Chapitre 2 : Donnez-moi de l'espoir

Chemin de Traverse, 22 Aout

James pensait que la rue serait vide. Qu'il n'y aurait pas un chat à l'horizon. Que le seul bruit serait celui du vent contre les carreaux brisés du Chemin de Traverse. Mais il n'en était rien. Au lieu d'un inébranlable silence, se dressaient les cris stridents de la foule en liesse. Cet amas de sorciers regroupés devant la Banque, les poings levés, s'extasiait devant une silhouette fine et trapue.

Il pleuvait des cordes, leurs visages étaient dégoulinant de gouttes et les cheveux désordonnés de James s'aplatissaient sur son front. A sa droite, Sirius sursauta en reconnaissant la figure qui s'adressait à la foule. Euphémia frémit et plongea dans la masse sans se préoccuper des coups de coude qu'elle recevait. Les garçons s'empressèrent de faire de même.

« Nos enfants ne sont plus en sécurité. Nos maisons ne sont plus les petits refuges d'hier. Même Poudlard nous semble dangereux. Mais paniquer n'est pas la bonne attitude à adopter. C'est ce qu'ils veulent. Si vous vous recroquevillez de terreur, si vous devenez paralysé par cette frayeur qui vous glace le sang...Alors ils auront gagné. Ils auront gagné car vous n'irez pas aux urnes le mois prochain. Vous n'aurez pas le courage nécessaire pour tenter de sauver ce qu'il nous reste. Notre démocratie. Notre liberté. Notre égalité. Toutes ces valeurs qui font de nous ce que nous sommes... »

Euphémia parvint au deuxième rang, toujours masquée par un imposant monsieur qui ne l'entendait pas le prier de lui laisser le passage.

« Augusta ! criait-elle en vain. »

Mais son cri se perdit parmi les autres.

« William Vance est mort ! Il est mort parce qu'il voulait défendre ces valeurs ! Il est mort et désormais, il ne faut plus regarder en arrière. Il faut continuer. Continuer à croire que nous pouvons encore éviter cette guerre qui est à nos portes. Votez mes amis ! »

James sentit son cœur battre dans sa poitrine. Pour quelle raison ? Il n'en était pas certain. Peut-être était-ce cette masse qui le bousculait de tous les côtés, ou bien ce sentiment qu'il venait d'entrer dans une nouvelle ère. Augusta Londubat était une amie de son père depuis Poudlard. Elle passait souvent prendre le thé chez eux. Elle avait du caractère, mais jusque là, il ne l'avait vu qu'en tant que mère de Franck, et figure familière de sa propre existence. Mais désormais : elle se tenait contre le monde. Elle entrait elle-même dans cette mécanique qui allait tous les broyer un pas un. William Vance était mort, assassiné parce qu'il s'était tenu au même endroit quelques mois auparavant, prononçant un discours similaire...Devra-t-il encore voir un des nombreux visages de sa vie s'effondrer ?

« AUGUSTA ! hurlait toujours sa mère. »

Sirius broncha à ses côtés, quand une femme le heurta avec son coude.

« Donnez-moi de l'espoir ! Donnez au monde sa dernière chance ! Ne croyez pas tous ces discours sur le sang des sorciers, sur la supériorité de quelques uns...Nous sommes une famille ! Le mois prochain vous aurez la chance de montrer au monde, que les sorciers ne veulent pas de cette guerre inutile qui fait plus de morts que d'heureux. Croyez-moi, s'ils vous disent que vous gagnerez à supporter leurs quêtes...ce sont des mensonges ! »

Dressée, fière, le visage passionné par son propre discours : Augusta Londubat représentait alors pour cette populace, la dernière lueur d'espoir. Si elle mourrait, qui aurait le courage de faire de même ? James aperçut la figure blonde de Franck dans l'ombre d'une allée, comme effrayé par le spectacle. Aucun d'entre eux n'était plus laissé de côté. Même Franck, ce personnage si souriant et innocent, avait aujourd'hui le visage préoccupé. Ses joues rondes se creusaient, et ses pupilles claires, se voilaient d'inquiétude. Il n'avait pas fait attention à leur arrivée, les yeux rivés uniquement sur sa mère, se demandant inconsciemment si elle subirait le même sort que son meilleur ami. Faiblirait-elle ? Plierait-elle ? Quiconque avait déjà eu l'occasion de lui adresser la parole par le passé, saurait qu'elle avait un sale caractère, et qu'il n'existait pas plus têtu en ce bas monde. Mais cela ne la rendait pas invincible.

Euphémia souffla en comprenant qu'Augusta ne s'arrêterait pas pour elle. Elle lui tourna le dos, et empoigna les garçons par les bras, avec une force que Sirius ne pensait pas qu'elle possédait.

« Venez, allons prendre un verre au chaud. Je n'en peux déjà plus de tout cela... »

James et Sirius ne bronchèrent pas. Quand ils s'éloignèrent, les cris de la foule ne furent plus qu'un bruit de fond, un brouhaha grondant comme le tonnerre. Euphémia ouvrit la porte du bar le moins délabré qu'elle trouva. James passa une main dans ses cheveux, pour redresser ses quelques mèches, tandis que Sirius fronçait le bout du nez. Il n'y avait personne ; hormis le barman et trois serveuses qui jouaient aux échecs, faute d'occupation. Elles levèrent toutes trois la tête en entendant le cliquetis de la cloche. Elles se précipitèrent pour les servir, et Euphémia s'effondra presque sur une chaise.

« Le monde marche sur la tête, marmonna-t-elle lorsqu'on lui servit une pinte de bière-au-beurre. »

James remarqua que les serveuses approuvaient en silence, en jetant de temps en temps des coups d'œil aux fenêtres.

