Chapitre 7 : l'abandon d'un frère
Clairement, je viens de battre mon record de longueur ! 7600 mots ! Courage, il va y avoir un peu d'émotion dans ce chapitre mouahahahahah! bonne lecture!
Le premier cours de l'année, serait une sorte de mise en bouche. Ce furent les mots précis de McGonagall quand elle leur distribua à chacun une liste, non exhaustive, des métiers proposés à la fin de leurs scolarités, ou des études possibles pour obtenir leurs vœux. Quand il loucha sur la longueur de la liste, Evan feignit le malaise, et Alycia écarquilla les yeux. Emily était chanceuse d'avoir une piste ; mais ses deux amis étaient toujours dans l'inconnu concernant leur futur.
« Bien-sûr, pour avoir accès à la plupart des formations, il faut obtenir une bonne note à vos ASPIC, crut-elle bon d'ajouter quand un élève de Poufsouffle repoussa la feuille. »
Les métiers étaient classés par catégories. Alycia lut en diagonale la première page : Assistant de rédaction, tireur d'élite, contrôleur de qualité de produits magiques, traducteur, journaliste sportif. Tous ces noms lui donnèrent des maux de tête. Elle ignorait complètement ce qu'elle voulait faire après. En fait, elle n'imaginait même pas l'après. Où vivrait-elle ? Que ferait-elle ? Avec qui ?
« Le mois prochain, une fois que vous aurez lu les prospectus disponibles à la bibliothèque, nous organiserons des rendez-vous, afin que vous puissiez discuter de vos projets avec vos professeurs. »
Un mois, ils leur donnaient un seul mois, pour décider de leur futur. Evan se tourna vers elle, et se mit à réellement paniquer. Elle lui fit un sourire compatissant, mais cela ne sembla pas vraiment apaiser ses inquiétudes.
McGonagall parcourut de nouveau les rangs pour leur distribuer un nouveau rouleau de parchemin.
« Pour vous aider, nous avons créé un petit questionnaire, pour vous permettre de situer vos points forts et vos points faibles dans les études, ainsi que vos intérêts et passions. »
Nos points forts, pensa-Alycia. S'attirer des ennuis sans le vouloir ? Se faire passer pour des moldus ? Ruiner le début d'une romance ? Avoir la poisse ?
Elle lut le parchemin en diagonale et le posa finalement à l'envers, une moue dubitative au coin des lèvres. Elle était perdue concernant son futur. Une liste à cocher n'aiderait pas au point où elle en était. Et puis, elle avait d'autres soucis à régler avant d'envisager la suite de ses études.
Elle tourna la tête vers sa montre : plus qu'une cinquantaine de minutes.
La professeure de métamorphose, après avoir exposé l'étendu du programme de l'année, ainsi que la discipline qu'elle voulait maintenir au sein de sa classe, commença enfin le premier chapitre de l'année. Normalement la plupart des élèves étaient sensés avoir travaillé ce chapitre pendant les vacances, avec un manuel prêté par l'école, mais les Vagabonds...avaient été bien trop occupés. Emily avait tenté à cinq reprises de les motiver, mais Evan avait menacé de jeter le manuel de Métamorphose du haut d'une falaise en Irlande si elle continuait à les poursuivre avec cette « idée démoniaque ».
Ce fut donc tout naturel pour le trio de ne rien comprendre aux formules présentées. Evan se concentra une dizaine de minutes avant de construire un avion en papier sur ses genoux. Et Alycia réfléchissait à tout, sauf à sa liste de sorts. Seule Emily, motivée par ses nouvelles ambitions, observait McGonagall avec plus d'attention que le reste de la trentaine d'étudiants.
Bientôt ses paroles n'atteignirent plus les tympans d'Alycia, qui gribouillait machinalement sur sa liste de points forts. Ce n'était pas du grand talent, mais son voisin : Benjy lui murmura tout de même quelques compliments sur son dessin d'oiseau. Elle n'était donc plus la seule à avoir décroché.
« Que veux-tu faire plus tard ? s'enquit-elle plus par ennui que par réelle préoccupation. »
Il attendit que McGonagall se soit retournée pour écrire, pour lui répondre.
« Auror, lui dit-il avec fierté.
― Tu devrais écouter un peu plus alors..., proposa-t-elle sachant pertinemment que la sélection était dure. »
Benjy eut un petit rire. Elle ne le connaissait pas bien. Evan disait qu'il n'y avait pas plus arrogant que lui dans l'école.
Peut-être plus que Regulus ? S'était-elle alors demandée.
Il était musclé, et faisait la fierté de son équipe de Quiddich, mais visiblement son égo touchait plus à son intelligence et ses compétences dans les études.
« J'ai toujours les meilleures notes, affirma-t-il avec suffisance. »
Elle ricana tout en poursuivant son croquis. Elle se préoccupait pas mal du regard perçant que leur adressait de temps en temps la professeure.
« Ou est-ce ton pote Amos qui te refile de temps en temps ses copies ? plaisanta-t-elle en se souvenant du fait que Lily lui avait précisé une fois que son petit-ami était brillant. »
Sa lèvre inférieure se retroussa et il gesticula sur sa chaise, visiblement mal à l'aise.
« Il n'est pas revenu..., marmonna-t-il. »
Alycia releva vivement la tête, et plongea son regard clair comme de l'eau de source dans le sien. Elle n'avait pas prêté attention à l'absence d'Amos Diggory la vieille lors de la cérémonie. Et pour la première fois, elle réalisa qu'elle n'était pas seule. Elle perdait son petit copain. Il était sans son meilleur ami et coéquipier.
« Je... commença-t-elle en voulant s'excuser.
― Après la mort d'Emmeline...Il n'y arrivait pas... »
Elle voulut se gifler. Elle voulut se blâmer d'avoir oublié que Benjy et Amos étaient les plus proches d'Emmeline. C'était toujours eux, les trois Poufsouffle les plus en vogue, qui arrivaient à éclipser les maraudeurs. Emmeline grâce à son sourire, Amos avec son accessibilité et Benjy pour ses exploits de sport. Maintenant, le groupe n'était plus qu'une ombre.
