Chapitre 17
Pas de Paradis ni de jardin solitaire. Mais avec les derniers évènements, les vacances avaient dû être écourtées.
— Tu sais comment va finir toute cette histoire, n'est-ce pas ?
Installée sur un banc à observer de jolies fleurs bourgeonner, mes doigts se joignirent pour se poser sur mon genou replié. Lucifer observait son jardin taillé à la française, presque silencieusement. Dans sa demeure terrestre, il ne m'imposait que des évidences mais sans doute bientôt me livrerait-il des remarques bien peu désirées ?
— L'Apocalypse... A quel moment t'es-tu dit qu'il s'agissait d'une bonne idée ?
— J'ai le Paradis à mes trousses, un harceleur d'humain me traque, un dieu de la Mort m'a lu mon destin fatal, une prophétie confirme mon décès prochain et pour finir l'une de mes sœurs souhaite m'embarquer dans un voyage pré-apocalyptique où elle exploserait des têtes avec son nouveau bazooka magique pendant que je serai chargée de tortures des criminels encore vivants. La vraie question à se poser est plutôt de savoir pourquoi je n'ai pas brisé le premier sceau plus tôt.
Et ensemble, à l'unisson, nous nous mîmes à soupirer avant de lever la face vers le ciel.
— Mikhael souhaiterait encore te tuer. Tu peux l'ajouter à ta liste de danger imminent.
Nouveau soupire, s'accompagnant d'un cri alors qu'au loin on pouvait voir Dracula fuir, poursuivit par une folle aux cheveux rouges et au regard pétillant de bonheur. Elle brandissait dans ses mains des armes multiples, un sourire carnassier sur le visage tout en chassant le pauvre vampire chargé de surveiller la demeure de Lucifer en son absence.
— Ne t'enfui pas le chauve !
— Je ne suis pas chauve.
— C'est un raccourcie pour chauve-souris ! Maintenant laisse-toi faire !
Et de nouveau, le pauvre Dracula prit la fuite.
— Ta sœur est vraiment folle.
— Elle a été séquestrée, violée et humiliée durant des siècles par une organisation humaine luttant contre les monstres. Elle a eu des enfants durant ce temps. Ils les brûlaient vifs devant elle avant leur trois ans. Juste assez vieux pour qu'elle ait eu le temps de s'y attacher et que l'enfant puisse avoir conscience de la douleur au moment de sa mort. Elle a également dû consommer un volume astronomique de stupéfiants et de drogues dont tu ne dois même connaitre tous les noms. Evidemment, ça laisse des séquelles.
— Que sont devenus ces chasseurs ?
— Elle les a cramé.
A deux nous observions cette course-poursuite entre Dracula devenu la proie d'une femme voulant lui arracher les dents pour recueillir le poison afin de le contaminer de ce dernier. Ça et sans doute lui arracher les ailes pour s'en faire un déguisement de vampire.
— Elle semble aller parfaitement bien.
— Si ton serviteur fui encore longtemps, soit elle se lassera, soit...
Je n'eu pas le temps de terminer ma phrase que déjà Shany choisissait l'option numéro deux. A savoir brandir son bazooka et tirer dans le jardin droit sur Dracula.
— Avec tout ça, je vais attirer la police humaine.
— Fais-la boire jusqu'à ce qu'elle s'évanouisse.
— Tu sais ce que ça va impliquer.
— Ne t'en fais pas, elle est déjà alcoolique.
— Je ne parlais pas de ta sœur.
Nul besoin de regarder Lucifer pour deviner qu'en cet instant ses yeux s'étaient posés sur moi. Il revenait à notre discussion initiale. Moi et l'Apocalypse.
— L'Apocalypse peut durer des années, voire des siècles.
— Tout comme elle peut durer une petite semaine. Et la finalité reste la même.
La prophétie ne changerait pas, parce qu'une prophétie ne changeait jamais.
— Tu n'as pas à t'inquiéter. L'Apocalypse est une arme pour me défendre d'Adam. Et si à la fin il parvient à m'atteindre... Disons que j'ai aussi un plan.
— Tu ne le feras pas.
— Adam doit aussi en être persuadé. Mais Anubis est plus confiant.
Il opina de la tête puis fini par se taire. Même Shany avait cessé de poursuivre Dracula. Ce dernier pouvait retourner à ses occupations de majordome.
Alors une main se posa sur mon épaule. Gabriel.
— Peut-on parler ?