« Mais quelle folie est donc passée par la tête d'Augusta ? Je trouvais déjà William fou d'abandonner ses enfants pour tenter de sauver une guerre qui n'a pas d'issue...Et maintenant, voilà qu'elle en fait de même ! »

La mère de James était toujours calme d'ordinaire. Elle parlait peu, mais n'en pensait pas moins. Pour la première fois, James réalisa qu'il n'était pas le plus à plaindre. Tout le monde savait dans le monde des sorciers, à quel point, à Poudlard, Fléamont, William, Augusta et Euphémia avaient été soudés comme les maraudeurs aujourd'hui...Et bien que James voyait toujours sa mère comme un rocher incassable, elle n'en demeurait pas moins humaine.

« Elle pourrait bien s'en sortir, essaya Sirius. Je suis persuadé qu'elle peut même gagner les élections, avec le bon plan.

― J'espère..., murmura-t-elle. Mais cela fait beaucoup...comprenez-vous ? On a tout fait pour contenir ce conflit. Pour qu'il ne touche que nous...et pas nos enfants. On ne réalisait pas à quel point tout était devenu hors de contrôle. Et puis quand William, sa femme...et tous ses enfants sont morts...Nous avons réalisé qu'il ne nous restait qu'une chose à faire...protéger ce que nous avions encore entre nos mains. »

James déglutit, les yeux bleus perçants de sa mère ne le quittaient plus.

« Cela vaut aussi pour toi Sirius, ajouta-t-elle en prenant la main du Ténèbreux. Tu es des nôtres depuis le premier jour où tu es entré chez nous. Nous sommes une famille. Et désormais nous devons veiller les uns sur les autres...C'est nous, contre le reste du monde. »

Mais était-ce vraiment le cas ? Il y avait les maraudeurs. Et puis Sirius veillait désormais férocement sur Emily Jenkins. Ils avaient également leur pacte de protéger Alycia Parker. Et qu'en était-il de Lily ? De Franck ? D'Alice ? Qui veillerait sur eux ? Est-ce que James n'était pas en train de faire une chose complètement stupide ?

Non, je ne peux pas retourner à Poudlard. A quoi me servirait-il d'apprendre, si je ne suis pas certain d'avoir un avenir ? Il faut que je me batte. Je ne peux plus attendre.

« En parlant de cela..., commença-t-il. »

Il avait tout planifié. Toutes les réponses qu'il donnerait à Sirius lorsqu'il sortirait de ses gonds. Tous les arguments qu'il présenterait à sa mère quand elle le supplierait de l'écouter. Il avait écrit une lettre au Ministère, il ne restait qu'à l'envoyer. Il entrerait dans les rangs des combattants, même s'il devait forcer son père à pistonner...Il dirait adieu à l'enfance. Il n'y avait pas de retour en arrière. Cette innocence était morte avec Emmeline.

« Je ne retournerai pas à Poudlard. »

En plongeant ses yeux dans les iris brillants de sa mère, il comprit qu'il passerait un mauvais quart d'heure. Il n'osait même pas se tourner vers son ami d'enfance qui poussa un juron vulgaire que Dumbledore n'aurait pu entendre. Mais il ne reviendrait pas sur sa décision.

Il était grand temps de grandir.

**

Londres, 22 Aout

Lily souffla bruyamment lorsque son pied heurta une nouvelle bouteille vide. C'était l'inconvénient d'être la sœur de la mariée, elle ne pouvait pas se défiler lors de l'éternel rangement qui se profilait à l'horizon. La famille y était depuis une heure, un sac poubelle dans une main, les déchets dans une autre, et pourtant, il semblait qu'il restait encore tout à faire : la scène débordait de confettis, les tables regorgeaient d'assiettes entamées, quelques verres traînaient dans les coins de la salle...

Elle aurait rêvé de pouvoir sortir sa baguette et d'un sort, en finir une fois pour toute avec ce désordre qui lui donnait la nausée. Mais le regard aigu de Pétunia la dissuadait ne serait-ce que de prononcer le mot « magie ». Alors elle fit contre mauvaise fortune bon cœur, et s'accroupit pour ramasser à la main les assiettes en carton que des enfants avaient pris pour des frizbee.

« Tu n'es pas heureuse mon enfant ? S'enquit pour la première fois sa mère lorsqu'ils étaient de retour dans la voiture. »

Son père était à l'arrière, profondément assoupi, et Pétunia avait préféré la compagnie de Vernon, dans sa belle voiture de luxe, qu'il devrait rendre à la société de location dans quelques jours...

« Bien-sûr que si, mentit-elle en feignant un petit sourire timide. »

Comment pourrait-elle aller bien en sachant qu'elle était une privilégiée ? Que ses amis vivaient sous une menace certaine ? Qu'elle n'était même pas certaine de les revoir tous à la rentrée ? Qu'elle n'avait plus beaucoup de nouvelles ? Qu'elle ne fermait pas l'œil de la nuit en craignant que les mangemorts décident de s'en prendre à sa famille ? Comment rester saine d'esprit dans ces conditions ? Lily était perdue. Elle ne mangeait plus beaucoup. Les cernes croissaient à vue d'œil sous ses yeux émeraude. Elle expliquait cela par l'appréhension du changement...Pétunia qui quittait le nid familial...son père qui changeait de boulot...Mais sa mère n'était pas dupe.