« Je...je suis désolée.
― Ce n'était pas de ta faute, assura-t-il en regardant fixement ailleurs. »
Alors pourquoi ? Pourquoi avait-elle sans cesse l'impression qu'elle n'y était pas pour rien dans cette histoire ? Une étrange culpabilité la prenait parfois la nuit, sans qu'elle ne sache pour quelle raison. Elle ne connaissait pas Emmeline. Elle ne lui avait même jamais parlé. Et pourtant, un pressentiment lui disait que son destin était lié au sien.
« Amos ne pouvait pas revenir. Il veut se venger. Il prétend avoir trouvé un moyen de combattre, et de se sentir utile...Mais Amos, ce n'est pas un guerrier. Il est plus doué avec son cerveau.
― Mais toi, tu pourrais prendre les armes, et pourtant tu es assis dans cette salle de classe à attendre que le temps passe. C'est étrange. »
Benjy la connaissait depuis cinq minutes à peine et pourtant, il semblait la considérer comme une oreille attentive et digne de confiance.
« Amos peut facilement passer tout son temps à se battre si cela lui chante. Il vient d'une famille aisée. J'ai besoin d'avoir un boulot. Et pour avoir un travail, il me faut un diplôme. Si cela ne tenait qu'à moi, je l'aurais suivi, rien que pour protéger ses arrières, et bien sûr pour décimer les meurtriers d'une fille douce et innocente comme notre Emmy...Mais voilà, surtout en temps de guerre, on n'a pas l'embarras du choix. »
Alycia mordilla sa plume. Quelque chose dans son discours venait la titiller...Elle ne pouvait s'empêcher de rapprocher la situation de Benjy à celle de Remus. Et si lui non plus n'avait pas eu le choix ? Elle l'avait insulté de tous les noms pendant qu'elle tournait dans son lit sans trouver le sommeil. Le mot égoïste revenait souvent, comme un reflet de son sentiment d'abandon. Et si finalement elle était l'égoïste dans l'histoire ? Elle refusait de comprendre que Remus n'avait pas forcément fait cela de bonté de cœur. Qu'il avait une vie qu'elle ignorait.
« Remus Lupin n'est pas revenu non plus..., expliqua-t-elle en sombrant malgré elle à leur petit jeu de confidences.
― Hum...j'ai cru le comprendre, fit Benjy. Les maraudeurs étaient plutôt agités au repas de ce matin.
― Penses-tu qu'il n'a pas eu le choix, tout comme toi ? »
Benjy arqua un sourcil d'étonnement. Il eut un petit rire sans joie.
« On a parlé une fois...de notre unique point commun.
― Qui est ?
― Nous n'avons pas grandis avec un plateau d'argent prêt à nous donner tout ce que l'on souhaite. Sa mère galère pas mal à lui donner une vie correcte, et on raconte qu'elle est souvent malade. La guerre a peut-être accentué certaines incertitudes qu'il avait en la laissant seule pendant qu'il partait étudier. »
Ce n'était qu'une hypothèse mais c'était la plus plausible qu'elle entendait depuis l'annonce de son absence. Le bon cœur de Remus serait sa perte...
« Il a besoin d'un diplôme aussi...
― Peut-être...Ou bien a-t-il décidé que faire un boulot de merde suffirait à aider sa mère pour le moment. Franchement j'en sais pas plus que toi.
― J'ai besoin de le faire revenir.
― Oublie Parker, les gens deviennent plus têtus en temps de crise. J'ai essayé avec Amos. Il ne m'a pas écouté. »
Elle soupira, peut-être trop bruyamment d'ailleurs : trois élèves se retournèrent vers elle, agacés. Leur répondre ne servirait qu'à lui donner une retenue, elle se mordit donc les joues pour se calmer.
« Tu me conseilles quoi du coup Monsieur je-suis-intelligent-et-les-autres-sont-minables ?
― Pas la peine de le prendre comme ça ! s'offusqua Benjy en se redressant.
― Humour !
― Tu ne savais pas ?
― Quoi donc ?
― Je n'ai pas d'humour. »
Il avait dit cela avec tant de sérieux qu'elle le crut. Le pauvre, elle fronça les sourcils et nota mentalement d'éviter tout second degrés en sa présence, et donc par la même occasion, tout ce qui pourrait contenir une once de subtilité.
« Je te demandais un conseil...c'est gentil, précisa-t-elle pour éviter les malentendus. »
Ce gars est donc ennuyeux et susceptible, ceci explique cela.
« Je ne sais vraiment pas Parker..., à part lui envoyer une lettre...Tu devrais oublier. »
**
Le deuxième cours de la journée était un cours de défense contre les forces du mal en compagnie des maraudeurs et du reste des Gryffondors. La plupart des élèves chuchotaient avec curiosité : ils avaient compris qu'en l'absence de Mr Schmitt, un autre professeur devait prendre la relève. Qui serait-ce cette fois ? Une vieille femme aigrie ou bien une jeune enseignante à ses débuts ? Un professeur aussi vieux que les tables et le tableau blanchi ? Seuls les Vagabonds se désintéressaient des brouhahas, leur curiosité étant déjà rassasiée.
« Eh ! s'exclama Lily Evans en les voyant s'approcher de l'attroupement en face de la lourde porte de classe. Vous avez entendu la nouvelle ? On aurait un nouveau professeur ! »
Emily sourit gentiment, et dut saisir le bras de son frère pour qu'il maintienne un certain suspens en fermant son clapet. Lily semblait plus pâle que la veille, comme si elle avait mal dormi. Alycia hésitait à s'enquérir de son état, mais Emily fut plus rapide :
« Oui, on a cru entendre ça...Tu vas bien Lily ?
― Hum oui ne t'en fais pas. J'ai juste le sommeil difficile les premiers jours. C'est ainsi chaque année. »
Alycia arqua un sourcil : Lily avait le même don pour les mensonges qu'Evan. On pouvait lire sur la teinte de ses joues qu'il n'y avait qu'une part de vérité seulement dans ses dires. Elle rejeta maladroitement ses cheveux en arrière, et Alice pointa soudainement un doigt dans la direction du couloir.
