Chapitre 4


Claes avait envie d'hurler, de tout détruire autour de lui. Pourquoi ? Mais tout simplement parce qu'il était à bout. Yuki le rendait fou.

Cela faisait à peine quelques heures qu'ils s'étaient installés dans une maison d'un village japonais quelconque. Et pourtant la seule chose qu'avait fait Yuki en arrivant c'était de partir pour aller « visiter les environs ». Mais surtout, et elle avait bien insisté là-dessus, visiter la ville « toute seule ».

Claes s'effondra sur le canapé du salon, regardant le plafond exténué. Deux bras vinrent se glisser sur ses épaules, autour de lui :

-Tu m'as l'air bien énervé, Claes, murmura Lola au creux de son oreille.

Claes grogna pour la mettre en garde :

-Et si nous partions chasser ?

-Elle pourrait revenir d'un moment à l'autre.

-Arrête, je sais que tu en as envie au moins autant que moi.

Elle avait raison. Claes avait envie de chasser. Il en avait besoin.

Se levant, il attrapa sa veste en pointant un doigt menaçant vers Lola :

-Très bien, mais pas longtemps. Il faut que nous soyons revenus avant Yuki.

Il ne voulait pas que son alter ego s'inquiète lorsqu'elle verrait qu'ils étaient partis tous les deux. Il grimaça en pensant que peut-être que cela ne lui ferrait ni chaud ni froid.

Comment pouvait faire cette femme pour le rejeter autant ? Lui-même ni arriverait pas, même s'il en aurait eu envie. Et cela n'était pas le cas, il ne voulait pas la rejeter. Elle était la créature la plus mystérieuse et la plus magnifique qu'il avait rencontré jusqu'à présent. Il ne voulait pas s'en séparer, malgré que celle-ci pensait visiblement le contraire.


***


Continuant de marcher, je regardais avec attention ce qui m'entourait. Les humains étaient tellement étranges, mais aussi très intéressants. Ils semblaient si différents de nous, les yokai. Ils vivaient leur vie sans véritablement croire en leur existence. Certains y croyaient mais rares étaient ceux qui pouvaient les voir véritablement.

Pour donner un exemple, un esprit était à côté d'une femme près d'une supérette. Mais personne ne le voyait, excepté moi.

Il fut un temps où une bonne partie des humains pouvaient nous voir, mais ce temps était révolu depuis que la population avait cessé de croire en nous.

Continuant de marcher, je m'arrêtais devant des escaliers, comme attirée par une puissance. Regardant vers les escaliers, je me penchais respectueusement en avant pour saluer le temple qui se trouvait en haut de ces mêmes escaliers, puis je continuais mon chemin. Il fallait se montrer respectueux envers les divinités.

Arrivant au niveau d'une supérette, mon regard croisa celui d'un couple de jeunes personnes. Ils semblaient si heureux ensemble.

Je n'arrivais pas à ressentir ce genre de sentiment. Je n'arrivais pas à apprécier les gens de cette façon. Cela m'était tout simplement impossible. Peut-être était-ce pour cela que je regardais ce couple avec si peu de discrétion ?

Soudain mon cœur bondit dans ma poitrine dans un bruit qui brisait mes tympans. Un deuxième bond me força à m'arrêter alors que ma tête semblait être mise sous pression. Je m'approchais d'un mur pour me soutenir alors que mes pas se faisaient lourds.

Ma vue commença à se troubler, prenant des nuances de rouges. Ma vision devenait différente et je compris.

M'adossant au mur, je tentais de me calmer.

J'avais entendu parler de ce genre de comportement par le passé. Cela arrivait parfois aux femmes des neiges de mon village lorsqu'elles commençaient à ressentir des émotions. Je ne savais pas vraiment ce qui leur arrivait, je savais juste qu'elles avaient ce genre de symptômes.

Puis, comme si cela n'était jamais arrivé, tout s'arrêta.

Alors je soupirais et repris calmement mon chemin.

Tuer, je veux tuer...

Une explosion dans ma tête...Un flash apparu devant moi alors que ma tête semblait exploser. Je m'effondrais, sombrant dans un profond sommeil.


***


Alors que l'homme hurlait de douleur, à la grande satisfaction de Claes, l'ange vengeur retira brutalement sa main de la poitrine de l'humain, arrachant au passage son cœur.

