11.1🌖Sorori-quoi ?



N'exister que pour toi suffit à justifier mon existence



Grand-mère a toujours insisté pour que, lorsque notre situation se stabiliserait, je rejoigne un coven. Notre ancien coven avait été attaqué quelques années avant notre arrivée à King's Lynn et tous les membres de notre communauté avaient fini noyés ou brûlés.

Ou pendus. Tel est le sort qu'ont connu mes parents.

Nous avions fui et en tant que survivantes, nous avions besoin de retrouver du soutien. Des proches dans la sorcellerie.

Quelques mois après avoir quitté King's Lynn, j'ai tenté de rejoindre un coven. J'ai adhéré à cet esprit d'entraide, de sororité, et je l'ai franchement aimé...

Jusqu'à ce que mes consœurs me plantent un poignard dans le coeur. Au sens figuré.

Qu'elles m'humilient, me fassent perdre confiance en moi et crachent leur venin à chacun de mes passages.

Je les ai toutes punies.

Depuis, j'ai tenté de me rapprocher de nouveau des autres sorcières en me disant que je n'avais vécu qu'un cas isolé.

Mais depuis toujours, elles me détestent toutes.

Et cela bien avant que je ne sois attirée par les arts obscurs.

Des raisons stupides sont invoquées : ma beauté, mon talent, mon charme auprès de leurs hommes, mon intelligence... puis la peur que j'inspire avec le temps. Mon pouvoir. Ma puissance.

Je les hais toutes.

Alors, quand je suis devenu « Maverick Granth », je n'ai pas cherché à établir un contact avec le peu de sorcières restantes dans notre monde. Malheureusement, elles sont si peu nombreuses qu'elles suivent avec attention l'avènement de chaque nouvelle sorcière.

Mon rejet ne leur a pas plu. Ça, et bien d'autres choses. Je suis fautive, pour beaucoup de mes actions pour les éloigner de moi.

Mais de là à se réjouir de ma mort après mon passage sur la chaise électrique ?

Il faut être diablement mauvaise.

Je sursaute en sentant la main de Blake sur mon épaule, alors que je reste figée devant l'autel. Personne dans cette foule ne me reconnaît. Mon visage s'est creusé et a vieilli depuis que cette photo a été prise, et j'ai retrouvé ma couleur de cheveux d'origine.

Heureusement que je ne faisais pas d'apparition publique devant elles.

Je suis une ombre parmi elles, un spectre invisible à leurs yeux, ce qui ne fait qu'ajouter à l'étrangeté et à l'irréalité de la situation.

Soudain, mon attention est captée par un trio de sorcières, se rapprochant de l'autel. Elles rient et se moquent avec une joie cruelle. Leur conversation parvient à mes oreilles, entrecoupée de rires moqueurs.

— Enfin, elle n'est plus là pour nous importuner ! s'exclame l'une d'elles, son rire tranchant l'air comme un couteau.

— Elle se croyait tellement puissante, mais regardez où ça l'a menée, ricane une autre agitant sa coupe de vin d'un air dédaigneux. Heureusement que l'on a été informé par la police surnaturelle à temps ! Elle aurait pu avoir un procès et envoûter les membres du jury pour échapper à sa punition !

La troisième sorcière renchérit, avec un sourire venimeux :

— Elle n'a eu que ce qu'elle méritait. Personne ne pleurera son absence et le monde de la sorcellerie se porte bien mieux sans une nuisible comme elle

À ces mots, un courant de rage me traverse. Blake, percevant ma tension, serre doucement ma main d'un geste silencieux me rappelant à la raison.

Je les dévisage, une part de moi brûlant du désir de voir leur arrogance punie.

— Elles ne méritent pas ton attention, murmure Blake, comme s'il lisait en moi.

Ces sorcières se réjouissent de ma « mort », se moquent de moi sans même savoir que je suis là, juste à côté d'elles, bien vivante.

— Tu as changé. Tu n'as pas à te venger.

— Maverick avait changé, et elle est morte. Moi, je suis toujours la même.

Les doigts de Blake s'entrelacent aux miens, et étonnamment, ce contact me calme. Sa présence écarte le voile de colère qui obscurcissait ma vision, me permettant de prendre du recul.

Je résiste à l'impulsion de les confronter, et ce n'est que tardivement que je réalise que Blake m'a guidée vers le bar. Il commande pour moi une boisson sans alcool, une tentative subtile de m'ancrer dans le calme et la réalité.

— Après tout, ce n'est pas en semant la mort que tu parviendras à élucider les mystères de notre enquête.

J'aimerais approuver, mais ce serait un mensonge.

— Je crois sincèrement que le meurtre peut résoudre certaines situations rapidement.

— Tu n'es pas possible...

— Encore une raison pour laquelle tu ne m'aimes plus.

J'évite de croiser le regard de Blake à cet instant, car je le sens déjà intensément sur moi. À la place, je mémorise les visages des gens présents pour célébrer ma mort. Une grande partie est là simplement pour la fête, et je suis certaine qu'ils ignorent tout de moi.

— Salut les tourtereaux !

Mon faux sourire radieux répond à la succube qui nous a invités à cette soirée.

— Je ne savais pas que les obsèques étaient si festives, réplique Blake en posant sa main sur mon épaule.

