; s'inquiéter pour les autres, qui qu'ils soient. C'était un don lui disait souvent son père, un trait que seul un Evans peut maîtriser à la perfection. Mais pour Lily, ce fut souvent une malédiction. Trop longtemps elle s'inquiéta pour Pétunia, ou pour Severus, sans qu'elle ne se rende compte qu'ils jouaient avec sa gentillesse.
Pourtant son instinct la poussait à craindre pour la santé de son ennemi juré : James Potter. Et cela, malgré ses efforts pour fermer les yeux.
Il m'a ouvert sa maison, argumenta-t-elle pensivement. Je lui suis redevable. C'est pour ça que j'inquiète. Uniquement pour ça...
« Miss Evans, vous avez fini votre potion ? s'enquit Slughorn en la voyant s'affaisser sur son siège. »
Elle hocha rapidement la tête, puis il vint contempler le résultat. Comme à son habitude, il lui sourit fièrement, et lui offrit ses félicitations.
« Bravo ! C'est encore une fois parfais. »
Elle se crispa légèrement au son des éloges, quelques élèves envieux la fusillaient du regard. Elle détestait quand il haussait le ton pour montrer à tout le monde combien elle était la meilleure dans tous les domaines...Cela attisait forcément les jalousies, et les moqueries. Du coin de l'œil, elle remarqua qu'une tête blonde n'avait pas levé les yeux vers elle, et attendait également patiemment que le professeur s'approche de sa paillasse. C'était Alycia, qui la talonnait souvent en cours de potion.
La blonde semblait tout aussi pensive qu'elle, mais ce n'était pas la chaise de James qu'elle fixait depuis une heure, mais celle de Remus Lupin. De temps en temps, elle mordillait sa plume et écrivait quelques mots sur un parchemin, à côté de ses ingrédients. Une lettre ? En s'approchant doucement, Lily crut déceler la présence d'une signature en bas de page.
Elle la cacha discrètement sur ses genoux quand Slughorn vint apprécier les résultats de son breuvage. Elle lui sourit délicatement, comme une bonne actrice, et se raidit aussi quand il posa une main sur son épaule pour souligner devant toute la classe, sa victoire.
« Nous avons une deuxième place occupée par Miss Parker ! Qui arrivera troisième ? »
Une fois qu'il fut loin d'elle, Alycia reprit sa lettre et la relut une dernière fois. Lily la détailla quelques instants avec curiosité avant qu'une idée ne la frappe de plein fouet. Remus était un bon ami pour elle, il lui manquait énormément. Mais plus que cela, il manquait désespérément aux maraudeurs.
Alors impulsivement, elle saisit son cahier de cours et en déchira violemment une page. Elle inscrivit un mot à l'encre au dessus de celle-ci :
Alycia, j'ai peut-être une idée pour aller trouver Remus. Cela ne va pas être facile, nous allons enfreindre beaucoup de pages du règlement de l'école, et on pourra être expulsées. Mais si tu es partante, alors moi aussi. Mais par contre, il va falloir être discrètes, réfléchies...même si à mon avis il faudrait trouver un troisième volontaire, car à deux, cela risque d'être fort compliqué...
Elle froissa le parchemin, jusqu'à ce qu'il ne reste qu'une simple boulette de papier. Elle pinça les lèvres, et visa les genoux de son amie. Après un essai raté, le message parvint à destination. Alycia ouvrit la bouche de surprise, et fronça les sourcils en sa direction. Elle l'interrogea du regard, mais Lily pointa immédiatement du doigt le papier : tu comprendras semblait-elle dire.
Elle attendit patiemment qu'Alycia lise son écriture. Puis quand elle détourna les yeux, elle sentit qu'elle lui renvoyait. Elle l'attrapa en plein vol. En dessous de son écriture soignée, se trouvait un paragraphe moins appliqué, plus rapide...
Poser la question était inutile : bien entendu que je suis partante ! Et pour le règlement ne t'en fais pas...j'ai de l'expérience dans ce domaine, personne ne se rendra compte de notre absence. J'ai déjà quelqu'un dans la confidence. Cela ne risque pas de te plaire...mais j'ai confiance en lui. Il ne nous trahira pas. Rejoins-nous ce soir, 21 heures, dans le pigeonnier.