« Lily...ma petite fleur de Lys..., soupira Mme Evans en détournant un peu le regard de la route. Tu sais que tu peux tout me dire... »

Mais que dire ? Comment expliquer à ses parents qu'elle craignait pour leur vie, pour la sienne, et pour celle de ses amis ? Ils prendraient peur...Alors qu'ils étaient si heureux depuis l'annonce des fiançailles de Pétunia...Ne brisait-elle pas cette ambiance chaleureuse ? Pour la première fois, Lily se mit à culpabiliser face à l'inquiétude grandissante de sa mère. Elle leur donnait des soucis, eux, qui venaient de retrouver le bonheur, après des années de misères financières, et qui étaient si fiers de leur fille nouvellement mariée...Comment pouvait-elle tout briser avec ses larmes ?

« Tout va bien maman, je t'assure, lui dit-elle en mettant plus de conviction qu'elle n'avait. »

Il n'y eut plus de paroles échangées pendant le reste du trajet. Quand ils atteignirent la petite maison familiale, Vernon et Pétunia étaient déjà là. Il était prévu qu'ils dînent avec eux le soir, et ensuite ils emménageraient le lendemain dans une maison bien trop proche de leur quartier actuel au goût de Lily.

« Vous en avez mis du temps, râla Vernon en tapotant sa voiture de location. »

Lily roula des yeux et le devança pour ouvrir la porte.

« Je suis très heureuse que vous ayez trouvé la maison de vos rêves à deux rues de chez nous, s'émerveilla pour la dixième fois de la journée son père. Vous pourrez venir manger chez nous, deux fois par semaine. Pourquoi pas...le Mercredi et le Dimanche ? Cela serait parfait ! N'est-ce pas Lily ? »

La concernée fit mine de n'avoir pas entendu un traître mot de ce discours. Une fois la voiture déchargée, les courses dans la cuisine, les manteaux sur le palier, elle courut dans sa chambre, et s'enferma à double tour. Même le dos contre la porte jaunie, Lily percevait encore les vives paroles de Vernon, et les applaudissements de son père. Pétunia, de temps à autre, approuvait vivement également, et ses petits cris heurtaient les oreilles de Lily.

Elle ne sut pas combien de temps, elle demeura seule, plongée dans les méandres de ses pensées, la tête contre la porte, bercée par la pluie qui commençait à tomber contre les carreaux. Une heure, deux probablement...A quoi réfléchissait-elle ? A quoi bon y trouver une réponse...elle voulait simplement du calme. Elle souhaitait, l'espace d'un instant, cesser d'être malmenée entre les rires, les froufrous, les apparats, et les hurlements de terreur des Vance, la marque des Ténèbres de ses cauchemars. Etait-ce trop demander que de pouvoir un jour trancher entre les deux-mondes ?

« Lily ? »

C'était Pétunia. Il n'y avait qu'elle qui avait la capacité inhumaine de réveiller toute la maisonnée parce qu'elle avait perdu un sèche-cheveux.

« Quoi ? »

Elle roula les yeux, soupira bruyamment, avant de se lever, d'ouvrir la porte à la volée, et de mettre ses poings sur les hanches, mécontente d'avoir été dérangée. Pétunia avait un regard de tueuse en série, qui aurait pétrifié quiconque ne la connaissait pas aussi bien que Lily. Malheureusement, elles étaient du même sang, et Lily pouvait très bien rivaliser en la matière.

« Qu'est-ce qu'il y a ? Insista la rouquine d'impatience. »

Pétunia pointa du doigt le visage déconfit de sa sœur.

« Tu viens de me bousiller mon mariage ! Tu aurais pu sourire bon sang ! Au lieu de me féliciter...tout le monde avait les yeux rivés sur tes yeux larmoyants ! Alors quoi ? Tu n'es pas heureuse pour moi ? Tu es si égoïste que tu n'es pas capable d'éprouver une once de joie à l'idée que je rencontre l'amour de ma vie ? »

Sa voie entama vite les octaves supérieures, ce qui eut pour effet de faire sortir les larmes de Lily, elles qui n'avaient pas réussi à couler jusqu'à alors. Elle serra les poings, ne sachant trop bien s'il s'agissait de culpabilité, ou de colère. Elle savait qu'elle aurait dû faire un effort. Mais comment y parvenir quand on savait ce qui se déroulait dehors ?

« Tu ne le supportes même pas ! Tu le fuis comme la peste ! poursuivit-elle en mentionnant Vernon. »

Mais comment l'apprécier ? Comment le supporter quand ses premières paroles furent dédiées à son anormalité, et qu'il louchait sur elle, comme on le faisait sur un insecte que l'on souhaitait écraser ?

« Tunie..., sanglota-t-elle. »

Mais Tunie était rouge de fureur désormais, alors que Lily pâlissait à vue d'œil.

« Depuis toujours c'est ainsi, marmonna-t-elle avec dédain. Tu es la petite parfaite. Celle que maman appelle sa petite fleur, que papa embrasse sur les deux joues, celle que mamie favorise toujours, que papi emmène à cheval...Tu étais leur joie, surtout depuis...ton anormalité Ils voient en toi quelqu'un de spécial...un peu du genre à sauver le monde avec ses pouvoirs magiques...Mais moi qui suis-je dans ce merveilleux monde ? L'affreuse Pétunia Evans. »

Lily essaya d'attraper ses mains pour lui montrer que non, pour elle, Pétunia serait toujours sa sœur. La jeune fille avec qui elle avait tout partagé, bien avant Alice, celle avec qui elle avait couru dans les champs, chanté des comptines dans la cuisine, construit ses plus beaux châteaux de sables...Mais depuis ses onze ans, il y avait comme une fracture. Comme si c'était la différence de trop. Il y avait eu d'abord le physique. Lily avait eu une crinière que les coiffeurs complimentaient à chaque tournée, alors que ceux de Pétunia n'avaient pas de tenue. Elle avait ce visage féminin et des yeux qui hypnotisaient même le facteur. Pétunia avait hérité des traits sévères et masculins de son père. Cela avait entraîné des maigres rancœurs, mais jusqu'ici...rien n'avait été aussi sérieux. Et puis Lily s'était avérée douée de pouvoirs magiques. Et Pétunia, ne lui pardonna jamais.

