Chapitre 5 : La rentrée
Les rentrées étaient bien différentes chez les sorciers apparemment. Les parents de Lily voulaient toujours partir une heure à l'avance pour éviter les bouchons près de la gare, et puis la voiture était capricieuse, il fallait prévoir dix minutes de plus pour la faire démarrer sans caler...Mais pour les Potter, il n'y avait pas ces soucis techniques. En fait, Lily crut bien qu'ils allaient louper le train. Surtout lorsqu'un Sirius à peine éveillé se souvint qu'il avait oublié son sac de farces et attrapes dans la chambre de James. Lily l'avait foudroyé du regard, la peur lui nouant les entrailles : où irait-elle si elle loupait le train ?
Mais heureusement, tout était plus rapide par transplanage, et sans vraiment y croire, Lily parvint à se faufiler sur les quais cinq minutes à l'avance. Elle étreignit longuement la mère de James, la remerciant maintes fois pour son accueil. James qui attendait patiemment derrière elle, fit bientôt de même. Sa mère lui recoiffa les cheveux affectueusement. Elle paraissait plus émue qu'à l'ordinaire, comme si cette rentrée était un poids pour elle.
« Reste prudent James, lui ordonna-t-elle.
― Toujours, acquiesça-t-il avec un fin sourire. »
Lily roula des yeux. Toujours signifiait se mettre en danger trois fois par jours. Il viendrait un moment où Rusard l'étranglerait à mains nues pour toutes les bêtises qu'il faisait. Sirius ne cacha pas non plus son amusement.
« Dis à Papa que je ne lui en veux pas qu'il soit resté au Ministère...Je ne veux pas qu'il culpabilise...Tu le connais. »
Euphémia hocha doucement la tête, et Lily remarqua un voile qui couvrait son visage. Elle parut réfléchir et vouloir dire quelque chose de particulièrement important, mais elle se ravisa, et se contenta d'enlacer Sirius à son tour. Une fois cela fait, elle se tourna une dernière fois vers la rouquine.
« Veille sur eux Lily.
― Bien-sûr madame..., répondit-elle en sentant bien qu'elle lui devait bien ce petit geste. »
Ils empoignèrent tous leur valise, à l'unisson, et s'en allèrent vers la locomotive fumante, non sans un dernier signe à une Mrs Potter larmoyante.
Il n'y avait pas foule sur les quais, et devant la porte, le trio marqua un temps d'arrêt. Ce n'était qu'une atmosphère, un sentiment...Mais le temps s'arrêta. Il y avait toujours les enfants qui tendaient les bras à travers les fenêtres pour saluer leurs familles une dernière fois. Il y avait toujours ces premiers années, bouche-bée devant la singularité du train, et les parents émus aux larmes qui ne souhaitaient pas leur lâcher les mains. Il y avait toujours les couples qui se retrouvaient et s'embrassaient de manière anarchique. Mais au milieu de cette foule, Lily mit le doigt sur des éléments manquants. Certes il y avait moins de monde, et moins de cris, mais elle avait beau scruter les quais, elle n'apercevait pas d'élèves de leur âge. Amos Diggory était le dernier à monter dans le train, comme à son habitude, il accueillait et parlait longuement avec Emmeline et sa famille. L'année dernière, il avait été le dernier à poser un pied sur le tapis du couloir. Où était-il maintenant ? Ils avaient rompus pendant l'été, aux travers d'une lettre (la seule que Lily ait bien reçu depuis la mort d'Emmeline...), ce dernier lui annonçant qu'il ne se sentait plus légitime de faire sourire quelqu'un, en étant lui-même incapable. Etait-il resté chez lui ? Comme James l'aurait souhaité ?
Elle se tourna vers le myope, qui paraissait être en proie aux mêmes pensées. Il n'y avait plus qu'eux désormais. Ils devraient se serrer les coudes, et même si elle aurait préféré que ce soit avec quelqu'un d'autre que les maraudeurs, elle n'avait plus le choix.
