Chapitre 9



La Nature avait ses habitudes, sa logique, son harmonie. Ses lois ne pouvaient être changées impunément. La dominer devenait impossible sans conséquence de cette Dame despote qui ne connaissait pas la pitié. Cependant, quelques exceptions dérogeaient à la règle.

Un sourire dans la nuit rafraichis par une sensation inconnue, un murmure se laissait porter entre le feuillage des arbres, suivant le souffle du vent. Quelques ricanements cachés, et comme une berceuse serinée par une mère capricieuse et protectrice au point de toucher la psychose du doigt, elle s'apprêtait à endormir le monde. Elle s'y préparait. Ses enfants n'auraient-ils pas sommeil ?

Lolita, paupières closent et épaules lâches, se laissait bercer. Le message la transportait dans un état semi-hypnotique.

Miroir, Miroir

Elle pouvait voir. L'image se dessinait dans son esprit, accompagnée du son d'un crayon griffonnant, coloriant sur une feuille. Le dessin se faisait plus précis, s'animant enfin pour délivrer son message inquiétant.

Harpe en main, coincée entre les genoux d'une femme aussi splendide que terrifiante, la jolie créature sylvestre chantait sa mélodie à la manière d'une chanson sifflée entre les arbres. Un effet d'écho donnait à Lolita l'impression d'être soumise à un sortilège, un enchantement. La voix d'une enchanteresse.

Des yeux lilas et un son vibrant dans sa gorge, ses lèvres taisant les onomatopées qui auraient sans aucun doute emprisonnés Lolita dans un sommeil éternel. Elle possédait des oreilles pointues, laissant supposer être une elfe, peut-être une fée ou bien une nymphe. Son beau regard se gorgea silencieusement de larmes.

Nous étions seuls à deux près de l'eau claire et sous les fleurs d'un arbre

Mais aujourd'hui l'eau est écarlate et les fleurs fanent, tout devient macabre

Ses doigts se remirent à jouer lentement, délicatement, pinçant les cordes pour faire résonner la douce musique.

Entre la terre et la mer

Entre le ciel et les étoiles

Chantant l'espoir d'un cœur en forêt layonné

Mon amour m'a un jour abandonné

La femme tourna son visage vers Lolita. Yeux larmoyants, elle arborait un sourire si déchirant. Qui était-elle ? La désagréable impression de reconnaitre ce visage l'envahissait mais quelque chose l'empêchait de se souvenir. Un blocage qui n'avait rien de naturel.

— Je ne te connais pas, comprit Lolita.

Mais le doute restait persistant. Et plus Lolita tentait de se souvenir, plus le sentiment menaçant d'être en danger l'envahissait. Elle avait peur.

La créature reprit sa chanson. Elle chanterait toujours ce chant, elle n'avait pas le choix. Lolita connaissait ce genre de phénomène. Elle en avait déjà été témoin. Alors elle se dirigea vers la chanteuse sylvestre.

— Âme perdue, apprend-moi ton identité.

— Tu n'es pas l'amour de ma vie.

Elle ne lui dirait rien, ce qui était étrange. Alors elle glissa sa main dans les cheveux cendrés de la créature mais cette dernière l'en empêcha.

— Quiconque ose s'opposer à la promesse sacrée verra son âme brûler dans les flammes de l'Enfer, grondait la femme dans une voix qui n'était pas la sienne, bien plus roque, comme venu d'un autre monde.

Ses yeux se modifièrent pour s'enflammer avec le reste de son apparence. Elle avait une apparence démoniaque. Puis, après avoir lâché Lolita, elle tomba à quatre pattes pour continuer sa métamorphose. Des crocs lui poussèrent et son corps se remodela, grandissant, grossissant, jusqu'à devenir un chien immense. Un molosse sombre et menaçant dont les yeux de lave indiquait l'identité. La femme était réapparue derrière lui, se remettant à jouer de la harpe tandis que le chien de moins de deux mètres de haut lui aboya dessus.