« Non, tu le sais...tu le sais Tunie, que je ne le pense pas...Et puis... »

Mais elle ne l'écoutait déjà plus.

« Et désormais c'est l'immonde Pétunia qui permet à Papa de retrouver un travail grâce aux relations de son mari. C'est Pétunia qui fait un beau mariage. C'est Pétunia qui devient exceptionnelle. Et tu sais quoi ? Tu n'es juste pas contente que pour une fois, tu sois dans l'ombre. »

Lily serra les dents, la colère reprenant petit à petit le dessus sur la tristesse qu'elle ressentait auparavant. C'était peut-être de sa faute si des gens mourraient autour d'elle ?! Elle n'avait jamais demandé tous ces malheurs ! S'il n'y tenait qu'à elle, Voldemort n'existerait pas, le cercle serait une vulgaire farce et Emmeline serait vivante et souriante comme à son habitude.

« Idiote ! Tu crois que c'est juste pour ça que j'ai envie d'hurler ?! Parce que je suis dans...l'ombre ?! S'étrangla la rouquine, incrédule. Mes amis meurent ! Ils meurent parce que dehors, dans mon monde, c'est la guerre ! Alors oui, je suis heureuse pour toi Tunie, vraiment. Même si j'aurais préféré que ce soit avec un autre crétin que ce Vernon ! Mais excuse-moi d'avoir d'autres préoccupations ! Actuellement je ne sais pas si je reverrai un jour certaines de mes connaissances, ni si je retourne à Poudlard, ni si je vivrai encore demain, ni si la guerre ne durera pas toujours ? Il y a eu un meurtre il y a un mois. Toute une famille, les parents, et les nombreux enfants avec eux...assassinés dans leur demeure familiale ! Je m'excuse Tunie de ne pas y rester insensible ! Je les connaissais ! »

Pétunia ne sembla pas peiné par son monologue. Entendre parler de la guerre et la vivre étaient deux choses différentes. Pour elle, ce fut comme voir une journaliste déblatérer sur les malheurs du monde, encore une fois à la radio. Alors sa seule réplique fut dédaigneuse, piquante comme le venin d'un serpent.

« Et bien quoi ? Vous l'avez bien voulu cette guerre non ? Les gens civilisés ne se comportent pas de la sorte... »

CLAP

La gifle partit sans prévenir. Au vu de la teinte rougeâtre que prenait la joue fardée de Pétunia, toute la maison avait dû l'entendre. Lily retira presque immédiatement sa main.

Il n'y avait eu que des mots jusqu'ici.

Brûlants, venimeux, odieux, piquants...Mais des mots simplement...

Elle avait levé la main sur sa sœur, et pas l'inverse. Lily aurait bien eu la nausée, si la colère n'avait pas prit le dessus.

Pétunia écarquilla les yeux, et se frotta la joue, comme si elle n'osait y croire.

« Tu ne le penses pas..., siffla Lily. Tu ne penses pas ce que tu dis. »

Mais Pétunia secouait déjà vigoureusement la tête. Ses yeux se fixèrent sur ceux, magnifiques, de sa sœur de sang.

« Bien-sûr que si... »

Lily se redressa alors, le couteau s'enfonça dans son cœur, et elle pointa la porte d'un doigt tremblant de rage. Sa voix tremblait, mais elle n'avait jamais parut aussi sûre d'elle-même. Dans son esprit, elle voyait le visage rond d'Alice, son sourire, le rire de Franck, les Vagabonds discrètement nichés derrière, et les maraudeurs, qu'elle n'aurait jamais imaginé manquer un jour, mais elle aurait donné une vie pour réentendre les hurlements des professeurs en direction de Potter et Black. Ils ne méritaient pas cette guerre.

« Sors, fit-elle en essayant de contenir toute la fureur qui grondait dans sa gorge. »

Mais quand sa sœur ne daigna pas bouger d'un millimètre, elle ne put se calmer plus longtemps.

« SORS DE CETTE PUTAIN DE CHAMBRE ! »

Au rez-de-chaussée, leurs parents s'agitaient, et tentaient de savoir ce qu'il se passait. Vernon pointa même le bout de son nez sur le pallier, et il attrapa Pétunia quand elle fut projeté en dehors de la chambre de Lily. La porte se referma, et on entendrait, tard dans la nuit, les pleurs incessants de Lily au cœur-brisé. Ses parents tentèrent de pénétrer dans sa chambre, de la consoler, mais rien n'y faisait, ils durent partir se coucher, en espérant que la nuit effacerait les larmes.

Seulement, Lily ne serait plus là au matin.

**

Maison des Potter, 22 Aout, le soir

Sirius ferma les yeux un instant, les bras derrière sa nuque, les jambes croisées, le dos appuyé sur le matelas moelleux de sa chambre chez les Potter. James était toujours au rez-de-chaussée, ses parents étaient tout deux réunis, son père était rentré plus tôt du travail, et Euphémia les avait ramené précipitamment du chemin de traverse, pour faire entendre raison à son fils. Ils débattaient depuis plus de deux heures, et Sirius savait que malheureusement, James était têtu. Il n'avait qu'à prier pour que Fléamont le soit deux fois plus.

