Chapitre 6 : Le cauchemar

Il fallut qu'un cri la réveille une heure plus tard, alors qu'elle même avait eu du mal à trouver le sommeil après son aventure nocturne. Emily, le corps en sueur, avaient les poings serrés sur les draps comme si elle eut voulu les déchirer. Elle hurlait, les paupières closes, encore à moitié dans ses songes, luttant contre le monstre qui habitait son esprit et torturait son sommeil. Quelques mèches de cheveux vinrent se coller négligemment sur son front humide. Ses joues se tintèrent de rouge durant quelques instants, pour enfin devenir pâles comme la mort.

Alycia se leva, rejetant son drap rouge à ses pieds. Elle s'agenouilla auprès de son amie et la secoua de toutes ses forces pour la ramener à la réalité. Après plusieurs tentatives vaines, des grognements désapprobateurs de leurs voisines de dortoir, dont la satanée Lucie qui insulta Alycia de tous les noms possibles et imaginables,elle réussit à faire sortir du cauchemar la jeune brune. Emily respira profondément, le regard encore vague, convulsée d'affreux tremblements...

« Shhh c'est juste un cauchemar Em, murmura Alycia en lui caressant les cheveux. C'est finit... »

Emily se coucha sur le côté, en fœtus, reprenant conscience des choses petit à petit. Elle pleurait, serrant dans ses poings le pyjama d'Alycia et les fin draps de coton.

« Taisez vous, ça va...c'est juste un cauchemar, il ne faut pas quatre heures pour s'en remettre, grogna de nouveau Lucie en se redressant pour les fusiller du regard »

Alycia se retint de la frapper au visage, bien trop préoccupée par l'état de la jeune fille. Elle venait d'enfouir sa tête dans ses bras, sanglotant abondamment. Alycia se rappela soudain ce qu'Evan avait dit, que sa sœur avait fréquemment des rêves prémonitoires, qui pouvaient prendre un aspect violent. Consciente de l'étendu du problème, ayant d'une part les soupirs indiscrets de Lucie, et d'autre part une Emily complètement à bout de souffle, elle soutint son amie et la descendit dans la salle commune.

Elle l'allongea ensuite sur le grand canapé, la tête surélevée et alla lui chercher de l'eau dans la salle de bain. En dévalant de nouveau l'escalier, elle remarqua Evan sur le palier du dortoir des garçons, il semblait préoccupé, le visage tiré, les lèvres pincées.

« Elle a eu une vision ? s'alarma t-il en la suivant jusqu'à Emily.

― Oui, je crois...Comment se fait-il que tu sois réveillé ?

― J'en sais rien, j'ai comme un mauvais préssentiment quand ça arrive et je me réveille aussitôt, je finis par être habitué, avoua t-il en se penchant pour caresser le visage de sa sœur jumelle. »

Emily haletait encore, bien que l'eau lui ait fait beaucoup de bien. Son souffle devenait plus faible et sa respiration plus régulière.

« C'est toujours aussi...violent ? s'enquit Alycia en prenant place à ses côtés.

― Non, c'est pour ça que je suis inquiet, d'ordinaire, quand ça arrive elle réussit à venir jusque dans ma chambre et elle s'endort dans mon lit, lui affirma t-il. »

Il contemplait les prunelles bleutées de la jeune Jenkins, comme s'il eut voulu lui parler à travers un seul regard. Les deux correspondait par quelques gestes minimes, ils se connaissaient trop bien pour cela, sachant exactement les réactions de l'autre sans hésitation possible. Alycia assistait à cet échange muet, en spectatrice, ses mains tenant toujours le gobelet rempli d'eau fraîche.

« Merci d'avoir fait ce qu'il fallait Aly, lui souffla Evan. Cela fait peut être qu'une semaine qu'on se connaît, mais tu es une véritable amie, comme on en a eu rarement.

― De rien, vous aussi vous êtes de superbes amis...fit-elle. Va te recoucher, je veille sur elle si tu veux, je n'ai plus sommeil. »

Il acquiesça, n'ayant d'autre choix que d'écouter ses paupières se refermant sur elles mêmes alors qu'il luttait pour leur désobéir. Il embrassa le front des deux jeunes filles et partit replonger dans les bras de Morphée alors qu'Alycia soutenait Emily, le temps qu'elle aussi rejoigne le monde des rêves.

