Chapitre 26: Retournement de situation

- T'es morte ?

- Psychologiquement, oui, depuis longtemps. Murmuré-je en essayant tant bien que mal de me redresser. Physiquement, non, malheureusement.

Ma tête me fait affreusement mal, j'ai l'impression de m'être réveillée d'un long coma.

Les yeux plissés, je reconnais à peine l'endroit où je me trouve.

- J'te préviens, siffle Thomas en me tendant sa main, tu me revaudras ça.

- Ça quoi ? Je l'interroge sans comprendre à quoi il fait allusion.

- Ça quoi ? il répète incrédule, j'ai littéralement cassée une fenêtre du lycée pour te venir en aide.

- C'est aussi toi qui a mis le feu. Soufflé-je tout en dépoussiérant mon uniforme carmin qui est maintenant teinté de noir charbon.

- C'était un accident ! Cette putain de coréenne a voulu me nuire avec son briquet piégé à la con !

Mes yeux ancrés dans les siens, j'observe l'allure à laquelle la colère déforme ses traits.

C'est effrayant.

Il se radoucit le temps d'une seconde.

- Qu'est ce que tu regardes ?

- À quel point tu es irritable, c'est extrêmement fatiguant. Je siffle, mes doigts posés sur mes tempes pour les masser.

Il secoue la tête et me remet sur pied rien qu'à l'aide de son bras.

Une fois debout, j'ai de nouveau cette sensation désagréable d'être sur un bateau et ma vision est flou.

Je me rattrape de justesse sur son épaule, son regard interrogateur planté sur moi.

- Je ne suis pas un murs. Il grince entre ses dents, les paupières closes. Sérieusement, tu marches comme une droguée.

Je ne prends même pas la peine de lui répondre, la nausée monte en moi et mes jambes défaillissent de plus en plus.

Lorsque je manque de tomber une nouvelle fois, il change de regard, comme s'il avait eu une illumination.

- T'as mangé ?

Oh.

Cette question.

Je... ne m'y attendais pas.

Ma bouche est ouverte, mais les mots ne sortent pas.

Je ferme les yeux quelques secondes pour retrouver mon souffle.

- Oui. Finis-je par mentir, incapable de dire autre chose.

- Est ce que ça t'arrive... de dire la vérité quelques fois ?

- Tu veux que je vomisse pour te le prouver ?!
La défensive est la seule solution qui m'est venue à l'esprit.

- Si seulement tu en étais capable...

Ma mâchoire se contracte et tremble au passage.

Suis-je une si mauvaise menteuse que ça ?

Ma main est toujours appuyée sur son épaule, j'aimerais la retirer pour lui prouver que je peux tenir debout, seulement, je sais bien que je m'effondrerais directement.

- C'est bien ce que je me disais... Il conclut avant de m'attraper en dessous de l'aisselle et dans le creux de mes genoux.

- Qu'est ce que tu fous ! Je braille tandis qu'il me soulève du sol d'un air nonchalant.

- T'es incapable d'avancer sur tes deux jambes, tu vas me retarder.

J'ai beau me débattre avec entrain, mes protestations restes vaines.

- Johnson, lâche moi !

Il ne m'adresse pas un regard et continue son chemin dans je ne sais qu'elle direction.

- J-je peux marcher !

Son gloussement lui vaux un coup dans la nuque de la tranche de main.

- Putain ! Il s'écrie à cause de la douleur. Je fais ça pour toi Davis, sois reconnaissante une fois dans ta vie bordel.

- Mais...

- Mais quoi ? Souffle-t-il, probablement exténué par mon comportement.

Mais je ne veux pas que tu fasses ça pour moi, ou je risque de m'attacher à nouveau.

- Rien, merci... je chuchote en prenant sur moi.

- T'as dit quoi ? J'ai pas entendu.

- Merci. Je répète plus fort, levant les yeux au ciel.

- Désolé, tu peux répéter ?

- Mer- je me coupe brusquement, il m'a fallut un certain temps pour comprendre. Merde, tu te foutais de ma gueule !

Il ricane de plus belle.

