Chapitre 28: C'est fini.

De Numéro Inconnu
> MANGE !

C'est le premier message que je vois affiché sur mon portable à mon réveil.

J'aurais pu penser qu'il s'agit de Noa une nouvelle fois, mais après quelques réflexions, il est impossible que ce soit lui.

C'est un second numéro inconnu, de plus, il serait venu me le dire en face sans avoir besoin de se faire passer pour un stalker.

J'hausse les épaules avec ennui et repose mon portable de façon à ne plus voir l'écran.

Actuellement ce qui me tracasse tout particulièrement est l'objet que j'ai trouvé dans la chambre de Noa la veille.

Le briquet à présent sur ma commode, je l'attrape pour l'examiner de plus près.

Aucun doute, c'est bien celui de Malicia, on peut y voir les dégâts de l'incendie à quelques endroits.

Un second message réussit à me hisser de mes pensées envahissantes.

De Malicia
> J'ai fait une plainte à la directrice. Karim et Mathieu sont virés pour une semaine.

Mes doigts tremblent en dessous de mon téléphone.

Même si je relis le message en boucle, le contenu reste le même.

Aucune émotion ne me traverse, je ne sais pas comment réagir.

Juste... pourquoi ?

Pourquoi Malicia s'embête-elle a faire tous ses efforts pour moi alors que nous ne sommes même pas amies ?

Une voix au fond de moi essaie de me persuader qu'elle a de bonnes intentions mais je n'arrive pas à y croire.

Elle doit probablement vouloir que je sois dépendante d'elle, lui être redevable pour le restant de ma vie.

J'ai toujours eu l'impression de voir tout le malheur du monde dans ses yeux noirs.

Ce qui est dérangeant, c'est d'être la seule à la suspecter quand les autres l'adorent.

*

Ma gorge me brûle intensément, mes yeux pleurent à cause du froid qui frappe mon visage, j'ai un mal de tête pas possible et mes règles viennent d'arriver comme si ce n'était pas suffisant.

Mais impossible de rater un seul jour de cours, c'est interdit, chez les Davis on travaille même avec un bras en moins ou au bord du coma.

C'est donc avec appréhension que je pousse les portes du lycée malgré mon état désastreux.

Comme je m'y attendais, Mathieu et Karim sont absents et ne reviendront que la semaine d'après.

Si je comprends bien, durant un an ces deux là ont fait de ma vie un enfer mais leur seule punition est de rater une semaine de cours.

De toute façon, ça bien longtemps que j'ai arrêté de faire confiance à la direction de Waterfalls.

C'est le problème avec les écoles privées, il suffit d'un peu d'argent pour que tout passe sous le tapis.

J'ai bien intérêt à profiter de cette semaine que j'espère tranquille.

- Salut !

J'ai parlé bien trop vite.

Malicia se pointe avec un sourire fier, elle a l'air d'une enfant à côté de moi malgré ses semelles qu'elle place dans ses chaussures pour lui ajouter quelques centimètres.

- C'est à toi, n'est ce pas ?

Je sors le fameux briquet et le place devant ses yeux en attendant une réponse qui me convienne.

- Ah... elle hésite longuement devant l'objet, comme si elle réfléchissait à dire la vérité ou non. Oui merci.

- Va droit au but, que faisait cette merde chez moi hier soir ?

- Je sais pas ce que tu t'imagines mais rassure toi, je ne suis jamais rentrée dans ta maison.

Malicia hausse un sourcil et ricane légèrement de façon à ce que je culpabilise de l'avoir accusée. 

Je passe peut-être pour une folle mais je n'ai tout de même pas rêvé.

Ce briquet était bien sous le lit de Noa.

- Tu peux me raconter ce que t'as fait hier, pour la Saint-Valentin ?

Les sourcils froncés, elle hausse les épaules et dit:

- Rien, j'ai passé la journée dans mon lit.

Ça c'est exactement la réponse de quelqu'un qui a fait tout le contraire.

