Sous le voile de la nuit étoilée mais glaciale au début de l'hiver, je me tiens à l'écart dans l'ombre d'un grand chêne centenaire, juste à l'extérieur de la grande salle de l'hôtel Great Fosters où tout a commencé pour nous.

Le lieu est illuminé de l'intérieur, baignant dans une lumière douce et accueillante qui contraste durement avec la tourmente dans mon cœur. Je peux voir à travers les grandes fenêtres les invités qui s'installent, les rires et les conversations légères flottant jusqu'à moi comme une mélodie lointaine.

— Tu es prête ? murmure Ginger à mes côtés dans son beau costume noir.

Je hoche la tête, rassemblant tout mon courage.

Interrompre un mariage, c'est un petit plaisir dont j'ai toujours rêvé. Sauf que ce n'est pas si agréable, surtout quand on n'est pas sûr de la tournure des événements.

Nous attendons le signal de Dave et, lorsque je reçois une notification sur mon portable, nous décidons d'enfin pénétrer dans la salle.

Nous avançons silencieusement le long du corridor latéral qui mène à la salle principale, les battements de mon cœur résonnant dans mes oreilles. Chaque pas est mesuré, chaque respiration contrôlée, alors que nous nous rapprochons de la double porte entrebâillée d'où émane le bourdonnement des conversations des invités.

Ginger jette un dernier regard vers moi.

— On y va, me murmure-t-il avec un léger sourire qui se veut rassurant.

Nous nous glissons à l'intérieur, restant en retrait près des derniers rangs de chaises élégamment décorées. La salle est somptueusement arrangée avec des fleurs blanches et des rubans argentés, créant un cadre presque féerique. Au fond, sous un grand arc floral, je vois Blake, debout, le regard perdu.

Derrière son faux sourire amoureux, il a l'air... vide. Mais il maintient l'illusion.

Je repère Edgar à côté de Dave lui chuchotant quelque chose, certainement notre plan, vu l'expression paniquée qui peint son visage. Ils nous cherchent du regard et lorsqu'il croise celui de Ginger, ses yeux s'écarquillent de surprise.

Alors que les premières notes de la marche nuptiale résonnent, tout semble suspendu dans une attente parfaite. Tous les regards se détournent vers l'allée principale, captivés par l'apparition de Mia, rayonnante dans sa robe de mariée qui scintille sous les lumières soigneusement orchestrées.

La musique se poursuit, enveloppant la salle d'une atmosphère solennelle tandis que Mia progresse vers l'autel. Mais je ne vois que Blake, et il est toujours aussi magnifique dans son costume.

Je le fixe, cherchant un signe de doute, un indice que son cœur n'est pas vraiment dans cet engagement.

Ginger me serre doucement l'épaule, un rappel que le moment est venu. Je prends une profonde inspiration, rassemblant le courage nécessaire pour interrompre ce qui pourrait être l'erreur d'une vie pour l'homme que j'aime.

Alors que Mia atteint l'autel et se tourne pour faire face à l'officiant, l'assemblée se tait en anticipation des vœux. L'officiant ouvre son livre et commence les introductions habituelles, mais avant qu'il puisse poser la question fatidique qui donnerait à quiconque l'opportunité de parler maintenant ou de se taire à jamais, je me lève.

C'est bien plus stressant que dans les films.

Pourquoi est-ce que j'ai eu cette idée de merde ?!

Je me fraye un chemin à travers les rangées de chaises, sentant les regards curieux et surpris des invités se poser sur moi. Ma robe légère frôle le sol alors que j'avance avec assurance tremblante, chaque pas me rapprochant de mon objectif.

Le murmure des invités se transforme en un silence choqué alors que tous les yeux se tournent vers moi. Mia se tourne avec une expression de frustration, tandis que Blake, l'air aussi choqué que soulagé, fixe son regard sur moi.

— Je suis désolée de devoir interrompre ce moment, mais il y a des choses qui doivent être dites, avant qu'il ne soit trop tard, continué-je, mon regard se posant fermement sur lui. Blake, ce mariage n'est pas ce que tu désires. Ce n'est pas basé sur l'amour, mais sur un sacrifice que tu es prêt à faire pour quelqu'un d'autre. Je ne peux pas te laisser faire ça.

Blake reste silencieux un instant, son regard vacillant entre Mia et moi.