Sirius était en colère, et ne voulant pas aggraver la situation, avait préféré la technique de fuite. Comment James pouvait-il l'abandonner comme cela ? Il était la tête de file des maraudeurs ! Ils s'étaient fait des promesses, et l'un d'entre elles, était la solidarité qu'ils devaient avoir les uns envers les autres...Comment pouvait-il tout briser ? Sirius comprenait sa douleur, son chagrin face au décès des Vance, et plus particulièrement celui d'Emmeline ; mais au vu de l'entêtement de ce dernier, cette décision était murement réfléchie. Et c'était ce qui effrayait Sirius. James avait pensé, et planifié raisonnablement sa trahison.

Sirius se leva, et se mordit le poing, alors que la rage refaisait peu à peu surface.

Alors la rentrée à Poudlard serait ainsi ? Il manquerait le rire de James ? Et puis qui encore ? Le silence pesant de Remus et Peter ajoutait à son angoisse, et s'il était le seul à retourner à l'école ? Comment ferait-il ? Ce serait insupportable !

Il rejeta sa tête en arrière, en soupirant.

Il devait parler à quelqu'un. Le mutisme le rendait paranoïaque. Descendre parler à James n'était pas une option, on pouvait encore entendre ses cris de protestation du palier. Peut-être devrait-il renvoyer une lettre à Remus ? Peter ne lui répondrait probablement pas, il était en voyage...Franck était bien trop préoccupé par les agissements de sa mère, les plaintes de Sirius n'aideraient pas. Envoyer un hibou à Alycia le dégoutait encore trop.

Et puis ses yeux furent attirés par le miroir qu'il utilisait désormais pour correspondre avec Emily. Il était sur le rebord de la fenêtre, et le soleil le faisait luire. Emily comprendrait peut-être se dit-il. Après tout, ils étaient presque amis désormais. Et puis James ne serait pas là pour le critiquer pour son soudain changement de conscience envers la jeune fille, qu'il avait sans cesse rabaissé durant son adolescence, et qu'il admirait maintenant.

« Emily ? fit-il avec espoir. »

Le miroir fermement tenu par ses cinq doigts fermes, il ferma les yeux en priant pour qu'une réponse lui parvienne. Heureusement, une voix faible lui parvint, et le son de cette dernière n'avait jamais semblé à Sirius, aussi belle.

« Sirius ? Est-ce que tout va bien ? S'enquit presque immédiatement le visage affiné de la jeune Serdaigle. »

Sirius passa une main sur sa joue, était-il si pâle, qu'elle le remarquait si bien ?

« Heu...oui...Je suis désolé de faire irruption comme ça, s'excusa-t-il en percevant le son de plusieurs personnes derrière elle. Tu dois être bien occupée...

― Oui mais ne t'en fais pas.

― Voilà...en fait, j'avais besoin de parler à quelqu'un...Et je ne savais pas trop qui serait à l'écoute alors...enfin...j'ai pensé que tu pourrais peut-être..., expliqua-t-il mal à l'aise. »

Emily arqua un sourcil d'inquiétude. Elle se retourna, murmura quelque chose aux personnes qui l'accompagnaient, que le jeune homme ne comprit pas, et revint vers lui.

« Va-y, je suis toute ouïe. »

Sirius s'éclaircit la gorge en toussant maladroitement. C'était un problème si simple qu'il en perdait les mots. Il savait au fond de lui, que Jenkins était une des élèves les plus à l'écoute, et qu'elle comprendrait probablement. Mais le trouverait-elle idiot ? Trop attaché à ses amis ? Et puis, elle devait encore être plus anxieuse que lui, et s'il la troublait d'autant plus avec ses propos ?

Arrête ! pensa-t-il, c'est juste Emily.

« Je...James...James ne revient pas à Poudlard. »

Il ferma un instant les yeux. Cela le heurtait plus encore de le prononcer. Cela rendait la chose plus réelle, plus palpable. Emily ouvrit la bouche, elle ne semblait pas choquée, mais Sirius comprit qu'elle cherchait les mots justes.

« C'est..., commença-t-elle en hésitant un peu. Sirius...Il considérait Emmeline comme sa sœur. C'est un coup dur pour lui. Je sais que tu dois le sentir comme une trahison, mais il ne s'agit pas de toi...Il a dû vraiment regretter d'en venir là...mais s'il ne se sentait pas capable d'arpenter les couloirs de Poudlard, après ce qu'il s'est passé...Cela peut se comprendre non ?

― Je sais bien..., soupira-t-il. Mais, que va-t-il advenir des maraudeurs ? Et qui d'autre ne sera pas présent ? »

Emily baissa les yeux. Il saisit alors qu'elle avait les mêmes angoisses que lui. Peut-être de manière plus faible, Alycia et Evan iraient à Poudlard de manière certaine, ils étaient plus en dangers dehors que n'importe lequel d'entre eux.

« Je ne peux pas te dire...Nous serons là, Alycia, Evan et moi...Certaines choses auront changées, mais pas la totalité..., bégaya Emily. Tu ne seras pas seul. »

C'était étrange d'entendre ces mots. Quiconque connaissant peu le jeune homme, n'oserait jamais dire qu'il pouvait craindre la solitude : il avait tout Poudlard à ses pieds. Mais Emily avait compris l'essentiel : sans James, Sirius serait plus seul qu'il ne l'avait jamais été depuis la première année.

« J'espère..., fit-il penaud. Tout allait si bien avant, pourquoi est-ce arrivé ? »

Emily baissa les yeux, elle ne possédait pas la réponse, tout simplement, parce qu'elle n'existait pas.