Etrangement, l'approche du danger, lui donna quelques frissons le long de sa colonne vertébrale. Elle, Lily Evans, préfète des lions, élève studieuse, première de sa classe...allait enfreindre pour la première fois de sa vie, les codes. Et elle aimait ça.
**
Alycia s'était littéralement jetée sur son sac en bandoulière à la sortie du cours, elle devança la plupart des élèves qui continuaient de parler tranquillement. Essoufflée elle se tourna vers ses amis et leur hurla :
« Je vous revois au dîner ! Je dois absolument trouver quelqu'un ! »
Evan voulut s'offusquer de son impolitesse, mais Emily le fit taire d'un simple coup sur la nuque.
« A tout à l'heure Aly ! s'écria cette dernière, alors que la blonde courrait déjà dans le couloir. »
Elle devait trouver les serpents. C'était une question de vie ou de...désespoir infini. Elle avait bien conscience que le temps ne jouait pas en sa faveur, et qu'elle était face à sa seule solution pour sauver Remus. Lily venait de réveiller en elle, un espoir qui paraissait perdu à jamais. Elle avait de nouveau envie de se battre, et c'était bien ce qu'elle allait faire. Mais pour cela, elle avait besoin d'une certaine vipère noire.
Finalement, elle repéra les serpents, allongés sur l'herbe, dans la cour centrale. Elle courut à leur hauteur et s'arrêta nette au milieu de la foule pour discerner les traits de son allié. Elle l'apperçut, se prélassant au soleil, la crinière noire jais, formant un halo autour de ses traits aristocratiques.
« Regulus, cria-t-elle presque à sa hauteur. »
Elle fit semblant de ne pas remarquer les airs mauvais de ses acolytes serpentards, qui voyaient d'un mauvais œil son intervention.
« Regulus, j'ai trouvé quelqu'un pour nous épauler dans notre mission de sauvetage. »
Il se pinça le nez, comme s'il essayait de se remémorer à quel instant, il s'était engagé définitivement dans cette aventure. Il se posa sur ses avant bras, et la dévisagea longuement. Elle craignit soudainement l'hésitation qui se voyait dans ses yeux.
« Je n'ai plus envie, avoua-t-il finalement d'un air grognon. Démerde-toi ! »
Elle se figea, son sang se glaçant presque immédiatement à l'entente de son ton froid et détaché. Il jouait avec elle, de nouveau.
« Tu es lunatique ou ça se passe comment ? rugit-elle. Tu avais dit oui !
― Les gens intelligents réfléchissent et comprennent qu'ils ont eu tord ! Seuls les cons, restent obstinés à tenter l'impossible ! Tu vas te faire expulser...
― J'en ai rien à faire de me faire expulser ! contrecarra-t-elle alors qu'il fuyait la cour centrale, avec elle sur les talons.
― Et bien tu devrais t'en préoccuper un peu plus, si tu ne veux pas que ton cher papa vienne te défoncer ! »
Elle blêmit, non pas parce qu'elle était touchée par ses mots, mais parce que Regulus semblait vraiment hors de lui. Elle ferma les yeux une seconde, se maudissant intérieurement de ne pas avoir remarqué sa colère plus tôt, dès le repas du midi. Etaient-ce donc là les résultats de sa dispute avec Sirius ? Il marchait à vive allure, et elle peinait à suivre le rythme. Elle courut pour le devancer et s'arrêter à sa hauteur.
« Je m'en fous ! Tu m'entends ? Remus est plus important ! »
Il stoppa sa course, pour mettre son visage rouge dans ses mains moites.
« Je ne veux pas que tu te fasses renvoyer, ok ? Donc sois égoïste...Et laisse Lupin faire sa vie. C'était son choix.
― Ce n'était pas ce que tu disais dans le train...Si tu veux vraiment que je ne prenne pas de risque, aide-moi. »
Regulus soupira bruyamment. Elle sentait qu'il essayait de dissiper sa colère, mais elle était toujours là ; au fond de ses yeux, dans le tremblement de ses mains, sur la sueur de ses tempes...Il n'allait pas dire oui, pas avec toutes ces émotions qui le tiraillaient. Il inspira un grand coup avant de la fixer, dans le blanc des yeux.
