Chapitre 30: Parking piégé

Le drap est complètement trempé autour de moi.

J'ai du me coucher encore mouillée la veille, mes muscles me font souffrir.

Les informations que j'ai du accumuler hier se mélangent désormais dans ma tête et forment un tourbillon incompréhensible.

Tout ça a presque faillit me faire oublier la date d'aujourd'hui.

Je pourrais apprendre n'importe quoi au sujet de n'importe qui, personne ne me fera oublier le jour que nous sommes.

C'est la faute de Noa.

S'il m'avait laissé couler dans ce lac je n'aurais pas eu à survivre en ce trois mars.

J'hésite une dizaine de fois avant de finalement me lever en toussant.

Une semaine de grippe m'attend probablement.

Je jette un coup d'œil a ma poubelle qui contient encore les cendres de mon carnet.

Quelques pages défilent dans mon esprit, c'est encore plus douloureux puisque je ne pourrais plus jamais les revoir de mes propres yeux, toucher le papier et l'encre séché de mon stylo plume.

J'ai la chance que nous sommes dimanche, autrement j'aurais été dans l'obligation de sécher les cours d'aujourd'hui.

J'enfile le premier survêtement qui me tombe sous la main et refait mon chignon haut.

J'ai la dégaine de quelqu'un qui s'apprête à jeter les poubelles mais ce n'est qu'un détail.

Je profite que la maison soit encore endormie pour m'échapper, comme à mon habitude.

Je m'apprête à emprunter la moto de Noa à nouveau mais soudain j'ai un flashback de ma chute d'hier et m'abstiens pour cette fois.

Les semelles de mes chaussures frappent contre les pavés qui ornent le sol.

Le soleil se lève de plus en plus ce qui laisse une très belle vue sur les sapins percés par la lumière.

Pourquoi je ne saute pas de joie ?

Hier, j'ai embrassé la personne que j'attendais d'embrasser depuis six mois.

Pourquoi je ne me sens pas particulièrement enchantée ou même émerveillée comme dans les livres qu'il m'arrive de lire ?

C'était loin d'être décevant, au contraire c'était exactement comme je me l'imaginais mais, il y a tout de même un détail qui me dérange.

J'aurais sûrement préféré ne jamais savoir que notre relation était menacée de mort.

Le soleil éblouie maintenant mes yeux qui me piquent soudainement, tellement que j'ai faillis rater le cimetière.

Je me faufile dans un trou formé dans le grillage rouillé par les années.

Mes cheveux se coinces à l'intérieur, je suis obligée de me les arracher pour finalement passer.

Ce passage secret me permet d'arriver bien plus vite.

Elle est là.

La tombe de Lana.

Juste sous mes yeux.

Aucune fleur ne la recouvre, tout simplement parce qu'elle en était allergique.

Je parie que je suis la seule à venir lui rendre visite tous les trois mars de l'an.

Le jour de son suicide.

Je m'assois dans l'herbe humide juste à côté, le dos posé contre elle.

- Salut... j'entame d'une petite voix.

J'attends le temps d'une seconde comme si elle pouvait me répondre de là haut.

- Il s'est passé beaucoup de choses depuis la dernière fois.

J'arrache une feuille dans le buisson en face de moi pour la tripoter comme chaque fois que je m'installe ici pour lui parler.

- Tu sais, il y a eu deux nouveaux à Waterfalls cette année. Ils ont fait des ravages...

Je me souviens encore de ce premier jour où Thomas et Noa se sont installés à notre table pendant l'heure du self.

Et si Josie ne m'avait jamais poussé à leur parler ?

- Thomas, il ressemble aux protagonistes des romances que tu lisais si souvent. Ça aurait été ton genre, j'en suis persuadé.

Je lèves les yeux vers le ciel pour ne pas déjà faire couler les larmes.

Parler d'elle au passé restera la chose la plus douloureuse au monde.

- L'autre, Noa, je l'ai embrassé hier. Je suppose que je suis amoureuse de lui mais... c'est plus compliqué que je ne l'imaginais. D'ailleurs, j'ai quitté Brad ! Je parie que tu serais fière de moi...

Le vent s'acharne un peu plus et une mèche de cheveux tombe devant mes yeux.

- J'ai faillis te rejoindre... j'aurais tellement aimé si tu savais. Comme tu le sais aujourd'hui c'est aussi mon anniversaire et... personne ne s'en préoccupera comme tous les ans.

J'attrape mes genoux pour les resserrer contre ma poitrine.

- C'est peut-être mieux comme ça.

Un craquement fait sursauter mon coeur.

Je tourne ma tête dans les environs mais il n'y a rien, c'était sûrement un animal.