Lolita était face à un chien de l'Enfer. Et dans cette situation, une seule solution : la fuite. Seulement l'animal la rattraperait si elle se contentait de courir. Mais elle n'avait pas le choix. Surtout lorsque deux autres têtes apparurent sur l'animal. Là, elle avait un vrai problème puisqu'elle n'était pas devant un simple chien de l'Enfer mais devant Cerbère, le chiens des enfers.

Alors elle prit ses jambes à son cou, se dirigea vers le lac, le chien infernal à ses trousses. Elle plongea au moment où les crocs du monstre s'apprêtait à l'arracher à la vie.

Prenant une profonde inspiration, Lolita revint à elle, le corps tremblant. Une main se posa sur son épaule et elle sursauta avant de se rendre compte qu'il s'agissait d'Amarok.

— Tout va bien ?

— Pas vraiment. Un chien de l'Enfer m'a fait obstacle.

— Un chien de...Lolita, tu m'avais juré que c'était sans danger !

— Je ne pensais pas que c'était si grave que ça.

Lolita avait pu sentir un changement, une légère variation dans ce qui l'entourait. Bien moins inquiétant qu'il y a quelques jours où elle avait entendu la nature mourir, cela avait néanmoins titillé sa curiosité.

Ce changement l'avait poussé à entrer en communication avec la Nature. Même en tant que Graal, objet sacré des dieux, elle trainait encore avec elle sa réputation de Lolita la Maudite, une sorcière puissante. Des connaissances utiles pour ce qu'elle venait de faire. Cela lui avait permis de déchiffrer le message de la Nature. Et si elle avait réussi, d'autres créatures devaient l'avoir fait.

— Lolita, explique-moi ce que tu as vu.

— Une femme.

Il attendait plus, ce qui était normal.

— Elle chantait, en boucle.

— Un fantôme.

— Pire, un esprit enfermé.

— Comment ça ?

Bien sûr, Amarok n'était pas forcément au courant de ce genre de chose.

— Lorsque l'on passe un pacte avec un diable, à notre mort nous devenons un démon. Et en devenant un démon, on offre sa vie et son identité, son âme.

— Un démon n'a pas d'âme.

— Exactement. Et ce que j'ai vu était la prison de l'une de ces âmes. Mais il y avait un problème.

— Lequel ?

— Elle n'a pas voulu me dire qui elle était.

Ça et le fait qu'elle restait persuadée de connaitre la femme, quelque chose n'allait pas. Et malheureusement, elle avait des hypothèses sur ce qui venait de se passer.

— Je pense qu'il s'agit d'une femme ayant pactisé pour disparaitre.

L'idée dérangea Amarok qui ne comprenait pas.

— Qui pactiserait pour disparaitre ?

— Plus de personnes que tu ne le penses. Mais dans le cas présent, ça n'avait aucun sens. Elle semblait attendre le retour de quelqu'un. Et surtout, pourquoi un chien de l'Enfer aussi dangereux la garderait ?

Lorsqu'elle avait voulu prendre un cheveux de la femme, un système de défense s'était enclenché afin de conserver le pacte indemne et donc protéger l'identité de cette créature disparue.

Mais faire apparaitre Cerbère, le plus dangereux des molosses des enfers ? Il était le seul à garder les portes des enfers. Le faire intervenir était un gros risque qu'aucun dieu infernal ne prendrait. A moins que cette femme aux yeux violet ait été une personne très spéciale.

Pour le savoir, pas trente-six mille solutions. Elle leva le cheveux qu'elle tenait dans ses mains.

— Qu'est-ce que c'est ?

— Eh bien ça, Amarok, c'est la vérité qui va nous expliquer qui est à l'origine des fluctuations de la Nature ces derniers temps.

Elle réunit plusieurs plantes se trouvant dans sa pièce de sorcière, commençant la concoction d'une potion à base d'herbes et de choses plus organiques. Puis elle finit par l'ingrédient principal. Le cheveux. Celui-ci se consuma dans la potion qui changea immédiatement de couleur et d'odeur, allant jusqu'à devenir complètement liquide. Potion mélangeant des teintes entre le rose et le bleu, le cœur était violet, diffusant une odeur de lilas.