« Je me suis disputé avec...Sirius, fit-il en serrant les dents. Parce que notre, enfin...ma cousine...a décidé de risquer sa vie pour veiller sur moi...A cause...enfin tu vois ce que je veux dire...Elle aurait pu être égoïste. J'aurais été plus serein. Fais pas la même connerie qu'elle. »
Qui pourrait croire, que derrière chaque colère, chaque hurlement, chaque injustice de ce jeune homme, se dissimulait une angoisse intense pour les siens. Ils le jugeaient tous injustement, elle la première...Il était la preuve vivante que les apparences ne font rien et qu'il fallait bien des années pour comprendre un seul homme.
Prise d'un élan de courage ; comme si elle eut été en face d'un animal sauvage, et craintif, elle lui saisit délicatement le bras, et se blottit contre lui. Jamais dans sa vie, elle ne s'était imaginé le prendre dans ses bras. Mais pour une fois, elle n'avait rien contrôlé du tout.
Elle le sentit se raidir brusquement, et vouloir se détacher de son étreinte, mais elle le serra plus fortement.
« Que...qu'est-ce que tu fais ? »
Elle n'allait pas abandonner comme ça, elle était persuadée qu'au fond de lui, il aimait ce geste, et que ça l'aidait à se sentir mieux. S'il ne pouvait pas dissiper seul sa colère, elle devait l'aider non ?
« Rien, je ne fais rien du tout...Tu sens quelque chose toi ? »
Il maugréa quelque chose dans sa barbe, comme une insulte :
« Connasse... »
Elle lui donna un coup de pied léger.
« Ton vocabulaire est immonde quand tu es furieux. Je prends note. »
Il était toujours dans ses bras, et il semblait se détendre un tout petit peu, suffisamment pour qu'elle soit satisfaite d'elle-même.
« Je ne vais pas me faire expulser, je te le jure Regulus. Si jamais c'est le cas, je t'autorise à venir me tuer en personne.
― Je n'y manquerais pas...souffla-t-il dans son cou. »
Ils restèrent un long moment ainsi, principalement parce qu'Alycia s'était donné comme défi de ne le laisser partir que lorsqu'il serait apaisé. Il paraissait avoir compris qu'elle n'abandonnerait pas, et il demeura ainsi, résigné, et...bien qu'il ne se l'admette, un peu plus heureux. C'était un jolie prétexte : elle s'accrochait à lui comme une sangsue. Ce n'était pas de sa faute s'il s'attachait autant...Abraxas pouvait bien sortir n'importe quel discours sur l'amour...Ce n'était pas de sa faute.
Il avait une excuse...
Ce n'était pas de sa faute.
« Je vais t'aider, concéda-t-il...Mais seulement si tu me promets de ne rien faire d'irréfléchi. »
C'était comme demander à l'eau de ne plus s'écouler...Comme demander au feu de ne plus brûler. Impossible. Irréalisable. Mais c'était une belle promesse.
« Je te le jure. »
Une belle promesse.
**
Emily avait attrapé Sirius à la fin du cours de potions, auquel il était arrivé en retard. Elle espérait sérieusement qu'il réponde à son invitation. Elle lui avait soufflé que s'il souhaitait, il pouvait la rejoindre à la bibliothèque de nuit, elle allait faire quelques recherches sur Noah...C'était bien entendu une excuse pour qu'ils puissent parler en privé. Elle voulait être sûre qu'il ne prenne pas les mots de son frère trop à cœur.
Elle se rendit donc discrètement à la bibliothèque après un repas rapide. Contourner les rondes de Rusard était devenu facile. Elle avait noté dans un carnet les heures précises du passage de Rusard dans tel ou tel couloir. Pour ce qui était de l'entrée dans la réserve, Emily avait trouvé quelques astuces pour se faufiler entre les mailles du filet. Dormir était devenu une tâche compliquée, avec cette peur que ses rêves reviennent...alors elle passait les nuits à réfléchir encore et encore.
Dans son rêve, elle avait vu Emmeline. Elle avait vu la mort d'Emmeline, associé à la devise de Noah. Elle ne pouvait plus enlever cette idée de sa tête : elle aurait pu empêcher cette attaque...C'était prémonitoire. Elle n'avait juste pas compris le message. Elle se sentait responsable.