- Aussi, j'ai un chat maintenant, Rosa. Tu l'adorerais, elle est-

Un nouveau bruit parvient à mes oreilles, cette fois un peu plus fort.

- Qui est là ?!

Personne ne me répond mais je peux jurer qu'il y a quelqu'un dans les alentours, je n'ai pas rêvé.

Une odeur de citron mélangé à de la cigarette se faufile dans les narines et je reconnais subitement de qui il s'agit.

Ses boucles brunes sont les premières que j'aperçois puis son corps tout entier se faufile dans le même trou que j'ai traversé il y a quelques minutes.

- Qu'est ce que tu fais là ? Nous chuchotons en même temps.

- Toi d'abord. J'insiste avec un signe de tête.

Thomas dépoussière son sweat rouge et s'installe tout près de moi.

- J'étais venu parler à ma mère et j'ai entendu des chuchotements donc je me suis ramené jusqu'ici.

Oh, sa mère.
J'avais presque oublié.

- Et toi, qui est ce que t'es venu rendre visite ?

Est ce que je peux lui dire ?

Est ce que j'arriverais à lui dire ?

Les yeux clos, je profite de son odeur reposante et du vent froid qui fait rougir mes oreilles.

Le temps s'écoule indéfiniment jusqu'à ce que ma bouche décide enfin de s'ouvrir.

- Une amie. Ma meilleure amie.

On reste silencieux, comme si le monde s'était arrêté de tourner et les oiseaux de chanter.

Nos coudes ainsi que nos genoux se touchent mais aucun de nous ne bouge d'un millimètre pour remédier à ça.

Le silence qui plane entre nous semble bruyant.

Je parie que Lana entends nos coeurs battre ensemble de là où elle.

Je n'ai pas pensé à couvrir mes bras en sortant ce matin.

Je n'imaginais pas tomber sur une connaissance ici, au cimetière.

J'essaie donc de croiser mes bras pour cacher les traces de morsures qui s'accumulent ces derniers jours.

Je n'aurais pas du, ce geste attise la curiosité de Johnson qui lance un coup d'œil dans ma direction.

Il attrape fermement mon avant bras, je dois serrer les dents pour ne pas crier de douleur.

- N'essaie même pas de me dire que c'est la faute de Rosa.

Il a déjà compris.

Ses yeux fouillent toute sorte de trace qui pourrait apparaître sur ma peau, c'est très dérangeant.

- C'est rien c'est... pour défouler ma colère.

Son regard surpris qui s'écrase sur mon visage me fait regretter l'avoue que je viens de révéler.

- Il y a d'autres façons d'évacuer sa colère.

- Eh bien dis moi tout, je prendrais volontiers tes conseils.

Comme je m'y attendais, il ne répond rien.

La force qu'exerce ses doigts sur mon poignet me rappelle celle de Noa.

Cette manie que j'ai de tout reporter à lui m'insupporte de plus en plus.

- Et ça, son index pointe un ecchymose qui part du bas de mon épaule pour descendre jusqu'au creux de mon bras. C'est quoi ?

Sa question est débile puisqu'on sent au son de sa voix qu'il connaît déjà la réponse.

- Oh rien, j'ai dévalé les escaliers en faisant des roulades ce matin. Tu sais, la routine.

- Le sarcasme ne pourra pas toujours te sauver dans n'importe quelle situation Lola.

Mon prénom, il ne l'utilise que lorsque la situation est sérieuse

- Pourtant jusqu'ici ça a très bien marché.

- J'appelle les services sociaux à la fin de la semaine prochaine. T'as sept jours pour le faire par toi même.

Mon sang ne fait qu'un tour.

Le sourire nerveux que je lâche essaie de me convaincre qu'il n'oserait pas faire ça.

- Non. Je déclare fermement.

- J'ai pas le droit de-

- Non ! Johnson si tu fais ça je...

- Tu ?

- Je suis foutu bordel de merde ! Ma voix s'égosille mais ce n'est rien comparé au cri intérieur que je pousse dans ma poitrine.

Rien que d'imaginer la police débarquer chez moi pour poser des questions à mes parents me donne un haut le cœur.

- Fais le par toi même dans ce cas. Je t'aurais prévenu.

Je pensais qu'il y avait une possibilité pour que je lui pardonne mais il vient de me donner la preuve que c'est impossible.

Je hais qu'il en sache autant sur ma vie.

Je hais le pouvoir qu'il a sur moi.

Il se lève tout à coup et remonte son jogging en me dévisageant.

- Je t'attends dans la voiture.

Est ce que je lui ai donné un coup dans le crâne sans m'en rendre compte ?

- Qu'est ce que tu racontes ?

