6.2🌖C'est moi, le danger

Ça faisait longtemps que je n'avais pas été hantée par un de nos souvenirs. La dernière fois, c'était avant mon emprisonnement, à une époque où les sentiments que j'éprouvais pour lui étaient encore vivaces et sincères.

Avant la trahison - ou du moins, ce que j'avais perçu comme telle. Mais était-ce vraiment la vérité ?

Lorsque j'ouvre les yeux, ce ne sont plus les arbres séculaires qui m'entourent mais le plafond blanc et les rideaux immaculés d'une chambre d'hôtel. Je tourne lentement la tête en direction de la fenêtre lorsque-

— Putain, Blake ! Mais qui dort les yeux ouverts ?! J'ai failli avoir une attaque.

— Je ne dormais pas, répond-il, la voix enrouée.

Mon « vamp-ex » au charme ténébreux est nonchalamment allongé sur une longue banquette collée à la fenêtre. Il m'observe sortir du sommeil, un air méfiant et curieux dans le regard.

— Où sommes-nous ? demandé-je, tentant de rassembler mes pensées encore engourdies.

— Un hôtel du Two Rivers Shopping Center, répond-il d'un ton détaché. A mi-chemin entre Great Fosters et l'aéroport. Je n'ai pas pu faire mieux en te portant sur mon dos.

Je fronce les sourcils, une expression confuse se peignant sur mon visage alors que j'essaie de me rappeler les événements de la veille.

— Est-ce que j'étais lourde ?

— Légère comme une plume. Et j'ai dû improviser une histoire comme quoi tu étais ivre morte pour éviter les questions indiscrètes.

Je lève le pouce en signe de reconnaissance avant de m'étirer. Une douleur soudaine au niveau de ma poitrine me rappelle une certaine négligence.

— Tu m'as laissé dormir avec mon soutien-gorge ? Mais tu es malade !

— Désolé de ne pas t'avoir déshabillé entièrement, réplique-t-il d'un ton tranchant, son désintérêt presque total.

Malgré ça, je me souviens clairement de notre conversation passionnée avant de m'effondrer dans un sommeil profond, peuplé de souvenirs douloureux.

— Blake, est-ce que l'on peut reparler de...

— On ne doit pas rester longtemps, me coupe-t-il abruptement. J'ai reçu un SMS tout en majuscule d'Edgar tout à l'heure. Apparemment, ils sont aussi lents que nous et n'ont pas encore rejoint la planque.

— Où sont-ils ?

— Ici, dans la rue commerçante à faire les boutiques. « SUR L'INITIATIVE DE GINGER » a-t-il précisé.

Ginger, mon chat roux, faisant du shopping sans la moindre inquiétude pour l'état de sa maîtresse ? Dois-je réellement être surprise ?

— Est-ce qu'il y a un fast-food dans le coin ? Je pourrais tuer pour un burger !

— Tu devrais arrêter d'utiliser ce terme si légèrement, gronde-t-il, un pli soucieux marquant son front.

— Oh, allons, je plaisantais seulement, je réponds avec un demi-sourire, tentant d'apaiser son inquiétude. Mais sérieusement, ce fast-food ?

Blake secoue la tête, comme pour éloigner son exaspération, et acquiesce finalement.

— Il y a un McDonald's à quelques pas d'ici. Il jette un regard prudent par la fenêtre, ses yeux perçants analysant chaque mouvement à l'extérieur. Mais nous devrions faire vite.

— À manger enfin ! m'exclamé-je, ma voix trahissant mon enthousiasme non dissimulé, tandis que mon estomac émet un gargouillis de protestation.

Blake s'approche, ses yeux sombres plongeant dans les miens avec une intensité qui fait battre mon cœur plus fort.

— Raven, nous sommes peut-être en danger. Chaque mouvement doit être calculé, sa voix est basse, presque un murmure, mais ferme.

— Écoute, si je ne mange pas, le seul danger réel ici, c'est moi.

Un sourire, rapide et presque imperceptible, éclaire son visage austère, avant qu'il ne reprenne son masque de sérieux.

— C'est vrai, dit-il. Allons-y alors.

C'est une demi-heure après le coucher du soleil que nous nous retrouvons au McDonald's, mes quatre BigMac entamés sur mon plateau et des frites pleins la bouche alors que Blake boit un café actuellement aussi noir que son âme. Et certainement dégueulasse vu sa grimace.