J'en suis sûre, Malicia est venue hier chez moi.

Et Noa est au courant.

Je souris bêtement en acquiesçant pour qu'elle ne se doute pas que je la suspecte encore plus qu'avant.

Je m'apprête à faire demi tour mais sa voix perçante me retient.

- Tu ne dis même pas merci ?

- Pour ?

- Grâce à moi tes harceleurs sont hors de vue durant quelques temps.

- Je ne t'ai pas demandé de faire tout ça pour moi.

Ma réponse doit l'étonner puisqu'une expression étrangement sombre parcourt son visage le temps d'une seconde avant qu'il ne redevienne lumineux.

- Je pensais que... si je faisais des efforts tu accepterais qu'on soit amies.

Sa moue de pitié me donne un haut le coeur, j'aimerais lui rire au nez tout en criant que son plan de manipulatrice ne fonctionnera pas sur moi mais je dois rentrer dans son jeu stupide.

Thomas a l'habitude de me faire écouter son rap débile, une fois il m'a traduit une des phrases qui disait:

« Parfois faut jouer le rôle du con pour tromper le con qui croit que t'es con »

Finalement ses musiques disent pas que de la merde parfois.

- Mais tu aurais du me demander directement ! Pas besoin de faire tout ça. Ah et... merci.

Je lui fais une petite accolade avec une moue de dégoût qu'elle ne peut pas apercevoir.

Ses Mary Janes claquent dans mon dos lorsqu'elle s'éloigne pour rejoindre mon ancien groupe d'amies.

Elle n'a même pas récupéré son fichu briquet.

Je peux finalement apporter mon casque à mes oreilles pour camoufler le bruit des ragots qui trainent dans tous les coins du lycée et me dirige vers le distributeur pour acheter une bouteille d'eau.

La majorité des élèves disparaissent pour se ruer au self ce qui me laisse un peu de tranquillité.

Un message sonne dans mes oreilles si fort que j'en sursaute avant de baisser le son.

De Numéro Inconnu
> MANGE !

Encore ?!

Je prends une profonde inspiration et ignore ce nouveau message au lieu de m'en préoccuper plus que ça.

Une douleur à me couper le souffle parvient dans le bas de mon ventre sans prévenir.

Je glisse lentement le long du mur jusqu'à me trouver assise sur le sol.

Bien évidemment il fallait que j'hérite de règles douloureuses.

Alors que mes yeux sont toujours dirigés sur le parquet, des baskets noires que je reconnais aussitôt apparaissent juste devant moi.

Il plaque une main contre le mur au dessus de moi.

- Tu viens ou quoi ?

Comme je m'y attendais, c'est la voix rauque de Johnson qui m'oblige à arrêter « Nuts » pour l'écouter.

- Qu'est ce que tu me veux ?

- Que tu me regardes dans les yeux pour commencer.

Je ne prends pas la peine de le faire, ou alors j'ai simplement peur de le confronter depuis notre dernière conversation.

Son aveu m'a soudainement mis mal à l'aise.

- Je vois que notre discussion te pèse encore...

- Je répète, qu'est ce que tu me veux ?

Il enlève sa main et fait le tour du distributeur pour s'asseoir juste à côté de moi.

Son odeur apaisante de citron embaume l'air de mon espace personnel.

Thomas replie ses genoux sur lui même pour y poser ses deux bras.

- J'étais censé cacher ce que je ressentais jusqu'à la fin de mes jours ?

- Je n'ai pas dit ç-

- J'ai l'habitude de tout enfouir au fond de moi, je sais pas ce qu'il m'a pris. J'ai tout foiré...

Je tourne doucement mon visage vers le sien tout en retirant mon casque.

Est ce que Thomas Johnson est réellement en train de se confier à moi là ?

Je ne suis pas d'humeur à écouter les problèmes des gens aujourd'hui, mais c'est si rare quand ça vient de lui que je pourrais mettre ma douleur personnelle de côté juste pour quelques minutes.