- Ton anniversaire, c'est aujourd'hui non ?

Oh merde, il a du m'entendre parler de ça à Lana.

- Non, c'est... en juillet.

Thomas se penche pour être à ma hauteur, son nez frôle le mien et ses boucles brunes s'emmêlent aux miennes.

- J'aimerais calculer le nombre de mensonges que tu dis par jour histoire de voir combien ça en fait par an.

Je reste plantée là tandis qu'il se retourne et emprunte à nouveau le trou étroit pour s'échapper d'ici.

Je ne compte pas fêter mon anniversaire avec Johnson, tous les ans personne n'y prête attention et c'est bien mieux comme ça.

Mon index se coupe sur le grillage lorsque j'essaie d'en sortir.

Je fixe le long fil de sang qui s'écoule le long de mon doigt, c'est si satisfaisant que Thomas doit crier mon nom pour me sortir de cette bulle.

Je l'enroule dans mon tee shirt en guise de bandage en attendant d'arriver chez moi.

Je contourne sa longue Tesla blanche essayant de m'enfuir sans qu'il ne s'en rende compte.

Malheureusement il klaxonne brusquement en se tournant vers l'arrière de sa voiture.

La vitre s'ouvre afin qu'il puisse me crier:

- Davis monte !

J'ignore sa requête et emprunte le premier chemin que j'aperçois en espérant qu'il lâche l'affaire.

Au contraire, il prend la même rue que moi et roule à une lenteur inconsidérable histoire d'être à la même vitesse que moi.

- À quoi tu joues ? Je vais pas te supplier à genoux, monte !

Le visage de profil à lui, je garde le contact visuel avec le paysage face à moi.

J'agis comme s'il n'existait pas et je sens d'ici que l'impatience commence à monter en lui.

Thomas s'amuse à klaxonner en rythme l'air d'un gamin qui découvre l'intérieur d'une voiture.

- Tu veux me forcer à sortir pour venir te chercher ?

Les sourcils froncés, je ne lui accorde pas l'importance qu'il attend de moi.

Contre toute attente, sa portière claque derrière lui et je comprends qu'il ne rigolait absolument pas.

Je m'efforce de courir le plus longtemps que mes poumons me le permettent mais je ne parviens pas à dépasser le bout de la rue.

- T'as pas de cardio Davis, c'est limite pathétique. Sa voix traverse mon dos.

Il me rattrape sans effort, j'instaure quelques mètres de sécurité entre nous.

Son sourire confiant ne s'efface jamais, j'aimerais lui en coller une seulement pour le lui enlever quelques temps.

- Ce qui est pathétique c'est ton putain d'harcèlement. T'arrête pas de me coller comme un chewing-gum c'est fatiguant.

Il arque un sourcil avant d'enfoncer ses mains au font de ses poches d'un air complètement indifférent.

- Je pense que t'es mieux placée que moi pour savoir que ce que je t'afflige est loin d'être du vrai harcèlement.

- C'est sympa... de me le rappeler.

Quelques mèches voltigent devant ses yeux mais je suis persuadée que son regard est toujours dirigé vers moi avec insistance.

- La culpabilité ne fonctionne pas sur moi, monte dans ma caisse Davis.

Je connais déjà l'issue de cette conversation, alors je cède.

Je traine mes pieds et contourne sa voiture garée en plein milieu de la route pour monter sur le côté passager.

Nous démarrons à peine qu'il commence déjà à accélérer.

Ce ne sera jamais pire que les balades en moto avec Noa.

- Alors, t'as dix sep ans aujourd'hui ?

J'ignore cette question tout simplement parce qu'elle est débile et parce que je ne trouve plus du tout l'envie de lui adresser la parole.

- T'es encore une enfant...

- Parce que t'as quarante ans toi ?

- Dix huit ans, respecte tes ainés princesse.

- Si tu savais à quel point j'ai des frissons lorsque tu m'appelles comme ça. Je déglutis avec une moue de dégoût.

Thomas tapote sur son volant en ricanant fier de lui.

Je profite du trajet qui mène à je ne sais quelle destination pour faire quelques recherches sur Malicia.

Ou devrais-je dire Ciliama Park.

J'apprends qu'elle est bel et bien née dans un petit village à Séoul appelé Namsangol Hanok.

Un restaurant qui a fait faillite porte le nom de « Park Family » se trouve dans les alentours, ça devait sûrement être le restaurant que tenait ses parents.

Beaucoup de photos d'elle sont présentes sur Internet comme étant « la jeune fille violée par le propriétaire du célèbre restaurant ».

Toutes ces fausses informations me dégoûtent, la vie de certaines personnes ont été gâchés pour des conneries pareil.