**
« S'il y a bien une chose que tu dois connaître sur Evan, Aly, c'est qu'il ne passera pas le portail, sans être passé par le distributeur, avant. C'est une religion chez lui. Autant prendre notre mal en patience. »
Alycia renifla en masquant un rire. Evan s'agitait impatiemment devant la machine, qui à défaut de lui donner la boisson attendue, lui rendait tout de même la monnaie, signe que la transaction avait bien eu lieu. Sophie croisait les bras sur sa poitrine, hésitant clairement à le tirer par le pantalon, au fur et à mesure que l'aiguille avançait sur l'horloge centrale. C'était la première fois qu'elle accompagnait quelqu'un au Poudlard express, et elle était décidée à ne pas laisser un jeune blondinet lui gâcher sa chance.
« Cela lui prend combien de temps en moyenne pour décider d'abandonner cet instrument du diable ? grogna-t-elle en direction d'Emily »
Cette dernière se contenta de hausser les épaules, Alycia en ignorait toujours les raisons, mais Emily ne semblait pas porter la rouquine dans son cœur. Elle soupçonnait qu'il y ait une part de jalousie, mais aussi un autre élément, décidemment manquant...
« Bon, ça suffit, maugréa Sophie en s'avançant pour tapoter l'épaule du blond. »
Evan sursauta quand la bouteille atterrit enfin dans l'étui. Il se tourna vers Sophie comme un enfant qui venait de recevoir son cadeau de Noël, après plusieurs mois de retard.
« Tu en veux ? lui demanda-t-il en tendant le coca.
― Sans façon, grommela-t-elle »
Evan murmura quelque chose sur son manque d'humour et d'enthousiasme, qui fit pouffer Emily.
« Allons-y, s'exclama Alycia consciente que l'horloge ne leur laisserait plus de temps. »
Elle les guida d'un pas militaire vers le portail. Elle fit de grands gestes pour décrire la méthode à Sophie, qui en était à son baptême du quai neuf trois-quarts. Ce fut au tour d'Evan de rouler les yeux théâtralement quand celle-ci se demanda si cela marcherait quand-même pour une cracmol.
« Au pire tu finiras avec un nez cassé. C'est arrivé à Emily...Quand elle avait voulu tester sa théorie comme quoi le portail resterait ouvert en dehors du jour de la rentrée...Conclusion Emily ?
― J'ai une déviation de la fosse nasale..., conclut Emily en jetant un regard noir à son jumeau. »
Les deux jeunes étudiants en train d'argumenter, les doigts pointés en direction d'un mur vierge, attiraient l'attention des passants, et Alycia ne pouvait s'empêcher de loucher périodiquement en direction de l'horloge. Elle les tira par les bras.
« Montrez-donc l'exemple au lieu de vous battre ! »
Non sans ronchonner, Evan s'avança en premier, sans peine, il traversa le mur en une fraction de seconde, suivit de près par sa sœur, encore fulminante. Alycia prit la main de son amie, et l'entraîna à travers le passage.
« Waouh, fut le seul mot que Sophie réussit à exprimer. »
La rouquine détailla longuement la carcasse rouge sang de la locomotive. Alycia avait eu la même impression l'année dernière, et instinctivement elle se retrouva dans la stupeur de son amie. Les yeux écarquillés, la bouche entrouverte et la tête pleine de rêves. Son expression était d'autant plus impressionnante, que Sophie n'aurait jamais la chance de fouler les couloirs de la prestigieuse école. Elle ne pouvait que se contenter d'observer minutieusement chaque détail de la carrosserie avec envie.
« Tu es sûre que tu ne veux pas monter avec nous ? »
Sophie eut un petit rire triste.
« Absolument certaine...Va retrouver tes amis...Nous vous rejoindrons là-bas. »
Eugène avait assuré Alycia qu'il préférait y aller avec ses propres moyens, et Sophie ne se sentait pas assez forte pour affronter les prémices d'une vie qu'elle n'aurait jamais.
Elle se pencha vers Alycia et la serra affectueusement dans les bras, en évitant soigneusement le regard furieux d'une certaine brunette à demi dissimulée derrière son frère.
« Va-y, insista-t-elle. »
La blonde ne se fit pas prier, et, avec un dernier signe de la main, empoigna sa valise, et traîna ses deux amis vers leur moyen de locomotion. Ils n'eurent aucun mal à se frayer un chemin vers un wagon, l'agitation était bien plus mesurée qu'à l'ordinaire. Alycia ne put s'empêcher de jeter des coups d'œil furtifs pour entrevoir une tête connue, mais ses efforts furent vains. La plupart des élèves qu'ils croisèrent étaient beaucoup plus jeunes qu'eux, et elle eut l'étrange sentiment, que ceux qui avaient le plus peur, étaient les plus âgés...