— Tu ne bois pas du thé, d'habitude ? tenté-je, cherchant à alléger l'atmosphère.

Il lève un sourcil, son visage exprimant un mélange de surprise et d'irritation, avant de poser le téléphone portable de Mia sur la table.

— Si l'on n'a pas encore été attrapé, c'est soit parce que Mia s'est réveillée, soit grâce à mes relations avec la police surnaturelle. Dans tous les cas, on ne peut pas attendre que la situation se calme pour découvrir la source de tout ce bordel.

— Donc tu admets que je ne suis pas la coupable dans cette affaire ?

— J'ai encore des doutes.

Sa voix est froide, presque coupante.

Il se penche sur la table, repoussant mon plateau, et active une application mystérieuse sur le téléphone. L'écran s'illumine, passant du noir au pourpre, avant d'afficher un chaos de lettres désordonnées.

— Ils devraient vraiment engager un meilleur designer, plaisanté-je, finissant mon dernier burger.

— L'application utilise la reconnaissance d'empreinte digitale. Il me suffit de-

— J'ai compris, ça va. C'est parce que vous avez une grande confiance en vous et un amour à tout épreuve, réponds-je avec sarcasme.

Il soupire et, après un bref moment de réticence, place son doigt sur le capteur. Les lettres s'organisent alors pour révéler une interface qui ressemble étrangement à un grimoire en 3D d'une laideur affligeante.

Ses doigts font défiler des pages noires jusqu'à ce qu'un lexique et une boutique apparaisse.

— Sérieusement ? dit-il enfin. C'est un jeu ?

— Je ne pense pas. Vu l'interface, je pense que c'est fait pour en donner l'impression, mais les « plumes » achetées permettent de... débloquer des pages du grimoire. Mais c'est étrange, ça me dit un truc.

Nous scrutons ensemble l'écran, nos têtes se rapprochant inconsciemment, plongés dans l'énigme du grimoire numérique.

— Regarde, cette page est déverrouillée.

« Sanguinvitalis »

L'image est celle d'un scan d'une page d'un vrai grimoire, avec du texte en latin et une traduction manuscrite à l'encre quelques lignes plus bas, signée de deux initiales et-

Oh. Merde.

Je déglutis en relevant la tête vers Blake toujours en train d'examiner la page, lorsqu'il croise mon regard.

— C'est signé R.G, murmure-t-il, un soupçon d'accusation dans sa voix.

— C'est bizarre de signer une traduction comme ça, je réponds, feignant l'ignorance.

— Raven Grimkrath.

— Mais nooooon ce serait trop gros !

Son silence et son regard perçant m'obligent à avouer la vérité.

— Ok, c'est moi qui l'ai traduit. C'est bien mon sortilège mais ce sont de vielles notes incomplètes !

— Comment diable est-ce que cette page s'est retrouvé sur une application pirate alors ?!

Je joue nerveusement avec ma dernière frite, la mâchant machinalement.

— Pas que cette page, tout le grimoire. C'était une ébauche des sortilèges que j'avais « récupéré » pendant une partie de ma vie. Je voulais en faire une compilation.

— « Récupéré » ?

— Volé. Je me suis fait pleins d'ennemies chez les sorcières mais également de respectable relation avec des créatures que l'on qualifierait aujourd'hui de... meurtrière. Ce grimoire date d'il y a très longtemps et une grande partie des sortilèges ne sont pas bons. C'est vraiment un brouillon que j'ai dû perdre je ne sais où.

— Et où est la version finale ? demande-t-il, son intérêt s'éveillant.

— Dans ma tête, et dans mon sac, je réponds avec un soupçon de fierté.

— Tu veux dire que tu te trimballe avec des connaissances capables de tuer n'importe qui ?

Je laisse échapper un rire moqueur.

— Tu es bien naïf. Les sorts que je possède sont capables de détruire le monde.

— Foutue vantarde.

Il a l'air énervé et en même temps, un sourire amusé se dessin sur ses lèvres.

— Mes quatre siècles m'ont servi à acquérir un savoir inestimable.

— Mais dangereux, ajoute-t-il, son regard se faisant plus sérieux.

— Ça dépend de ta boussole morale.



Nouveau chapitre MARDI 9H

Raven devant son premier Mcdo depuis cinq ans :

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