« J'avais parié 5 gallions sur un vieux monsieur, et on dirait que tu es en train de perdre ton argent Francky. »
Alycia fit volte face, un grand sourire scotché sur le bout de ses lèvres. Eugène, portant pour la première fois depuis des années une robe de sorcier, avançait vers eux à vive allure. Il avait une sacoche sous son bras, et un air confiant sur son visage grisonnant. Seul son pouce tremblant rappelait à tous, qu'il en était qu'à son premier jour, et que l'appréhension avait sa place.
Bien entendu, les premières heures sont un test pour un nouvel enseignant, et plus particulièrement si celui-ci travaille à Poudlard. Il devrait passer l'épreuve des maraudeurs, qui le pousseraient à bout pendant plusieurs minutes pour le démasquer. Alycia l'avait brièvement décrit les différents élèves qui lui poseraient problème. Il connaissait mieux les maraudeurs que quiconque en débutant ici. Et c'était déjà un maigre avantage. Il restait à affronter les dormeurs, les moqueurs, quelques serpents vicieux, et les langues pointues de certains conservatistes.
« Bonjours à tous et à toutes, fit-il en arrivant près d'eux. »
Quelques-uns lui répondirent avec entrain, dont les trois vagabonds, ainsi que Lily et Alice. Les maraudeurs montrèrent une certaine réserve, car bien entendu, Remus n'était pas là pour leur murmurer de faire bonne figure.
« Bon, je vous préviens tout de suite, certains professeurs m'ont conseillé de séparer Mr Black et Mr Potter, fit-il une fois la porte ouverte. »
James grommela quelque chose d'offensant puisque Lily, en bonne préfète qu'elle était, lui donna une claque à l'arrière du crâne. Sirius regardait ses chaussures, privilégiant la stratégie du silence pour qu'on le laisse prendre place tout de même aux côtés de son meilleur ami.
« Ayant eu quelques témoignages d'autres élèves allant dans ce sens, je pense que c'est ce que je vais faire. Le temps du moins, de voir s'ils avaient tord ou non. »
Alycia détourna le regard. Si les maraudeurs venaient à comprendre qu'elle les avait balancés, elle était morte. Heureusement Sirius décida que Lily Evans avait l'air plus coupable qu'elle. Il la fusilla des yeux, et un duel s'en suivit pendant un long instant.
Eugène les laissa entrer dans la salle de Défense contre les Forces du Mal. Bien qu'elle ait été nettoyée avant la rentrée, il y avait toujours cette odeur de renfermé si caractéristique des premiers jours, et des premières heures de cours. Alycia se surprit à inspirer profondément, heureuse de revivre une nouvelle année au sein de cette école. Elle avait ses marques, et inconsciemment elle avait craint changer de nouveau d'environnement.
Elle prit place au second rang, ni trop loin d'Eugène, ni trop proche. La distance nécessaire pour ne plus paraître suspecte aux yeux des deux terribles maraudeurs. James se retrouvait au fond, aux côtés d'un Serdaigle ennuyeux à mourir, qui était passionné par les seules choses que détestait le myope. Autant dire, que le décrochage s'amorçait dès aujourd'hui. Sirius au contraire, était au premier rang, et Emily hésita longuement mais s'assit à ses côtés pour lui tenir compagnie. Evan grimaça donc et posa ses livres trop brusquement quand il décida de prendre place à côté de la blonde.
« Franchement, on aura tout vu, maudit-il dans son souffle. »
Alycia étouffa un petit rire. Il faudrait beaucoup pour faire accepter la situation à Evan. Voilà plus de deux mois qu'ils étaient au courant de la nouvelle relation qu'entretenait Emily avec Black et il refusait toujours d'y croire. A ce rythme là, il frôlerait la crise cardiaque quand cette histoire irait plus loin. Car bien qu'Emily se refuse à l'envisager, Alycia en était certaine : ces deux là ne seraient pas simplement amis d'ici la fin d'année.
« Bien, comme vous le savez tous, les cours de cette année seront principalement dédiés à l'obtention de l'examen de fin d'année, qui est indispensable pour la suite de vos études, commença Eugène après avoir écrit son nom au tableau. Mais je ne suis, officiellement du moins, professeur que depuis quelques jours. Alors pour rendre les choses plus amusantes, aussi bien pour vous, que pour moi, j'ai organisé les cours en deux parties. Chaque semaine, nous aurons quatre heures de pratiques et trois heures de théories. Et réparties de telle sorte à ce que ne vous endormiez pas. Le but principal, n'est pas seulement les Aspic. Une fois sortis de Poudlard, il faudra affronter le vrai monde. Et dans le vrai monde, il est indispensable de savoir se défendre. »
Cette perspective sembla attiser la curiosité et l'enchantement de la plupart des élèves. Après le décès des Vance, les élèves étaient plus inquiets quant à l'après. Eugène venait de les assurer qu'ils auraient assez de connaissances pour survivre. Même Potter, releva le menton quelques secondes à la mention de séances pratiques. Y auraient-ils des duels ?
« J'ai brièvement feuilleté le rapport de Mr Schmitt, et il n'était pas en retard sur le programme. Ce qui va nous permettre d'entamer l'année avec sérénité, en lisant tranquillement le premier chapitre qui est un rappel des sortilèges informulés. »
Tout en lisant à voix haute, le professeur incita avec douceur aux élèves de prendre quelques notes. Les moins motivés finirent par se mettre à la prise de note également aux vus des anecdotes peu communes que leur donnait Eugène. Ils comprirent rapidement que cet homme n'avait pas vécu toute sa vie dans une école à enseigner, mais il avait connu quelques aventures.
« ...En 1960, un homme a voulu m'agresser, mais ce crétin ne maîtrisait pas les sortilèges informulés, quelle fut donc sa surprise lorsqu'il finit les quatre fers en l'air, dans la poubelle ! J'étais plus rapide, et mes leçons me permettaient la discrétion lorsque je me défendais. Ecoutez donc attentivement, et un jour, vous pourrez faire la différence... »
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Sirius dut bien avouer qu'il était sceptique. Si le nouveau professeur lui avait paru être un idiot sans cœur prêt à le séparer de son double à lunettes, finalement son humour et son originalité semblaient sauver un peu la mise. James, le rejoint à la sortie en posant une main sur son épaule.