Quelques mois plus tôt, elle aurait laissé tomber. Mais Sirius lui avait fait comprendre que cette fillette peureuse, ce n'était pas vraiment sa personnalité. Elle allait trouver une solution ; elle allait sauver Alycia du cercle, et tous ses amis également. Comme elle avait pu le faire au chemin de traverse : le katana était un rappel incessant, au dessous de son lit, de ce qu'elle était capable d'accomplir.
Elle s'assit à une table, près de l'endroit où ils avaient découvert la photo de Noah, pour être repérable pour Sirius, et elle attendit.
Peut-être ne viendrait-il pas...
Les minutes passaient, les unes après les autres, et le sommeil menaçait de la gagner. Alors elle prit un livre, et commença ses recherches. Comme toujours, il y avait la photo dans sa poche. Celle de l'homme qui accompagnait Noah.
Elle s'arrêta un instant pour contempler son visage. Il lui rappelait quelqu'un...Mais elle n'arrivait pas à trouver qui. Ce n'était qu'une vague impression. Mais elle était suffisante pour la faire vaciller. La pièce manquante du puzzle. Un grand homme, dont les traits étaient trop doux pour son regard dur. C'était sa posture qui était peu commune, gracieuse, droite comme un piquet.
« Tu devrais te concentrer sur la bague, fit une voix dans son dos. »
Elle sursauta et son livre tomba de ses mains. Le jeune homme se pencha pour le lui rendre.
« Sirius ! Tu es venu ! Soupira-t-elle de soulagement. »
Il ne lui rendit pas son sourire, il se contenta de dépoussiérer le livre de sa main droite. Enfin il lui tendit timidement. Il prit une chaise qui traînait sur le côté pour prendre place auprès de la jeune femme. Après un court silence, il s'éclaircit la gorge.
« Je...je suis désolé pour tout à l'heure...Je n'aurai pas du...du te parler comme ça. J'ai été con. »
Bien qu'elle ne lui en veuille déjà plus, elle fut touchée par ses excuses, qu'elle n'attendait plus de sa part.
« C'est rien...Tu étais déjà pardonné avant de franchir la porte de la bibliothèque. »
Elle crut lire un peu d'amusement dans ses iris, ainsi qu'un soulagement pur. Il baissa la tête, et se frotta la nuque.
« J'allais pas très bien...
― Je sais, le rassura-t-elle en sentant que ce genre d'aveux était difficile pour lui. »
Il toussa une nouvelle fois, clairement mal à l'aise. Elle perçut sa réserve, alors elle lui proposa d'établir un plan pour les prochaines recherches, pour qu'il se sente un peu plus dans son élément. Il accepta avec entrain, satisfait que la conversation honnête n'aille pas plus loin pour le moment. Elle lui montra le carnet avec les rondes de Rusard, et la page sur laquelle elle avait indiqué les idées qui lui étaient venues :
« On sait que tout se centre autour de la bague. J'ai supposé que le pouvoir ou la magie noire qu'aurait conçue Noah Rosenvald se trouve dans cette bague. Et que la raison pour laquelle le cercle veut Alycia, est cette bague...Donc comme tu le dis, c'est probablement plus important que la photo...Donc, nos recherches devraient se centrer autour de l'entourage d'Alycia, car ce sont les seuls qui pourraient avoir des réponses...
― On devrait, si on suit ta logique, espionner Alycia en premier, proposa très sérieusement Sirius. »
Emily écarquilla les yeux de stupeur.
« Mais enfin Sirius ! C'est ma meilleure amie dont tu parles là...
― Elle sait peut-être comment ça marche...
― Elle ne savait même pas que cette bague était dangereuse ! C'est Eugène qui lui a dit. Je t'avais prévenu, il faut vraiment fouiller dans ses affaires...Lui et Sophie sont vraiment louches...Je ne les aime pas..., maugréa-t-elle. »
Sirius se redressa, comme s'il venait de percevoir un détail qu'Emily masquait.
« Tu es jalouse.
― Hein ?
― C'est l'amie d'enfance d'Alycia, donc tu es jalouse d'elle. Crois-moi, je comprends. »
Emily rougit et détourna le regard.
« Non, il y a vraiment un truc qui cloche, elle cache trop de choses.
― Tête de mule ! »
Elle rit doucement et le tapa à l'épaule. Elle se détendit en l'apercevant sourire finement. Elle arrivait à lui faire oublier ses problèmes, ou était-ce simplement un masque pour faire croire qu'il allait mieux ? Etait-il vraiment lui-même lors de ces réunions nocturnes privées ?