Et alors qu'elle se levait pour regarder à la fenêtre le paysage nocturne éclairé par la pleine lune, elle vit de nouveau l'ombre en forme de cerf accompagnée d'un chien noir et d'un rongeur. En fronçant les sourcils, elle se demanda ce que faisaient ces trois bêtes, qui dans la nature n'avaient pas l'habitude de se retrouver toutes trois ensembles bien souvent. Elle ne savait qu'en penser. Alors elle se détourna de la vitre, en ne se doutant pas qu'elle venait de louper la réponse à toutes ses questions.

***

« Je ne voyais rien, juste un nuage de fumée opaque, et là deux formes sont ressorties de l'ombre, assez près de moi pour que je puisse apercevoir leur visage. Le premier était un homme de grande taille, une balafre sur le visage. Il visait avec sa baguette un jeune homme de notre âge aux yeux émeraudes et aux cheveux bruns, la peau assez mâte...Je n'ai pas compris ce qu'il se passait, ils parlaient encore et encore, criant l'un sur l'autre, et puis il y a eu un aigle qui a traversé le nuage pour les rejoindre. Il s'est posé sur l'épaule du garçon et pour sauver l'animal des griffes de l'homme, le garçon s'est posté devant et a reçu le coup fatal, décédant immédiatement..., raconta Emily à Evan alors que ceux ci étaient seuls dans un couloir de Poudlard.

― Et j'imagine que tu n'as pas d'interprétation possible, s'enquit Evan. Et que c'est pour cela que tu ne voulais rien dire à Alycia.

― Non justement, je pense que l'aigle la représentait, tous deux avaient le même regard clair, je n'ai pas de doute là dessus, c'est pour cela que je ne veux rien lui dévoiler, tant que je n'en sais pas plus...

― Elle pourrait nous apporter des explications claires à ce sujet, elle sait probablement qui sont les deux personnes.

― Oui, mais elle ne nous le dira pas. Elle est bien trop mystérieuse quand il s'agit d'Ilvermorny, conclut Emily appuyant sa tête contre le mur froid de pierres. »

Ils restèrent statiques pendant plusieurs minutes, cherchant à démêler les informations les unes des autres, et à les recoller ensembles comme on pourrait le faire avec un puzzle. Puis en regardant sa montre, Evan vu qu'il était temps pour lui d'aller en Étude des moldus alors que sa sœur avait encore une heure de pause avant d'aller rejoindre la classe de Divination.

« Je te laisse, à toute à l'heure. »

Puis il disparut, au milieu de la foule d'élèves se précipitant ici et là, en retard ou en avance, seuls ou accompagnés, heureux ou déprimés. Elle soupira et s'assit contre les dalles qui recouvraient le sol. Alycia était à la bibliothèque avec Lily, et elle s'ennuyait, regrettant d'avoir accepté que son amie aille avec une autre fille pour qu'elle puisse parler avec son frère.

« On n'a plus d'amis Jenkins ? s'amusa une voix provenant de sa droite. »

Elle serra les dents et resta de marbre en apparence, espérant profondément que la personne, qui qu'elle soit, s'en aille, surtout vu le ton moqueur employé qui n'appartenait ni à Evan ni à Aly.

Malheureusement, le jeune homme ne semblait pas vouloir la laisser tranquille, et elle dût relever la tête pour lui montrer qu'il l'énervait.

« Même ton frère te délaisse ? Se moqua t-il, un sourire ridicule collé aux lèvres. C'est fou ce que les Serdaigles sont des ermites. »

Elle ne sut même pas pourquoi elle fut étonnée de remarquer que le jeune homme en question était Sirius Black, le grand Apollon de l'école. Il avait défait sa cravate rouge et or et tenait sur son épaule sa veste. Elle eut envie de lui hurler dessus comme savaient si bien le faire Alycia et Evan, balançant injures et critiques mesquines, pour le dissuader de l'approcher de nouveau, mais au lieu de cela, elle détourna les yeux et ne répondit rien.

« Ermites et pas très bavards à ce que je vois...grommela t-il en commençant à être ennuyé.

― Va t'en, réussit-elle à articuler au bout d'un moment.

― Dis moi, il paraît que tu es forte en Divination, tu pourrais me faire mes devoirs pour l'heure prochaine ? Un baiser plus ou moins long suivant la note que j'obtiens...

― Dégage. »

Son ton était ferme et froid comme la glace. Certes il était beau garçon, mais il n'en restait pas moins un joueur, qui ne souhaitait que s'amuser, en variant les plaisirs. Elle n'était pas si aveugle que cela, contrairement à ce que disait Evan, elle savait reconnaître les mauvaises personnes. Elle suivit ses pas s'éloigner au loin, cherchant probablement de nouvelles personnes disponibles pour faire son travail et obtenir un baiser ensuite.