« Fais-tu encore tes...visions ? demanda le jeune homme après un long silence. »

Emily secoua la tête, en se mordant les joues. C'était un sujet qu'elle n'aimait pas aborder, mais d'une certaine façon, Sirius était devenu quasiment un confident en la matière.

« Non...Mais...à la rentrée, il faudrait que je te dise quelque chose..., murmura-t-elle en attisant sa curiosité, et un petit peu son anxiété. »

Elle jeta un coup d'œil derrière son épaule.

« J'ai peu de temps, nous devons aller à un concert. C'est une idée d'Alycia, c'est une sorte de comédie musicale. On peut se rappeler plus tard si tu le souhaites. Je veux t'aider Sirius, et je ferai tout ce que je peux pour y parvenir. Donc n'hésite pas. »

Sirius se demanda alors, perplexe, si ce n'était pas là ce qu'il aimait tant chez elle : son cœur. Elle le protégeait férocement. Elle lui avait longtemps montré le côté glacial de ce dernier parce qu'il ne méritait pas sa compassion. Mais désormais, elle semblait prête à lui faire pleinement confiance, et il rencontrait une autre Emily Jenkins.

« Tu n'as pas à le faire, souligna-t-il en tâchant de se montrer moins ému qu'il l'était.

― Et pourquoi pas ?

― Parce que je n'ai jamais rien fait pour toi, dit-il en se remémorant ses nombreuses humiliations.

― Au contraire, tu as fait bien plus que tu ne le crois, sourit-elle tendrement. »

**

Alycia perçut le silence qui accompagna les dernières paroles de sa meilleure amie. Cela faisait dix-minutes qu'Evan se changeait dans la salle de bain, à sa demande, une excuse pour l'éloigner du visage de Sirius Black qui miroitait dans la main d'Emily.

« Et bien ? Ca va mieux entre vous on dirait, la taquina-t-elle alors qu'Emily se redressait et époussetait ses genoux. »

Emily rougit, et roula des yeux. Alycia, après un an, avait appris à connaître les moindres expressions des jumeaux, et le changement d'attitude de la brunette envers un certain Ténébreux n'était plus un mystère, bien au contraire.

« Il n'allait pas très bien, j'ignore pourquoi il s'est tourné vers moi...

― Mais tu es la personne la mieux placée pour l'aider, compléta Alycia en posant une main sur son épaule. »

Emily lui sourit et s'assit sur le sofa qui se trouvait face à la porte. Elles étaient à l'avance, et elles n'avaient plus qu'à attendre le seul garçon du trio, qui prenait plus de temps dans la salle de bain, que ses deux amies. Alycia l'avait longuement critiqué sur ce point là, mais il faudrait bien plus pour qu'il ne se dépêche un jour à s'habiller.

« James Potter ne reviendra pas à Poudlard, annonça Emily en sirotant un café quelques minutes plus tard. »

Alycia grimaça, mais sans l'ombre d'une surprise. Elle s'installa en tailleur face à elle, et fit tourner sa baguette entre ses doigts.

« Il ne sera pas le seul. Nous nous sommes coupés du monde pendant deux mois, qui sait combien d'autres vont suivre ses pas ?

― Mais c'est plus sûr pour eux d'aller à Poudlard ! s'exclama Emily. Nous avons Dumbledore...

― Je suis persuadée que Dumbledore n'a même pas une vague idée de ce qu'il se passe réellement. L'attaque des Vance était le fait du cercle, et je doute qu'il connaisse même son existence. »

Le ton d'Alycia était sec, emprunt de peur, et Emily se demanda si c'était vrai. Mais dans ce cas, qui savait réellement la vérité ? Qui serait en mesure de tout raconter ? Son cœur se mit à battre plus vite. Etait-il possible que Sirius et elle, en sachent plus que le directeur de Poudlard lui-même ? Elle n'avait rien dit à Alycia de leurs enquêtes, elle lui avait simplement affirmé que Sirius et elle s'entendaient mieux, mais n'en avait jamais expliqué les raisons. En ce qui concernait le miroir, elle avait prétendu qu'il s'agissait de leur seul lien sûr avec le monde des sorciers pendant ces vacances.

« Si tu le dis..., marmonna-t-elle en masquant les tremblements de ses doigts agrippant la tasse de café. »

Heureusement, un Evan resplendissant vint couper court aux discussions des jeunes femmes. Il tournoya sur lui-même pour dévoiler son costume, et ses chaussures nouvellement cirées.

« On dirait presque que ce n'est pas une location de merde qu'Alycia a rafistolé pendant deux heures, s'extasia-t-il en se contemplant devant le miroir. »

Emily sourit faute de retrouver la force de pouffer. Et Alycia contempla son œuvre et coupa avec une paire de ciseaux les quelques fils qui dépassaient de ses manches.

« Bon et bien, allons-y ! S'émerveilla-t-elle en les entraînant vigoureusement par les bras. Allons passer la meilleure soirée de l'année ! »

**

La file d'attente pour entrer dans la salle de spectacle dura plus d'une heure. Ce ne fut que lorsqu'il commença à pleuvoir, que les vigils accélérèrent la cadence, et qu'ils purent enfin s'asseoir sur les coussins douillets. Et là encore, l'attente fut longue, presque éternelle. Evan avait déniché un peu de pop-corn, ce qui agaçait profondément la vieille dame de devant, qui lui avait gentiment précisé qu'il ne s'agissait pas là d'une salle de cinéma, et que cela allégerait ses oreilles, que de ne plus entendre ses bruits de mastication. Emily finit par lui arracher de force pour mettre le pot entre ses pieds.