- Dis quelque chose, c'est hyper gênant.

Je le surprends à m'observer du coin de l'oeil à l'attente d'une réponse.

- Tu sais très bien que-

- Que tu aimes Noa, oui je suis au courant.

Son rire nerveux qui suit me fait tant de peine que pendant un instant j'hésite à le prendre dans mes bras.

Puis je me souviens soudainement qu'il s'agit de Thomas, soit le mec qui se prend pour un gros dur et n'apprécie pas la pitié des gens.

Ma réponse est sortie si rapidement qu'il se tourne face à moi avec une expression blessée.

- Tu sais avant j'agissais comme un con mais j'ai jamais voulu-

- Oui mais non. Tu ne sais pas à quel point j'en ai souffert. Même si je me force à te pardonner, quelque chose en moi restera toujours brisé. Et c'est ta faute.

- T'es putain de blessante.

Sa chaussure tape sur le sol à répétition et sa main passe dans ses ondulations brunes.

Ce geste que je pensais prétentieux dans le passé me paraît maintenant plus comme un tic nerveux.

- Tu veux sécher les cours de l'après-midi ?

- Pour aller fumer de l'herbe et boire jusqu'à m'en bruler la gorge ? Non merci, c'est tes passes temps, pas les miens.

- J'ai vraiment l'image de ce délinquant à tes yeux ? Il demande d'une voix déçue.

- Tu fais tout pour me convaincre que tu l'es !

Quelques secondes qui semblent interminables s'écoulent avant qu'il ne reprenne la parole.

- Tu ne t'aies jamais demandé pourquoi j'étais comme ça ?

- Hein ?

- Laisse tomber.

J'ouvre mon sac et Thomas fait de même.

J'en sors mon carnet tandis que lui en sort ses écouteurs sans fil.

- Tu peux t'en aller maintenant ? J'ai besoin d'intimité.

- T'as tes règles ?

Ah, il est direct.

- Qu'est ce qui te fais penser ça ?

- T'es encore plus aigrie que d'habitude.

Parce que je suis aigrie d'habitude ?

- Peut-être bien, raison de plus pour que tu t'en ailles.

- Ce couloir ne t'appartient pas Davis.

Nos regards se défient longuement, assez pour que ça me mette mal à l'aise.

Je préfère tout de même lorsqu'on se contredit que les moments où il s'ouvre à moi et que l'ambiance est étrange entre nous.

J'arque un sourcil et glisse un peu sur ma gauche pour m'éloigner et commencer à écrire tranquillement.

Mon stylo dans la main, je m'apprête à remettre ma playlist mais un écouteur noir apparaît dans mon champ de vision.

- J'ai pour objectif de te brancher rap français.

- Après toutes tes tentatives tu n'as toujours pas compris que je n'aimerais jamais ça ?

- Écoute ça en écrivant, tu changeras vite d'avis.

Je roule des yeux puis accepte finalement son offre puisque ça a l'air de lui faire tant plaisir.

J'enfonce l'écouteur dans mon oreille gauche et reprends mon stylo en main.

Quand le son débute enfin, je jette un coup d'oeil sur l'écran de son portable pour y voir le titre, « Écrire » de Nekfeu, bien évidemment.

Je ravale mes réflexions débiles et profite simplement du bruit dans mon tympan.

Le mois de mars arrive bientôt, soit le mois que j'appréhende le plus de l'année.

Celui de mon anniversaire et de sa mort.

C'est pourquoi j'opte pour un poème sur le deuil.

Je regrette quelques instants plus tard quand je me rends compte des larmes qui menacent de couler au moment où je termine la dernière phrase.

Je referme mon carnet brusquement en oubliant la présence de Thomas.

- Un problème ?

- Oui... non ! Rien, il n'y a rien.

Il fronce les sourcils mais ne pousse pas les recherches plus loin.

À la place il se lève sans prévenir et disparaît en laissant son sac et son écouteur.