— J'aime Mia, et je-

— Oh la ferme, Blake ! s'exclame soudain Edgar en sortant de son rôle de témoin. Il n'y a que les idiots présents qui peuvent y croire, mais pas nous ! Mia, comment peux-tu vouloir d'un type comme lui qui ne ressent pas la moindre miette de sentiment à ton égard ?

La tension dans la salle monte d'un cran alors que les mots d'Edgar résonnent, coupant net l'air chargé d'émotions. Les invités, surpris par son interruption, murmurent, échangeant des regards confus et curieux.

Mia, quant à elle, se raidit, son regard glacial fixé sur Edgar avant de se tourner vers moi avec une expression dure.

— Raven, dit-elle, sa voix trahissant une colère contenue. C'était un accord entre adultes consentants. Blake a fait son choix, que cela te plaise ou non. Tu n'as pas à te mêler de cela.

— Ce n'est pas juste une question d'accord. C'est une question de sentiment, de vérité. Comment peux-tu te satisfaire d'un amour qui n'est pas réel ?

Mon ton, bien que calme, porte clairement à travers la salle, chaque mot résonnant avec un poids mesuré.

— Nous sommes similaires, toi et moi, toutes les deux têtues et prêtes à tout pour atteindre ce que nous voulons. Mais au fond, nous savons toutes les deux que forcer quelqu'un à aimer, ce n'est pas de l'amour. Ni toi, ni moi, ne voulons être possédées ou posséder quelqu'un d'autre de cette manière.

Mia détourne le regard, visiblement troublée par mes paroles. Sa façade de colère semble craquer légèrement, révélant une vulnérabilité qu'elle ne doit pas montrer pas souvent.

— Je ne te céderais pas Blake, murmure-t-elle.

— Tu m'as forcé à me détacher de lui avec ta malveillance pendant cinq ans. Tu n'as pas idée de la souffrance que ton amour couvert d'un soi-disant esprit juste m'a causé. Et qu'as-tu compris, pendant ces années ? Que Blake pouvait t'aimer ? Qu'il serait à jamais indifférent à ton sort ?

Mia reste silencieuse, les mots semblant la frapper plus durement qu'une gifle. Les invités retiennent leur souffle, les murmures ayant cessé, tous absorbé par l'intensité de l'échange.

Je la regarde, voyant la détermination et aussi la peur dans ses yeux. C'est une peur non pas de perdre Blake, mais de perdre la face devant tous ces invités. Je comprends alors que pousser davantage ne ferait qu'empirer les choses.

Blake, quant à lui, reste silencieux.

— Si ce mariage se poursuit sous ces conditions, il ne sera basé que sur des illusions et des sacrifices qui ne feront que causer plus de douleur à long terme.

Je marque une pause, fixant Blake une dernière fois, cherchant en lui une étincelle de l'homme que j'ai connu et aimé.

— Blake, je te laisse faire ton choix. Je ne serai pas celle qui détruira ce que tu penses être ton devoir. Mais sache que je ne peux participer à cela. Je ne peux rester et regarder l'homme que j'aime s'égarer si loin de ce qu'il est vraiment.

Sans attendre sa réponse, je me retourne et marche lentement vers la sortie de la salle. Chaque pas est lourd, mais nécessaire. Je sens les regards des invités sur moi, certains emplis de sympathie, d'autres de jugement.

Mais ce qui importe le plus à cet instant, c'est de rester fidèle à moi-même et à mes convictions.

Je marche à travers le hall, mes pas résonnant sur le sol en marbre, lorsque j'entends la porte derrière moi se rouvrir. Je m'arrête, hésitant à me retourner, mais...

— Raven, attends !

Sa voix me convint.

Je me retourne lentement pour le voir s'approcher rapidement. Sa présence ici, hors de la salle de mariage, envoie une vague de soulagement à travers mon esprit.

— Mia a cédé, dit-il, le souffle légèrement court d'avoir couru après moi. Après que tu sois partie, elle... elle a dit qu'elle ne pouvait pas continuer. Elle a admis qu'elle avait perdu contre toi, que même à des kilomètres de moi ou morte, ça ne lui apporterait rien, sinon du vide.

Il s'arrête un instant, cherchant ses mots et passant sa main dans sa chevelure noire nerveusement.