Je profite de ma position pour scruter son visage parfaitement tracé.

Les muscles de sa mâchoire ont tendance à se rétracter à répétition.

Ses yeux quand à eux sont froids, profonds, hypnotisants.

Ou c'est peut-être juste moi qui ai une obsession pour les pupilles de chaque personne que je rencontre.

Peu importe, les siens sont des aimants.

- T'es au courant que, c'est la troisième fois que j'en viens à te porter. Il déclare sans me jeter un coup d'oeil. Ta capacité à tenir sur tes deux pieds devient vraiment inquiétante.

Je peste bruyamment, ignorant une nouvelle remarque de sa part.

Il continue son trajet en silence et empreinte des chemins de plus en plus étroits pour finalement arriver au parking réservé au lycée.

La nausée a enfin disparu lorsque nous arrivons en face des multiples véhicules mais je sais pertinemment que si je pose un pied par terre, je me mange le gravier.

- Tu comptes encore voler la moto de Noa sans sa permission ? M'exaspéré-je tout en cherchant du regard un scooter avec la signature « Lee ». T'es au courant qu'on peut simplement prendre le bus ?

- Et toi t'es au courant que j'ai mon permis ?

Ça me fait penser que ma mère continuera de m'harceler si je n'obtiens pas le mien.

- Pourquoi tu ne viens jamais au lycée avec ta voiture dans ce cas ? Ça attirera encore plus de nanas, croit moi.

Il fait claquer sa langue contre son palais avec un petit rictus puis me dépose sur le sol près d'une Tesla.

Je pense d'abord qu'il s'est juste arrêté en pleins milieu pour me poser à terre mais il sort des clés de sa poche et fait clignoter la voiture sur laquelle je m'appuie.

- Eh bah putain ! Je m'exclame admirant le long véhicule d'un blanc éclatant. Même mes parents n'ont pas une voiture aussi cher.

- C'est dommage, moi si. Il répond avec un sourire triomphant.

Je roule des yeux avant d'ouvrir la portière côté passager pour y pénétrer.

L'intérieur est encore plus beau que l'extérieur, une odeur de propreté plane dans l'air.

Je n'ai jamais vu de sièges aussi confortables et je peux même étirer mes longues jambes sans avoir mal aux genoux.

Tout est parfaitement bien rangé, ça ne correspond pas à l'image que j'ai de Thomas qui s'installe à ma gauche.

Il démarre sans perdre une minute de plus, pressé de fuir Waterfalls.

Il a sûrement peur qu'on retrouve le coupable de l'incendie.

De toute évidence, les cours ont étaient suspendus et tout le monde a été renvoyé chez soit le temps de mon petit malaise.

Nous sortons du parking pour s'enfoncer dans les routes vides de Toronto.

Cela fait quelques minutes que nous roulons quand je me rends compte de la petite photo accrochée au rétroviseur face à lui.

Je me penche légèrement pour distinguer la personne dessus et suis surprise de reconnaître ma meilleure amie.

- Oh, c'est mignon d'avoir mis Josie dans ta voiture. Je suppose que tu changes de fille chaque semaine ? Dis-je avec sarcasme.

Un sourire étire ses lèvres alors qu'il garde les yeux sur la route, ses sourcils froncés de concentration.

- Je ne suis pas celui que tu crois Davis.

J'éclate d'un rire jaune sans gêne.

- Est ce que ça t'arrive... de dire la vérité quelques fois ? Je reprends sa phrase mot pour mot et son rictus me prouve qu'il l'a compris.

- Je suis un dragueur de première, oui.

Ah bah d'accord, jette toi des fleurs.

- Mais je n'ai jamais eu beaucoup de relations. Il termine le ton neutre.

- Ça confirme donc ce que je pense. Tu préfères coucher avec les filles pour ensuite les jeter, bien plus efficace qu'une relation n'est ce pas ?

Il roule des yeux mais je sais bien ce qu'il pense, on peut voir dans son regard que pour lui, nous ne sommes que de simples objets.

- Tu penses sérieusement ça de moi ?

- Oui. J'affirme sans hésiter.

