Chapitre 7: Bien plus qu'une simple sortie

~Canada~Toronto~Septembre 2024~

Mon regard est baissé en direction de mes genous ressérés, ma jambe droite tape contre le tapis de la voiture.

Mon angoisse monte chaque minute qui passe, l'idée de retrouver Brad, Karim et les autres me donne envie de vomir.

J'adresse un reguard furtif à ma mère qui est concentrée sur la route.

Elle doit sûrement penser que je suis heureuse de retrouver mes camarades de classe, que je vais m'amuser en leur compagnie. Mais la réalité c'est que c'est tout l'inverse et ça prouve qu'elle ne sait rien de moi.

Durant tout le trajet, j'imagine la vie de chaque passant à travers la fenêtre en fonction de l'image que montrent leurs visages.

- On est arrivé, réveille toi.

- Je ne dormais pas.

J'avais juste fermé les yeux pour me laisser envahir par les paroles de la mélodie dans mes oreilles.

Je sors de la voiture en claquant la portière après avoir adressé un bref au revoir à ma mère.

Après une grande inspiration, je m'approche à grands pas des filles qui sont regroupés devant le bâtiment.

- Salut. Je soupire en me demandant ce que je fais ici.

- J'adore ta tenue ! S'exclame Sacha avec un ton hypocrite que je devine subitement.

Je ne sors pratiquement jamais à part pour aller au lycée où je porte l'uniforme de Waterfalls.

Donc les seules fois où je sors, je mets la première chose que j'ai sous la main, je ne m'embête pas à choisir des vêtements extraordinaires.

Elles sont toutes sur leur téléphones tandis que j'observe la tenue de chacune.
Elles sont bien apprêtées et maquillées, ça ne change pas de d'habitude.
Sacha s'est bouclé les cheveux et Clémence a attaché les siens en une queue de cheval haute.

Je baisse les yeux sur mes vêtements.
J'ai l'air tellement négligée à côté avec mon jean et mon sweat large.

Les garçons arrivent enfin, c'est la première fois que je les vois sans leurs habituels pantalons à carreaux carmins et leurs chemises blanches bien repassées.

Ils ont l'air beaucoup plus décontractés que dans l'enceinte du lycée.

Mes yeux cherchent Brad mais croisent le regard de Noa qui me détaille.

Je regrette immédiatement de ne pas m'être aussi bien habillée que les autres.

Il porte lui aussi un grand sweat et un jean large noirs. Ses écouteurs sans fils sont dans ses oreilles comme à son habitude.

J'arrive à distinguer un garçon à côté de lui mais je ne le reconnais pas tout de suite, il n'est pas dans notre classe.

Il est habillé tout en noir et ses cheveux bruns sont en batailles.

Encore lui.

Thomas s'approche de nous à grands pas, une clope au bec.

L'odeur de sa fumée envahit mes narines et me renvoie un souvenir de mon père.

Je chasse rapidement l'image de son visage de mon esprit.

Il lève les yeux en m'apercevant et je fais de même.

- Qu'est ce que tu fous là ? T'es pas dans notre classe.

- Depuis quand on se parle ? J'ai pas d'explications à te donner bouffonne.

Je fais claquer ma langue d'agacement ce qui lui arrache un sourire satisfait.

Il fait comme s'il avait oublié qu'il m'a rendu un service dernièrement.

Peut-être que je devrais aussi faire comme si cet événement ne s'était jamais produit.

Brad et le reste des garçons passent à l'intérieur du cercle que les filles avaient formé et entrent à l'intérieur du bâtiment.

Quand c'est au tour de Noa de passer, Sacha remet ses boucles en place et cambre légèrement son dos.

- Salut Noa, t'es venu.

Il arque un sourcil.

- Pourquoi je serais pas venu ?

- Je sais pas, c'est juste que souvent t'es au fond de la classe et tu parles pas trop donc je pensais que-

- Tu pensais mal. Il la coupe avec un air blasé.