« Ce n'était pas trop ennuyant à côté de Jenkins ? demanda se dernier de manière faussement innocente.
― Beaucoup moins chiant qu'en compagnie d'un admirateur d'antiquités. Comment était la conversation ? Si conversation il y a eu...
― Ton flair ne se trompe pas souvent dis-moi...Mais tu n'as pas répondu à ma question ! »
Sirius eut un reniflement dédaigneux. La probabilité que James le lâche un jour avec cette histoire était quasiment nulle.
« C'était...divertissant.
― Hum...
― Bon d'accord ! On a parlé de mon mariage ! Mais je t'assure, ce n'est pas marrant ! James arrête de rire ! »
A défaut de pouvoir cesser les éclats de rire de James, qui faisaient écho dans tout le château, Sirius lui jeta un regard froid.
« C'est quoi encore que cette histoire ? Vous préparez votre mariage avant même d'être ensemble ? Je te jure, c'est peut-être pas si mal...En désespoir de cause, je devrais tenter ça avec Lily...Vu que la case veux-tu être ma petite amie semble poser problème. »
James Potter était rouge comme une tomate, et il dut ôter ses lunettes pour essuyer les larmes qui perlaient aux coins de ses yeux. Sirius agacé, par son enthousiasme, s'empressa de se justifier.
« Pas entre moi et Jenkins par Merlin ! Apparemment c'est une des filles avec qui je suis sorti l'année dernière, une folle, qui aurait eu comme merveilleuse idée de s'inventer une vie...avec moi ! »
Bien entendu cela ne calma pas James, dont les rires redoublèrent d'intensité. Il voulut parler, mais il n'y parvint même pas. Sirius soupira violemment, conscient qu'il n'aurait jamais du mettre le sujet sur le tapis. James ne lâchait pas ce genre de ragot. Il entendrait jusqu'à sa mort, cette anecdote.
« N'envisage même pas de me sortir que je le mérite, et que je n'aurais pas du sortir avec autant de filles. Crois-moi, c'est fini avant un petit moment. Il faut que je me fasse oublier. Avec un peu de chance je ne recevrai jamais le faire-part. »
Il dut traîner James, puisque celui-ci ne prenait même plus la peine de répondre. Il riait tellement, que Sirius compara la situation à la dernière soirée, où il avait dû ramener un James ivre mort dans sa chambre. Cette journée commençait bien...Déjà qu'il venait de recevoir plus de devoirs en cours de Potions, car il avait encore fait exploser son chaudron ; maintenant James ne le laisserait plus jamais avec cette stupide histoire. Et que dire si cette journée se poursuivait ainsi ? Que pouvait-il y avoir de pire ?
« Où est Peter ? demanda Sirius lorsqu'il atteignirent la Grande Salle pour prendre le déjeuner. »
James haussa les épaules, et Sirius parvint à le faire s'asseoir à une table.
« Non mais sérieusement Cornedrue, on a encore perdu Queudver ! Et le connaissant il s'est probablement perdu lui-même par la suite. »
James ne semblait pas y prêter grande attention. A vrai dire, ils perdaient Peter une dizaine de fois par an, ils commençaient juste un peu plus tôt cette année.
« C'est de sa faute cette fois-ci, il n'avait qu'à écouter la merveilleuse nouvelle à la sortie du cours. Au lieu de cela, il a délibérément choisi de suivre un autre groupe. Je nie toute responsabilité ! fit le myope en levant les bras. »
Rajustant ses lunettes sur le bout de son nez, James se concentra sur son assiette de petits pois. Il avait enfin cessé de trembler de rire, même si ses joues portaient toujours la marque de son amusement. Ses fossettes s'étiraient sous l'effet de son sourire moqueur.
Il allait probablement sortir une autre blague qui aurait eu pour but de vexer Sirius, mais il s'arrêta net dans son élan. Soucieux de connaître la source de son hésitation, Sirius se retourna. Evan Rosier se tenait derrière lui, les mains sur les hanches, visiblement peu ravi d'avoir à leur parler.
« Black, si on peut encore t'appeler comme ça, Regulus veut te parler, annonça-t-il avec dédain.
― Et...il ne peut pas venir lui-même me le dire au lieu d'envoyer un crétin avec une perruque pour cheveux ? grogna l'intéressé avec encore plus de dégoût.
― Ce soir, 21 heures, tour d'astronomie et seul, énuméra-t-il comme un automate avant de tourner les talons. »
James murmura pour lui une injure dans sa barbe. Au loin, Regulus mangeait machinalement, les yeux dans le vide et une étrange sensation prit Sirius. Il ne saurait mettre de nom dessus, mais d'une certaine manière, il savait que cette conversation ne tournerait pas aux embrassades, bien au contraire. Il n'avait plus qu'à espérer que ce que Regulus voulait lui annoncer n'était pas si terrible...
**
Emily avait longuement hésité, mais quand elle avait vu Sirius être arrêté par James à la sortie du cours, et Peter les regarder avec envie, tout en hésitant à les rejoindre, elle s'était dit qu'elle n'avait pas besoin d'y réfléchir plus longtemps. Elle s'avança vers le jeune homme et posa une main amicale sur son épaule.
« Peter ? »
Il s'était retourné, presque craintif. Elle avait de la peine pour le garçon. Il représentait un peu ce qu'elle avait été à une époque : une personne qui se pensait solitaire, mais qui en réalité, voulait juste gagner un peu confiance en elle. Emily n'avait pas encore totalement réussi à se sentir bien dans sa peau, et était encore en train de se chercher un caractère et une personnalité. Mais elle savait que si elle était dans cette transition, c'était en partie parce que Sirius avait enclenché le mécanisme. Peut-être pourrait-elle aider Peter ?
« Avec Evan et Alycia on va manger aux bords du lac, pendant qu'il fait encore beau. Tu veux te joindre à nous ? proposa-t-elle avec un large sourire. »
Il sembla choqué par sa proposition, ses yeux s'élargirent comme devant une menace invisible. Peter la détailla longuement avant de se retourner vers Sirius et James qui riaient aux éclats. Emily eut l'impression que depuis que Remus n'était plus là, Peter était un peu la troisième roue du carrosse.