***

Pendant ce temps, Alycia arpentait avec une certaine rousse de Gryffondor, les rayons de la bibliothèque. Emily et Evan avaient eu envie de parler entre eux, et elle pouvait parfaitement comprendre cela. Ils ne se connaissaient que depuis une semaine tout au plus, pourquoi tout se dire maintenant ? Elle avait une multitudes de secrets, aussi douloureux les uns que les autres, elle savait que parfois il valait mieux les préserver dans un coin de son cœur plutôt que de les révéler aussitôt. Les jumeaux devaient penser comme elle.

« Tu t'intègres bien à ce que je vois, lui dit Lily en saisissant un ouvrage poussiéreux.

― J'essaye, Emily et Evan sont adorables, cela facilite beaucoup les choses à vrai dire, affirma la blonde en l'observant ouvrir le livre qui parlait de potions.

― Avant ton arrivé, ils étaient considérés comme les deux solitaires de la maison Serdaigle, j'avoue que je n'ai jamais tenté de leur parler pour apprendre à les connaître. J'aurais dû.

― Ils sont super agréables, ils ne jugent pas et ce sont les seuls qui ne me posaient pas trop de questions, comme si...comme si j'avais toujours été là.

― Justement, pour rattraper cela, avec Alice, on voulait vous demander de vous joindre à nous le week end prochain à Près au Lard. On pourrait aller faire quelques achats, boire une bière au beurre, et visiter les environs, qu'est ce que tu en penses ? »

Alycia blêmit, au début elle pensait que ce ne serait pas trop dur de voir chaque semaine, les élèves affluer vers la sortie du château, sans en faire parti, mais au fur et à mesure, elle comprenait que personne ne restait avec elle. Si seulement, si seulement il n'y avait pas cette menace constante qui la mettait en danger à chaque pas fait en dehors de Poudlard...

« Je ne peux pas aller à Près au Lard..., Dumbledore n'a pas l'autorisation de ma mère. Et jamais elle ne lui donnera...Crois moi sur parole. En revanche je suis sûre que Emily et Evan seraient heureux de venir avec vous. »

Lily sembla réfléchir, choquée par la déclaration de la jeune Serdaigle. Elle referma le bouquin d'un geste brusque et se mit à marcher rapidement pour atteindre la sortie, Alycia sur les talons.

« Dis moi, cela te gêne t-il d'enfreindre les règles ? Lui demanda t-elle une fois dans le couloir.

― C'est toi, préfète de Gryffondor, qui me pose cette question ? s'étonna Alycia en la détaillant avec des yeux ronds.

― Je n'aime pas aller à l'encontre du règlement, mais quand il le faut, il le faut, avoua la rouquine. Jamais tu ne pourras décompresser si tu ne viens pas à Près au Lard, personne n'en saura rien si tu es discrète. On va trouver un moyen de te faire sortir en douce le week end prochain, je ne sais pas quoi mais on trouvera. »

Elle paraissait déterminée, et Alycia se surprit à en sourire. Il n'y avait rien de plus sûr que d'avoir une préfète de son côté, au moins elle s'attirera moins d'ennuis.

« Je ne sais pas quel plan tu vas m'élaborer, mais sache que je t'en suis reconnaissante quel qu'il soit, lui fit la jeune aigle. »

Lily sourit, dévoilant ses fossettes claires comme du porcelaine. Pour celle qui avait la réputation d'être la plus sérieuse de l'école, elle était bien rebelle. Et ce n'était pas pour déplaire à Alycia, qui venait de rencontrer une alliée précieuse.

***

La journée s'écoula lentement, Emily était préoccupée autant que son frère qui rêvassait en mangeant lentement sa cuisse de poulet lors du dîner. Alycia, qui se trouvait en face d'eux, essayait de les faire parler, de faire en sorte qu'ils sortent de leurs pensées omniprésentes, en vain. Depuis le cauchemar, ils étaient muets, et presque sourds à ses protestations.

« Lily voudrait que vous alliez à Près au Lard avec elle et Alice la semaine prochaine, les informa t-elle pour obtenir quelques mots de leur part.

― Et toi ? s'enquit Evan en avalant bruyamment un autre morceau de viande.

― Lily veut que je vienne, elle va me trouver un moyen d'y aller en douce, avoua t-elle.

― Par merlin, t'aurais dû être à Gryffondor toi, Aly, s'écria Em en posant son verre. Tu as de l'audace, alors même que Dumbledore sait que tu ne peux pas y aller...Si tu te fais prendre, tu pourrais te faire renvoyer.