Je reçois un SMS de Malicia en plein milieu de mes recherches.

De La Sorcière
> Alors comme ça tu cherches des infos sur mon passé ?

Mon coeur se pince si fort que j'en ai le ventre noué.

Comment... comment est-ce possible ?

De moi
> T'es tarée, j'ai autre chose à faire.

> J'ai accès à ton historique sur absolument toutes tes applications. Je te conseille d'arrêter tes recherches de merde.

Putain mais qui est cette folle à la fin ?
Elle travaille à la FBI ?

>Passe à autre chose au lieu de ressasser le passé comme une dingue.

> Me dis pas ce que je dois faire, toi et tous tes potes de merde vous allez morfler pour Noa.

Si ça avait été une caméra cachée j'aurais explosé de rire, là en l'occurrence j'ai l'impression qu'on va vraiment y passer.

> J'attends que ça. Montre moi de quoi tu es capable Amialic.

> Nique ta race.

> Oh pardon, je voulais dire Ciliama.

Elle ne répond plus, je l'ai peut-être contrarié.

Je parie tout ce que j'ai que je vais bientôt regretter de lui avoir parlé comme ça mais en attendant je ne veux pas me laisser piétiner par cette psychopathe.

J'éteins finalement mon portable et croise le regard frustré de Thomas.

- Pourquoi tu te chies dessus ? Tu viens de te rendre compte que tu conduis sans permis ?

- Non mais... j'ai l'impression qu'une voiture nous suit depuis quelques minutes déjà.

Je fronce les sourcils mais me retourne tout de même pour vérifier ça.

En effet, une petite voiture noir prend exactement les même chemins et les même détours que nous.

- Qu'est ce qu'on fait ?

- On se gare et on voit ce qu'il fait.

- T'es vraiment con, c'est le truc à surtout pas faire. J'hausse la voix sous le coup du stress.

- Moi au moins j'ai mon code et mon permis, si tu veux prendre des décisions achète toi une voiture.

Je lui adresse mon majeur tout en continuant à observer l'arrière de la voiture.

C'est vraiment flippant, cette personne nous suit de près.

En plissant un peu les yeux, je crois apercevoir une figure familière à l'intérieur du véhicule.

Son regard croise le mien et un sourire désagréable que je déteste se forme sur ses lèvres fines.

Oh mon dieu.
Oh non.
C'est encore elle.

- Accélère !

Johnson s'exécute sans comprendre cette exclamation soudaine.

- T'as vu quelque chose ?

- C'est Malicia, elle nous suit.

Il ralenti un peu en arquant les sourcils, il ne doit pas être au courant de toute l'histoire.

- Ralenti pas bordel ! Cette fille est cinglée, je te raconterais tout la prochaine fois.

Le moteur vrombit à nouveau et nous nous élançons à tout allure en direction du Centre-ville.

Le paysage défile à une allure démesuré derrière la vitre, nous avons au moins l'avantage de posséder une voiture avec beaucoup plus de chevaux que sa petite Citroën.

Je garde toujours un œil avisé sur elle, c'est dingue comme elle nous colle au cul.

- Mais pourquoi elle nous suit ?! S'exclame finalement Thomas dans l'incompréhension totale.

Impossible de lui avouer que je viens de l'attaquer par message et que c'est probablement de ma faute si on se retrouve dans une course poursuite actuellement.

La voiture effectue un dérapage sur la droite, ma tête est propulsée sur le côté et se cogne contre la vitre.

J'ai la tempe endolorie mais n'ose pas me plaindre à voix haute.

On passe sous un pont sombre qui mène à une descente suspecte.

- C'est quoi cette endroit ?

- Un parking sous-terrain.

Je ne sais pas si c'est une bonne idée mais de toute façon nous nous sommes déjà enfoncés à l'intérieur.

Il tourne en rond une dizaine de minutes puis trouve finalement une place sur laquelle se garer.

La voiture de Malicia a disparu.

De nombreux véhicules gris, noirs ou blancs sont alignés sur les places de parking, dont la notre.

L'ambiance qui règne dans cette endroit est digne d'un film d'horreur, ça ne m'étonnerait pas de voir un tueur en série sortir de nul part.

- Elle est encore là ?

Je suis encore tétanisé par ce qu'il vient de se passer et ne répond pas tout de suite.

Chaque endroit où je vais, chaque chose que je fais, chaque personne à qui je parle, Malicia est toujours là pour me surveiller.

- Non, elle est partie. Je crois...

Thomas pousse alors un soupir de soulagement et s'enfonce dans son siège.

Une main sur le cœur, j'écoute les battements de celui-ci ralentir au fur et à mesure que mon cerveau se rassure.