« Oui...oui d'accord, acquiesça-t-il finalement d'une petite voix.
― Evan et Aly sont partis chercher de quoi manger aux cuisines, ils nous rejoignent là-bas, fit-elle en lui prenant le bras. »
Il tremblait, mais faisait de son mieux pour le masquer. Il avait probablement peur d'être avec quelqu'un de nouveau. Depuis la première année, il n'était qu'avec les garçons de son dortoir. Avait-il même essayé de faire connaissance avec les autres ? Elle décida alors d'être franche avec lui.
« Ne t'en fais pas tu sais, tu comptes vraiment pour eux. Ils ne t'en voudront pas de venir rien qu'une fois manger en notre compagnie. Regarde Sirius me parle, et James n'a pas envie de le tuer pour autant.
― C'est parce que c'est Sirius. James ferait tout pour Sirius, contrecarra le garçon alors qu'ils arpentaient tranquillement le couloir.
― Comme il le ferait pour toi, j'en suis certaine.
― Je ne suis pas comme Sirius.
― Personne n'est comme Sirius, argumenta la jeune fille. Et il a autant de défauts que toi, et tu as plus de qualités que tu ne le penses. Ce que je veux dire...c'est que c'est normal de douter ainsi de soi, mais tu ne dois pas laisser ce pessimisme obscurcir ton jugement. Tu es un Gryffondor non ? »
Il retrouva un petit sourire. Il le savait, qu'elle était comme lui sur certains aspects. Combien de fois les maraudeurs avaient-ils harcelé les Jenkins, en partie parce qu'Emily leur paraissait être la jeune fille timide et victime à souhait ? Rien que l'année dernière, à la même période, elle avait été collée à sa valise pendant plus d'une heure. S'il n'avait pas été ami avec les maraudeurs, aurait-il été une victime aussi ? Certainement. Mais étrangement Emily était vue différemment par son groupe depuis quelques mois.
« Je ne suis pas pessimiste, je suis réaliste, lui expliqua-t-il. Je suis dernier dans toutes les matières, je ne sais pas monter sur un balai, je me suis même cassé le nez en essayant, et surtout je suis maladroit...Et je...je...n'attire pas les filles.
― Tu n'es pas obligé d'attirer les filles, pas tout de suite. Tu es encore jeune. On n'est pas tous sensés trouver la personne qui nous correspond à 16 ou 17 ans...La personne de tes rêves attend quelque part, j'en suis certaine, et cette personne trouvera toutes tes maladresses charmantes. »
Il ne sembla pas convaincu et resserra son emprise sur son bras. Ses yeux observaient fixement le plafond du couloir qu'ils traversaient, pour fuir le regard de la brunette.
« Je...Je suis dans le même cas que toi Peter. Je ne suis sortie qu'une fois avec un garçon, et c'était une catastrophe. Je n'attire pas les foules comme les maraudeurs...Et pourtant, je suis convaincue que ça changera un jour. Tu dois garder espoir et confiance en toi.
― Tu as attiré le regard de Sirius et c'est énorme, souligna Peter comme une évidence. »
Emily ferma un instant les yeux, maudissant intérieurement la popularité de Sirius, qui la touchait désormais de plein fouet.
« Sirius s'intéresse à moi comme à la première fille avec laquelle il peut être ami. Et ce n'est pas le sujet...
― Il t'apprécie vraiment. »
Elle soupira. Pourquoi tout le monde, y compris un garçon aussi discret et peu avide de ragot comme Peter, et une personne détachée comme sa meilleure amie, voulait absolument voir Sirius et elle ensemble ? Ce style de relation était voué à l'échec. Ils étaient trop différents. Et de manière plus générale, elle était à l'opposé du genre de filles avec lesquelles il aimait sortir occasionnellement. Et puis, elle n'était pas sûre de vouloir être une de ces pots de peintures prêtes à tout pour qu'il les regarde. Plutôt mourir, que de devenir aussi...futile.
« Peut-être. Mais pas comme tu le penses. »
Son ton ferme incita Peter à ne plus appuyer le sujet. Il y eut quelques minutes de silence alors qu'ils enjambaient les hautes herbes du parc, puis, enfin, Peter brisa ce silence par une affirmation qui la prit au dépourvu.
« Je ne veux pas sortir avec une fille. Mais si j'y arrivais, peut-être que James me verrait moins comme un lâche, mais plus comme un membre du groupe avec quelques qualités. Tu vois...le fait que Sirius attire autant la gente féminine, lui a permit de devenir populaire. Ses beaux traits aristocratiques lui ont fourni les accès pour devenir un des rois de l'école. James aussi d'une certaine manière : ce sont ses exploits de Quiddich qui font rougir les filles.
― Mais Remus...
― Certaines filles trouvent sa timidité...charmante. Il n'est pas moche, il est même plutôt beau. C'est un autre public...mais tout aussi conquis. Regarde ton amie Alycia. »
Alycia et Remus étaient un mystère de la nature pour Emily. Mais elle n'évoqua pas ce point au jeune homme.
« Ne te mets pas cette pression Peter, l'avertit-elle. Elle risque de te submerger.
― Ce n'est pas moi qui me la met...Les autres le font très bien à ma place. Combien de fois m'ont-ils dit Hey Pet' il serait peut-être temps de te trouver quelqu'un ! ? Et ils ont raison, comment trouver ma place sans faire d'efforts ? Alors j'ai essayé de séduire, mais...je ne suis pas vraiment doué.
― Parce que tu n'en as pas envie.
― C'est ça... »
Au loin, deux silhouettes s'agitaient : Evan et Alycia venaient les rejoindre. Rapidement, une pensée traversa l'esprit d'Emily. Elle avait peut-être une idée pour aider Peter. Quelque chose d'insensé, mais qui aurait le mérite de fonctionner si les dires du jeune homme étaient fondés.
« Alors je vais te trouver un faux partenaire.
― Co...comment ça ?
