7.1🌖Glauque, mais excitant
Dès que tu quittes mon champ de vision,
Je deviens une coquille vide.
Un silence étrange s'installe entre nous jusqu'à ce que je reprenne mon repas alors qu'il tente d'avoir accès à plus d'options de l'application.
Quelques minutes passent, pendant que mes pensées dérivent sur l'image de Black, sous la pluie de la veille, sa silhouette trempée dessinant ses muscles à travers une chemise collante, me soulevant dans ses bras avec une grâce princière.
Lorsqu'il effleure du pouce le coin de mes lèvres, le temps semble suspendu. Il trace un chemin silencieux sur ma peau avant de retirer son doigt, le portant à ses lèvres pour en ôter une trace de ketchup.
Cette petite interaction provoque un feu en moi. J'ai passé tellement de temps en prison qu'il lui suffirait de poser sa main sur mon sein pour que j'inonde ma culotte.
La tension qui marquait son expression se dissipe, laissant place à une détente qui adoucit ses traits, tandis que mon regard appuyé provoque chez lui un raclement de gorge embarrassé.
— J'ai une question, lance-t-il, éteignant l'écran du téléphone. Si tu as vraiment passé cinq ans dans le couloir de la mort...
— Tu es sérieux ? commencé-je, l'irritation perçant ma voix. Tu penses que c'est un mensonge ? Tu es vraiment un-
— Non, je suis désolé. C'est simplement que tu as l'air étrangement saine d'esprit pour quelqu'un coupé du monde extérieur et de tout contact humain pendant si longtemps. Comment as-tu fait ?
— Tu te souviens de mon espace mental ? De la plage ? C'est là où je me réfugiais. Je lisais, je revivais certains souvenirs puis je sortais de ma tête, je pratiquais du sport, je méditais... J'essayais d'avoir une routine pour ne pas perdre la boule.
— Et tu n'as jamais craqué ?
— Si, plusieurs fois. Une nuit - du moins, je le suppose, l'absence de fenêtre rendait le temps abstrait - j'ai frappé ma tête contre le mur jusqu'à ce qu'ils décident de me contraindre dans une camisole de force pendant des semaines.
— Tu en parles avec... tellement de légèreté.
— Pourtant, c'était traumatisant. Je crois que j'ai placé beaucoup de barrières mentales dans mon cerveau pour ne pas sombrer dans la folie. Mais j'ai eu des séquelles. L'autre fois, dans l'avion quand je suis allée aux toilettes, j'ai commencé à suffoquer. J'ai eu un début de crise de panique tellement l'espace était petit et comprimé... Ah, et je ne supporte pas les gens qui mâchent du chewing-gum.
— Pourquoi ?
— Une des gardiennes, celle qui venait parfois la nuit pour me toucher. Elle mâchait toujours du chewing-gum à la menthe.
Alors qu'il s'apprête à sortir son portable de sa poche, son mouvement s'arrête net.
— Attends... quoi ?
— Oui, elle sentait toujours la menthe forte, ça a fini par me provoquer des spasmes désagréables.
— Tu te faisais...?
— C'est arrivé plusieurs fois pendant un mois entier. Une gardienne, qui n'avait rien à envier aux pires détenues, a été chargée de ma surveillance. La directrice s'est dit que, parce que ses gars passaient leur temps à me mater sous la douche, je serais mieux surveillé par une femme. La première nuit, elle est entrée et m'a donné des coups de pied. Elle a attendu la troisième pour venir me toucher les seins. Puis ailleurs. Sa matraque était toujours là, une menace contre ma gorge pour étouffer mes cris. Je n'avais pas la force physique pour la repousser et rien que de penser à un sortilège m'envoyait des décharges électriques dans les mains. Ça s'est arrêté lorsque l'un des gardiens a vu les bleus entre mes jambes et les suçons sur ma poitrine. Mon regret, c'est de ne pas avoir pu répandre ses entrailles dans toute ma cellule.
Blake écoute en silence, son expression sombre reflétant la gravité de mes mots.
Quelqu'un de normal irait voir un psychologue après une pareille expérience.
Mais je n'avais que moi, ma haine et ma tête bien remplie. Je me suis réfugié au plus profond de moi pendant des semaines pour surmonter ça.
Tout est soigneusement verrouillé en moi, mais si un jour les serrures explosent, je suis certaine de vivre une expérience bien plus douloureuse.
— Dès que je retourne aux États-Unis, je pars sur sa piste pour lui faire la peau.
— Cela ne sera pas nécessaire, interrompt Blake doucement, ses doigts jouant distraitement avec un briquet. Je m'en chargerai moi-même.
Imaginer Blake Sinclair me venger est terriblement excitant, mais glauque. Mais excitant. Mais très glaugue. Mais terriblement excitant.
— Hors sujet, ça m'y fait penser, mais tu n'es pas en manque de sang ? Ça va aller ?
Il tire sur le col de son t-shirt et pendant quelques instants, je crois repérer un rougissement chez lui.
J'ai envie de lui demander de me sucer, mais vu ce qu'il s'est passé les fois précédentes, un McDonald's n'est pas le lieu adéquat pour.
Néanmoins, je lui tends mon poignet en désignant mes veines et lui dit :
— Depuis l'affaire avec Gus, mon sang originel est revenu donc si le O+ ne te dégoute pas, tu peux-
La tranquillité de notre conversation est soudain interrompue par l'arrivée bruyante de deux jeunes adultes aux QI à deux chiffres et tapant sur la vitre à notre droite. Lorsqu'ils viennent s'assoir à nos côtés, Ginger frotte sa tête à ma chevelure pour réclamer une caresse. Quand à Edgar il se replie sur lui-même, son expression trahissant son agacement.