— Oh ça, c'est une initiative qui me dépasse ! Un groupe de sorcières qui s'entend bien avec nos patrons, m'enfin, ça fait rentrer du pognon !

La succube s'agite au rythme de la musique et commande un Sang du Diable, une boisson pétillante de couleur pourpre, tandis qu'elle s'adosse au comptoir.

— J'ai parlé de vous deux au boss, et il aimerait vous rencontrer avant de vous inclure dans notre projet. C'est OK ? Il est au fond, derrière le rideau du carré VIP.

— C'est génial, merci beaucoup ! J'ai hâte d'en savoir plus à ce sujet !

Un coup de coude dans le ventre de Blake ne suffit pas à calmer son faux enthousiasme qui me dégoûte au plus haut point. Ou peut-être est-ce les sorcières qui prenaient des selfies devant l'autel en mon déshonneur.

Lorsque la succube s'éloigne avec sa boisson, j'ai déjà terminé la mienne et demandé au barman de me faire la même chose, mais avec un fond de rhum.

— Est-ce que j'étais si détestée ?

— Je ne t'ai pas connu q-

— Je veux dire, à King's Lynn ? Je sais que les autres femmes du village me regardaient souvent de travers, et j'en ai même entendu une me traiter de catin un jour... Mais à ce point ?

Blake reste silencieux un long moment, perdu dans ses pensées, jusqu'à ce qu'il avoue :

— Un jour, je suis allé au marché aux poissons avec ma mère. Elle m'a obligé à l'aider parce que soi-disant « elle ne me voyait presque plus ». C'était vrai, en fait. Tous mes moments de libres, j'essayais de te retrouver. Bref, un groupe de femmes nous a arrêtés pour parler avec ma mère. C'étaient des mères de collègue, des femmes que j'ai connues toute ma vie et qui m'appréciaient. Toujours gentilles...

— Et après ?

— Ce soir-là, en dînant avec mes parents, ma mère m'a confié que certaines femmes lui avaient raconté que tu te prostituais dans une taverne du port.

Je sens ma gorge se serrer et mes doigts se crispent autour de mon verre.

— Je n'ai jamais fait une telle chose, répliqué-je d'une voix ferme.

— Je n'ai pas attendu de voir quelques gouttes de sang sur mes draps pour en être convaincu. Ça ne les a pas empêchés de te traiter de fille de petite vertu. La rumeur se répandait rapidement, et je ne voulais pas que tu l'apprennes... Alors, je suis allé à cette taverne le soir même.

Blake marque une pause, buvant une autre gorgée. Un silence pesant s'installe avant qu'il ne reprenne, le regard perdu dans les dernières gouttes de son verre.

— Je ne suis pas fier de ce que j'ai fait.

— Quoi ? Tu les as tuées ?

— Non, mais... J'ai agi de manière très machiste. J'ai menacé leurs maris, des hommes qui m'ont vu grandir. J'ai fracassé une caisse en bois, brandit un éclat de bois tranchant, et je leur ai intimé de maîtriser le venin de leurs femmes, sinon je m'en chargerais.

— Oh, Blake...

— Ce n'est pas mon plus beau geste. Ça m'arrivait souvent à l'époque. Ce n'est pas une excuse, mais c'est ainsi. Et oui, j'ai fini par me faire casser la gueule.

— Vraiment ? dis-je, étouffant un rire.

— Oui, mais ils m'ont écouté. Ces femmes n'ont plus jamais parlé de toi. La rumeur est morte dans l'œuf, et j'ai convaincu ma mère de ta douceur. Tu te souviens du jour où je t'ai invité à manger avec elle ?

Je hoche la tête. Ce souvenir reste gravé en moi, surtout l'après-midi où nous avons préparé des tartelettes aux pommes avec sa mère. Je les avais ensuite offertes aux dockers, et le sourire de Blake m'est toujours cher.

Ce jour-là, malgré les rumeurs, sa mère m'avait accordé sa confiance.

— Cela prouve que les femmes ont toujours cherché à me nuire, même lorsque j'étais innocente.

— Tu dégages un truc qui les inquiète. Qui les met en danger. Un magnétisme qui...

Soudain, Blake s'arrête avant d'aller trop loin dans sa réflexion. Il passe son pouce au coin de mes lèvres sans aucune raison et, alors que je m'apprête à lui demander ce qu'il lui prend, je sens le regard de quelqu'un à l'autre bout de la pièce sur nous.

C'est presque imperceptible, mais quatre siècles de vie et nos sixièmes sens se trompent rarement.

Blake se penche légèrement, de façon à cacher nos visages dans ma chevelure, mais il reste à la limite. Ses lèvres ne font qu'effleurer les miennes. Dangereusement.

— Merci pour ce que tu as fait, murmuré-je finalement.

— D'avoir été trop impulsif ?

— Oui, pour ça, et pour les autres fois que tu gardes probablement secrètes.

Son expression, glaciale depuis notre arrivée, semble enfin se détendre. Lentement, un sourire sincère se dessine, révélant ses adorables petits crocs de vamphex.

Cet instant fugace, trop court à mon goût, est interrompu par une bande d'ivrognes réclamant des shots au barman.

Nous jouons au couple. Ce n'est qu'une mascarade.

Mais malgré ça, je sens que quelque chose s'améliore entre nous.



Nouveau chapitre JEUDI 9H

Raven qui se retient sévèrement de ne pas tuer tout le monde :

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