Devant elle, Evan ne paraissait pas se soucier du vide qui meublait les quais, il riait joyeusement, enfin à son aise, au sein des bonnes vieilles habitudes. Ce fut le premier à gravir les marches, et à arpenter les couloirs à la recherche d'un wagon vide. Mais Emily fut la première à l'arrêter dans son élan.
« Peut-être...peut-être que l'on pourrait essayer de trouver un wagon déjà occupé par quelques unes de nos connaissances ? proposa-t-elle doucement. »
De la façon dont Evan la dévisagea, Alycia se demanda s'il ne la pensait pas actuellement folle. Il fallait dire que sa demande la prenait au dépourvue elle aussi, mais à vrai dire, après avoir été seulement tous les trois pendant deux mois, Alycia avait désespérément besoin de voir du monde...Ne serait-ce que pour entendre d'autres nouvelles...
« Je suis d'accord, fit-elle alors qu'Evan soupirait.
― Très bien..., concéda-t-il. Mais un autre wagon que ceux des maraudeurs, par pitié. »
Comme si une divinité supérieure avait entendu ses lamentations, la porte de droite s'ouvrit à la volée, et deux jeunes hommes, reconnaissables entre mille, se précipitèrent vers eux.
« PARKER ! hurlait presque Sirius Black en se ruant vers elle.
― Il faut qu'on te parle, maintenant ! La pressa James Potter en lui saisissant l'avant-bras. »
Elle voulut répliquer mais Emily lui fit signe, qu'ils allaient s'asseoir dans le compartiment, et qu'ils l'attendraient. Elle aperçut brièvement Evan résister, mais lorsque Lily vint le saluer, il rougit et maudit en silence.
Alycia se laissa donc entraîner, sans ménagement, à l'autre bout du wagon. Une fois loin des oreilles indiscrètes, James s'autorisa à exploser.
« Dis-nous que tu as reçu une lettre ! »
Ses joues étaient rouges, et ses yeux la fixaient avec fureur. Le regard clair de la jeune femme oscilla entre lui, et la désinvolture de Sirius, qui jouait nerveusement avec ses mains, comme pour évacuer un stress. Elle prit quelques inspirations, réfléchissant activement à ce qu'il venait de lui demander. Une lettre ? Quelle lettre ?
« Mais de quoi tu... ? »
Un léger tremblement du plancher l'avertit qu'ils venaient de démarrer. Le visage tendu de James perdit le peu de couleur qu'il possédait. Sirius sursauta et la saisit par les épaules.
« Remus ? Il est où Remus putain ?
― Mais...il...il n'est pas avec vous ? Vous voulez dire qu'il n'est pas monté dans le train ? »
Son cœur accéléra violemment sa course, et elle fut presque heureuse que Sirius la tienne ainsi, sinon elle serait tombée au sol...
« Pourquoi tu crois que je te poserais cette question ? Alors tu as reçu une lettre oui ou merde Parker ?
― Non !
― Tu en es sûre ? S'impatienta James en saisissant ses cheveux décoiffés à deux mains, comme pour les arracher.
― Certaine ! Ecoutez, je lui avais dit que je n'enverrai pas de lettres, parce que je craignais qu'elles se fassent intercepter...Je ne suis au courant de rien. Vers la fin, nous ne lisions presque plus les journaux... »
Le visage des deux acolytes se décomposa.
« Il y est peut-être déjà..., proposa-t-elle d'une petite voix. »
Elle se sentit plus petite, plus effrayée, comme une enfant égarée. Pendant ces deux mois, elle s'était imaginé que les choses changeraient en arrivant à Poudlard, mais que d'un autre côté, tout s'arrangerait. Il n'y aurait plus les mangemorts à ses trousses. Il n'y aurait plus de rencontres fortuites, de révélations. Elle retrouverait Lily, Alice, Franck, son frère...Et Remus. L'année reprendrait son cours. Mais à peine venait-elle de poser un pied dans le train, qu'elle apprenait qu'il ne se serait pas là. Quelle désillusion !