— Tu vas boire ça ? s'inquiétait Amarok qui, pourtant, semblait vouloir en goûter tant l'odeur avec une pointe de senteur sucrée était attirante.

— Cela me donnera l'identité du pactisant.

Alors elle but.

Ce genre de chose avait tendance à être répugnante, pourtant là c'était tout l'inverse. Et lorsque Lolita l'eut fini, elle voulut en boire encore.

— Merde, je crois que ma magie...

Oui, elle se sentait devenir plus puissante, ce qui allait jusqu'à lui permettre de voir et d'entendre des choses étranges. La nature parlait. Le langage des plantes était assourdissant. Elle entendait vraiment les plantes parler entre elles.

Elle s'est endormie.

Nous la protègerons.

Aucun mal ne lui sera fait.

Protégeons celle qui nous protège.

Brocéliande prendra soin d'elle.

Les paroles avaient un sens, mais elles se destinaient à plusieurs conversations différentes qu'elle ne parvenait pas à comprendre. Puis tout se tut.

— Je l'ai trouvé.

Alors elle fronça des sourcils, se demandant s'il y avait une erreur.

— De qui s'agit-il ? demanda Amarok.

Lolita ne répondit pas immédiatement, se précipitant d'abord sur son pendule pour le placer au-dessus d'une carte du monde.

— Indique-moi.

Et le résultat fut rapide. La pointe de son pendule s'était pointée violemment sur un domaine, transperçant sa table. Le loup s'approcha.

— Brocéliande.

— Et merde.

— Lolita, explique-moi.

— Les plantes parlaient d'une femme endormie à Brocéliande.

Il haussa un sourcil, ne comprenant surement pas pourquoi elle se mettait à parler de plantes.

— Pour que toutes les plantes se transmettent le message depuis la forêt de Brocéliande, Amarok, c'est qu'elle est forcément très importante pour la Nature. Mais ça n'a aucun sens...

— De qui s'agit-il, Lolita ? Qui est cette femme ?

— Lilith, la Reine des succubes.

Si cette démone avait passé un pacte pour disparaitre, que la femme qu'elle avait vu avec sa harpe était elle sous sa véritable identité et apparence, qui avait-elle été ? Et pourquoi Lolita avait le sentiment étrange de la connaitre ?

Elle n'avait pas le choix.

— Nous devons aller à Brocéliande.

— Lolita ?

— Elle s'y trouve.

— Oui mais si tu parles de la forêt enchantée qui est accessible par des passages magiques, je te rappelle qu'elle est immense et très dangereuse.

— Tu aurais peur d'un pauvre petit dragon, mon roi des Loups ?

— Oui, ne prend pas ses cracheurs de feu à la légère.

— Je te protègerai.

Il pesta, sachant qu'elle aurait toujours le dernier mot.

— La forêt est immense, comment la retrouveras-tu ?

— J'ai un contact là-bas.

— Qui donc ?

— Mais voyons, c'est évident.

Apparemment pas.

— Merlin l'Enchanteur.

***

Endormie depuis presque une semaine, Vivianne ne pensait pas que Lilith aurait de la visite si tôt. Et encore moins d'une sorcière qui n'en était pas vraiment une.

La rouquine buvait son thé, s'amusant avec Merlin à parler du bon vieux temps. Et blabla, Vivianne voulait juste étrangler ce chaudron maudit et le renvoyer au Dagda avec un petit message du genre « Oups, petit problème de ménage, j'ai cassé votre chaudron préféré ».

Elle inspira profondément. Avoir vécu aussi longtemps aux côtés de Lilith avait détint sur elle. Puis Lolita posa sa main sur celle de son druide. Ce fut le geste de trop pour la fée jalouse et possessive qui allait montrer à cette créature ce qu'il en coûtait de rendre furieuse la grande Vivianne qui avait réussi à enfermer Merlin durant des siècles juste pour l'empêcher de la fuir.

Et un bras s'enroula autour de sa taille, l'arrêtant alors qu'elle allait vers les deux amis.

— Amarok, lâche-moi.

— Je t'empêche de tuer ma sorcière.

