Chapitre 5.
À mon réveil, ma tête est lourde. Un café. Il me faut un café. Je me retire des couvertures et enfile mon peignoir pilou afin de me sentir à l'aise. Avec notre métabolisme de loup-garou, nous sommes plus résistants au froid mais ça n'empêche que nous aimons nous sentir au chaud. À moins que je ne sois l'exception à la règle. Je descends jusqu'à la cuisine, de laquelle s'échappe une douce odeur de café, j'entre dans la pièce et y vois Nathalie, occupée à préparer le petit-déjeuner.
— Bonjour Nathalie !
— Oh tu m'as fait peur ! elle sursaute et se tourne vers moi, une main sur le cœur. Je ne t'ai pas entendu arriver, vous, les loups-garous, êtes tellement discrets dans vos déplacements...
Elle me tutoie ? Vous, les loups-garous ?
— Vous êtes une humaine ? je l'interroge, surprise.
— Tutoyons-nous s'il te plaît ! Je ne suis pas si vieille. Et oui, je suis humaine. J'ai commencé à travailler pour la famille de Damien lorsque je me suis faite attaquer par un loup solitaire. C'est Killian, son père, qui m'a trouvé dans la forêt. Lorsqu'il a vu l'état dans lequel j'étais, il m'a emmené en urgence ici et m'a soigné. Il n'avait pas tenu compte de mon humanité, tout ce qui lui importait été que je sois sauve.
— Mais, comment se fait-il que vous, tu, je me reprends, sois encore ici ? Normalement, un humain n'a pas le droit de rester dans une meute, pour la sécurité de l'espèce.
— Je sais, me sourit-elle tristement. Killian m'a caché pendant plusieurs années et un jour, l'ancien Bêta de Killian, Simon, a confié au Conseil des Alphas que Killian me gardait ici. Il a eu droit à de sévères remontrances par les autres Alphas de l'époque, il s'est défendu bec et ongles pour que je reste parmi eux. C'était un très bon Alpha, avant la mort de Judith, sa femme. Il a réussi à m'obtenir le droit de rester vivre avec eux, à la seule condition que j'y reste jusqu'à la fin de mes jours. Oh je ne m'en plains pas, me dit-elle en voyant ma mine surprise, au contraire je suis heureuse de vivre ici ! Et puis, je n'avais aucun contact avec les membres de ma famille.
— Et tu n'as jamais été tentée d'avoir des nouvelles d'eux ?
Je ne suis ici que depuis hier et pourtant, j'ai l'impression d'être partie il y a des siècles. Nathalie me sourit tristement, les yeux légèrement embués.
— Si... Tout le temps. J'ai toujours cherché à avoir des nouvelles de mon fils, mon petit garçon que j'ai dû abandonner à la naissance, me raconte-t-elle la gorge serrée. Grâce à Judith et Killian, je sais qu'il s'appelle Mathieu, il a vingt ans aujourd'hui et est devenu un jeune homme fantastique. Il fait partie d'une famille aimante, plutôt aisée. Je suis heureuse pour lui.
L'émotion me gagne et je la prends dans mes bras, pour lui montrer ma compassion. Quelle triste histoire... Même si je me demande pourquoi elle a dû l'abandonner, je vois tout l'amour qu'elle porte pour son fils qu'elle n'a pas pu voir grandir. Elle se reprend quelques minutes plus tard et me sers gaiement une tasse de café encore fumante. Je mange quelques fruits et viennoiseries, Damien entre dans la pièce et s'installe. Nous nous saluons froidement, je quitte la cuisine après avoir déjeuné et ne me retourne pas lorsqu'il m'a demandé si j'ai passé une bonne nuit. Je ne veux pas lui parler. Son comportement d'hier me reste encore en travers de la gorge. Je ne lui appartiens pas, et hier il a agi comme si c'était le cas. J'ai horreur de ça !
Je prends un bain dans lequel j'y ai ajouté un peu de sel de bain pour me détendre et laisse mon esprit vagabonder. Je pense à Jérémy, à son baiser. J'ai encore la sensation de ses lèvres sur les miennes... Est-ce que je l'aime encore ? Je pense. Mes sentiments pour lui sont très flous, je tiens à lui comme s'il s'agissait d'un frère, et je le trouve très attirant. Est-ce simplement une attirance physique ?
— Argh ! je râle dans mon bain. Pourquoi tout est si compliqué ?!
Mon portable se met à sonner, coupant court à mes pensées. Je décroche, le sourire aux lèvres.
— Bonjour Maman !
— Bonjour ma chérie, comment vas-tu ? Comment c'est là-bas ? Il se comporte bien avec toi ?
— Je vais bien, je crois... Il a une maison à couper le souffle, tu verrais ça ! Si je pouvais construire ma propre maison, je ne l'imaginerais pas autrement.
— Bon, il a une belle maison c'est déjà ça ! elle rit. Comment est-il ? Il est gentil ?