« Impossible, souffla Sirius. Tu connais pas sa mère...Elle travaille si souvent...Elle n'a généralement pas le temps de l'accompagner jusqu'aux quais. Il vient seul, alors tu crois vraiment qu'il aurait trouvé le moyen d'aller jusqu'à Poudlard comme ça ? Et puis sans nous prévenir ? Il y a une semaine il parlait déjà des devoirs...Et là...il n'est nulle part. C'est quoi ce bordel hein ? »
Elle aurait bien voulu pouvoir répondre, mais tout comme James, elle ne trouva plus les mots. En fait, elle était bien consciente, que si elle ouvrait de nouveau la bouche, les larmes couleraient sans discontinuer, et elle avait un peu de fierté restante face aux maraudeurs.
« Et dire que je t'aurais laissé dans ce merdier, marmonna James en baissant les yeux.
― Putain ta gueule Cornedrue ! J'en suis conscient hein ! S'énerva le Ténébreux. Heureusement Peter est là...il manque juste Remus. Il faut qu'on trouve un moyen de le contacter plus rapidement que par hibou, pour le sermonner, qu'il arrête ses conneries...Je croyais que c'était le plus raisonnable d'entre nous... »
Alycia ne pouvait le regarder dans les yeux, une étrange boule dans la gorge. Que craignait-il ? Pourquoi ne voulait-il pas revenir ? N'était-elle pas une motivation suffisante ?
« C'est probablement sa mère, supposa James en prenant conscience des pensées noires qui se profilaient chez la jeune femme. Elle...elle travaille au Ministère. Avec toute l'agitation qu'il y a là-bas, elle a du entendre des choses, et devenir un peu parano...
― Mais pourquoi il l'a écouté bordel de bouse de licorne ? Sa mère est vraiment la dernière à être connue pour son autorité. Remus tient d'elle sa douceur, et on sait bien qu'il est aussi sévère qu'une crème dessert !
― Je ne fais que des suppositions Patmol, ne t'énerves pas contre moi ! Je trouve ça aussi bizarre que toi, surtout quand on sait que même Franck est présent dans le train, alors qu'il aurait eu mille raison de ne pas venir...
― Sa mère doit être invivable ces temps-ci...Pas étonnant qu'il se réfugie ici, soupira Sirius. »
Alycia se sentait de trop dans leur débat animé. Elle voulait simplement s'éloigner, et peut-être trouver au refuge aux toilettes, pour soigner la nausée qui la prenait depuis cinq minutes. Elle n'avait que faire des raisons pour laquelle Remus n'était pas là. La seule chose qui comptait est qu'il n'était pas là. Et qu'elle n'avait aucune idée de comment retrouver une année normale sans sa bouille d'ange...
« Je...
― On pourrait lui envoyer une lettre, lui dire de venir à Près-au-Lard, en pleine semaine, et aller le rejoindre...On discuterait calmement..., élabora James.
― Cela prendrait trop de temps ! Contrecarra Sirius. Il faut agir vite, déjà qu'une semaine sans lui ça va être compliquée...alors deux ! Qui sera le cerveau de nos blagues hein ? Sans sa réflexion on se fait toujours prendre ! Rusard s'en frottera les mains, c'est certain...
― Je vais vous..., essaya de nouveau Alycia mais les garçons ne l'écoutaient vraiment pas.
― Sinon...On va directement en parler à Dumbledore.
― Se rabaisser à ce niveau ci ? Jamais !
― Bon Sirius, la seule solution serait de quitter Poudlard, pour aller chez lui et lui parler directement, mais ce n'est pas possible. Alors soit un peu plus optimiste je t'en prie.
― C'est possible ! On va bien clandestinement à Près-au-Lard...alors pourquoi pas... ?
― C'est contre le règlement.
― Putain, huit jours avec Evans, et voilà que James Potter est perdu ! Se moqua Sirius. »
Elle ne nota pas l'étrange nouvelle qui mettait soudainement Lily et James dans la même phrase, elle fit volte-face, percutant quelques élèves au passage, et courut trouver refuge ailleurs. Entendre les maraudeurs élaborer des plans, ne faisait que rendre la chose plus réelle, et la réalisation plus soudaine...Elle traversa l'entièreté du wagon sans même s'en rendre compte. Plusieurs fois, elle entendit vaguement son nom, quelques personnes se retournant à son passage, mais sa vision devenait trouble.