Il n'a pas encore repris un rythme normal lorsqu'un grand bruit retentit dans le parking.

Nous avons sursauté au même moment, ce n'était donc pas une hallucination de ma part.

- Reste ici, je vais voir ce que c'était.

Il se prend pour un héros, comme si j'étais une petite chose à protéger, je déteste ça.

Il sort de l'habitacle et je fais de même en faisant claquer la portière derrière moi.

- Je viens aussi.

Il hausse les épaules d'un air indifférent et m'indique de le suivre.

Nos pas lourds sur le gravier est le seul bruit qui règne ici.

J'emboîte le pas de Johnson qui m'emmène en direction de là où nous sommes entré.

C'est étrange, c'est fermé.

- Il y a à peine dix minutes c'était ouvert. Ils ne peuvent pas fermé un parking aussi tôt dans la journée.

- Va voir l'autre entrée.

Je m'exécute et accours de l'autre côté en trottinant, sans surprise, c'est aussi fermé.

Je place mes deux mains sur les côtés de ma bouche pour crier:

- C'est fermé ici aussi !

- Pas besoin de gueuler je suis pas sourd ! Il s'écrie à son tour.

Je roule des yeux et le rejoins à nouveau pour trouver une quelconque solution, s'il y'en a une.

- Malicia, tu penses qu'elle aurait été capable de nous enfermer ici ?

Oh merde !
Mais bien sûr !

Pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ?
C'est forcément elle, juste avant qu'on entre dans le sous-sol elle nous collait au cul et puis on a entendu un grand bruit.

Elle a trouvé un moyen de nous tenir prisonnier ici.

- La connasse...

- Bon maintenant tu vas m'expliquer toute cette histoire de merde, parce que je comprends pas pourquoi cette putain de coréenne est devenue une psychopathe du jour au lendemain.

Je tire sur la manche de sa veste pour l'emmener à l'intérieur de la voiture.

Arrivés dedans, je lui explique absolument tout, du début avec Noa et Ciliama en Corée jusqu'à maintenant.

Ses yeux s'agrandissent à mesure que je raconte l'histoire, exactement comme moi la veille.

- Cette histoire n'a aucun sens.

- D'accord et bien, explique moi tous les événements qui se sont déroulés depuis son arrivée. Soufflé-je les bras croisés. Du hasard ? Je ne crois pas.

Il tire un petit paquet de sa poche et en sort une cigarette d'un air nonchalant et complètement ennuyé.

- Franchement... son briquet allume sa clope qu'il amène à ses lèvres, j'en ai rien à foutre tant que vous me ramener pas à vos conneries. 

Tout l'espace qui nous entoure devient alors subitement étouffant, pour cause toute cette fumée.

Je tousse à multiples reprises avant de finalement ouvrir la fenêtre pour mieux respirer.

- Tu vas finir par me tuer avec toutes tes merdes, mes poumons sont déjà assez pourrie comme ça.

Il pousse un nouveau nuage de fumée sans prendre en compte ce que je lui raconte.

- Ah... c'est... triste.

- T'es sérieux ?

- Quoi ?! J'essaie d'être empathique là, tu ne remarques même pas mes efforts.

C'est vraiment pas son fort...

Ma tête me fait encore souffrir, je ne sais pas si c'est à cause des coups que j'ai reçu durant le trajet ou à force de réfléchir à toute cette histoire.

Ça me consume le cerveau.

J'espère seulement que nous ne sommes pas seuls ici et que quelqu'un viendra nous ouvrir avant la tombée de la nuit.

*

J'avais tout faux.

- Ça fait combien de temps qu'on est enfermé ici ? Je soupire, bientôt à bout.

- T'as un portable pour regarder l'heure.

- C'est dingue d'être aussi aigri.

- J'ai appris avec la meilleure prof.

J'entre-ouvre la bouche, il se tourne vers moi pour me faire un clin d'œil, tout fier de sa vanne.

J'attrape donc mon téléphone et lis sans trop de surprise qu'il est déjà dix-neuf heures, un peu plus de cinq heures que nous sommes prisonniers dans cette voiture à regarder dans le vide.

Il n'y a pas du tout de réseaux là dessous, impossible de contacter qui que ce soit.

- On va passer la nuit ici ?

- Sûrement.

Thomas m'adresse un sourire malsain que je ne comprends pas sur le moment même.

Puis je me souviens que je vais être dans l'obligation de dormir avec lui dans cette voiture et tout s'explique alors.

- Il va falloir baisser les sièges avant et arrière pour s'allonger dessus.

J'acquiesce de la tête sans ouvrir mes lèvres qui semblent cousus et m'extrait de mon siège sur lequel j'étais collée durant les dernières heures.