Lola applaudit, émerveillée :

-Trois exécutions de suite. Avoue que cela t'avait manqué Claes.

Il ne voulait pas l'avouer mais oui, cela lui avait manqué. Claes aimait traquer les criminels et les pécheurs. Il aimait les voir courir pour sauver leur vie. Et surtout, il aimait les attraper. Voir la vie quitter leur regard était une expérience extraordinaire. C'était comme satisfaire une soif insatiable. Une soif de vengeance et de violence.

Mais soudain Claes lâcha le cœur encore dans sa main, regardant dans le vide. Quelque chose n'allait pas. Son instinct lui criait de partir, et maintenant :

-Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Lola.

Claes se tourna vers elle, paniqué :

-Yuki a des ennuis.

Alors il courut, disparaissant dans ses flammes pour se téléporter au Japon, dans la maison où il devait se cacher et protéger Yuki. Mais elle n'était pas là.

Sortant dehors, il continua sa course dans toutes les rues. Et enfin il la trouva.

Elle était au sol, entourée de plusieurs humains qui semblaient inquiet. Et Claes courut vers elle :

-Que s'est-il passé ? demanda-t-il en regardant ces humains.

-Nous ne savons pas. Elle s'est soudainement effondrée.

Claes la souleva dans ses bras :

-Il est inutile d'appeler une ambulance, expliqua-t-il avant d'emmener Yuki avec lui.


***


Une douce odeur, une apaisante chaleur. Comme un calme après la tempête, je me sentais rassurée, en sécurité. Ce genre de sentiment n'avait jamais véritablement eu d'importance jusqu'à présent. Pourtant en ce moment même j'avais l'impression que cela était la chose la plus précieuse qui avait jamais existé.

Ouvrant les yeux, je m'aperçus que j'étais allongée dans un lit. Apparemment j'étais dans la maison qui me servait de « prison ». Alors tout avait été un rêve ? Le fait que je me sente soudainement oppressée, puis que je m'évanouisse dans la rue n'avait été qu'un cauchemar ?

-Ah, tu es enfin réveillée.

Mon regard se dirigea vers la personne qui venait de me parler. Il était un bel homme aux cheveux étranges. Ses yeux semblaient flamboyer de mille feux, me donnant l'impression de me brûler. Mon corps trembla alors qu'une bouffée de chaleur s'emparait de moi.

Levant la main vers cette splendide créature, je me sentis fondre lorsque mes doigts glacés touchèrent sa brûlante peau. C'est alors que je compris que tout ceci n'était pas normal.

Retirant ma main, je voulus me retirer de Claes. Mais celui-ci se saisit de mon poignet, me regardant droit dans les yeux :

-Ne me fuis pas...

Il semblait tel un enfant abandonné, ce qui fit serrer mon cœur dans ma poitrine :

-Que fais-tu dans ma chambre ? détournais-je habilement la conversation.

-En vérité tu es dans ma chambre. Tu t'es évanouie dans la rue et je t'ai ramené, tu t'en souviens ?

Donc ce n'avait pas été un rêve.

Me levant du lit, je mis ma main dans la poche de Claes, qui sursauta. Je sortis un portable et commença à partir avec lorsque Claes prit la mauvaise décision de vouloir le reprendre. Alors que sa main se posa sur ma peau, je lui transmis autant de froideur que je le pus et Claes s'effondra au sol. Le pauvre tremblait comme une feuille mais je n'avais ni l'envie ni le temps de l'aider. Je me contentais d'allumer le portable et de composer un numéro bien précis.

Alors que le portable téléphonait, j'entendis que la personne décrochait à l'autre bout du fil :

-« Moshi Moshi ? », entendais-je au téléphone.

Je reconnu la voix de l'une des femmes des neiges de mon village :

-C'est Yuki Hime, passe-moi Fubuki. C'est très important.

Alors que j'entendais que la dame des neiges offrait le téléphone à une autre personne, je me tournais vers Claes, prise de pitié. Il me foudroyait du regard, furieux. Je ne pris même pas la peine de culpabiliser :

-« Yuki ? Qu'est-ce qui se passe ? », me demanda la voix de Fubuki.

-J'ai vu rouge.