Je remarque une faible moue sur les traits de son visage.

Est ce que je l'ai blessé ?

Un silence gênant s'établit alors dans l'habitacle, j'en profite pour essayer les sièges chauffants et massants.

Le regard perdu sur la route, je sursaute quand il allume soudainement la radio connectée à son portable.

À l'aide de spotify, sa playlist de rap s'enclenche assez fort pour que j'ai à me boucher les oreilles.

- C'est quelle langue ? Je grimace, les tympans qui sifflent.

- Français.

- Du coup tu comprends rien. Je souffle en fronçant les sourcils.

- Je suis canadien et français, donc si, je comprends toutes les paroles. Le rap n'a aucun intérêt si tu comprends rien.

J'enregistre l'information dont il vient de me faire part.

C'est vrai que son accent se faisait entendre quelques fois.

J'enlève lentement mes mains pour essayer de profiter de la musique.

Non, ça va pas être possible, je déteste.

- C'est un supplice pour les oreilles.

- Alors casse toi de ma voiture.

J'entre ouvre la bouche, subjuguée par sa sur-réaction.

Il radoucit sa voix, conscient du ton autoritaire qu'il a prit.

- J'écouterais toujours ça dans ma voiture alors va falloir t'y faire, c'est ce que je voulais dire.

J'hoche la tête en silence, rien que l'idée qu'il s'énerve pendant sa conduite me terrorise.

Finalement le son n'est pas si mauvais, ce qui me perturbe le plus c'est qu'il s'agit d'un langage inconnu pour moi.

J'appréhende l'arrivée à l'instant où nous pénétrons notre quartier.

« Elle pleut » d'un fameux Nekfeu joue dans mes oreilles au moment où nous nous garons.

Mon ventre se retourne quand mes yeux croisent la moto de Noa déjà garée devant chez moi.

Il est là.

Je détache ma ceinture et sors du véhicule à une lenteur inconsidérable histoire de repousser le moment où je vais entrer dans ma maison, l'apercevoir, et... lui parler.

Il mérite des explications mais... c'est trop dure.

Thomas m'ordonne de me dépêcher pendant que je renifle mes vêtements qui ont pris l'odeur du feu sans surprise.

Je dois puer le cramé mais tant pis.

Ma clé s'insère dans la porte qui s'ouvre rapidement.

L'entrée donne directement sur le salon, et c'est là que mes yeux les rencontrent.

Je cligne d'abord plusieurs fois les paupières pour être bien sûre de ce que je vois.

À cet instant j'aurais préféré être aveugle ou même ne pas exister.

Parce que cette image est bien réel.

L'image de Josie positionnée à califourchon sur les genoux de Noa, l'embrassant à pleine bouche, une main enfouie dans ses cheveux d'ébènes.

Mon sang se fige et le temps d'une seconde j'ai l'impression que je vais m'effondrer, pourtant mes pieds sont bels et bien ancrés dans le sol.

- Vous voulez de l'aide ? Intervient finalement Thomas pour les prévenir de notre arrivée.

Sa lèvre inférieure tremble autant que la mienne.

Il y a écrit « trahison » en gros dans ses iris, je ne l'ai jamais vu aussi blessé.

Josie sursaute et se retourne avec empressement, les lèvres gonflées.

Je crois voir mon monde s'effondrer lorsque je croise enfin le regard de Noa.

Culpabilité.

Voilà ce que ses yeux évoquent.

Il se lève brusquement pour s'expliquer mais je recule, dégoûtée.

- Lola...

Je n'ai même pas besoin de l'arrêter dans sa phrase, il s'est coupé tout seul, conscient de la douleur qui s'étale sur mon visage.

- Lola c'est pas...

- C'est pas ce que je crois hein ? Je débute à voix basse. Mais au fond qu'est ce que j'en ai à faire, on était seulement ami, non ? Fais ce que tu veux de ta vie, mais Josie... Josie putain de merde Noa !

La déception s'est transformée en rage et mon pincement au coeur a finalement éclaté a l'intérieur de moi.