« Alors explique-moi, comment on s'y prendrait pour espionner un professeur ? Et fouiller dans ses affaires si nous sommes ambitieux ? s'enquit Sirius avec intérêt. »
Comment pouvait-elle être plus émue par le son « nous » que par le reste de la question ?
« Tu veux vraiment prendre le risque avec moi ? Tu imagines, si on se fait prendre, on pourrait être en retenu ensemble pendant tout le reste de notre scolarité, souffla-t-elle en chassant la boule qui se formait dans sa gorge.
― Tu supposes trop vite, qui sait, c'est peut-être la raison pour laquelle je le fais ! »
Il hésita mais arbora tout de même son air charmeur, qui faisait tomber les filles sur son passage.
« Hé ! Pas de ça avec moi ! Je préfère l'autre Sirius.
― Attends je l'appelle ! »
Après quelques éclats de rire, quelques autres chamailleries, ils réussirent à se mettre d'accord pour un plan d'attaque.
« Une fois que James ira mieux, on lui demandera de m'aider à faire diversion, pour une raison que je n'ai pas encore inventé. Et Eugène sera obligé d'intervenir avec les autres professeurs pour calmer les élèves.
― On se faufilera alors dans son bureau.
― Il faudra qu'on ait déjà fait un repérage pour gagner du temps, du style type de serrure, coffres, et lieux de prédilections pour cacher des informations...
― Je pourrai lui demander de l'aide pour un devoir, proposa Emily.
― Il ne t'inviterait pas dans son bureau non...Une retenue ! Si je me faisais choper...Ce n'est pas si difficile.
― Il est indulgent avec les élèves, souligna Emily.
― Je suis un maraudeur, ne me sous-estimes pas ! »
Il rit de nouveau, sincèrement, chaudement, et le cœur d'Emily bondit dans sa poitrine. Cette fois-ci elle ne put se retenir. Elle avait besoin de savoir. Parce qu'elle n'était pas encore à l'aise avec les masques qu'il pouvait porter. En portait-il seulement avec elle ? Telle était la question.
« Tu vas mieux Sirius ? demanda-t-elle après un long silence ponctué de rires. »
Il s'arrêta net, le visage redevenant sérieux en un instant. Ses prunelles plongeaient dans les siennes, comme s'il eut voulu lire ses intentions.
« Ouais...ça va mieux.
― Sérieusement ? »
Il hocha timidement la tête.
« Oui je...
― Tu sais...je ne te jugerai pas, tu n'as pas besoin de masquer ce que tu ressens. Tu es humain, et si tu as besoin qu'on parle, plutôt que d'élaborer des plans comme ça...Ce rendez-vous, c'était juste une excuse tu sais, j'avais besoin de m'assurer...que tu ne souffrais pas trop de ta dispute avec ton frère. »
Il parut surpris qu'elle connaisse la cause de son état. Son visage se décomposa, d'abord d'étonnement, puis un a un, ses murs s'effondrèrent. Bientôt, il devint pâle, ses lèvres tremblaient un peu, et il s'affaissa au sol. Elle se précipita à ses côtés. Se fut si rapide, qu'elle s'en trouva démunie. Elle saisit sa main, s'y accrocha, comme pour lui signifier qu'elle pouvait être sa bouée de sauvetage.
« J'ai perdu mon frère...Et c'est de ma faute. »
Il trembla encore plus, comme s'il était fiévreux. Immédiatement Emily s'en voulut : elle avait comme appuyé sur le bouton déclencheur : celui qui avait libéré toutes les émotions enfouies en lui depuis des heures et des heures. Il ramena ses genoux sous son menton, et serra ses jambes avec ses bras, comme un fœtus.
« Non...Je ne connais rien de l'histoire Sirius, mais je sais une chose, tu n'es pas coupable. Tu n'es pas une mauvaise personne. Sinon je ne serai pas là.
― J'ai quitté un enfer, en le laissant derrière-moi. Je n'ai même pas insisté pour qu'il me suive...
― Sirius...
― J'ai été un putain de lâche ! Je ne mérite pas ma place ici tu comprends ? J'ai voulu fuir, sans me préoccuper de ce que je laissais derrière moi ! Et maintenant, il est perdu ! Il va se faire tuer dans les rangs de ce connard de merde de... »
Elle l'arrêta dans son élan en le prenant par les épaules.