Il y eut un silence pesant alors que je venais d'annoncer ce que j'avais vécu quelques heures plus tôt :

-« Yuki, je t'envoie Miyuki. Entre temps tu ne bouges surtout pas de ta maison. »

Et elle raccrocha.

Baissant le portable, qui était toujours contre ma joue, je le tendis vers Claes pour le lui rendre. Mais celui-ci ne bougea pas, toujours frigorifié au sol. Alors, m'installant à genoux devant lui, je fermais les yeux pour me concentrer. Inspirant calmement, j'entrepris d'attirer à moi la froideur qui emprisonnait le corps de Claes. C'était une chose délicate à faire puisque si j'aspirais à moi toute la froideur que j'avais imposé à cet ange vengeur, celui-ci pourrait en mourir. Il devait se réchauffer petit à petit, ce ne devait pas se faire dans la brusquerie mais dans la délicatesse.

Et alors que je sentais son corps reprendre de la force, je coupais le lien, me relevant. Celui-ci en fit de même. Alors je lui tendis son portable de mes deux mains avant de repartir :

-Attends.

L'homme m'attrapa par la main, m'obligeant à me retourner :

-Que se passe-t-il ? me demanda-t-il.

-Tu le sauras bien assez tôt.

L'obligeant à se détacher de moi, je repartis, le laissant planté là sans réponse. Cela n'avait pas la moindre importance. Il représentait le seul être à pouvoir être capable de perturber l'harmonie qui régnait en moi. Je ne devais pas l'approcher, sous aucun prétexte.

Descendant jusqu'à l'entrée, j'enfilais mes chaussures et sortie. Fubuki me l'avait interdit mais ce ne serait pas la première fois que je lui désobéirais.


***


Claes s'adossa au mur, cachant son visage dans ses mains. La situation allait de pire en pire. Lorsqu'il tentait de se rapprocher de Yuki, celle-ci ne se contentait pas de simplement le fuir. Elle le rejetait entièrement. Elle ne voulait même pas essayer de savoir qui il était, elle ne tentait pas d'en connaitre davantage sur lui. Elle le rejetait pour ce qu'il était, pour qui il était.

Soudain le portable de Claes vibra et celui-ci décrocha :

-« Hime-sama, je serais là dans quelques minutes alors tenez le coup. »

Claes reconnu la voix de Miyuki, la renarde :

-Yuki est sortis, expliqua-t-il d'une voix trop sèche à son goût.

-« SORTIE !? »

Miyuki hurla tellement fort dans l'appareil que Claes dû éloigner le portable de son oreille. Mais que lui prenait-il d'être aussi paniquée ? Certes, Yuki serait soi-disant une cible pour d'autres yokai dans peu de temps mais ce n'était pas en errant autour de la maison qu'elle allait se faire attaquer :

-« Ramène-la immédiatement ! », ordonna la renarde.

-Elle est une adulte, je n'ai pas à l'obliger à quoique ce soit.

-« Tu ne comprends vraiment rien. Les Yuki-onna ne sont pas connues pour leur bonté d'âme, imbécile. Si tu te renseignais un peu plus sur les légendes japonaises, tu saurais qu'elles sont redoutées pour leur cruauté. Elles peuvent provoquer des blizzards pour perdre des hommes et les faire mourir de froid. Elles peuvent même vouloir les dévorer dans les plus sombres légendes. »

-Yuki n'est pas comme ça.

-« Pourquoi ? Parce qu'elle est ton Alter Ego ? Arrête de rêver. Son instinct de prédatrice s'est réveillé à cause de toi. Ta venue a provoqué l'éveil de ses émotions, même les plus sombres. Et elle ne se maîtrisera pas très longtemps. Si elle commence à se penser en danger ou bien qu'elle se sent perdue ou seule, je ne donne pas cher de la vie des hommes qui pourraient l'entourer. Et lorsqu'elle se rendra compte du mal qu'elle a fait sans le vouloir, elle sera totalement anéantie, tu peux en être certain. »

Le sang de Claes ne fit qu'un tour à la simple pensée d'imaginer Yuki dans un tel état de détresse :

-« Yuki peut paraître froide au premier abord, mais en vérité elle est très fragile et naïve. Elle est si innocente et gentille qu'un simple événement de travers dans sa vie pourrait la détruire. Alors va la chercher maintenant avant que le pire n'arrive. »


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