C'est la première fois que je la vois se faire réprimander par un garçon.

Pour une raison que j'ignore, c'est plus que gratifiant de savoir qu'il ne se comporte pas avec elle comme il se comporte avec moi.

Elle fait mine de s'en foutre mais le monde entier sait à quel point son ego surdimensionné a été touché.

- Lola ? Il se retourne dans ma direction.

Toutes les filles ont le regard braqué sur moi, surtout Sacha qui ne m'a jamais aussi mal regardé depuis que l'on se connaît.

- Est ce que c'est possible que ta mère me ramène ? Mes parents sont... occupés.

Elles attendent toutes que je refuse, mais il m'a sauvé la mise tellement de fois, je lui dois bien ça.

- D'accord. Je réponds finalement après un long temps d'attente.

- Merci, tu gères.

Noa rejoint les autres garçons tandis que Sacha attend qu'il disparaisse pour me crier dessus.

- T'es conne ou quoi ?! On a déjà parlé de ta relation avec Noa ! T'as déjà un copain mais tu continues de prendre ce qui m'appartient.

- Noa n'est pas ta chose.

Elle tremble de rage, me toisant avec des poignards dans ses iris.

Elle lève sa main pour me gifler mais j'attrape son poignet au vol.

Une satisfaction m'envahit, c'est la première fois que j'arrive à me défendre face à quelqu'un qui lève la main sur moi.

Son souffle irrégulier et plein de haine atteint mes oreilles.

- Mais t'es tarée ?! S'écrie Clémence en nous séparant.

Clémence, où es-tu quand les garçons s'en prennent à moi ?

Pourquoi agis-tu seulement maintenant ?

Je tourne les talons sans rien ajouter pour rejoindre les autres qui s'amusent avec des jeux d'arcades en attendant le début de la partie.

La salle est gigantesque et tellement sombre qu'on peut à peine distinguer les gens de notre entourage.

Une main se pose sur mon épaule et me fait sursauter.

- Pourquoi tu réagis toujours comme ça à chaque fois que quelqu'un te touche ?

La question de Clémence me fige.
Je ne pensais pas que quelqu'un le remarquerait.

J'entrouvre la bouche mais rien ne sort.
J'espère qu'elle ne voit pas l'expression tétanisée sur mon visage grâce au manque de lumière de cet endroit.

- Bref, tu veux faire un jeu ?

Tout mon corps se détend.
Je suis rassurée qu'elle change de sujet.
Elle a probablement deviné par elle même pourquoi ça me tendait autant.

Ses yeux émeraudes m'observent dans l'attente d'une réponse.

-Ouais, si tu veux.

Elle sourit de toutes ses dents et m'attrape par le poignet pour m'emmener en direction d'un jeu de tir.

Elle insère une pièce dans la machine, je prends place et attrape l'arme dédiée au jeu.

Je ne suis pas trop à l'aise mais j'essaie de me débrouiller.

Le bruit dans la salle pleine de néons lumineux se fait de plus en plus fort.

J'ai la désagréable sensation qu'il fait de plus en plus chaud, je pense même commencer à avoir des sueurs mais Clémence est tellement concentrée à viser les cibles qu'elle ne s'en rend pas compte.

Mes mains font de grands mouvements pour avoir plus d'air frais, mais ça ne change rien.

Elle se tourne vers moi, je crois l'entendre dire qu'elle s'en va chercher les autres mais je suis trop troublée pour comprendre chacun de ses mots.

J'essaie de tourner autour de moi même pour me rapprocher de quelqu'un, mais chaque silhouette est de plus en plus floue malgré que je cligne plusieurs fois des yeux pour raviver ma vue.

Je pose ma main sur mon coeur, il bat beaucoup, beaucoup trop vite.

Je n'arrive plus à respirer, chaque inspiration que j'essaie de prendre se coupe et il n'y a pas d'air qui rentre.

Mais qu'est ce qu'il m'arrive ?