Je l'appelle plusieurs fois mais il ne fait pas demi tour.

J'attrape son téléphone pour enfin changer la musique mais une notification éveille ma curiosité.

De Emma
> J'ai encore trouvé des capotes usagées et une odeur de nana plane dans la baraque. La prochaine fois que j'ai à nettoyer derrière toi après une soirée, je te coupe les couilles.

Oh wow, c'est violent.

Mais qui est Emma ?

J'ai toujours pensé que Thomas était fils unique.

Je m'apprête à le reposer mais elle continue de le spammer.

> Et si tu aimes vraiment cette fille, je te conseille d'arrêter de coucher avec tout Toronto, abruti.

Est ce que cette fille c'est moi ?
Je préfère ne pas trop y penser.

> Au fait, si tu sèches encore cet après-midi maman coupe la wifi et bye-bye la playstation.

> Dernière chose, j'ai trouvé ta réserve d'alcool et j'ai jeté toutes tes bouteilles de merde. Tu me remercieras plus tard.

Je l'aime déjà cette Emma.

Le bruit des chaussures qui tapent sur le sol me fait sursauter et lâcher le téléphone avec précipitation.

- T'étais passé où ?

Comme réponse il me jette un sac en plastique dans la figure.

- Qu'est ce que...

À l'intérieur se trouvent des serviettes hygiéniques de toutes les marques possibles pour une année entière.

- T'es au courant que je sais prendre mes précautions comme une grande ?

- Je vais t'apprendre un mot. Ça se prononce « Mer-Ci ». Répète après moi, « M-E-R-C-I ».

- C'est qui Emma ? Je change de sujet sans même prêter attention à ce qu'il vient de dire.

Thomas froisse son visage sans comprendre quand son regard se dirige vers son téléphone qui n'arrête pas de sonner à cause de ses notifications incessantes.

- T'as fouillé mon tel ou je rêve ?

- Il n'arrêtait pas de sonner et...

Je me gratte le côté de la tête et détourne le regard autre part.

Au lieu de s'énerver comme il l'aurait fait avant, il souffle et se rassoit.

- Ma demi-sœur. Putain elle a pas de vie pour m'envoyer autant de textos ?!

Son doigt défile sur l'écran pour y lire tout ce qu'Emma lui raconte.

- Quel âge elle a ?

- Quinze. Pourquoi ça t'intéresse ?

- J'ai plus vraiment d'amies donc...

Josie a disparu des radars depuis le fameux jour et j'ai beau lui envoyer de multiples messages pour m'excuser, aucune réponse.

M'excuser de quoi d'ailleurs ?

Aucune idée.

J'ai toujours prétendu préférer être seule mais la vérité c'est que sans personne pour me stimuler, j'ai beaucoup trop de temps pour réfléchir et j'ai l'impression que mon cerveau est en surchauffe.

Thomas enroule un bras autour de ma nuque comme le ferait un grand frère et me resserre contre lui.

Son étreinte soudaine fait frissonner mon corps tout entier.

- Moi je suis là, et Noa aussi.

Je grimace instinctivement.

- Noa... disons qu'il a ses priorités.

- Qu'est ce qu'il a encore fait ?

« Encore ».

Ce mot tourne dans ma tête et se cogne contre les parois de mon cerveau.

J'en viens à me demander si c'est une bonne idée de continuer à m'accrocher à lui.

Maman avait raison.

Tout ça apporte trop de problèmes et désormais mon humeur dépend de son comportement.

- Malicia. C'est elle le problème.

- Bordel je savais que cette coréenne n'apporterait que des emmerdes !

Un petit gloussement s'échappe de mes lèvres face à sa réaction surdimensionnée.

Il lève les sourcils avec étonnement et se tourne vers moi.

- Est ce que j'ai bien entendu ? Tu as ri ?

J'enlève violemment son bras musclé qui m'entoure pour me défaire de lui tandis qu'il ricane bêtement.

- Oui ça m'arrive de rire sale con !