Il eut un regard de mise en garder envers son frère dont l'attention se portait seulement sur les fleurs, et sur ces jolies petites violettes fleurissant sauvagement de-ci de-là pour désordonner l'harmonie du style français du jardin.
J'accompagnais l'archange sans broncher, espérant éviter un nouveau combat. Shany se serait sans doute jointe à la bagarre, et personne ne voulait ça.
Une fois à l'intérieur, Gabriel alluma la télé. Les chaines d'infos présentaient en masse des conflits diverses, isolés pour l'esprit peu renseigné. Mais pour nous, une signature se posait à ces actes sans rapport. Guerre avait commencé à s'amuser.
L'archange éteignit. Il posa ses mains à plat sur le table du salon.
— Si tu n'étais pas partie, si tu étais restée au jardin...
— Avec des si...
— Lily ! gronda-t-il avant de faire volte-face pour me tourner le dos. Tu étais en sécurité. L'Apocalypse ne menaçait pas l'humanité. Maintenant non seulement Adam t'a retrouvé mais en plus tu as condamné le monde dans ta chute !
Les mots étaient durs, très durs. Suffisamment pour que quelque chose se brise en moi.
— Tu aurais dû savoir que je ne resterai pas.
D'un geste soudain et rapide, il balaya de son bras la table et les affaires posées dessus. Tous les objets volèrent en éclat. Gabriel, habituellement calme, explosait dans la colère et la fureur.
— Pourquoi est-ce que tu continues à me fuir alors même que je peux te protéger ?
— Dans ton paradis froid et sans vie ? Dans ce lieu où ma famille s'est brisée à la mort de ma sœur ainée ? Ce même paradis où Adam a tout détruit ?
Il gronda, me tournant un instant le dos.
— Nous nous sommes rencontrés au Paradis. Le jardin d'Eden nous a réuni.
Sans doute avait-il raison ? Pour autant, lorsque je pensais au Paradis, ce n'était pas ces moments au bord de l'eau, sous un saule pleureur qui me venait à l'esprit. Ni ces jeux idiots de deux amoureux dans la forêt. Pas même ces moments aérien pour mes ailes et les siennes unies au-dessus des nuages tentaient stupidement de s'effleurer. Mes souvenirs se centraient sur un seul visage. Celui d'Adam. Adam et ses harcèlements. Adam et son amour toxique. Adam et son regard si terrifiant... Juste Adam.
— Mais merde à la fin ! craqua-t-il à nouveau. Tu vas mourir Lily ! Comment peux-tu y être aussi indifférente ? Réagis !
Il frappa des poings sur la pauvre table. Elle se brisa aussi facilement que s'il avait s'agit de porcelaine.
— Lily, c'est la mort que la prophétie te destine ! La mort !
— Je sais !
— Alors pourquoi m'empêches-tu de t'en protéger ? Suis-je donc le seul de nous deux à te vouloir en vie ?
— Mais j'ai peur moi aussi !
Il se pétrifia, son regard tout d'abord surprit se détendit. Je craquais, je pleurais et je tremblais. Tant d'effort à cacher mes propres ressentis, à chercher un moyen de contourner la réalité pour ne pas faire face à sa fatalité. Tout ça pour que Gabriel, dans son obsession, balaye mon déni d'un coup d'aile.
— Je ne vais pas bien, Gabriel. Tu n'es pas le seul à te battre. Mais pendant que tu cherches à sauver mon corps, moi je me bats pour sauver mon âme !
Les larmes brouillaient ma vue, je ne fis pas l'effort de les écarter.
— Je ne vais pas bien...
La répétition acheva la conversation sur une note pesante de vérité. En cet instant, je prenais pleinement conscience du problème et de l'éminence de mon destin. J'allais mourir et je ne pourrai rien faire que d'ouvrir les bras à l'inévitable.
Il contourna les débris de la table, s'approchant pour m'ouvrir ses bras. Durant tout ce temps, à nous tourner autour sans jamais vraiment nous effleurer, il avait fallu que je pleure pour qu'enfin se face ressentir ce lien si particulier qui nous destinait à une union parfaite. Il avait fallu attendre l'Apocalypse pour nos êtres se synchronisent.
— Je suis fatiguée. Fatiguée de fuir et d'avoir peur. Je l'ai fait durant des siècles. La pacte de Lucifer m'a protégé mais ne m'a pas fait me sentir en sécurité.
— Tu n'auras pas à fuir, Lily. Plus jamais.
Il s'empara de mon visage, le levant vers le sien. Je n'avais jamais rien vu d'aussi beau de toute ma vie. Le sourire de Gabriel, confiant et rassurant.