Ses muscles se contractent quand il appuie sur les deux sièges de la banquette arrière pour les abaisser.

J'essaie de faire de même avec ceux de l'avant mais il faut croire que je n'ai pas la force nécessaire.

- Ah parce que tu pensais vraiment y arriver ? Il m'interroge en arrivant derrière moi.

Ses bras passent de part et d'autre de mon corps pour attraper le dos du siège et l'incliner.

Tout son corps m'entoure comme une sorte de grande protection, ses veines turquoises ressortent encore plus pour cause de l'effort qu'il produit.

Son souffle me chatouille la nuque, je reste immobile, gênée par la position dans laquelle je me retrouve.

- Stresse pas Davis. Il murmure contre ma peau comme s'il savait quel effet ça me procurait.

Il a finit son affaire mais reste au dessus de moi, je suis donc coincée contre son torse imposant.

- Bouge de là. J'articule la bouche pâteuse et les joues légèrement rougies.

J'attrape mon portable et m'installe du côté droit pour marquer le territoire où je dormirai cette nuit.

Thomas s'empresse de me rejoindre à ma gauche, une expression bien plus excitée qu'elle ne devrait l'être est peinte sur son visage.

Il me regarde, je le regarde, nous nous regardons, c'est ultra gênant.

L'odeur de cigarette s'est dissipée, ou bien mes narines se sont habitué.

- Tu comptes me regarder comme ça longtemps ?

- J'étais en train de réfléchir à comment on allait dormir, vu qu'on est tous les deux des géants.

- En diagonale. Il conclut comme si c'était évident.

Je fronce les sourcils et examine tout autour de moi avec une image de nous en train de dormir en diagonale dans ma tête.

- Jamais. Si on dort dans cette position on sera collé et-

- Fais pas comme si ça te dérangeait.

- Si, ça me dérange énormément. J'affirme d'un ton clair.

- Dors dehors.

Les paupières fermées, je prends une longue inspiration pour calmer mes nerfs.

J'hésite quelques instants, dehors c'est pas si horrible non plus...

La main sur la poignée je m'apprête à sortir mais un petit « clic » retentit et je comprends qu'il a fermé les portières à clé.

- T'es vraiment un gamin.

- Rien à foutre.

Je n'ai plus qu'à rester ici jusqu'à demain.

Après m'avoir annoncé qu'il allait se chercher à manger dans le distributeur, il disparaît de l'habitacle me laissant seule à l'intérieur.

C'est vraiment l'un de mes pires anniversaires.

Chaque année je dis ça mais au final ça s'empire tous les ans.

Je me demande si Josie m'a envoyé un message pour me le souhaiter ou si elle n'en a plus rien à foutre désormais.

J'imagine déjà de quelle façon je vais me faire allumer quand je rentrerais des cours demain.

Johnson revient bien plus rapidement que je ne l'aurais espéré.

Sa main est la première que j'aperçois, elle tient un petit muffin au chocolat sur lequel est planté une clope allumée.

Oh, je ne m'y attendais pas.

- Joyeux anniversaire Davis.

J'affiche une moue de dégoût en même temps de le remercier.

Dans ma tête, je fais le vœu que tout s'arrange à la maison puis souffle sur la petite flamme rouge.

J'arrache la cigarette enfoncée dans le gâteau en toussotant.

- C'est sympa mais je mangerais pas ton truc.

- Qui a dit que c'était pour toi ?

Sur ce, il gobe le muffin en deux bouchées à peine, je grimace non sans l'observer du coin de l'œil.

On peut dire qu'on moins j'aurais soufflé une « bougie » cette année.

Je me surprends à le fixer sans même me cacher, c'est une manie chez moi.

Ses sourcils bruns parfaitement droits, ses yeux gris d'une profondeur impressionnante, ses longs cils foncés, la petite bosse sur son nez qui le rend charismatique, ses lèvres roses pulpeuses, sa peau bronzé sans imperfections.

Tout ça, c'est trop pour une seule personne, à côté je fais assez tâche.

Je pense à un monde alternatif où nous sommes un couple, les gens diraient sûrement que j'ai fais un braquage.

- À quoi tu penses ? Il claque des doigts devant mes yeux.

- À un monde alternatif où tu fermes ta gueule.

- Dans ce monde alternatif je suis toujours aussi beau ?

- Dans ce monde alternatif, oui. Dans le monde réel par contre...

Il effectue une pichenette sur le haut de mon crâne ce qui me vaut un petit gloussement.

La seule lumière qui nous éclaire désormais et celle de l'écran à l'avant de la voiture et quelques néons violets au dessus de nous.

Je retire mes baskets et commence déjà à m'allonger, l'ennuie commence sérieusement à me ronger alors autant dormir.