Au bout du couloir, il y avait un compartiment vide, probablement à cause de l'état médiocre de la moquette qui partait en lambeaux, et qui lui donnait un aspect de moisissure permanente. Elle ferma brusquement la porte, et posa son front contre la vitre froide. Elle expira longuement, et maugréa dans sa barbe quelques noms d'oiseaux...
« A chaque fois que nos chemins se croisent, tu es dans un état pitoyable Parker, s'écria une voix dans son dos. »
Alycia soupira d'ennui.
« A chaque fois que j'entends le son de ta voix morne, c'est quand je recherche désespérément le silence...
― C'est toi qui es venue à ma rencontre, donc la plainte n'est pas de ton ressort. »
Elle hésita avant de se retourner, mais connaissant Regulus, elle ne pouvait plus trop le fuir désormais. Il se tenait contre la vitre, et elle fut surprise de ne pas l'avoir remarqué en entrant. Il avait changé depuis leur dernière discussion, dans ce même train...Il avait grandi de quelques centimètres, mais elle ne sut pas trop déterminer si cela était dû à la masse capillaire qu'il possédait alors, ou s'il avait réellement eu une poussée de croissance au mois d'aout. Ses cheveux étaient plus indisciplinés qu'auparavant, et son allure semblait plus...négligée. De ce point de vue, elle le trouva encore plus proche de Sirius. Mais ce qui attrapa son regard, presque immédiatement, fut les cernes qui ornaient ses yeux, et sa pâleur presque macabre. La vie lui pesait-elle comme une épée de Damoclès ?
Néanmoins, à son sourire arrogant, et son ton moqueur, il demeurait toujours le même, il y avait au moins une bonne nouvelle dans la matinée...
« Tu vas me contempler longtemps ou tu vas t'asseoir ? »
Elle n'eut pas la force de l'insulter, et Regulus parut surpris. Elle prit place à ses côtés, sans un mot.
« Quelle est donc cette chose qui te tracasse tant ? »
Son ton froid et railleur, avait laissé place à une véritable préoccupation, du moins, telle fut son impression lorsqu'elle perçut un tremblement quasi imperceptible de sa voix.
« A ton avis ?
― Epargne-moi les devinettes, crois-moi, je ne suis pas dans un bon mood non plus... »
Elle pouvait facilement le croire, mais son esprit refusa d'en chercher les raisons, sachant probablement qu'elle n'aimerait pas les réponses.
« Remus Lupin n'est pas à Poudlard... »
Il fronça les sourcils, et une lueur étrange passa dans son regard gris orageux.
« Oh. »
Elle jouait nerveusement avec sa bague, évitant soigneusement tout contact visuel. Son esprit refusait de coopérer. Des millions de scénarios se dessinaient, se profilaient...mais aucun ne lui apportait la réponse tant recherchée...Pourquoi Remus prendrait-il peur ? Il était le lion le plus raisonnable qu'elle connaissait, elle le voyait mal s'adonner à une folie...qu'est-ce qui avait changé ?
« Je suis désolé, fit-il après un court silence.
― Tu ne l'es pas, contrecarra-t-elle par réflexe.
― Bien-sûr que si !
― C'est l'ami de Sirius, et donc, si je suis ta logique implacable, tu le détestes. Alors ne me mens pas, tu n'es pas désolé. Tu n'en as rien à faire. »
Il se mordit un peu les joues, et un long et interminable silence s'ensuivit. Elle contemplait la couleur du bois, et du filet du porte bagage, tandis qu'il fermait les yeux, et se laissait bercer par le bruit mécanique et cyclique des roues sur le chemin de fer. Enfin, elle brisa cette torture en se tournant un peu plus vers le jeune homme.
« Je ne sais pas si j'ai fait le bon choix..., avoua-t-elle.
― Tu n'as pas à te poser la question, tu n'avais pas le choix. C'était Poudlard ou rien.
― J'aurais pu devenir auror et partir me battre. C'est peut-être ce qu'il a voulu faire..., proposa-t-elle.