— Tu ne m'en empêcheras pas longtemps.

Elle se tourna vers lui, prête à poser ses lèvres sur celle du loup jusqu'à ce qu'à nouveau son maléfice soit stoppé par une main posée contre sa bouche. Merlin l'attira ainsi à lui, elle remarqua la colère sur son visage malgré le grand sourire amical du bûcheron.

— Vivianne, qu'est-ce que tu comptais faire exactement ?

Il retira sa main et elle tenta de le frapper, histoire de défouler sa colère sur quelqu'un qui n'était pas innocent. Mais le druide, loin d'être stupide, se saisit des poignets de la fée qui lui faisait face.

— Dehors, ordonna-t-il aux deux invités avec cette même esquisse sur le visage.

Lolita lui souhaita bon courage avant de faire un tour dehors avec son loup. Peut-être iraient-ils voir Lili, comme convenu ?

— A nous deux.

— Tu n'es qu'un druide menteur !

— Je t'ai menti ?

— Tu fricotais avec une autre femme. Devant moi !

— Ce n'est pas moi qui était sur le point d'en embrasser un autre.

Il posa sa main autour de la gorge délicate de Vivianne, la rapprochant brusquement de lui pour lui voler un baiser.

— Même pour maudire un homme, tu n'es pas autorisée à offrir tes lèvres aussi librement, Vivianne.

— Et toi tu n'as pas à être aussi proche d'une autre femme !

— Tu es trop jalouse.

— Tais-toi !

Cette fois, ce fut à elle de prendre les devants, enlaçant et embrassant son druide avec une fougue qu'il appréciait. Après tout, ce genre de choses arrivait souvent. Vivianne était d'une jalousie maladive et Merlin d'un altruisme insatiable. Et pourtant, qui aurait cru que ces opposés seraient à l'origine de la passion éternelle entre deux êtres de la forêt ?

De leur côté, Lolita et Amarok observaient Lilith, presque stupidement alors que chacun entendait les bruits venant de l'intérieur de la maison. Si la situation était particulièrement difficile pour Amarok, un loup qui obéissait à ses instincts, Lolita était simplement amusée.

Néanmoins, elle était là en « mission ». Alors elle se pencha au-dessus de la belle démone endormie.

— Alors ?

— Si mes intentions étaient mauvaises, un cocon protecteur l'envelopperait tandis que les prédateurs rôdant autour nous dévoreraient.

Amarok fut étonné. Lolita avait raison, des prédateurs guettaient dans l'ombre.

— Pourquoi est-ce qu'elle ne se réveille pas ?

— Malédiction des bois dormants.

— Comme...La belle au bois dormant ?

— C'est vrai que celle-ci a fait du bruit. Une histoire d'âme sœur qui a mal tourné. Aurora, une fée liée à une dragonne. Mais à l'époque, les deux espèces étaient ennemis. Et les dragons étant de nature très possessive, aimant garder ce qu'ils aiment emprisonnés entre leurs griffes, la dragonne Malelfe a fait maudire Aurora. Toutes les nuits elle venait rendre visite à sa fée endormie. Un soir elle a trouvé un bandit voulant profiter du sommeil d'Aurora. Elle l'a tué. Pour défendre le sommeil paisible de la fée, des ronces se sont formées en barrière, allant jusqu'à empêcher Malelfe de revoir Aurora. Elle volait en dragon autour du palais de sa fée, faisant fuir les hommes venus pour délivrer la princesse de son sommeil éternel.

— Alors les histoires de dragons tenant des princesses prisonnières...

— Les humains ont du talent pour détourner des histoires à leur avantage. Malelfe a fini par succomber à la tentation, perdant presque l'esprit de ne plus pouvoir regarder sa fée. Elle a défié les ronces pour retrouver Aurora et lui offrir « un baiser d'amour sincère ». Autrement dit, le baiser d'un alter ego. Aujourd'hui les deux se sont mariées et elles vivent à quelques kilomètres d'ici, dans la forêt de Brocéliande. J'ai été à leur mariage il y a quelques siècles.