— Il est galant, gentil mais il agit comme si je lui appartenais, je lui explique en repensant à hier. Je l'ai entendu discuter avec son Bêta, il en veut à Jérémy. Si je n'étais pas intervenue hier, il l'aurait très certainement tué. Il pensait que Jérémy était venu m'arracher à lui. Si tu avais entendu sa voix maman... Jamais encore je n'ai entendu quelqu'un me parler sur ce ton.
— C'est un Alpha chérie, tu sais combien leur égo est important, elle soupire. Tu n'as pas à t'inquiéter pour Jérémy, ton père a demandé à tes amis et à son Bêta de le surveiller de près. Connaissant votre passé à tous les deux, il a peur qu'il ne tente quelque chose, me confie-t-elle. Et il est préférable que Damien ne soit pas au courant non plus.
J'acquiesce et lui explique ce que j'ai vécu en deux jours, elle a été très touchée par l'histoire de Nathalie puis m'a passé mon père. Il m'a expliqué qu'il était un jeune Alpha à cette époque et qu'il était contre la décision du Conseil. Pour lui, elle devait garder le choix de partir ou non, mais à la condition de conserver le secret de notre existence. D'après ses souvenirs, elle a dit que personne ne l'attendait dans le monde des humaines, et que restait ici serait beaucoup mieux pour elle. Je repense à son fils perdu, mon cœur se serre. Nous parlons encore un bon moment avant de raccrocher. Je sors de la baignoire et me regarde dans le miroir. Mon visage est plutôt banal, de longs cheveux bruns et bouclés, des grands yeux verts, des lèvres pâles et fines et un petit nez trompette. Ma mère m'a dit que lorsque je souris ou que je ris, des fossettes apparaissent sur mes joues. J'ai aussi de légères tâches de rousseurs, qui grâce à ma peau légèrement halée que je dois à mon père, sont camouflées. Je me trouve plutôt jolie. Je m'habille et descend pour aller faire un tour dans l'immense jardin derrière la maison.
L'odeur des fleurs est exquise, très parfumée mais légère. Je respire l'air frais à pleins poumons et souris, apaisée. Discuter avec mes parents m'a fait le plus grand bien, je me sens prête à vivre pendant deux mois ici, et à montrer à Damien que je ne suis pas du genre à me laisser faire. Il veut que je succombe à son charme ? Très bien, je vais le laisser faire. Il faut bien que je lui laisse sa chance. Cependant, je vais faire tout mon possible pour lui compliquer la tâche.
— Emilie ?
Je souris en coin et me retourne vers Damien. Il me regarde avec hésitation, geste qui trahi son stress. Quel signe du destin ! Je décide de lui laisser sa chance, et il apparaît à nouveau.
— J'aime les hommes qui ont de l'autorité, qui dégagent quelque chose de spécial. Mais j'ai horreur de ceux qui se croient tout permis et qui prennent tout pour acquis à cause de leur position hiérarchique. Tu souhaites que je devienne la femme Alpha de ta meute, alors que je suis destinée à diriger celle de mon père plus tard. Je vais te laisser me séduire, si tu y parviens alors nos deux meutes seront scellées à jamais. Mais tu n'auras droit qu'à une seule chance.
Je suis fière de moi. Ma voix n'a pas flanché une seule fois, j'ai réussi à me montrer autoritaire et ferme. Comme un Alpha. Damien me fixe, surpris et un brin soulagé, puisqu'il ne sert plus des poings. Il me sourit, hoche de la tête en signe d'acquiescement et avance vers moi.
— Quel caractère mademoiselle ! Je te présente mes excuses pour hier, je me suis mal comporté. C'est juste que... Ne ressens-tu pas quelque chose pour moi ? Une quelconque attirance ?
— Pas pour le moment. Pourquoi ?
Son regard doux devient plus glacial, apparemment ma réponse ne lui plaît pas.
— Parce que quand je te regarde, je peux m'empêcher de me dire à quel point tu es magnifique. Je n'arrête pas de me demander quel goût ont tes lèvres, comment ta peau à l'apparence si douce réagirait à mon contact... Il me montre son poignet, et en voyant la marque je sens ma peau devenir blanche. Tu es mon âme-sœur Emilie. Alors je suis obligé de te poser une seconde fois la question. Ne ressens-tu pas quelque chose pour moi ?
Je le regarde, complètement hagarde. Ce n'est pas possible... Lorsque deux âmes-sœurs se rencontrent, elles sont comme deux aimants. Elles s'attirent, s'attachent pour ne plus pouvoir être séparées ensuite. Si je ne ressens pas ce lien, alors cela signifie que...
— Je l'aime encore..., je murmure.
— Qui aimes-tu ? gronde Damien.
Je ressens la colère sourde qui s'émane de lui. Mon cœur s'emballe.
— Le loup blanc...
Je vois Damien rentrer chez lui, furieux, mais je n'y prête pas attention. Je suis la prétendue âme-sœur de Damien, et pourtant il semble que j'en aime un autre. Qui a dit que la vie est simple ? Celui qui le pense se fourre le doigt dans l'œil. Dans quel pétrin je me suis mise encore ?
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