― Admettons qu'ils recrutent plus facilement en temps de guerre et que tu réussisses l'examen de passage...Tu crois vraiment que ceux que tu aurais combattu, seraient des ennemis ? Ceux qui te veulent du mal, sont plus des hommes de l'ombre Parker, je te pensais assez futée pour saisir cela...Qui plus est...Je doute vraiment que Lupin ait assez de tempérament pour finir dans cette profession. Je le voyais plus, hum, disons, professeur miteux dans une classe poussiéreuse, et trente gamins qui louchent sur son écriture de pattes de mouches... »
Elle retrouva l'ombre d'un sourire face à sa description.
« Tu ne l'admires pas beaucoup...
― Je n'admire que très peu de gens dans ce monde Parker. La plupart de mes connaissances sont aussi médiocres, viles, et malsains, les unes que les autres. »
Regulus n'aimait personne, c'était les murmures qui parcouraient les murs du château. Mais, après un an de débats intenses, de rires, et de larmes, elle ne pouvait s'empêcher de trouver qu'il lui restait un cœur. Il exagérait peut-être, il y avait forcément des gens qu'il appréciait plus que d'autres.
« Tu dis la plupart...Certains trouvent donc grâce à tes yeux ? Ta famille ? »
Son nez se fronça, un tic qu'elle retrouvait couramment chez son frère aîné. C'était un signe de gêne évidente.
« Tu ne connais pas tellement ma famille pour supposer de telle chose. Quand je parle de personnes viles, je parle surtout de ma famille.
― Alors je suis la seule...
― Ai-je dis que je t'appréciais ?
― Non, mais c'est assez évident.
― Quelle prétention ! se moqua-t-il. »
Elle rit, et une lueur de victoire passa dans les yeux du Black. En menant cette conversation, sans trop de but, il venait de gagner un rire, ce qui était une évolution comparée à sa première expression en arrivant dans le compartiment, les joues rouges, et les larmes au bord des yeux.
« Alors ? Tu n'as pas répondu...suis-je donc la seule amie que tu possèdes Regulus ? »
Elle insistait, et Regulus, à défaut de pouvoir fuir, lui devait bien une réponse.
« Non...vous êtes deux. »
Alycia arqua un sourcil. C'était un maigre chiffre.
« Waouh, suis-je donc une sorte de privilégiée ?
― Vante-toi encore une fois, et tu dégages de cette liste Parker. »
Elle se mordit la lèvre, hésitant clairement à continuer, néanmoins une sorte de bravoure la prit, et elle enchaîna doucement.
« Alors j'ai tout de même fait le bon choix. »
Peut-être qu'en restant à Poudlard, elle pourrait aider plus d'âmes en peine qu'en intégrant les rangs d'une forme de résistance. Qui constituerait la dernière source d'espoir de Regulus ? Quel serait le dernier lien l'empêchant de complètement sombrer dans le noir ?
« Tu devrais le faire revenir, expliqua-t-il en changeant totalement de sujet.
― Remus ?
― Oui. J'ai l'intuition qu'il est trop con pour décider lui-même de rester chez lui. Quelqu'un l'y force. Et tu pourrais l'aider à sortir de sa cage dorée. Joue sur ses sentiments pour toi. Dis-lui que c'est un égoïste. Il a de la chance de t'avoir, il ne perdra pas sa chance. Il reviendra. Et peut-être que si tu y arrives, tu gagneras l'allégeance complète et éternelle des maraudeurs...Et bien que je déteste toujours Sirius, crois-moi, il vaut mieux les avoir de ton côté. »
Il était calme, et pendant un instant, elle en oublia son tempérament de feu, ses remarques désobligeantes, et son arrogance à peine dissimulée. Son conseil ruisselait d'honnêteté. Son ton doux et prévenant, ne faisait qu'accentuer cette impression, que la seule chose qui importait pour le moment, était qu'elle aille bien. Et elle allait bien. Désormais, une détermination sans faille, montait en elle, et lui donnait la force, de faire comme James et Sirius, de réfléchir, d'élaborer un plan pour sortir de cette impasse.
« Qu'est-ce que tu ferais toi ? Pour le contacter je veux dire..., s'enquit-elle.
― Mes parents utilisent souvent une astuce pour communiquer avec le Ministère. C'est la communication par cheminée. Ta tête apparaît dans les flammes, et tu peux parler en temps réel avec n'importe qui. C'est vraiment pratique. Tu devrais essayer avec celle de la salle commune.