- Tu dors déjà ?

- Non je vais à Europapark.

- Tu m'emmènes avec toi ?

- Non y'a plus de place.

C'est vrai qu'il m'arrive d'être aigrie.

Je n'ai pas l'habitude de passer mon anniversaire avec quelqu'un d'autre que moi même, c'est sans doute pour cette raison.

Je m'allonge le plus près de la fenêtre pour instaurer une grande distance entre nos deux corps.

Il retire son pull avec facilité et me le balance à la figure.

- Tiens, t'auras froid sinon.

- Mais quel gentleman. Je réponds avec ironie tout en appliquant son sweat sur moi.

Il reste donc en débardeur gris mais je crois voir flou quand il commence à retirer son jogging.

Je cache rapidement mes yeux avec la paume de ma main.

- Tu comptes te déshabiller là ?

- Je dors en sous-vêtements.

J'émets un rire nerveux toujours sans retirer ma main.

- Non, tu remets ton pantalon. J'insiste les yeux fermés de toutes mes forces.

- Rappelle moi à qui appartient cette voiture ?

- D'accord c'est la tienne, mais je dors pas avec toi si-

- Je me répète, rien à foutre.

- Tu fais vraiment chier Johnson.

J'enlève finalement ma main puisqu'il ne compte pas changer d'avis.

Comme je devais m'y attendre, il n'est habillé que d'un caleçon noir Calvin Klein.

Je lève les yeux au ciel pour éviter de regarder dans cette direction et me retourne de l'autre côté.

- Tu fais la gueule ?

Je ne réponds pas à sa question, les mains dans mon tee shirt pour me réchauffer j'essaie d'oublier sa présence.

Deux mains attrapent mes épaules et les secouent furtivement.

Je le repousse mais il continue plusieurs fois jusqu'à ce que je cède et me retourne face à lui.

- Me fais pas la gueule Davis, on sait que tous les deux que-

- Tais toi s'il te plaît.

Je joins mes deux mains comme pour prier et le supplie de fermer sa bouche seulement le temps d'une heure.

Évidemment il refuse.

Il approche dangereusement de moi sans me lâcher du regard, la respiration bruyante.

- Maintenant que tu sais quel effet tu me fais... j'aurais plus à ma cacher.

Dans un coin de ma tête je m'imagine fuir rapidement d'ici mais malheureusement je suis condamnée à rester dans cette voiture.

Je presse ma rangée de dents sur ma lèvre inférieur et me la coupe malencontreusement.

- Tu saignes de la bouche. M'indique Thomas comme si je n'étais pas au courant.

- Je sais.

J'approche mon doigt pour toucher mais il retient ma main pour y poser son index à ma place.

La pulpe de son doigt caresse doucement la peau de ma lèvre, je ne bouge pas d'un millimètre surprise par cette proximité entre nous.

Son torse est désormais complètement au dessus de moi, je ne l'ai même pas vu passer sa jambe de l'autre part de mon corps pour me surplomber.

Sa tête est baissée contre la mienne, tellement proche que ses cheveux frôlent mon front.

- Tu sais... tes lèvres m'ont tout de suite attiré. Depuis le premier jour, quand je t'ai vu au self. Leurs formes de cœur et leurs couleurs pêche...

Ses yeux sont plongés sur ma bouche tandis que je me surprends à observer les siennes aussi.

C'est mon anniversaire, je pourrais essayer de m'amuser un peu pour une fois.

Ou autant dire directement que j'aime plaire, sans doute parce que je n'ai jamais été celle qu'on aimait au paravent.

Je ne sais pas vraiment comment réagir face à cette déclaration, mon visage est totalement figé.

Je pince mes lèvres pour qu'il enlève son doigt mais il le remonte pour caresser ma joue en feu.

- Pourquoi tu rougis autant ?

- Peut-être parce que tu es pratiquement allongé sur moi, que tu es à moitié habillé et que tu me fixe comme si j'étais une tablette de chocolat Milka.

C'est le seul monologue que j'ai réussi à lâcher sans reprendre mon souffle.

Il souffle et son odeur de clope se répand sur tout l'épiderme de mon cou et mon visage.

Ses cheveux sentent encore le shampooing, j'ai l'impression que ça fait une éternité qu'on est dans cette position.

Ses bras se replient lentement et son bassin se colle à moi.

Je sens son membre durci contre mon tee shirt, mon ventre se rétracte subitement.

Je suis contrainte d'avouer que ça me fait un petit quelque chose.

- Tu bandes pour un rien. Je déclare pour cacher ma gêne.

Le sourire qui se dessine sur son visage m'effraie légèrement.