« Si encore tu mangeais proprement..., maugréa-t-elle. »

Alycia roula des yeux comme à son habitude, et tenta de faire passer le temps en observant son environnement. Elle n'entendait presque plus leurs disputes à force, et elle avait pris soin de se mettre entre les deux pour apaiser les tensions qui pouvaient arriver à n'importe quel instant.

Il y avait beaucoup de monde. Majoritairement de vieilles personnes, quelques couples et parfois des enfants en bas-âge. Ils étaient aux premières loges, et donc le public à proximité de leurs sièges était plutôt aisé. Ils faisaient un peu tâche avec leurs vêtements faussement chics et leur paquet de pop-corn. Ils n'auraient pas pu se permettre ce rang aussi proche de la scène, si Emily n'avait pas astucieusement déniché de l'argent moldu par quelques accio discrets dans les rues bondées de Londres : on sous-estimait souvent la capacité des moldus à perdre leur argent dans les coins les plus improbables.

« Chut ça va bientôt commencer, grommela un homme imposant derrière-eux. »

Il paraissait outré par les disputes bruyantes des jumeaux. Alycia lui envoya un regard noir, et se contenta de les apaiser en leur désignant les lumières qui s'éteignaient une par une.

Une musique douce au violon commença, et les rideaux s'ouvrirent avec lenteur et grâce.

Evan arrêta de mâcher pour souffler à son oreille :

« On a toujours pas entendu le son du tien Alycia, j'espère que tu nous prévois un petit concert dans ton planning de cette nouvelle année scolaire. »

Elle rit doucement.

« Je n'ai pas ce talent, il commence à prendre la poussière. »

Comme beaucoup de choses d'ailleurs, voulut-elle dire par la suite.

Une femme s'énerva encore de leurs discussions, et Alycia se retint de soupirer. Emily se retourna, pour s'excuser à leur place, et Alycia dut pincer le bras d'Evan pour qu'il ne réplique pas derrière. Ses yeux retrouvèrent la scène.

Le rideau s'était complètement effacé pendant leur manège, pour laisser place aux danseurs et chanteurs.

Un couple se détacha des autres, et entama une valse. La femme tournoyait encore et encore, gracieusement, comme il ne s'agissait que d'une plume aux mains d'un écrivain, légère et délicate. Alycia ne sut pas ce qui interpella son regard. Probablement la taille fine de la danseuse qui contrastait avec les bras musclés de son partenaire. Il y avait comme un détail qui lui noua le ventre, et en se tournant vers ses amis, elle remarqua qu'elle retenait sa respiration.

Il y avait quelque chose qui clochait.

Et puis soudainement le tempo devint plus faible, les vives notes du violon, devinrent de longues comme les mesures. L'homme quitta la femme, il la déposa comme si elle n'était que du cristal, et celle-ci se tourna vers eux.

C'est à cet instant, que tout s'arrêta pour Alycia. Elle ne perçut qu'à peine Evan étouffer un juron, et broyer les os de sa main droite. Sa respiration se coupa, et elle se sentit quitter cette terre pour un autre monde. Celui où elle n'était encore qu'une fillette innocente qui courrait le long des terres forestières du Canada, son bras retenu par celui d'une autre petite fille : rousse comme les flammes d'un feu de cheminée.

Les larmes voilèrent bientôt sa vision, mais à travers elles, Alycia percevait toujours cette silhouette fine et gracieuse de son amie d'enfance. Comment avait-elle pu l'observer danser sans reconnaître ses pas si caractéristiques, qu'elle avait vu des milliers de fois ?

Evan se tourna vers elle, la saisit par les épaules, presque par urgence, et elle sortit malgré elle de sa transe.

« Qui est-ce ? hurla-t-il presque alors que le mécontentement se faisait ressentir aux alentours. »

Alycia prit une grande inspiration.

« C'est...c'est Sophie. »

Si elle n'avait pas eu autant de larmes aux coins des yeux, elle aurait perçu la pâleur de son meilleur ami. Au lieu de cela, elle sentit son cœur accélérer furieusement sa course, et elle ne sut dire si c'était de pur bonheur ou de réelle terreur.

Elle avait le sentiment que Sophie n'était pas là où elle devrait être.

**

Lily ne sut pas comment elle en était arrivée là. Il lui avait fallu moins d'une heure, de trois mouchoirs, et de quelques bons vieux sorts autorisés pour emballer ses affaires, et se retrouver seule, dans la rue, en pleine nuit, dans un quartier mal famé de Londres, son visage caché dans une grande écharpe cousue par sa grand-mère.

Il pleuvinait, et elle rabattit sa capuche, ce qui ne lui donnait pas meilleur mine. Elle marchait, ne sachant pas trop vers où. Elle voulait bien transplaner, mais elle ne savait trop vers où aller. Chez un sorcier probablement, elle ne pouvait plus supporter l'idée de vivre à plein temps chez des moldus après les immondes paroles de sa sœur. Elle frissonna au souvenir de leur dispute, et elle dut se mordre la lèvre pour éviter que les larmes ne strient de nouveau son visage rougi par le vent.

Enervée, elle finit par stopper sa course vaine, sur un banc. Il fallait qu'elle respire, et qu'elle réfléchisse posément. Elle posa son visage sur sa main libre, tandis que l'autre serrait sa baguette de toutes ses forces, comme un automatisme. Sa baguette magique était comme son dernier bouclier.

Elle pourrait aller chez Alice, mais elle n'avait aucune idée de si elle était chez elle, ou chez Franck, ou ailleurs dans ce vaste monde. Les Vagabonds étaient perdus. Elle pourrait toujours louer une chambre quelque part, mais le manque d'argent se faisait ressentir dans sa poche de veste. Elle sortit sa baguette et l'agita pour vérifier qu'aucune pièce ne se trouvait dans son sac. Mais avant qu'elle n'ait pu prononcer le sort : une vive lumière et le son d'une explosion la firent hurler, elle se couvrit les yeux, et voulut se réfugier derrière le banc. Mais le son du crissement de roue aiguilla sa curiosité et elle ouvrit les paupières.