― Si les maraudeurs n'y voient que du feu, ils croiront que tu as eu une relation. Rien ne dit qu'il faut que cette relation dure plus de quelques jours pas vrai ? »
Au vu de son sourire, et du pétillement dans ses yeux, elle comprit qu'elle avait vu juste. Après tout, il était un maraudeur non ? A lui de faire ses propres règles.
**
« Tu n'aurais pas pu venir m'approcher à moins de trois mètres pour m'annoncer le rendez-vous toi-même plutôt que d'envoyer ce crétin de Rosier ? Maugréa Sirius une fois qu'il eut posé les pieds dans la tour d'astronomie. »
La journée s'était terminée rapidement, au bout de plusieurs heures de cours ennuyeux, où il s'était imaginé mille et un scénarios pour ce soir. Il avait même hésité, et puis sa curiosité était trop forte. Désormais son sang pulsait dans ses veines avec une étrange sensation de malaise. Ce n'était pas une bonne nouvelle. Regulus ne prenait jamais la peine de lui annoncer les bonnes nouvelles par lui-même.
« A chaque fois que je te vois, tu râles, je voulais m'épargner ce supplice. Une fois dans la journée, c'est déjà trop, siffla Regulus avec dédain. »
Quiconque aurait pu observer ce tableau : aurait compris qu'ils étaient frères. Même apparence aristocratique, bien qu'abordée différemment : un air rebelle venait détacher les cheveux de Sirius, tandis qu'un air traditionnel et familial venait peigner ceux de Regulus. Même sourire sarcastique, presque déroutant. Même stature droite et fière. Mêmes yeux gris perçants. Même colère emplie de rancunes. Mais tout dans leur morale les opposait aujourd'hui.
« Je ne te demande pas si tu vas bien..., poursuivit Sirius. Epargnons nous les subtilités, toute personne demandant à entrer dans les rangs de Voldemort ne va pas bien dans sa tête, c'est évident. »
Regulus plissa les yeux, comme s'il cherchait à le menacer d'aller plus loin.
« Je viens avec un drapeau blanc ce soir Sirius. Donc s'il te plaît, ne me provoque pas. »
Sirius leva les mains en l'air pour signaler ses bonnes intentions.
« Alors dépêche-toi de mettre fin au mystère. Et dis-moi ce qu'il se passe. »
Regulus soupira longuement puis sortit une lettre de sa poche de veste. Il la défroissa avant d'en montrer la signature. Sirius frémit en notant le nom d'Asteria Black en bas de page. Une peur instinctive, et irrationnelle, lui noua férocement les entrailles. Etait-elle en danger ? Pourquoi Regulus venait en personne lui montrer cette lettre ? Pourquoi ne lui écrivait-elle pas ?
« Célia a reçu cette lettre, elle nous était adressée à nous trois. Asteria n'avait pas assez d'encre.
― Elle va bien ? demanda Sirius d'une petite voix. »
Face à son frère, inquiet pour sa cousine, il redevenait cet enfant craintif qu'il avait été à une certaine période de sa vie. Un enfant que personne n'avait jamais connu ainsi, hormis Regulus et Asteria. Un enfant que James n'oserait pas imaginer.
« Bien-sûr, elle est juste devenue idiote et insensée. »
Sirius écarquilla les yeux devant la remarque cuisante de son frère.
« Qu'a-t-elle... ?
―Elle arrête ses études. »
Il avait dit ça avec une extrême rapidité, comme pour soulager la douleur qui suivrait. Il rangea la lettre dans sa poche, pour éviter que son frère n'ait pour idée de lui dérober le bout de parchemin. Sirius haleta de surprise quand il entendit cette annonce. Elle aurait pu rester à l'abri en France. Elle aurait du rester en dehors de tout ça. Pourquoi ? Et puis une pensée parvint à son esprit, et un froid prit possession de son corps. Comme s'il était intégralement plongé dans un bain de glace...
« Elle va le rejoindre ?! Ne me dis-pas qu'elle va le rejoindre...Etes-vous tous stupides dans cette putain de famille ?! Vous pensez qu'il va vous donner tout ce que vous voulez ? Quand il en aura fini avec les traîtres et les moldus, il viendra pour vous... »
Son visage s'empourpra et la bête en colère grogna dans sa gorge. Tandis que Regulus demeurait calme et imperturbable.
« Je ne sais pas si elle va le rejoindre.
― Tu ne sais pas ?!
― Elle explique juste qu'elle a trouvé un boulot de journaliste dans un petit journal, afin de rester proche de sa famille. Elle ne dit rien d'autre.
― Elle ne dit rien d'autre ?! Donne-moi la lettre que je vérifie ! »
Regulus s'écarta d'un bond quand Sirius lui sauta dessus.
« C'est à cause de tes conneries pas vrai ? s'énerva Sirius. Elle s'inquiète pour toi, et tu vois où ça la mène ?! Elle abandonne sa vie, pour se jeter en pleine guerre, parce que tu n'as pas eu le courage de dire non ! Tu es un pion Regulus ! Tu es un pion et tu n'en seras pas le seul à en payer le prix ! »
Regulus, qui était resté calme, et mesuré, s'empourpra également. Il sortit de ses gonds ; parce qu'il y avait trop en lui qu'il ne pouvait garder. Tant de fois, il avait hurlé seul dans la nuit, sans pouvoir dire véritablement ce qui lui pesait. Et ce poids le rongeait de l'intérieur.
« UN PION ? Tu te fous de ma gueule ? TU AS PERDU LE DROIT DE ME DIRE CE QUE JE DOIS FAIRE OU NON, LE JOUR OU TU AS RENONCE A ETRE MON FRERE ! Pas une seule fois...pas une seule fois tu t'es demandé ce que tu avais laissé derrière, après t'être barré comme un lâche ! Tu me parles de courage ! Je suis pourtant celui qui est resté ! Celui qui n'a pas fait preuve d'égoïsme ! Qui a consolé mon père quand son héritier est mort devant ses yeux ? Qui a consolé Asteria après ton départ ? Qui a pris la relève ? Qui a subi de plein fouet les menaces de sa mère, sans frère pour le soutenir ? Ca va faire un an Sirius, un an que je me bats seul ! Et toi...Tu vis une vie de rêve...sans culpabilité, sans remords...Et tu oses me parler de choix ? »
Il pointait un doigt accusateur en direction de la personne qu'il haïssait désormais plus que jamais. Les mots prenaient soudainement tout leur sens.