― Mais s'il ne veut pas me répondre ? Ne devrais-je pas plutôt le rencontrer en personne, pour qu'il ne fuie pas ?
― Dans ce cas, je ne sais trop comment faire...Te risquer en dehors de l'école serait bien trop...
― Et si tu m'aidais ? Et si tu me faisais sortir de l'enceinte de l'école ? »
Regulus sursauta à la suggestion et se leva. Il écarquilla les yeux, comme si elle venait de se transformer en une abomination.
« Quoi ?! hurla-t-il. Tu es tarée !
― La fin justifie les moyens.
― Tu es consciente que l'on risquerait l'expulsion.
― Serais-tu donc un studieux petit Serpentard ? se moqua-t-elle. Depuis quand le danger t'effraie-t-il ? Je croyais que tu t'en foutais royalement de tes études, de l'école, et du regard des autres... »
Il se pinça l'arrête du nez, une migraine se profilant à l'horizon. Il détestait quand elle le regardait comme cela, comme si elle était prête à tout risquer pour ceux qu'elle aimait. Paradoxalement, elle en entraînait toujours une dans sa chute.
« J'en ai trop demandé aux jumeaux, et je ne fais pas encore suffisamment confiance aux maraudeurs. Par contre toi...
― Tu me fais confiance ?
― Bien que cela te semble étrange, oui.
― Tu ne devrais pas.
― On a déjà eu cette discussion, je n'ai pas l'intention de revenir dessus. »
Son ton était ferme, certain, et Regulus comprit qu'il ne pourrait plus l'arrêter, si il refusait, elle irait seule, et son cœur ne pourrait le supporter.
« Alors ? »
Il hésitait, percevant encore et encore les scénarios catastrophiques qui pouvaient arriver s'ils échouaient. Mais elle ne reculerait devant rien, alors il devait en faire de même. Cela ne devrait pas être si terrible. Ce n'était qu'une petite aventure. Il était bien entré chez les mangemorts.
Mais alors qu'il lui serait la main en guise d'accord, il vit le visage d'Abraxas. Que lui arriverait-il si son patron l'apprenait ? Penserait-il qu'il changeait de camp, que c'était un acte de trahison ? Avait-il finalement raison ? Il ne pouvait décidemment rien refuser à Alycia Parker et encore moi lui faire du mal ?
« Merci Regulus, lui souffla-t-elle. »
Elle se redressa, et avant de sortir, elle se tourna vers lui, et lui déposa, non sans réfléchir, un léger baiser sur la joue. Un geste innocent, entre deux amis, deux alliés, mais qui n'améliora en rien les idées noires du jeune Serpent. Elle s'éclipsa, ferma la porte derrière elle, et il posa délicatement la main sur sa joue.
Merde, se dit-il.
Abraxas avait raison.
**
Emily jouait nerveusement avec l'ourlet de son uniforme. Un silence pesant régnait dans le compartiment, et elle ne saurait en déduire l'origine. Lily semblait épuisée, elle contemplait pensivement le paysage qui défilait, mais une ride sur son front indiquait ses inquiétudes. Evan avait commandé des confiseries, mais était bien le seul à en profiter. Alice lisait la gazette du sorcier, que Franck évitait soigneusement du regard : sa mère était en première de couverture...Seul Peter essayait tant bien que mal de placer une phrase de temps en temps, ce qu'Emily encourageait d'un simple coup d'œil.
« Vous...vous êtes partis pendant les vacances ? Essaya-t-il pleinement conscient qu'il n'avait plus beaucoup de questions en stock. »
Emily fut bien la seule à tourner la tête.
« Nous avons fait une tournée du Royaume-Uni avec Evan et Alycia, expliqua-t-elle en donnant un coup de pied à son jumeau pour qu'il daigne se réveiller.
― Oh c'est vrai ?! C'est vraiment cool ! S'émerveilla Peter, plus par l'attention de la jeune fille que par ses paroles.
― Et toi ?
― Oh oui comme d'habitude, ma mère aime beaucoup trop les voyages...
― Mais pas toi ?