Amarok ne semblait pas en revenir. Mais le pauvre ne connaissait pas grand-chose des histoires de Brocéliande. Surement parce qu'il avait passé un certain temps à faire la guerre et ensuite pourchasser Lolita.

— Donc concernant Lilith, on ne peut pas la réveiller ?

— Non.

— Comment vas-tu l'interroger dans ce cas ?

— Très bonne question.

A laquelle elle n'avait malheureusement pas la réponse. Lilith plongée dans un sommeil profond duquel elle ne pourrait être extraite que par la voix ou le baiser de son Alter Ego, comprendre le lien entre la démone et les variations étranges de la Nature ces derniers allaient être difficile.

— Mais je pourrais toujours pénétrer dans son esprit, supposa Lolita qui n'avait pas vraiment envie d'en venir à cette possibilité.

Amarok enlaça son âme sœur par derrière, posant son menton sur son épaule. Lolita pencha sa tête contre la sienne, se laissant bercer dans cette étreinte.

— Ne fais pas ça, il y a toujours des effets secondaires lorsque tu entres dans l'esprit d'un autre.

— Confondre ma vie avec celle de Lilith, mélanger mes souvenirs avec les siens et d'autres choses tout aussi agréable. Mais contrairement à la plupart des personnes ayant fait cette expérience, moi j'aurai un majestueux loup à mes côtés pour me rappeler qui je suis à chaque fois que je douterais pour toujours.

— Ou bien tu peux attendre qu'elle se réveille.

Aussi. Et ce devait sans doute être la plus sage des décisions à prendre.

— D'accord.

Elle se tourna vers Amarok.

— Alors que faisons-nous en attendant ?

— J'ai ma petite idée, proposa Lolita en se plaçant sur la pointe des pieds pour atteindre son amant.

Mais le moment de tendresse fut bien vite interrompu par un son. Lolita s'écarta d'Amarok, les deux se regardèrent comme pour être certains que chacun entendait bien la même chose. Le bruit de trompette. Des êtres célestes brisaient la barrière séparant Brocéliande du monde des Hommes, créant une brèche. Et tombant du ciel, ce fut une armée d'anges dangereux qui apparut. Une armée de deux anges, ce qui n'était pas vraiment un bataillon au final. Mais l'identité de ces êtres asexués avait de quoi susciter la peur.

L'Archange Gabriel accouru aussitôt sur Lilith lorsque ses yeux se posèrent sur la créature endormie. L'autre individu, tout sourire, se pencha légèrement face à Lolita qui alla jusqu'à poser un genou à terre, son corps tremblant de terreur. Amarok s'inquiéta et grogna contre l'homme amical en apparence. Elle retint le loup en se saisissant de sa main.

— Il s'agit du Séraphin Sandalphon, Amarok. Tu ne feras pas le poids.

Sandalphon s'approcha de Lolita, lui prenant les deux mains pour l'aider à se lever.

— Ce devrait être à moi de m'agenouiller face à l'un des objets les plus sacrés des dieux. Toutes croyances confondues, vous avez su survivre parmi les légendes, devenir un symbole de puissance et de prospérité pour de nombreuses divinités. Vous portez de nombreux noms et il n'est pas un être de l'Univers ne connaissant au moins l'un d'entre eux.

— Et vous êtes Sandalphon. Même s'il est de très nombreux Hommes parmi les fidèles de votre Père qui ne connaissent pas votre nom, votre puissance ne puise pas dans leurs prières ni dans la lumière de votre Père. Vous êtes l'équivalent des dieux, les rumeurs vous faisant de vous un être capable de tuer une divinité.

Un rire discret échappa à l'ange qui se tourna vers son frère. L'Archange Gabriel, souvent comparer à un robot par l'absence d'émotion sur son visage, transpirait l'inquiétude. Les rumeurs n'étaient pas toujours vraies.

Il fusilla Lolita du regard.

— Que lui avez-vous fait ?