« Sirius regarde-moi, lui ordonna-t-elle d'une voix douce mais ferme. »
Quand il leva les yeux, elle crut voir le vestige de larmes. Aussitôt son cœur se serra, et elle ressentit un élan d'affection pour son ami, un devoir de lui faire comprendre qu'il n'y était pour rien, quitte à mentir.
« Tu es brave. Car quitter sa famille, quelque soit la famille, est une épreuve qui demande énormément de courage. Ton frère aurait pu te suivre s'il l'avait voulu...
― Je suis le grand frère ! C'était ma responsabilité !
― Je sais...J'ai un frère aussi. Et bien que ce soit difficile à admettre...
― Il m'a accusé de l'avoir abandonné Emily, la coupa-t-il. Et il avait raison. C'est ça le pire. Je me refusais à le croire, mais il m'a ouvert les yeux. J'ai été le pire des idiots. Depuis toujours je ne pense qu'à moi...C'est toujours ça le problème...Et maintenant j'en paye les conséquences. J'ai perdu mon frère, et ma cousine risque sa vie pour faire ce que je n'ai pas fait : le protéger. Je suis un incapable. »
Il pleurait vraiment maintenant, Emily n'aurait jamais cru voir cela un jour : les larmes d'un Black. Elle prit son visage en coupe dans ses mains, et essuya ses larmes. Il ne résista pas, comme s'il était en transe.
« Et bien moi, je refuse d'y croire. Pour moi, tu es un être d'une extrême loyauté Sirius Black. Alors c'est vrai tu as quelques défauts, mais qui peut se venter d'être parfait ? Tu es une belle personne...Tu sais...dans le monde, il n'y a pas d'un côté le bien et le mal, il y a une part de lumière et d'ombre en chacun de nous. Ce qui compte c'est celle que l'on choisit de montrer dans nos actes, ça c'est ce que l'on est vraiment. Et chaque jour, quand tu aides tes amis maraudeurs, que tu me montres à quel point j'avais tord de me morfondre, que tu m'aides à sauver le monde avec nos petites enquêtes...C'est la lumière qui domine tes actions. Et non, ce n'est pas l'obscurité qui a dirigé tes actions quand tu as quitté ton domicile...car je suis certaine d'une chose, très importante, c'est qu'à aucun moment tu n'as souhaité abandonner ton frère. Sur le moment, tu ne le voyais pas comme cela... »
Elle lui avait coupé la parole, elle le sentait. Il ne savait plus quoi dire. Elle tenait toujours sa main, comme pour l'aider à garder pied sur terre. Il ne la lâchait plus des yeux. Et elle non plus, ne le laissait pas partir. Une ombre passa sur son visage aristocratique, comme une réalisation.
« Je..., essaya-t-il. Merci...Merci Emi... »
Emi. Personne ne l'avait jamais surnommé ainsi. Et pourtant, cela sonnait s'y bien à ses oreilles.
« Emi ?
― Hum ? »
Elle s'y habituait déjà. Elle prit le temps de le savourer.
« Je ne ferai jamais la même erreur. Je ne t'abandonnerai jamais derrière moi. »
Il posa son front contre le sien, et elle eut à peine le temps de reprendre sa respiration, que son cœur battait déjà la chamade. Son souffle se mêla au sien. Et rapidement, elle ferma les yeux.
« Je te le promets. »
Je serai toujours là pour toi aussi, voulait-elle dire.
Mais son front collé au sien, leur air partagé, ses mains s'accrochant désespérément aux siennes, elle ne parvint pas à briser leur étreinte par des mots.
**
Lily ne fut pas surprise lorsque la troisième personne à franchir la porte de la bâtisse, en pleine nuit, alors que l'orage battait son plein, s'avéra être Regulus Black. Dès l'instant où Alice avait désigné discrètement leur étrange duo l'année dernière au détour d'un couloir, Lily avait compris que ces deux là étaient plus que de simples amis : ils étaient des partenaires de crimes. Alors qui Alycia aurait-elle pu choisir de mieux pour une mission périlleuse ? Elle aimait trop les jumeaux pour les exposer au danger de l'expulsion...Mais Regulus c'était autre chose : elle sentait que sa vie n'était plus à cela près.