— Tu l'as convaincu. Elle m'a dit qu'avoir eu ton essence en elle avait peut-être changé quelque chose, parce qu'elle arrivait mieux à te comprendre, malgré le fait qu'elle te déteste. C'est elle qui a rompu devant tout le monde en me disant que j'étais libre et que notre accord était fini.

L'information prend un moment à s'imprégner, chaque mot retentissant avec intensité en moi.

— Je... je ne sais pas quoi dire.

— Dis ce que tu ressens pour moi, propose-t-il avec une prudence qui trahit sa peur de ma réponse. Juste tes sentiments réels, après tout ce que tu as appris sur moi. Sur ce que j'ai fait pour t'attirer ici, pour te sauver, pour passer pour le connard de service.

Lorsqu'il retire ses lunettes, je trouve immédiatement ce que je désire. Le jeune homme charmant de King's Lynn, l'enquêteur de Mapplewood et l'ex de Londres... Mais surtout l'amant d'Édimbourg.

Celui qu'il est vraiment après toutes ces expériences. Celui qui m'aime si intensément qu'il perd sa morale, sa logique, et pourrait vendre son âme pour moi.

Mon vamphex.

— Il y a quelque chose de constant entre nous, malgré tout ce chaos, murmuré-je. C'est fou, parfois douloureux, mais incroyablement puissant.

— Et qu'est-ce que c'est ?

— L'amour à l'état pur. C'est mon cœur qui bat encore et toujours pour toi depuis plus de quatre siècles. C'est ta logique qui se fait tabasser par tes sentiments alors qu'elle te hurle de courir dans la direction opposée à la mienne. C'est ton sacrifice pour me sauver mais aussi ta façon de me traiter, de m'apporter de l'amour, de m'écouter, de tenter de me comprendre même quand c'est à des lieux de ta morale... Ce n'est pas « à cause de » ou « malgré quoi que ce soit »... c'est simplement parce que c'est toi.

— Je t'aime, ma corneille.

Un sourire illumine mon visage alors que mon cœur bat à cent à l'heure. Enfin je crois. Avec ma nouvelle nature de vamphex, je n'arrive pas à savoir s'il est encore vivant.

Blake prend une profonde inspiration, ses yeux ne quittant pas les miens. Il y a une intensité dans son regard qui semble vouloir capter chaque nuance de ma réponse, chaque tremblement de ma voix.

— Et je t'aime, mon corbeau. Malgré les ombres, les doutes, et les erreurs, mon cœur trouve toujours son chemin de retour vers toi.

Il avance, réduisant la distance entre nous, et me prend dans ses bras. Son étreinte est ferme mais douce, un havre de paix dans le tourbillon de nos vies tumultueuses.

— Je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve, mais je sais que tant que nous sommes ensemble, tout semble possible.

Blake hoche la tête, son front toujours doucement appuyé contre le mien.

— Avec toi, je suis prêt à affronter n'importe quoi.

— Mais promets-moi quelque chose.

— Tout ce que tu veux, répond-il, ses mains remontant pour caresser doucement mes joues.

— Promets-moi que nous ferons les choses différemment cette fois. Que nous parlerons, que nous partagerons, que nous n'essaierons pas de porter nos fardeaux seuls. Promets-moi que notre amour sera basé sur la confiance, pas sur le sacrifice.

Il sourit, un éclat espiègle dans ses yeux.

— Je te le promets, si tu me promets en retour de ne pas tuer la première personne qui t'énerve un peu trop, dit-il avec une pointe d'humour pour alléger l'intensité de notre échange.

Je laisse échapper un rire, soulagée par cette touche de légèreté.

— Je te le promets. Jusqu'à ce que la mort nous sépare ou que tu ne veuilles plus de moi.

— Alors, c'est un accord conclu.

Soudain, il tire sur la chaine autour de son cou et dévoile l'anneau de fiançailles qu'il veut m'offrir depuis quatre siècles. Il détache la chaine avant de glisser la bague à mon annulaire avec lenteur, les mains tremblantes.

Et, enfin, nos lèvres se rejoignent dans un baiser tendre mais profond.

Un nouveau chapitre pour nous, un début rempli d'espoir et guidé par la promesse d'un avenir où la communication et la confiance dépassent le chaos du passé.

Mais...

Peut-être que j'attendrais quelques mois avant de lui proposer de me venger de son ex.

EPILOGUE DISPONIBLE

Raven et Blake :

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