La colère dans les yeux du fou qu'il devenait, l'archange s'enveloppait d'une aura brillante et menaçante. La lumière effaçait ses pupilles et ses iris, tout devenait blanc. Son apparence elle-même semblait se modifier. Si la nuit les anges s'enveloppaient de blanc et de bleu, le jour il n'y avait que l'or pour les maquiller. Une épée apparaissait dans sa main, une flamme surgissant de la lame.

Sandalphon se plaça en obstacle. Il posa sa main sur l'épaule de Gabriel qui perdit tout ses attributs en un instant.

— Gabriel, elle n'est pas morte. Regarde. Elle dort.

— Elle dort, répéta Gabriel en se penchant au-dessus d'elle.

— Un sommeil éternel, une malédiction...

— La malédiction des bois dormant.

Les anges, loin d'être des ignorants, devaient également connaitre cette malédiction et le moyen de la conjurer.

— Nous devons trouver son Alter Ego, s'empressa d'ordonner Gabriel.

— Que tu es stupide parfois, Gabriel.

— Personne ne réveillera Lili, s'interposa alors Vivianne qui apparaissait drapée dans une couverture.

Merlin sortait en panique avec un jean pour seul vêtement. Apparemment, l'arrivée des anges les avait interrompu.

La fée, une épée en main, forçait Gabriel à s'éloigner. Et ce dernier, comprenant surement l'identité de l'objet, s'éloigna. Lolita en tant que Chaudron du Dagda pouvait le sentir, l'entendre et peut-être lui parler.

— Excalibur, devina Sandalphon.

— Qui penses-tu l'a confié à Arthur ?

— Caled ne t'appartient pas ! s'emporta Lolita qui reconnaissait un ancien ami.

— On me l'a confié. Son dieu. Et pour ceux ayant loupé quelques cours d'Histoire, cette épée peut tout trancher, même ta peau invincible d'ange de lumière, Gabriel.

— Sans son fourreau, tu es vulnérable, lui rappela alors l'ange.

— Devine ce qu'il y a sous ce drap. Dois-je le retirer ?

— Surtout pas, supplia Merlin.

La situation devenait vraiment bizarre. Lolita ne savait pas si elle devait rire ou paniquer.

— Que quelqu'un essaie de réveiller Lili et je lui trancherai la langue.

— Pourquoi ? Pourquoi veux-tu nous empêcher de la réveiller ?

— Elle est affamée, acheva Merlin en révélant la vérité.

Gabriel fronça les sourcils, se tournant vers le druide.

— Se nourrir des rêves ne lui suffit plus.

— Et coucher avec quelqu'un ne la rassasierait pas, continuait Vivianne.

— Comment cela est-il possible ?

— Quel enfoiré... C'est de ta faute !

Merlin supplia Vivianne de se calmer, ce qu'elle fit en détournant le regard, bras croisés autour de sa poitrine.

— Ma faute ?

— Elle s'affame toute seule parce que tu as brisé une promesse. Ou quelque chose dans le genre.

Vivianne doutait dans le sens où elle se souvenait des paroles de Lezia plus tôt mais qu'elle n'en avait pas encore comprit la signification.

— Et il n'y avait que toi pour l'aider à se rassasier. Mais bon, pour une fois que l'ange pervers pouvait faire quelque chose d'utile, ce dernier a préféré l'abandonner.

— Vous êtes les seules à être parties.

Ce qui n'était pas totalement faux mais très déplacés.

— Tu avais appelé tes petits emplumés, alors oui, on s'est barré pauvre tache.

L'ange fit une grimace, ne comprenant plus rien.

— Maudite fée, est-ce que tu te rends compte que ce que tu dis se contredit et n'a aucun sens ?

— Et alors ? Vivre avec Lili durant des siècles à de quoi te rendre dingue.

Se doutant que la discussion ne mènerait à rien, il attendit des réponses de la part de Merlin.

— Son Alter Ego est bien le seul à pouvoir la réveiller ?

— Oui. Tu dois simplement la réveiller en le lui demandant ou bien en l'embrassant. Mais pour éviter un procès avec une meute de féministe en furie qui n'attend que ça pour te pourrir, je te conseille de simplement lui parler.

— Mais tu viens de dire qu'il n'y avait que son Alter Ego qui le pouvait.