Puis ils s'étaient arrêtés, leurs deux paires d'yeux la détaillant avec intérêt. Regulus semblait ravaler sa fierté, conscient qu'il allait devoir travailler avec une née-moldue.
Décidément, qu'est-ce que tu ne ferais pas pour les beaux yeux clairs d'Alycia, jeune Black ?
Ceux de la blonde semblaient plus impatients à l'idée de découvrir le plan de Lily.
« Prêts ? leur demanda-t-elle.
― A voir une préfète risquer le renvoi ? Toujours..., railla Regulus. »
Elle le fusilla du regard, lui faisant comprendre qu'elle n'était pas là pour plaisanter.
Puis, elle mit un genou à terre, et présenta à ses deux nouveaux compagnons la carte du Royaume-Uni qu'elle avait emprunté dans les affaires de Franck. Elle y avait tracé un trait rouge, allant de Poudlard, jusqu'à la maison familiale de Remus.
« D'après les informations obtenues, si le ciel est clément, nous devrions en avoir pour trois heures allé, et trois heures retour en balais...
― En balais ? s'exclamèrent-ils tous deux. »
Elle leur sourit malicieusement, et désigna dans un coin de la pièce trois balais.
« Comment les as-tu eu ? s'enquit Regulus, toujours méfiant. Ce sont les balais de l'équipe de Gryffondor !
― Je suis préfète, je peux faire du chantage. »
Regulus sembla frappé, comme si la jeune rousse était possédée par une entité bien plus vicieuse. Il recula d'un pas, mais Alycia mit une main ferme sur son épaule.
On dirait que tu ne peux plus faire faux bond Regulus.
« Donc on y va en balais...et puis une fois là-bas ? poursuivit Alycia.
― Une fois là-bas, il faut absolument que Remus vienne avec nous. Car je le connais, si on insiste et qu'on lui demande de venir de lui-même à Poudlard, il ne le fera pas. Il faut l'embarquer, c'est le moyen le plus sûr. Donc on y va tous les trois en balais...
― Mais il nous faudrait quatre balais pour que Remus puisse voler aussi, souligna-t-elle.
― C'est pour cela qu'on avait besoin d'une troisième personne...Je ne suis pas douée en Quiddich, donc je serai éclaireur. Toi et Regulus, vous supporterez Remus sur votre balai à tour de rôle. J'ai noté sur la carte quelques arrêts peu dangereux, et éloignés des habitations. Nous avons beaucoup de chance, Remus vit en campagne. »
Le visage d'Alycia s'illumina, ravie par la perspective d'une mission périlleuse en balai. Seul Regulus conservait une certaine réserve, il continuait son observation minutieuse de la carte tout en fronçant les sourcils.
« Et comment expliquer aux professeurs, la soudaine apparition de Remus ? s'interrogea-t-il.
― C'est là où nous allons devoir être précis et ingénieux. Une fois proches du château, il ne faudra pas se faire repérer, et se poser directement à Près au Lard, comme cela, Remus pourra séjourner une nuit dans une auberge là-bas. Puis il nous faudra emprunter un passage secret pour revenir au château. On cachera les balais dans le village, j'ai un pacte avec un joueur de l'équipe qui m'aidera à venir les récupérer le lendemain... »
Regulus semblait toujours douter de la fiabilité du plan. Sans oublier, les regards en coin qu'il lançait à Lily. Elle faisait semblant de ne pas les voir, mais elle connaissait leur signification : travailler avec une sang de bourbe était dur pour lui. Le pauvre, railla-t-elle.
« Et il reviendra comme une fleur le lendemain, en prétextant avoir changé d'avis...
― C'est ça ! »
Les trois jeunes étudiants se détaillèrent longuement, comme pour se donner de l'assurance et du courage.
« Si cela vous convient, on part demain soir...rendez-vous ici-même, à la tombée de la nuit. »
Demain, tout rentrerait dans l'ordre.
Du moins, c'était ce qu'ils croyaient.
**
Voilà, il fut long à écrire, et à publier...Durant ces deux mois, l'inspiration me manquait. Mais la voici revenue ! Je suis navrée pour tout ce retard.
N'hésitez pas à me dire ce que vous avez pensé de tous ces moments, notamment, de celui que j'ai adoré écrire, qui rapproche Sirius et Emily !
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