Je lui tourne le dos et examine à nouveau le contenu du sac.

Quand je le retourne pour en verser l'intérieur, j'aperçois un paquet étonnement gros.

- Mais... je le tourne sur lui même avant de percuter. Tu m'as vraiment acheté des couches ?!

- J'ai paniqué...

Je lui jette le sachet de couches pour bébés dans la tête.

Nous nous étouffons de rire et finalement je suis contente qu'il soit venue me voir au lieu de m'ignorer comme je l'aurais fait à sa place.

*

- Une dernière chose, tu peux me passer le numéro d'Emma ?

Il ouvre de grands yeux surpris.

- Vous êtes déjà assez chiantes chacune de votre côté, pas question que vous vous associez.

- Tant pis, je ferais mes propres recherches. Elle doit sûrement être sur les réseaux.

Thomas ronchonne mais finit par sortir son téléphone pour me donner le numéro de sa demi-sœur.

Je l'enregistre et me promets de lui envoyer un texto dans la soirée, je pourrais peut-être lui soutirer quelques infos gênantes au sujet de Johnson.

- Rentre bien.

- Ouais, bonne nuit.

Sur ce, je claque la porte de chez moi et m'effondre aussitôt sur le canapé.

Les crampes dans le ventre ne s'arrêtent donc jamais ?

La montagne de devoirs qui m'attend ne me donne absolument pas envie, rien que d'y penser j'en ai la nausée.

Le grincement des escaliers m'informe que la seule autre personne présente à cette heure chez moi descend actuellement.

Je saute sur mes pieds pour attraper mon sac à dos histoire d'éviter une discussion avec Noa.

- Ça va ?

- Ouais.

Je frôle son épaule pour m'éclipser dans ma chambre mais une nouvelle fois, sa main me retient.

C'est une manie chez lui je pense.

- J'ai pas pu t'adresser la parole une seule fois aujourd'hui, t'étais collée à Thomas toute la journée.

Oh, il nous a vu.

- J'ai rien à te dire.

- Je pensais que ça s'était arrangé entre nous...

- C'était avant que j'apprenne que Malicia était venu te rendre visite dans ma propre maison sans mon consentement.

Soudain, son regard s'assombrit et ses bras retombent le long de son corps quand je croise les miens.

- Comment tu sais ça ?

J'avais donc raison.

- Tu viens de me le confirmer.

- C'est pas ce que tu crois.

- Encore ! C'est ta phrase favorite on dirait, tu devrais l'écrire sur ton front. Josie et maintenant Malicia, choisis ta proie à la fin !

Je sens bien qu'il y a quelque chose qui le tracasse, ça se voit sur son visage.

Il n'a pas l'air aussi sûr de lui que d'habitude, on dirait qu'il vient d'apprendre un truc surprenant.

- Je... je ne peux pas t'en parler pour l'instant.

- Ah super ! Ne me parle plus tout court dans ce cas.

- Un jour, je te promets que je t'expliquerais absolument tout.

- En attendant, ce jour n'est toujours pas arrivé.

Je le laisse en plan pour finalement m'éclipser de son champ de vision et escalader les escaliers à toute vitesse quand je tombe sur un grand roux.

Il me faut quelques secondes pour que mon cerveau reconnaisse l'homme qui se trouve face à moi.

- Enola ? C'est toi ? Qu'est ce que tu fiches ici ?

Oui, c'est bien lui.

- Ben disons que c'est ma maison.

Marcus plisse les yeux et se baisse légèrement pour être à ma hauteur.

Nos deux visages sont à quelques centimètres l'un de l'autre quand il murmure:

- Hum, c'est vrai que tu ressembles à Amalia. Donc tu es aussi une Davis, c'est trop cool !

- Ouais, trop cool comme tu dis...

La principale concernée sort de sa chambre encore en pyjama, un bonnet en satin sur ses cheveux.

- Amalia, pourquoi Marcus est chez nous ?