— Je voulais te l'annoncer au Paradis mais tu l'as déserté avant de m'en donner le temps.
Mon cœur loupa un battement, appréhendant son annonce.
— J'ai découvert un moyen de contourner la prophétie.
***
Être en vie, c'était bien. Super bien même. Le seul problème se trouvait le moyen de le rester. Et si ce que Gabriel me proposait était une solution parfaite, il restait un tout petit problème : j'avais été une garce durant pas mal de temps.
Le baiser d'une Dame des neiges était le possible remède à ma mort, un moyen parfait de la contourner. Encore fallait-il que les dames des neiges aient eu envie de m'aider. J'avais un peu menacé la vie de leur princesse, de la ville du chef de leur clan. Pour Gabriel, il n'y avait aucun soucis. Claes était la flamme jumelle de celle-là même que j'avais menacé. Excepté que les deux étaient frères. En quelque sorte. Il faisait don l'hypothèse que ce lien lui permettrait d'avoir le soutien du seul capable de faire changer d'avis à Yuki, la plus puissante des Yuki-nyobo. Et pour combattre une prophétie, il fallait au moins la descendance bâtarde d'un dieu.
Raison pour laquelle nous nous trouvions ici en ce moment-même.
Le territoire du clan des yuki-nyobo, les dames des neiges, se trouvait en montagne, là où les neiges étaient éternelles et sans cesse entretenues pas ces femmes au cœur gelé.
Il y faisait froid, chose à laquelle j'étais peu habituée depuis l'Enfer mais qui ne me dérangeait pas tant que ça. Pas avec ma super doudoune de type sac poubelle ! Elle était moche mais elle tenait bien chaud.
Aussi, après avoir gravis la montagne, s'être perdus dans diverses tempêtes destinées à nous perdre, nous sortions enfin de la forêt. Face à nous se présentait le village du clan de ces dames frigides. Mais quelque chose semblait différent.
Ma main se posa contre ma poitrine alors que je me tournais vers le ciel. Et je compris.
— Gabriel, nous avons un problème.
— Que se passe-t-il ?
— Ne le sens-tu pas ?
Apparemment non.
— Adam a préféré s'occuper du deuxième ingrédient.
Aussitôt, mes ailes se déployèrent dans une lueur qui n'avait rien de physique. Et je m'envolais, ce qui sembla lui déplaire mais il me suivit.
Après un vol précipité, j'arrivais au domaine de la catastrophe. Un homme était à genoux, comme paralysé. En nous voyant atterrir devant lui, Amarok leva les yeux pour se lever et venir me saisir par les deux bras. Avant même que Gabriel ne tente quoi que ce soit, le loup s'effondra à nouveau.
— Il me la prise... Je n'ai rien pu faire.
— Amarok, tu n'aurais rien pu faire.
Adam détenait déjà le pouvoir de ma sœur Eden, alors bien sûr qu'un loup-garou, même roi, ne pourrait rien face à lui.
Gabriel fronçait les sourcils.
— Pour que le sort de Adam fonctionne, il lui faut trois choses. Un pouvoir premier, un attribut et une légitimité cosmique. Il a eu le pouvoir premier de ma sœur. En activant l'Apocalypse, il n'a pas eu l'occasion de prendre la légitimité cosmique que j'aurai pu lui offrir. Alors il a décidé de prendre un attribut. Et quoi de mieux que l'objet le plus convoité de tous les dieux peuplant le monde ?
Le Calice. Lolita avait été prise. Je l'avais senti dans ma chair pour la seule raison qu'elle avait dû comprendre le but d'Adam et m'avait envoyé un signal. Elle était aussi une sorte de sorcière, après tout.
Amarok se releva, persuadé que j'étais la solution au problème.
— Tu dois avoir un plan, tu en as toujours un pour tes sales tours.
— Oui, et je te rappelle qu'aucun n'a fonctionné.
Mais il n'avait pas totalement tort. J'avais bien un plan. Il ne plairait pas à Gabriel, mais il s'agissait de mon seul moyen de combattre cet homme.
— N'y pense même pas, m'arrêta Gabriel avant même que je n'ai pu prononcer ma pensée.
— Gabriel...
— Non, je refuse de mettre ta vie en danger.
Amarok ne comprenait pas mais semblait tout de même être d'accord avec l'archange. Sans doute un accord entre deux hommes connaissant le privilège de pouvoir vivre avec son Alter Ego.
Mais ma décision était prise.
— Nous allons utiliser l'Apocalypse.
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