6.1🌖Noble corneille

Envahis mon corps,

mon esprit et mon âme.

Pille tout ce qui m'appartient,

mais tout est déjà à toi.


Je laisse échapper un mince sourire en direction des agents, un sourire imprégné d'une assurance teintée de folie. Puis, un simple éternuement de ma part crée une épaisse fumée blanche qui nous camoufle aux yeux des policiers.

Blake, quant à lui, saisit son téléphone, l'examine brièvement, et lance un juron étouffé. Il desserre sa cravate et pour la première fois depuis notre retrouvaille, il me regarde droit dans les yeux.

Il tend sa main vers moi.

— Tu me fais confiance ?

Sa voix trahit une urgence sincère, mais je peux y déceler une pointe d'émotion enfouie.

— Non, et toi ?

— Non, mais on va devoir faire un effort.

Sa main se tend vers moi, et notre premier vrai contact physique depuis des années provoque une décharge électrique. La sensation semble partagée l'espace d'une seconde, une seconde qui réveille les souvenirs d'une connexion autrefois puissante, avant qu'il ne m'attrape par la taille et me soulève dans ses bras.

Blake saute sans attendre alors que la pluie est déjà en train de nous tremper. Lorsqu'il atteint le sol et s'agenouille, un torrent d'insultes s'échappe de ses lèvres alors que la terre craque sous l'impact.

S'il avait été totalement humain, il ne se serait pas relevé si facilement.

— Une diversion, s'il te plait.

Je ne me pose plus de question et colle mes paumes entre elles avant de les tourner de gauche à droite et de me concentrer si fort que je sens un goût métallique atteindre mes lèvres.

— Edgar ! s'exclame-t-il au téléphone, me laissant perplexe quant au moment où il a trouvé le temps de donner un téléphone à son familier, un détail intrigant.

— Prend toutes mes affaires et retrouve moi à la planque numéro trois ! Et-... Quoi ? Bien sûr que c'est une urgence ! Tu es avec qui ? Le chat roux ?

— Dis-lui de prendre mon sac aussi ! intervins-je enfin, mes jambes tremblant sous l'effort intense.

— Ok... Qu'il prenne le sac de Raven. Je t'expliquerais plus tard.

— C'est bon, dis-je enfin, mes jambes vacillant, l'hôtel est envahi.

— Par quoi ?

Les cris terrifiants à l'intérieur se mêlent à l'intensification de l'orage au-dessus de nos têtes.

— Des araignées. Beaucoup.

— Putain, marmonne-t-il avec dégoût alors que nous entendons la police.

Blake m'agrippe la main, et nous nous élançons à travers les champs, la pluie continuant de nous marteler, nos vêtements devenant de plus en plus lourds à mesure qu'ils se gorgent d'eau.

Notre course s'interrompt que lorsque je suis trop essoufflée.

— STOP ! crié-je, ma voix engloutie par la pluie battante. Je suis à bout de force, et je vais finir par attraper une pneumonie !

— On ne peut pas s'arrêter maintenant, Raven ! La police est...

— La police te recherche, à toi. Il te suffit d'attendre que ta belle se réveille pour qu'elle leur explique tout. Ou alors, tu peux jouer au chevalier servant et te sacrifier pour elle, comme tu en avais l'intention.

Blake commence à faire les cents pas, ses cheveux collés à son visage. D'une main, il décoiffe sa crinière détrempée dans un geste de frustration.

Puis, d'un mouvement brusque, il se précipite vers moi. Mon cœur bat la chamade, je m'attends à un geste de colère furieuse, mais au lieu de cela, il m'attrape par les épaules avec une intensité déconcertante, son regard trahissant un torrent d'émotions insondables.

— J'ai cru que tu m'avais encore trahi ! Sa voix tremble, chargée d'une urgence désespérée. Je ne savais pas que tu avais été envoyé en prison pour mourir !

— Menteur ! craché-je avec mépris. Ton sens de la justice était trop grand et-

— Je ne savais pas, Raven ! s'écrie-t-il, les yeux brillants de larmes après avoir retiré ses lunettes d'un geste fébrile.

C'est la sincérité brûlante dans son regard qui m'immobilise, m'envahit.

— Je n'ai plus jamais fait de recherche sur « Maverick » après notre promesse et je ne suis pas retourné aux Etats-Unis. Je n'avais aucune idée de ce que tu as subi !

— Mais... Alors pourquoi tu n'es pas revenu ?! Pourquoi tu ne m'as pas écrit et pourquoi tu as juste abandonné ?

Blake se mord la lèvre avec une intensité douloureuse, et soudain, une révélation glaciale me traverse.

Il ne m'aimait pas. Peut-être même qu'il était déjà avec Mia, sinon il m'aurait cherché à tout prix.

Toutes mes lettres restées sans réponse me le confirment dans un écho muet.

— Je n'ai jamais envoyé ce rapport, je te le jure.

Sa voix est un souffle brisé.

— Je n'ai jamais voulu te voir en prison et surtout pas jusqu'à la chaise électrique. Je t'en prie, Raven, crois-moi.