« J'ai..., commença Sirius pour se défendre mais Regulus ne lui laissa pas le temps de poursuivre.
― Asteria essaye de réparer ton bordel...Elle essaye, quitte à s'écorcher au passage. Mais elle ne comprend pas que tu as tellement foutu la merde, qu'il n'y a pas de retour en arrière. Tu es parti Sirius ! Tu es parti ! TU NOUS AS ABANDONNE ! Tu ne peux même pas imaginer dans quelle merde je suis actuellement, uniquement parce que mon grand frère n'était pas là pour me protéger. Et dans quel foutoir je serai toute ma vie, parce que j'ai été projeté à une place qui n'est pas la mienne. Asteria paye pour les fautes d'Andromeda, je paye pour les tiennes. Elle tient encore debout, je m'effondre un peu plus chaque jour. »
Sirius pleurait. Regulus pleurait. Alors que leur mère leur avait toujours formellement interdit les larmes. Pourtant lorsqu'ils étaient seuls, le soir, dans leur lit, ou quand la colère ne trouvait plus d'échappatoire...Les larmes dévalaient leurs joues.
« Je vous ai envoyé une lettre pour vous proposer de me rejoindre, murmura Sirius pour seule défense. Vous avez dit non. Je vous ai laissé le choix.
― Si c'est ta seule excuse...Elle est nulle. On n'avait pas le choix. Et tu le sais très bien. Tu te sers de cela pour apaiser ta culpabilité. »
Sirius s'était imaginé que cette rencontre finirait en coups de poings. Il aurait préféré que ce soit le cas. Regulus était en train de rouvrir une blessure qu'il avait tenté d'apaiser depuis une année. Les mots étaient bien plus douloureux, et leur effet durait bien plus longtemps. Les maraudeurs pouvaient soigner ses plaies physiques, mais il n'irait pas jusqu'à dire que James pouvait comprendre dans quel état était son cœur actuellement, lui qui n'avait jamais eu de frère biologique.
« Je ne culpabilise pas, mentit-il.
― C'est bien la raison pour laquelle je te hais, rugit Regulus. »
Ils se jugèrent du regard plusieurs minutes. Regulus tremblait de rage, tandis que Sirius voulait juste fermer les yeux à jamais sur les accusations qu'il venait de recevoir. Il avait espéré que Regulus reste. Que leur relation ne se détériore pas. Mais une partie de lui savait que ce ne serait plus jamais possible.
« Je ne voulais pas que ça se passe comme ça, avoua Sirius.
― Un abandon ne pouvait pas se passer autrement, renifla Regulus. Si tu espérais qu'on le prenne avec le sourire...En se disant...génial, on a perdu un frère, mais tout restera comme avant...
― C'était l'enfer là-bas.
― Alors imagine-moi vivre cet enfer seul.
― Tu peux faire la même chose, et partir. La porte était grande ouverte ! »
Regulus eut un rire jaune, presque mauvais.
« C'est le problème avec toi. Tout est si simple. Tu as faim : tu manges. Tu as soif : tu bois. Tu crois vraiment que la vie est ainsi ? On t'apporte le monde sur un plateau d'argent si tu utilises la bonne formule magique ? Je ne peux pas abandonner ma famille, simplement parce qu'ils sont différents. Tu haïssais notre mère pas vrai ? Moi aussi. Mais elle n'est pas la seule Black. C'est là, où se trouve toute la complexité que tu as oublié dans tes calculs... »
Sirius avait redouté tant de fois le jour où Regulus oserait enfin le mettre face à la dure vérité. Celle qui lui montrait qu'il n'était qu'un lâche parmi d'autres...Peut-être n'aurait-il pas été mis à Gryffondor s'il n'en avait pas formulé expressément la demande au choixpeau magique...Des deux, Regulus était-il le plus courageux ? Si le courage s'étendait aussi aux choix que l'on fait...probablement. Mais il y avait une chose que Sirius ne pouvait pas faire, car il demeurait un Black dans son fonctionnement : il ne pouvait pas avouer ses tords. Il y avait toujours cette arrogance qui le sauvait de la folie...Alors il ne précisa pas qu'il était peut-être coupable à moitié de cet abandon.
« Elle m'aurait tué ce jour là, contrecarra Sirius. Tu l'as vu faire.
― Tu étais allé trop loin.
― Une mère ne lance pas de sorts impardonnables sur son enfant.
― Mais tu avais été défendu par le reste de ta famille ! Elle ne pouvait pas t'atteindre complètement tant que père était là, tant que j'étais là, tant que nos cousines, notre oncle et notre tante étaient là. »
Ce fut au tour de Sirius de rire amèrement.
« Défendu ?! Mais tu t'entends un peu ? Père n'a pas bougé d'un millimètre ! Ils ont regardé. Tu as regardé ! C'est au troisième sort qu'une voix s'est levée ! Et c'était celle d'Asteria, et non la tienne ! Tu n'as pas fait le premier geste...et père non plus ! Vous êtes pareils tout les deux...Jamais dans l'initiative ! Jamais assez forts pour passer à l'acte !
― On aurait pu ne rien faire...Tu venais d'insulter grossièrement notre héritage ! Tu ne mesurais pas l'importance de tes propos ! »
Il y eut encore des cris. Des dilemmes et paradoxes. Les deux avaient tant de remords, et tant d'entêtement, qu'il était difficile de trouver une issue à cette dispute. Regulus et Sirius avaient perdu tout un monde ce jour là. Et depuis un an, ils vivaient avec leurs remords et leurs choix. Si Regulus était devenu résigné, il ne pouvait soustraire cette haine de son cœur. Quant à Sirius, la culpabilité s'immisçait en lui, sans qu'il veuille bien l'accepter.