- C'est parce que tu n'as aucune idée de mes pensées en ce moment même.

- Ah bon ? J'articule extrêmement doucement en sachant pertinemment que ça fait monter la tension en lui.

- Tu veux une démo Davis ?

- T'y vas pas par quatre chemins toi.

- Pourquoi faire ?

Il replie à nouveaux ses bras, cette fois nos bouches peuvent presque se toucher et nos corps s'enlacent pratiquement.

Mon coeur bat à s'en échapper de ma poitrine, je parie qu'il l'entend aussi fort que moi.

- Parfois je me demande... je prends mon courage à deux mains pour enfin lui poser la question, si tu ne m'aimes pas simplement... pour mon corps.

Je sais très bien qu'on a jamais rien fait ensemble, mais j'ai quelques fois des flashbacks de ma relation avec Brad et je me demande comment j'ai fais pour être aussi conne.

Je préfère être sur mes gardes cette fois.

- Non.

- Quoi non ?

- Non je ne t'aime pas pour ton corps. C'est juste... différent, avec toi.

Je ne suis pas sûre de tout comprendre.

- Je me sens bien avec toi, t'es comme... mon seul endroit d'apesanteur.

Ses pupilles tremblent de gauche à droite puis s'agrandissent tellement qu'elles prennent toute la place de ses iris métalliques.

Ce détail me fait comprendre qu'il dit la vérité, j'espère seulement ne pas me tromper en lui faisant confiance.

Je m'apprête à lui poser une nouvelle question mais ses lèvres se posent brusquement sur les miennes.

C'est comme si je les connaissais par cœur maintenant, même si chaque fois c'est un peu différent.

Ce n'est pas exactement comme la première fois, je dirais que c'est mieux, peut-être grâce à son avoue.

Il ouvre la bouche pour y mélanger nos langues et j'accepte sans réfléchir.

Elles s'enroulent et dansent l'une contre l'autre, Thomas commence à onduler du bassin sur moi.

Une main est positionnée sur ma joue et l'autre attrape le haut ma jambe gauche pour me coller à lui.

La lumière de l'écran s'éteint pour je ne sais quelle raison, il ne reste que des minuscules néons qui n'illuminent pas grand chose.

Nous sommes donc pratiquement dans le noir complet, il n'y pas un bruit mise à part les gémissements de Thomas et mes halètements en continu.

Il se décroche finalement de moi et fait glisser sa bouche sur mon cou, son autre main me caresse toujours le visage.

Ses lèvres descendent de plus en plus, d'abord sur ma poitrine puis il lève mon haut pour atteindre mon nombril qu'il lèche longuement.

Je respire bruyamment mais ne fait pas un mouvement, tout mes membres sont immobiles.

J'ai la sensation d'être en feu, ma peau est bouillante.

Ses doigts glissent le long de mes hanches pour atteindre la ceinture de mon pantalon.

Il joue avec en m'admirant de là où il est de façon à narguer ma patience.

C'est là que mon coeur fait un bon sur lui même, mes jambes et le bas de mon ventre tremblent au contact de ses doigts.

- Non Thomas je...

Il reste statique à l'attente de la fin de ma phrase.

- Je ne peux pas. Conclu-je avec difficulté.

J'ai déjà enfreint plusieurs limites que je m'étais pourtant efforcé à ne pas dépasser, il est hors de question de dépasser ce cap.

- C'est Noa, c'est ça ?

J'appréhendais le moment où il comprendrait, et bien c'est maintenant.

Il se redresse pour se remettre de son côté, je récupère mon souffle et de l'espace.

- Il va falloir que tu choisisses entre nous deux Lola.

- Je sais-

Un téléphone se met à sonner et bizarrement c'est le mien, ce qui est bizarre puisque je ne suis pas sensée avoir du réseau.

L'écran affiche « Numéro Inconnu » et la simple idée que ce soit peut-être Noa me fait sursauter.

Je lance un regard à Thomas qui me fait signe de répondre, ce que je fais immédiatement et mets le son sur haut parleur.

- Allô ?

C'est une voix féminine, ce n'est pas Noa.

Les traits de mon visage se détendent, rassurés de ne pas avoir à lui parler maintenant.

- Oui, c'est qui ?

- J'ai tout filmé.

Comment ça ?
Qui est cette personne et de quoi parle-t-elle ?

J'espère que c'est un malentendu.

- Je me demande quelle tête fera Noa lorsqu'il verra sa chère bien aimée en train de rouler une pelle à son meilleur ami.

Cette phrase me fait tout de suite comprendre de qui il s'agit.

Une envie de vomir me prend soudainement aux tripes.

C'est encore elle.

{ La suite dans le prochain chapitre }

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