Un bus impérial violet venait de se garer en face d'elle. Elle cligna des yeux, croyant rêver devant la rapidité avec laquelle il avait fait irruption.

« Le Magicobus pour vous servir gente demoiselle ! Présenta une voix criarde et rocailleuse. Quelle est votre destination ? »

Peut-être était-ce le fait que le conducteur arborait d'étrange lunettes rondes, de myope, ou bien ses cheveux de scientifique fou, mais Lily pensa immédiatement à James Potter et à son air déjanté. Alors devant l'impatience de son interlocuteur, elle ne trouva d'autres mots que :

« Godric's Hollow. »

Peut-être était-ce aussi une idiotie se dit-elle lorsque le bus démarra en trompe, ne laissant que peu de répit à son estomac noué, mais elle avait les deux pieds dedans, et il n'était plus question de reculer. Au moins Fléamont Potter était auror à ce que l'on racontait, elle serait en sécurité, et chez des sorciers.

Lily se permit alors de respirer véritablement pour la première fois depuis l'attaque des Vance.

**

Il pleuvait désormais des cordes quand les Potter entendirent un coup sur leur porte. Sirius sursauta le premier, et renversa un peu de jus de pomme sur la nappe. Personne n'attendait de visite aussi tardive, et au vu des temps qui courraient, la réaction crispée d'Euphémia Potter n'était pas des plus disproportionnées. Fléamont grommela quelque chose dans sa barbe, et il empoigna fermement sa baguette.

« Ne va-t-on pas ouvrir monsieur, madame, s'enquit un elfe de maison. »

Euphémia s'essuya gracieusement le coin de la bouche avant de se tourner vers son mari. Un second coup sur la porte, moins hésitant cette fois, les fit de nouveau bondir sur leur chaise.

« Fléamont ?

― Nous n'attendons personne, s'inquiéta ce dernier. Et personne n'oserait me déranger à cette heure-ci de la journée. »

Il fourra un dernier bout de pain dans sa bouche, et se leva. James baissa les yeux, encore marqué par son débat avec ses parents. Sirius quant à lui, hésitait à rejoindre Fléamont, mais sa femme l'incita à se rasseoir.

« Je vais juste jeter un coup d'œil par la fenêtre, expliqua-t-il à l'elfe qui retourna vaquer à ses occupations. »

Le quadragénaire écarta délicatement les rideaux du salon, il y observa la silhouette pendant de longues secondes alors que sa femme, son fils, et Sirius retenaient malgré eux leur souffle.

« C'est une gamine, dit-il enfin d'une voix rauque. »

Il ne bougea pas, ses instincts d'auror l'incitant certainement à plus de prudence. Alors ce fut sa femme qui vint le rejoindre, ouvrit les rideaux, et certaine de ce qu'elle voyait, courut ouvrir la porte.

James et Sirius n'en crurent par leurs yeux quand elle ramena une Lily Evans trempée jusqu'aux os, les cheveux emmêlés, et les joues rougies par les larmes mêlées aux gouttes. James bondit sur ses pieds le premier, la bouche bée d'interrogation. Que faisait Lily ici ? Jamais dans sa courte vie, il n'avait envisagé l'idée qu'elle puisse entrer chez lui volontairement. Un simple regard à Sirius, le fit saisir qu'il n'était pas seul à comprendre que quelque chose de grave avait dû lui arriver.

« Je suis désolée, murmura-t-elle inlassablement. »

Cela lui fondit le cœur de la voir dans cet état. Il n'avait qu'une seule envie : la prendre dans ses bras. Il l'aurait sûrement fait si sa mère n'avait pas déjà un bras autour d'elle, comme pour la maintenir debout. Alors qu'il expirait enfin, en comprenant qu'il retenait son souffle depuis l'instant où elle était entrée dans son champ de vision, une voix s'infiltra dans son esprit.

Tu ne peux pas quitter Poudlard maintenant, disait-elle.

Il ne pouvait pas laisser ses amis sans protection. En se battant dans le monde réel, il ne ferait qu'attaquer et non défendre ses proches. Ses proches étaient à l'école. Le combat était ailleurs. Qui veillerait sur les bêtises de Sirius ? Qui donnerait confiance à Remus ? Qui ferait barrière à ceux qui voudraient affronter Peter ? Qui empêcherait les Serpentards de s'en prendre à Lily ? C'était son job, pas celui d'un élève inconnu, ni celui d'Amos.

Sa décision prise, il parvint à lui sourire, et quelle fut sa surprise, quand elle le lui rendit avec délicatesse.

Tout s'arrangerait-il finalement ? James se sentit plus léger, pour la première fois depuis la mort d'Emmeline. Et cela lui donna la force nécessaire pour croire à un lendemain. 




A suivre ...



** 

Désolée, j'ai eu beaucoup de difficultés à publier ce chapitre plus tôt, il est assez long, et j'espère qu'il vous convient. Je ne peux pas vous dire avec exactitude quand arrivera le prochain: cela dépend de tellement de choses...Mes périodes de concours avancent à grand pas, et j'aurai probablement du mal à dénicher du temps pour l'écriture...Je m'excuse pour cela. 


Et puisque je n'ai pas eu l'occasion de vous le dire:

Bonne année à tous ! Qu'elle vous apporte le bonheur, la réussite et la santé ! 

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