« Ca ne sert à rien de discuter avec toi, décida Regulus. Tu n'écoutes pas. Tu fais ce que tu veux, depuis toujours, sans prendre en compte les sentiments des autres.
― Peut-être.
― Alors c'était notre dernière conversation.
― Evidemment. Tu es mangemort maintenant.
― Et toi, le sauveur de l'humanité ? »
Sirius trouva la force d'imprimer un maigre rictus sur ses lèvres. Le sentiment, de devoir un jour affronter son frère, sur un autre terrain, lui donnait la nausée, et son reflexe fut de le masquer avec un sourire. Regulus pensait-il la même chose ? Son ton railleur semblait aller dans ce sens...
Regulus tourna simplement les talons. Il n'y eut pas d'adieux, ni de gestes expressifs de la main.
Et pourtant, il laissa un vide quand il quitta la pièce.
Sirius n'avait jamais eu aussi froid.
Deux frères venaient de tourner une page, tout en y sacrifiant une part de leur cœur.
**
James eut une intuition. Tout commença quand Peter, revint vers eux, avec un sourire bien trop large pour être naturel. Alors qu'il était plus réservé qu'à l'ordinaire depuis l'absence de Remus. James se contenta de froncer les sourcils quand pour plaisanter, Alice Fortescue expliqua qu'il s'agissait probablement de son repas avec les Vagabonds. Première anomalie. Peter n'allait jamais à la rencontre des gens de sa propre initiative.
Et puis, ce fut au tour de Sirius. Tard dans la soirée, il revint doucement dans le dortoir et James ne dormait pas. La lumière lui permit de distinguer les traces de larmes sur ses joues.
Il s'était toujours dit que s'il croisait trop longtemps Regulus, la conversation finirait en bagarre générale. Ainsi, il s'était attendu à le voir revenir avec un œil au beurre noir. Ce qui aurait été plus rassurant que des larmes. Car Sirius Black...pleurait rarement. Et si quelques larmes trouvaient refuge aux coins de ses yeux : c'était grave.
Très grave
Bien sûr, il essaya de faire quelque chose. Mais une petite voix lui rappela que Sirius ne parlerait que lorsqu'il serait prêt. Ne jamais pousser un Black dans ses retranchements, quand il y avait des larmes. Leçon numéro 1. Il nota mentalement de le préciser le lendemain à Emily Jenkins. Sinon, elle finirait certainement dans le lac.
« Je vais me coucher, dit Sirius. »
Ce furent les seules paroles qu'il entendit venant de lui, de toute la soirée. James éteignit la lumière et chercha longtemps le sommeil. Mais quand James se posait trop de questions : il devenait rapidement insomniaque. Alors il tourna dans son lit, essaya quatre ou cinq postures différentes, avant de s'asseoir, en désespoir de cause.
A défaut de compter les moutons, il décida qu'il allait marcher un peu pour s'aérer l'esprit. Et pour arrêter de se dire que les maraudeurs étaient en train de se perdre sans Remus. Certes, c'était un peu différent...mais il pouvait garder les morceaux intacts jusqu'à ce qu'il revienne non ? Les maraudeurs n'allaient pas se disloquer du jour au lendemain...
Dans la salle commune, il y avait quelqu'un. Deux voix fluettes bavardaient sur le grand canapé en face du feu de bois. Il s'approcha doucement, en se demandant s'il pouvait rejoindre ses solitaires nocturnes. La crinière rousse flamboyante et la voix empreinte de bienveillance lui indiquèrent immédiatement qu'il s'agissait de Lily. Elle semblait parler à une troisième ou quatrième année, aux cheveux bruns. Parce qu'elles lui tournaient le dos, il ne distingua pas immédiatement son identité.
« ...Tu fais des cauchemars. C'est tout à fait normal...J'irai demander à l'infirmerie ce qu'ils peuvent te donner pour que tu dormes mieux, expliqua Lily alors que James devenait plus curieux.
― Je prends déjà des tisanes et des somnifères...mais rien n'y fait...Je...je revois son visage...
― A qui ? »
La fillette ne trouva pas le moyen de répondre. James venait de se prendre les pieds dans le tapis. Il tomba face contre terre, dans un bruit assourdissant qui fit bondir Lily sur ses pieds. Elle se plaça, protectrice, entre James et la fillette, baguette levée. James qui venait de perdre ses lunettes, tâtonnait le sol sous le choc.
« Désolé...Je ne voulais pas interrompre, grommela-t-il. »
Il trouva ses lunettes après quelques instants gênants. Il les plaça sur son nez, heureux qu'elles ne soient pas cassées. Cette paire avait vécu tant d'aventures...Elle n'en était pas à sa première chute. Il releva la tête et croisa le regard mécontent de Lily.
« Tu nous écoutais Potter ?
― Jamais Evans. »
Il y avait quelque chose de louche sur le visage de Lily. Après Peter et Sirius, l'intuition revint quand il remarqua la pâleur de ses joues, et l'émotion dans ses yeux. Il pouvait y lire...une certaine peine. Il se dit que c'était probablement à cause de ce que lui racontait la quatrième année. Mais quand elle lui tendit la main, il comprit qu'en fait...elle était désolée pour lui. Il la prit dans les siennes, pour se relever, et nota son tremblement.
Son regard fuyait le sien. Chose rare. Elle, qui aimait montrer sa détermination et sa colère à travers ses beaux yeux émeraude.
« Ca va ? demanda-t-il. »
Elle sembla confuse par sa demande, et presque instinctivement, elle se tourna vers la fillette qui se dissimulait à moitié derrière sa silhouette.
Il la vit. Il la reconnut.
Claire Vance.
La petite sœur d'Emmeline.
Immédiatement, il peina à respirer, et sombra dans le noir. Il entendit vaguement Lily crier son nom, mais pour une fois, il n'en avait que faire ; son monde venait d'être remis en question.
**
Je me mets directement à l'écriture du suivant. Je ne promets pas qu'il sorte tout de suite par contre...
N'hésitez pas à me dire comme d'habitude ce que vous en avez pensé. Notamment au sujet de la dispute entre Reg et Sirius, ou encore des insécurités de Peter.
A la prochaine ! Prenez soin de vous.
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