Je suis épuisée par cette journée de merde et à cause de l'utilisation intensive de ma magie... Alors tout ce calme. L'orage devient une averse puis plus rien. Le ciel se dégage de ses nuages épais et fait apparaitre un croissant de lune.

J'ai du mal à le croire... mais je n'en peux plus.

Je veux juste dormir.



🌖



— Ça t'apprendra à ne pas payer tes dettes !

Il venait d'être éconduit de la taverne, son corps gisant sur le ponton en bois, alors que j'avais patiemment guetté depuis des heures.

Nous n'étions à King's Lynn que depuis trois jours, ma grand-mère et moi, et déjà, j'enfreignais ses règles. « Ne te fais pas remarquer et ne t'approche pas des hommes, ce sont des créatures viles, obsédées par l'argent et le sexe ! » m'avait-elle sermonnée après notre premier « contact ».

Cet instant fugace où il m'avait secouru, avant ma chute embarrassante en débarquant au port, avait marqué mon cœur d'une manière intense.

Quelque chose dans son regard m'avait attrapé, de façon violente.

Une puissance telle que je n'arrivais pas à l'effacer de mes pensées depuis des jours. Cette nuit-là, j'avais réussi à quitter discrètement la maison sans réveiller ma grand-mère, espérant le retrouver au port.

J'avais observé sa silhouette entrer dans la taverne, puis attendu patiemment deux heures avant qu'il ne soit expulsé.

Son visage crispé par la douleur et son œil au beurre noir m'avaient poussée à désobéir une nouvelle fois. Il m'avait suffi d'un instant pour me glisser à genoux devant lui et effleurer avec précaution sa blessure. Il serrait les dents, les paupières closes, puis...

— Je vais m'en sortir, ça va al..

En ouvrant les yeux, il en perdit le fil de ses paroles.

Il me fixait, mais pas comme les autres hommes. Il y avait dans ses yeux de la douceur et de la curiosité.

Le cri perçant d'une mouette brisa notre contact. Je l'aidai à se redresser alors qu'il gémissait de douleur, en portant la main à l'arrière de son crâne. Le sang sur ses doigts m'alarma, et il ne me fallut pas plus pour attraper son poignet fermement et l'entraîner à l'écart.

Loin des navires, dans un entrepôt encore éclairé par une lampe à huile. L'un des ouvriers chargés de la gestion de l'équipement naval dormait à poings fermés à quelques mètres de nous, effaçant tout romantisme de notre première rencontre.

Il ne prononça pas un mot jusqu'à ce que je sorte de la poche de ma robe crasseuse de quoi soigner sa blessure.

— Des plantes ? interrogea-t-il, alors que je subtilisais la bouteille d'alcool de notre voisin. Cela va vraiment...

Il s'interrompit lorsque je montrai mes dents serrées. Il s'assit sur le siège que je lui avais apporté et, en me glissant derrière lui pour inspecter la blessure, son odeur me fit frissonner.

Un mélange d'iode, de bière et de sueur.

Mes doigts effleurèrent doucement le bas de sa nuque, glissant jusqu'à son crâne, dans ses cheveux. Le geste était osé, déplacé, et si quelqu'un nous avait surpris, le mot « catin » aurait sans doute été prononcé.

Pourtant, il se laissait faire, suivant le mouvement de ma main tout en laissant échapper un soupir léger.

Jusqu'à ce qu'il morde son poing en sentant l'alcool sur sa blessure ouverte. Il tressauta, malgré mon autre main posée sur son épaule pour le calmer, alors que j'appliquais mes plantes médicinales sur la plaie.

Un peu de concentration et un sortilège basique, susurré mentalement, suffirent à atténuer la douleur, à stopper le saignement, et à accélérer la cicatrisation pour les jours à venir.

Au bout de quelques minutes, alors que j'allais retirer ma main de sa chevelure d'un noir de jais, il saisit mon poignet et murmura :

— Continuez, je vous prie.

Je déglutis, tentée de répondre à sa demande, lorsque le ronflement bruyant de l'ouvrier me fit sursauter, me ramenant à la réalité.

— Attendez ! s'écria-t-il en me voyant m'échapper de l'entrepôt en hâte. Comment vous appelez-vous ?

Immobilisée, je regrettai une nouvelle fois de ne pas avoir de voix, lorsque sa perspicacité me surprit :

— Vous êtes muette, n'est-ce pas ? Je... pardon. Merci pour tout. Pourriez-vous au moins écrire les lettres de votre prénom ?

Il s'approcha lentement, comme pour me rassurer. Si je partais, je pourrais l'oublier. Mais ma curiosité quant à ces sentiments inédits suscités par cette rencontre était irrésistible.

Je me retournai alors, m'approchai et attrapai son poignet à nouveau. Sa paume tendue, je traçai les lettres de mon prénom. Le contact me fit frissonner les doigts et diffusa une chaleur dans tout mon être.

Lui, tremblait légèrement.

— R.A.V.E.N, murmura-t-il. Raven.

Soudain, il saisit doucement mes doigts et embrassa le dos de ma main maladroitement avant de chuchoter :

— Blake Sinclair. Enchanté de vous rencontrer, noble corneille.



Nouveau chapitre JEUDI 9H

La Raven du passé qui aurait voulu hurler à Blake :

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