― Ne t'inquiètes pas, ça n'arrivera pas, je te le promets, la rassura Alycia. »

Aussitôt le silence revint, on aurait pu entendre une mouche voler et se poser sur les aliments, s'il n'y avait pas les autres élèves qui bavardaient gaiement autour d'eux. Alycia, quelque peu agacée de cet échange si court, posa violemment ses couverts et le regard dur, s'énerva. Elle n'aimait pas cet atmosphère tendu, et l'impression d'être de trop.

« Pourquoi vous ne me parlez plus ? Ai-je fait quelque chose de mal ? »

Evan poussa du coude sa sœur qui secoua négativement la tête. Elle tourna ses prunelles vers celles de son double, et un dialogue invisible se dressa entre eux. Leurs lèvres ne s'entrouvraient pas, mais les clignements de leurs paupières semblaient dire ce qu'ils ne prononçaient pas. Parfois une grimace se glissait ici et là, un froncement de sourcils, un index sur la joue droite, puis un pouce, comme un code établi longtemps auparavant et dont ils sont les seuls connaisseurs. Enfin Evan brisa la conversation et se tourna de nouveau vers Alycia.

« Ce n'est pas de ta faute Aly, c'est juste qu'on tentait de trouver une explication rationnelle aux visions d'Em. On pense qu'elles te concernent, et qu'elles parlent de ton passé, ou de ton futur...

― Pourquoi ne pas m'en parler ? J'aurais pu vous dire ce que je savais..., murmura t-elle, inquiète quant à ce que son amie avait bien pu voir. »

Honteuse, Emily se mit à lui conter ce qu'elle avait vu dans ses songes, sans omettre de détails. Attentive, Alycia écouta, sans interrompre, comprenant très vite de quoi il s'agissait. Le garçon aux yeux verts et à la peau mâte...Le garçon d'Ilvermorny, celui de la photo, celui qui ne reviendrait jamais et qui la hanterait jusqu'à la fin de sa vie, même si toutes les traces de son existence se trouvaient au fond du lac noir. Elle blêmit, serrant les dents, gardant son calme, en apparence uniquement.

« Le garçon...était celui avec lequel tu es sortie ? Essaya Em.

― Oui, c'est lui, souffla t-elle en serrant de toutes ses forces ses poings.

― Il va mourir...dans le rêve on le voit décéder...fit Evan désolé.

― Non, c'est trop tard, il est déjà mort. Il l'est depuis plusieurs mois déjà, c'est une des raisons pour lesquelles je suis ici. Oublier celui qui s'est scarifié pour moi. »

Elle luttait pour garder hors d'elle, les larmes qui voulaient désespéramment sortir de leur prison de chair. Puis, elle comprit que cela ne servait à rien , qu'il fallait qu'elle accepte le chagrin, comme elle acceptait les événements. Elle sanglota d'abord doucement, puis son corps fut secoué par la douleur, et ses yeux devinrent rouges sangs, elle ne sut plus s'arrêter de pleurer. Emily et Evan se déplacèrent pour l'entourer de leurs bras réconfortants. Elle avait besoin de cela plus que tout.

« Comment s'appelait-il ? l'interrogea Evan en lui caressant les cheveux, comme il l'aurait fait pour sa sœur.

― Jaimie...Il s'appelait Jaimie. Jaimie Phels. »

Elle releva la tête, qu'elle avait niché dans le cou de ses amis. Autour les élèves se questionnaient sur les raisons de sa crise de larmes, mais le regard féroce de Evan les dissuada de chercher plus loin les réponses. Derrière le dos de son ami, elle aperçut les maraudeurs, qui avaient arrêtés leurs enfantillages pour l'observer crier sa douleur, plus loin, Lily était tout aussi inquiète. Mais ce qui attira le plus son attention fut le regard peiné du jeune Lupin, qui l'avait déjà trouvé au plus mal la veille. Se rappelant ses conseils, elle sortit de sa poche, la tablette de chocolat et croqua à pleine dent dans celle ci. Il n'avait rien inventé, elle se sentit comme revigoré.

« Le chocolat me fait du bien, affirma t-elle en séchant du revers de la main ses yeux humides. »

Mais les jumeaux ne lui répondirent rien, comprenant que les mots ne suffisaient plus dans ces moments là, ils se contentèrent de lui frotter le dos, de l'entourer pour lui montrer leur soutient. Ils étaient là, et c'était le plus important. Emily crut apercevoir une larme couler sur les joues pâles du directeur de Poudlard. Il devait savoir. Il devait en savoir bien plus qu'ils n'en sauraient jamais.

Et cela n'envisageait rien de bon. 

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