- Tu connais Marcus ? Le monde est vraiment petit ?! S'exclame ma sœur avec enthousiasme.

- Ouais j'm'en fous, pourquoi il est là ?

Quand j'y pense c'est vrai que je suis particulièrement aigrie ces derniers temps.

- Tu te souviens de mon date pour la Saint-Valentin ?

Une expression horrifiée se forme sur mon visage à mesure qu'elle formule sa phrase.

- Ne me dit pas... attends, t'as quel âge ?

- Dix-neuf ans, pourquoi ?

Je lâche alors un long soupir rassuré une main sur le coeur.

Amalia me dévisage comme si j'étais devenue complètement givrée.

- Quoi ?! C'est un ami de Thomas, j'avais peur qu'il soit mineur. Je me devais de vérifier !

- T'es dingue ou quoi ?! Jamais je ferais un truc pareil !

Mon oeillade remplie de sous entendus me vaut un coup dans les côtes de sa part.

Elle a de la chance que je ne dévoile rien à son nouveau petit ami.

- Je comprends rien moi ! S'écrie Marcus pour nous rappeler sa présence.

- Ne t'inquiète pas, on parle de trucs de filles. Je mens en tapotant son épaule.

- Ouf, j'ai cru que vous vous foutiez de ma gueule.

- Quoi ?! Non, jamais !

Je les laisse entre eux pour enfin atteindre ma chambre qui m'attend depuis ce matin.

Mon lit s'affaisse sous le poids de mon corps lourd.

J'envoie un message à Emma pour lui dire qui je suis et repose mon téléphone pour enfiler des vêtements plus confortable que cet uniforme.

Cinq minutes plus tard, je reçois déjà sa réponse.

De Emma
> Oh mon dieu c'est toi la fameuse Lola ?!?! Thomas me fait chier à longueur de journée avec ton prénom. ( C'est pas méchant je t'assure ).

Alors comme ça Thomas ne parle que de moi ?

De moi
> Oh ! Je ne pensais pas que je l'obsédais à ce point. Heureuse de faire ta connaissance, j'espère que tu sauras me donner des infos que je pourrais utiliser contre lui.

J'attends patiemment qu'elle tape une réponse sur son clavier.

> Je t'aime déjà meuf ! Alors déjà il ne prend jamais de douche, ensuite il a encore un doudou malgré ses airs de gros dur. Il sait pas cuisiner mise à part des pâtes, ça lui arrive de rapper dans sa chambre et entre nous j'avoue que c'est pas mauvais. Quoi d'autre... ah ! Il est capable de finir dix bouteilles de bière en trente minutes et rote dans mon visage dès qu'il en a l'occasion. D'ailleurs il se lave très rarement les dents ( quoique, jamais en fait ), aussi cet enfant dort encore avec la lumière. C'est à peut près tout je suppose.

Cette fille écrit vraiment de la même façon qu'elle parle.
C'est dingue, j'ai appris plus de choses sur Thomas avec Emma en deux minutes qu'avec lui même en plusieurs mois.

Je screen le message, je parie que j'en aurais besoin un de ces jours.

> Merci pour tout ! À présent je me tiendrais à plusieurs mètres de ce porc !

Emma répond de plusieurs emojis qui rigolent et cela termine notre conversation.

*

Je devais me douter que mes actions auraient des répercussions.

Une semaine s'est écoulée avant que mon père se rende compte que j'ai séché plusieurs cours ces derniers temps.

Thomas m'a entraîné dans ses emmerdes et maintenant je regrette.

C'est pourquoi je me retrouve une nouvelle fois au sol, son poing au dessus de ma tête, prêt à frapper une nouvelle fois.

- On parie combien que c'est ce délinquant qui t'as forcé à sécher ?

Un flashback du jour où Thomas m'a ramené sur son dos repasse dans ma tête.

À cette époque je le connaissais à peine mais j'étais persuadée que ce n'était pas un délinquant.

Aujourd'hui même si c'est en partie sa faute si je me trouve par terre à recevoir des coups, j'en suis toujours aussi sûre.