Je commence à m'inquiéter et marche rapidement partout dans la salle.

Mes genoux heurtent des tables, comme à chaque fois que je me précipite.

Je crois apercevoir Brad à quelques mètres de moi mais mes jambes sont tellement engourdies qu'elles me lâchent avant que je ne puisse l'atteindre.

J'ai l'horrible sensation que des milliers de fourmis parcourent tout mon corps, alors que je me suis écrasée sur le sol.

- Putain relève toi.

Ma tête se soulève puis tombe nez à nez avec Brad qui me regarde avec pitié.

- Relève toi, tu me fous la honte là.

Ma lèvre inférieure tremble de rage.
Mes dents mordent l'intérieur de mes joues pour éviter de l'insulter de tous les noms.

- J-j'arrive plus à respirer...

- Je m'en branle, relève toi bordel !

Ses yeux me disent clairement qu'il n'en a rien à foutre de mon état.
Il ne veut juste pas qu'on sache que la fille actuellement par terre comme une merde est sa copine.

J'essaie de m'appuyer sur ma main droite pour me relever mais elle a reçu trop de coups récemment.
Ne pouvant pas supporter mon poids, je retombe sur mes tibias et lâche un petit cri de douleur.

- Bref, je vois que c'est peine perdue.
Il finit par enfoncer ses mains dans son jean et tourne les talons, me laissant par terre sous le regard inquisiteur des serveurs d'à côté.

Je baisse les yeux en direction de mes Air Force blanches, abîmées par le temps.

Mes ongles caressent mes mollets blessés avant de s'enfoncer à l'intérieur.

« C'est peine perdue ».

Mais qu'est ce qui est peine perdue ?
La situation ?
Ou nous deux ?

Je me sens conne d'accepter qu'il me traite de cette manière sans rien dire alors qu'avec les autres j'arrive à riposter.

Peut-être qu'il m'effraie.

Comme mon père.

Clémence était sensée revenir rapidement, mais elle n'est toujours pas là.

Elle est partie, elle avait sûrement honte comme Brad.

Alors que j'essaie de calmer ma respiration, une main m'attrape par le bras pour me lever.

Je n'arrive pas à distinguer clairement qui c'est mais je sais que c'est un mec.

Je n'ai pas le temps de dire quoi que ce soit qu'il m'emmène dans un petit coin, loin des autres.

- Brad ?

Il soupire.

- Non, c'est Noa.

Noa ?
Encore ?

- Assieds toi là.

Il me tend une chaise sur laquelle je m'assois, encore déboussolée.

J'ai la sensation horrible que je vais mourir.
Ici et maintenant.

- Inspire, bloque à quatre secondes et expire.

Mes poumons s'exécutent rapidement mais ça ne change rien et mon asthme n'arrange pas les choses.

- J'y... j'y arrive pas.

Mon coeur se resserre à chaque fois que j'essaie de reprendre une inspiration et c'est extrêmement douloureux.

Il pose alors une main sur mon coeur et l'autre derrière mon dos.

Mon corps tremble à son contact.

- Prends une grande inspiration.

J'aspire tout l'air qu'il me reste.

- Un... deux...trois...quatre, bloque.

Ça fait mal, mais la pression que sa main exerce sur mon cœur m'aide à inspirer plus facilement,

- Expire, un... deux... trois... quatre.

Je recommence encore plusieurs fois jusqu'à ce que ma respiration devienne plus régulière.

- Ça va mieux ? Il me demande avec une voix encore plus calme que d'habitude.

- Ouais, merci. J'arrive à articuler même si je suis mal à l'aise à cause de notre proximité.

Il finit par s'éloigner de moi.

Mon corps se détend petit à petit tandis qu'il s'assoit sur un petit muret en me fixant.

Je commence à croire que je lui fais pitié, comme Thomas.

- T'es pas tout le temps obligé de m'aider. Je finis par prononcer sans le regarder.

- Qui le fera alors ? Brad ?