Gin, élégamment vêtu d'un long manteau brun, d'un pantalon chic et d'un col roulé crème, attire mon attention, mais c'est le style gothique d'Edgar qui me plait le plus.
— J'ai emmené Ed-
— « Trainé de force », rectifie le concerné.
— Je lui ai fait découvrir Primark !
Edgar a un maquillage aussi charbonneux que le mien. Du khôl sous les yeux, du fard à paupières aussi noir que ses cheveux et ses vêtements. Un t-shirt à tête de mort entouré de roses sanglantes, une veste en cuir, un pantalon slim avec des chaines, mais aussi un collier ras de cou en élastique.
— Tu es emo ? interroge Blake, une pointe de curiosité dans la voix.
— Pourquoi est-ce que je t'accorde de l'attention...
— Le maitre et son familier vont bien ensemble, plaisanté-je. J'adore ton style, Ed.
Gêné par ma remarque et mon clin d'œil, le corbeau murmure un petit « merci » avant de s'enfoncer un peu plus dans son siège, les bras croisés, à tenter de cacher le rougissement de ses joues.
— Et toi, Gin ? Tu l'aimes ?
— C'est d'une tristesse sans nom, mais tu as raison, ça va bien avec son maitre.
Les deux concernés répondent d'un doigt d'honneur avant que Blake ne leur explique la situation.
Pendant ce temps, je vérifie le contenu de mon sac extensible et l'état du compte bancaire que les relations pas nettes de Gin ont pu m'ouvrir.
Arrivé à la fin de l'histoire, l'atmosphère autour de la table devient électrique lorsque je claque sur la surface un petit carnet jaune citron, attirant l'attention immédiate de tous.
Gin aspire son Coca-Cola à la paille de façon exagérément sonore avant de reconnaitre le carnet et de s'écarter pour se coller à la fenêtre tout en feulant.
— Qu'est-ce qu'il a ? demande Blake, intrigué par la réaction dramatique de Gin.
— Tu as gardé ce truc avec toi ?! s'exclame Gin en me fusillant du regard. C'est une arme de destruction massive !
— C'est un vrai drama king, ne l'écoutez pas.
— Cartomancien, cristallomancie, taromancie, runecie...
— Ça n'a pas l'air dangereux, commente Edgar.
— Nécromancie, géomancie, goétie.
— Goétie ? répète Edgar, son intérêt piqué.
— C'est un système de magie qui implique l'invocation d'entités démoniaques ou infernales, explique Blake en passant sa main sur son visage avec lassitude. Bon sang, Raven...
— Je suis une sorcière éclectique ayant plus de quatre siècles de connaissance en tête. Il fallait bien qu'à un moment donné je note mes sortilèges les plus importants dans un carnet.
— Et c'est ce truc qui... Je rêve où il y a un autocollant de pingouin avec des lunettes de soleil, sur le dos ?
Le seul son rompant l'étrange silence qui s'est installée entre nous est celui de Gin, croquant bruyamment les glaçons de sa boisson.
— Raven, reprend Blake après un moment, l'air de peser chaque mot. Au vu des révélations sur... tes pouvoirs, je me pose une question. Est-ce que le titre de « Maitresse des Arcanes Interdites » te dit quelque chose ?
— Pas la moindre idée, mens-je.
— Parce que ce serait absurde de découvrir que la sorcière la plus recherchée dans le monde au XXe siècle soit encore vivante et, plus précisément, juste en face de moi.
— Vraiment absurde.
Ma main se pose instinctivement sur la bouche de Gin, le stoppant juste avant qu'il ne me trahisse, même s'il est évident que tout le monde autour de la table a compris.
Blake retrousse ses manches et mes yeux sont immédiatement attirés par ses tatouages qui me donnent envie de caresser chacune de ses lignes encrées.
— Pourquoi est-ce que Mia a utilisé ce sortilège ? demande soudainement Edgar, son attention pourtant entièrement dirigée vers l'une des bornes de commandes dont l'écran est bloqué sur l'image géante de nuggets de poulet.
— La raison est assez évidente, finis-je par admettre.
— Nous sommes tout ouïe, insiste-t-il.
— Pour les mêmes motifs que les miens, grosso modo. Parce qu'elle est une jeune femme consciente du temps qui file, voyant sa jeunesse s'éclipser et désirant ardemment préserver sa beauté le plus longtemps possible. Mais tu l'avais compris, Blake ?
Le vamphex reste muet, son silence lourd de sous-entendus, tandis que son corbeau tire sur sa chemise, réclamant une explication plus claire que Ginger s'empresse de fournir après avoir écrasé son gobelet vide.
— Parce qu'en tant qu'humaine, elle a flippé à l'idée de se retrouver octogénaire aux côtés d'un vamphex éternellement séduisant comme Blake ! C'est logique ! Comme l'autre dégénér-
— Gin.
— Pardon. Tout comme ma charmante maîtresse, et comme tant d'autres femmes, elle est terrifiée à l'idée de perdre ses charmes avec l'âge, prête à tout pour conserver une « éternelle beauté ».
— Donc c'est à cause de toi, Blake ? intervient Edgar.
— Je vais fumer, répond-il enfin en s'échappant de la banquette pour fuir.
Nous l'observons quitter la table et, alors qu'Edgar s'apprête à aller parler à son maitre, Gin le devance et lui ordonne de rester à table avec moi.
Je ne sais pas ce que mon chat compte faire, connaissant son niveau d'empathie comparable à celui d'une huître.
☕Nouveau chapitre JEUDI 9H☕
Raven quand on lui demande si elle est la "Maitresse des Arcanes Interdites" :
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