Je n'ouvre pas la bouche, je veux seulement qu'il en finisse.

- Réponds moi quand je te parle !

Ses gros doigts attrapent le col de mon tee shirt pour me soulever brutalement.

Je suis propulsée contre le mur du salon où mon dos claque douloureusement.

- Non, c'est pas lui. J'ai pris cette décision toute seule comme une grande papa.

Ce dernier mot sonne bizarrement dans ma bouche, c'était presque difficile de le prononcer.

- Te fous pas de ma gueule petite garce !

Ce surnom ne m'avait vraiment pas manqué.

J'ai failli l'oublier mais il a fallu qu'il recommence.

Sa main se place sous ma gorge et m'empêche de respirer tant la force qu'il y met est immense.

Ses veines ressortent carrément de son bras, c'est effrayant à regarder.

- Je suis fatigué de te frapper pour que tu comprennes les choses.

C'est vrai que ça doit être sacrément dur !

- Alors repose toi au lieu de m'infliger tout ça.

Sa main se referme de plus en plus autour de mon cou.

Je ne sais pas ce qu'il m'a pris de dire ça, c'était débile.

- J'ai l'impression que tu as tellement l'habitude que ça ne te fais même plus mal.

- Probablement.

Il lâche sa poigne ce qui me laisse enfin de l'air mais j'ai un très mauvais pressentiment pour ce qui suit.

Mon père se retourne et grimpe les escaliers sans perdre une seconde de plus.

Je lui emboîte le pas, terrorisée par ce qu'il compte faire sous le coup de la colère.

Comme je m'y attendais, il pénètre dans ma chambre et a l'air d'y chercher un objet en particulier.

Quand ses yeux se posent finalement sur mon calepin noir, une sorte d'illumination le traverse.

Mon cœur se resserre, j'accours pour le mettre en sécurité mais c'est trop tard, il est maintenant en sa possession.

Il lève le bras pour que je n'y ai pas accès et attrape le briquet de Malicia posé sur mon bureau de sa main libre.

Non, il ne va tout de même pas faire ça.

J'ai bien l'impression que si puisqu'il allume le briquet d'un geste bref et l'amène au coin de mon carnet.

- Papa non ! Tout ce que tu veux mais pas ça ! Frappe moi à la place !

Je peux encaisser un milliard de coups, mais je ne pourrais pas supporter de voir tous ces mots que j'ai écrit au fil des années depuis mes dix ans s'envoler comme si de rien n'était.

- Ça t'apprendras sale garce.

Je sautille comme une idiote pour attraper le seul objet qui compte à mes yeux mais c'est en vain.

Il est bien trop grand et la petite flamme commence déjà à consumer la couverture.

J'observe le feu prendre possession de ce morceau de ma vie sans savoir quoi faire, tétanisée par la douleur qui prend place à l'intérieur de moi.

Je fais mes adieux à toutes les peines que j'ai déversé à l'intérieur.

Les larmes coulent et ne s'arrêtent plus, je pense que je n'ai jamais eu aussi mal qu'à cet instant.

D'abord le casque et maintenant ça, son but c'est vraiment de me tuer.

Il ne reste que quelques centimètres de mon bien alors il jette le reste dans ma poubelle pour ne pas se brûler les doigts.

- Essaie encore une fois de sécher et c'est pas un carnet que je vais brûler.

Ce sous entendu m'hérisse le poil.

Moi, c'est moi qu'il va brûler si je sèche une nouvelle fois.

J'étouffe un cri dans la paume de ma main pour éviter qu'il ne revienne plus en colère qu'avant.

J'aimerais me griffer, me mordre, me frapper, crier, pleurer.

C'est une nouvelle douleur que je n'ai pas le courage de surmonter.

Tant pis pour les gens qui prétendent m'aimer.

C'est fini.

Ça fait trop mal.

Aujourd'hui je pars.

{ La suite dans le prochain chapitre }

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