Merlin, étonné, regarda vers Sandalphon.

— Il est assez lent et le déni est son mécanisme de défense préféré pour ne pas affronter la réalité.

— Oh, je comprends mieux.

— Eh bien pas moi, continuait d'insister Gabriel.

Merlin inspira profondément, attrapant l'archange par les deux bras.

— Archange Gabriel.

— Oui.

— La sublime créature endormie dans son lit de plante...

Gabriel sembla retenir son souffle, s'attendant à une réponse que ne pouvait pas deviner Merlin.

— ....est ta flamme jumelle. Ton Alter Ego.

— Non.

— Désolé Sandalphon mais là ce n'est pas du déni, c'est de la stupidité, déclara Vivianne en levant les yeux au ciel.

— Non, vous ne comprenez pas, s'emporta alors Gabriel.

Il s'approcha de Lilith, Vivianne ne l'en empêcha pas alors même qu'il s'accroupissait près d'elle, se saisissant d'une mèche de ses cheveux blonds. Elle ressemblait à s'y méprendre avec Vivianne, c'était troublant et terrifiant. Mais l'odeur des deux femmes étaient très différentes, tout comme leurs âmes. Gabriel pourrait toujours reconnaitre Lilith grâce à ça, peu importe la forme qu'elle prendrait.

— Elle est une démone, elle ne peut pas être ma flamme jumelle.

— Et je suis un objet, intervint Lolita. Pourtant j'ai un loup pervertis pour âme sœur.

— Pervertis ? s'indigna Amarok.

— Oh pitié, un gars qui est attiré par une gamine est forcément pervers ou au moins détraqué.

— Pour ma défense, tu es plus vieille que moi. Et je ne t'aurais jamais touché en tant que gamine.

Tandis qu'ils se disputaient entre eux, Gabriel réfléchissait.

Ces derniers temps, il avait appris plus de choses sur Lilith que ces siècles derniers. Succube vierge se nourrissant des rêves de pervers, jeune femme non dénuée de sensibilité capable de détruire la vie par sa simple mort...

Une démone qui lui avait avoué son amour. Et si ce qu'elle lui avait déclaré était vrai ? Non, elle l'avait sauvé pour profiter de lui par la suite. Cette déclaration devait avoir ce même but.

— Vivianne, j'ai besoin d'une vérité.

— Demande toujours.

— Pourquoi Lilith m'a-t-elle sauvé lorsque Lucifer m'a transpercé de sa lame ?

— Ah ça, c'est un mystère. Je t'aurai laissé crever sur place.

— Vivianne.

— Imbécile, pour quelle autre raison si ce n'est qu'elle est stupidement amoureuse de toi ?

— Guérir ? s'interrogeait Lolita. Oh, oh, ça m'intéresse Vivianne. Et si nous retournions à l'intérieur pour en parler, proposa la femme en forçant un peu la main à la fée, Merlin et Amarok sur leur pas.

Il n'en fallut pas plus pour Gabriel qui s'empara de la main de Lilith, y déposant un doux baiser. Chacun retournait à l'intérieur.

— Vas-tu la réveiller ? demanda Sandalphon.

— Si elle et moi sommes vraiment...

Il s'arrêta, réfléchissant sans pour autant se sentir capable de se détacher du visage tentateur de Lilith. Il ne comprenait pas, il ne savait pas et cela le frustrait.

— Non, je ne vais pas la réveiller, déclara-t-il en se tournant vers son frère.

Sandalphon souriait, comprenant ce qui allait se passer.

— Souhaiterais-tu mon aide, Gabriel ?

— Veille seulement à ce que personne ne me fasse obstacle.

Gabriel ferma les yeux alors que Sandalphon s'envolait pour s'installer sur la branche d'un arbre. Il allait surveiller. L'instant d'après, vouant une confiance obligée à son frère, Gabriel disparu du monde réel pour pénétrer dans un domaine bien plus instable et abstrait. Un monde de rêve.

Et il fit face à une réalité effroyable. Lilith avait raison.

— Qui es-tu ? murmura-t-il.

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