― Hum...non, disons pas vraiment avec elle... »
Pour quelqu'un qui cherchait désespérément à en placer une depuis une demi-heure, Peter sembla soudainement bien timide...Elle l'observa en coin, et se trouva à penser qu'il était peut-être le plus mystérieux des maraudeurs. D'apparence banale, elle se demanda s'ils ne se trompaient pas tous sur son compte, et que son histoire était plus profonde qu'il n'y semblait. Après tout...chacun avaient ses secrets...Même Peter Pettigrew.
Elle fut interrompue par le son brusque d'une porte grinçante qui s'ouvrait. Une tête à la crinière sombre s'immisça dans l'ouverture, bientôt suivie par un myope décoiffé. James avait le visage rouge, et personne ne se pressa à l'interroger sur sa colère.
Remus
Remus n'était pas là.
« Vous avez paumé Aly sur le chemin ? grogna presque immédiatement Evan. Dans l'état dans lequel elle doit être ?
― Elle est partie comme une furie, s'expliqua Sirius comme si cela était une excuse suffisante. »
James croisa ses bras sur sa poitrine, décidé à être morose pour le reste du trajet. Emily se mordit la lèvre. Son amie ne s'en remettrait pas de sitôt, c'était un fait certain...Elle hésita à se lever et à arpenter les longs couloirs étroits du train à sa recherche, mais elle connaissait les envies de solitude de son amie dans ce genre de situation.
Un nouveau silence s'installa, et cette fois, même Peter n'osa ouvrir la bouche. Emily lui lança un regard compatissant.
Ils étaient muets depuis un bon quart d'heure, quand le train arrêta net sa course effrénée. Les valises faillirent leur tomber sur la tête, mais heureusement Lily eut le reflexe de tendre sa baguette et de les faire léviter. James qui s'était endormi en perdit ses lunettes, et tâtait la couchette pour les retrouver. Sirius se précipita pour regarder à travers la vitre de la porte.
« Pourquoi on est à l'arrêt ? Marmonna Alice en levant enfin les yeux de son bouquin. C'est quoi que cette merde de troll encore ? »
Evan avala son dernier bonbon, et colla son front contre la fenêtre.
« On est en pleine campagne...
― J'espère qu'on ne va pas rester bloqués ainsi pendant toute une soirée..., grogna Franck en s'étirant. On doit être près de la frontière écossaise non ? »
Alice se contenta de hausser les épaules. Sirius qui était le seul débout, se rassit presque immédiatement quand un homme ouvrit brusquement la porte. Il portait un uniforme d'auror, noir, avec un col remonté jusqu'à ses tempes. Ce dernier se retourna et fit signe à ses collègues derrière son dos, qui partirent observer les autres compartiments. Le groupe d'adolescent perçut faiblement des demandes de calme, que cela était un simple contrôle de sécurité. L'homme sortit un bloc note, et demanda d'une voix rauque et sombre :
« Identité, année, maison, et statut. »
Peter donna l'impression de vouloir ne faire plus qu'un avec la couchette, tandis que Alice louchait sur le menton proéminent de leur interlocuteur, comme si elle ne croyait pas ce qu'elle voyait...James soupira bruyamment, bientôt suivi par Sirius et Evan.
« Lily Evans, septième année, Gryffondor...
― Statut ? »
Quiconque portait attention à la rouquine remarquerait la teinte rougeâtre qui prenait ses joues. Elle serrait les dents, et Emily dut bien avouer que la demande des origines était un peu délicate, au vu des temps qui courraient.
« Née-moldue, expira-t-elle tandis que l'auror prenait note. »
Et ainsi s'enchaînèrent leurs simples dialogues. L'auror ne fit aucune remarque, et Alice murmura dans l'oreille de Franck, que ce dernier ressemblait plus à un robot qu'à un homo-sapiens. Même lorsque vint le nom de James, alors même que c'était le nom de son supérieur. Une fois qu'il eut fini, il ferma son petit carnet d'un geste sec, et leur tourna le dos, sans même un « bonne rentrée ».
Alice crut bon de lui tirer la langue, une fois qu'il fut hors de son champs de vision.
« C'était quoi ça ? S'enquit Lily encore embarrassée.
― Aucune idée Evans, fit Sirius ouvrant la porte, et en espionnant les couloirs. Mais j'ai bien l'intention de le découvrir... »
A suivre...
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