Un léger ricanement, sûrement non voulu, s'échappe de sa bouche.

- Tu te moques de moi là ?
J'attends sa réponse avec les sourcils froncés.

- Non.

Un silence glacial se poursuit jusqu'à ce que je me lève de la chaise.

- Merci mais... je suis pas un chien de rue qu'on a toujours besoin de sauver par pitié.

Je m'apprête à rejoindre les autres mais sa voix m'arrête.

- Tu vas où comme ça ?

- Continuer ma vie peut-être ? J'annonce en levant un sourcil interrogateur.

- Rassieds toi.

Je rêve ou il me donne des ordres là ?
J'ai presque envie de rire.

- Oh pardon, est ce que tu serais mon père ?

Il pouffe quelques secondes puis se lève avant de m'attraper par les épaules pour me faire rasseoir.

- Je te pensais pas si drôle.

- Personne ne sait rien de moi.

Je cède et finis par me laisser tomber sur la chaise.

- Alors on est pareil.

Il y a quelques minutes je voulais m'enfuir mais maintenant j'ai bien envie de connaître la suite de cette conversation.

- Au moins t'as la chance d'avoir toutes ces personnes qui t'apprécient. Je lâche en posant ma tête dans le creux de ma main.

- De quoi tu parles ?

- T'as au moins cinquante filles qui te courent après.

Il fronce les sourcils comme s'il ne comprenait pas de quoi je parlais.

Il essaie de nier la vérité et ça a le don de m'énerver.

- Il y a peut-être quelques filles qui me parlent mais sinon je pense que t'exagère.

- Est ce que tu le fais exprès ou t'es juste aveugle ?

- Peut-être qu'elles se foutent de ma gueule, qu'est ce que j'en sais.

Sa voix est devenue plus calme mais surtout, son sourire a disparu comme à chaque fois qu'il se confie à moi.

Je sais très bien écouter, mais je ne sais pas réconforter.

- Tu n'étais pas apprécié dans ton ancien lycée ? Je tente pour l'aider à développer.

- Des mecs m'harcelaient. C'est pour ça que je suis venue ici.

Paralysée par la similitude de nos vie, je n'ose pas argumenter cette partie de son récit.

La chaleur horrible que je ressentais quelques temps avant est maintenant complètement redescendue.

Je l'observe remettre ses cheveux en arrière en se repositionnant sur le muret quand ses pupilles rencontrent les miennes.

Ça le fait rire.

Il rigole souvent.
Trop.

Un silence pesant s'installe.

Il balance ses pieds dans les airs en rythme tandis que j'essaie de détourner le regard de son visage dénuée d'empathie.

Il est beau mais je trouve que les filles en font tout un plat.

- J'ai une question.

- Mhm ?

- Est ce que... est ce que Sacha te plaît ?

Je ne sais pas ce qu'il m'a prit. À présent j'ai l'air jalouse et les rumeurs qui tournent à mon sujet ont peut-être finalement lieux d'être.

J'ai le droit à un rire étranglé de sa part.
Finalement elle a réussi à l'hypnotiser lui aussi.

- J'ai l'impression que oui... Le devancé-je tout en analysant sa réaction.

- Non. Elle ne me plaît pas. C'est juste que ça m'a étonné que tu me poses ce genre de questions. Cette fille est trop bizarre, elle me fait peur avec ses longs ongles.

J'ignore pourquoi mais mon cœur est soulagé de savoir qu'il la trouve aussi insupportable que moi.

Il se relève soudainement et s'approche de moi pour m'attraper par le bras droit.

- On y va-

- Aïe.

J'ai inconsciemment baissé ma garde et poussé un cri de douleur.

Quelle conne.

- Je t'ai à peine touchée qu'est ce que...

En baissant le regard sur mon bras, j'aperçois mon fond de teint qui a bavé.

On peut distinguer les traces des derniers ecchymoses violets que j'ai reçu après ma petite fugue.

Merde, pas ça...

{ La suite dans le prochain chapitre }

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