La tristesse a pris en otage tous ses traits, à croire que c'est lui qui vient d'assister à la pire scène de sa vie.

Je dois serrer les dents de toutes mes forces pour ne pas fondre en larmes et tourne la tête vers Josie.

Elle n'a pas l'air de se sentir coupable, on pourrait même croire qu'elle est heureuse qu'on l'ai surprise pendant l'acte, et ça me tue encore plus.

- Ça va, t'es fière ? Lui demande Thomas qui a sûrement vu la même expression que moi sur son visage.

- N-non...

Sa voix a beau trembler de honte, ça n'a pas l'air sincère.

Je passe une main dans mes cheveux en secouant la tête.

Noa et Josie...

Comment c'est possible, ça n'a aucun de sens ?!

Noa s'apprête à rétorquer quelque chose en guise d'explication mais la main ferme de Thomas attrape la mienne.

- On se tire.

Il me lance un dernier regard triste avant que je ne disparaisse derrière la porte, les laissant seuls chez moi.

Il m'entraîne dans sa Tesla à toute vitesse et démarre le moteur pour quitter à tout prix ma maison et s'éloigner le plus rapidement possible de cette scène qui restera gravée dans mon esprit.

Il serre son volant si fort que ses veines ressortent et ses phalanges blanchissent.

Aucun de nous ne prononce un mot durant tout le trajet.

Je vois passer la multitude de sapins qui bougent au rythme du vent mais n'y fais même pas attention, incapable de penser à autre chose.

Quand la voiture se gare, je ne m'en rends même pas compte, c'est la portière de Thomas qui se claque derrière lui qui me sort de mes pensées.

Sa voiturée est placée entre deux Porches, juste en face de sa maison qui a l'air bien plus gigantesque que la dernière fois.

Je le suis en silence et entre dans sa villa spacieuse et moderne.

Des bruits dans le jardin se font entendre alors que observais chaque recoin de sa maison.

- Il y a... il y a quelqu'un ?

Il hausse les épaules, le visage fermé et sort pour vérifier de lui même.

Je lui emboîte le pas et tombe sur une bande de cinq garçons musclés qui ricanent dans la large piscine.

Oui, ils se baignent au mois de février.

- Qu'est ce que vous foutez là ?

Thomas soupire bruyamment tandis qu'un des inconnus aux cheveux longs s'approche.

- Quoi ? T'es le seul qui a une maison assez grande pour qu'on puisse tous la squatter. Répond le gars d'un air naturel.

- J'aurais jamais du vous donnez un double des clés.

Il fait demi-tour sans me donner plus d'explications.

- Je peux savoir qui sont ces gens ? Je m'impatiente puisqu'il ne compte pas m'en parler de lui même.

- Des amis de la boxe. On s'entraîne ensemble.

- On est de simples amis de la boxe pour toi ? S'écrie le roux qui sort de l'eau avec une fausse moue triste. Je pensais que tu nous considérais comme ta famille Johnson.

Je n'ai toujours pas compris pourquoi ils ont tous cette manie de s'appeler par leur nom de famille.

Il accourt vers lui, un large sourire aux lèvres.

Thomas grimace et recule d'un pas en roulant des yeux.

- Me touche pas, t'es trempé.

Il hausse les sourcils puis lui saute dessus pour le prendre dans ses bras.

- Bordel je t'ai dis de pas me toucher Marcus !

Un petit sourire étire mes lèvres quand il le repousse brusquement et secoue son tee shirt mouillé.

Le-dit Marcus ignore sa protestation et de tourne vers moi comme s'il venait de se rendre compte de ma présence.

- Elle était pas blonde ta copine avant ?

Thomas prend une grande respiration pour garder son calme tandis que je me pince les lèvres pour ne pas éclater de rire.

- Si, mais j'ai fais une teinture brune entre temps. Finis-je par plaisanter.

- Ahh, tout s'explique.

Il hoche la tête en souriant bêtement.

Il m'a vraiment cru...

- Marcus, retourne avec les autres.

- Non ! Il braille tel un enfant. Ethan n'arrête pas de me couler. Je veux rester avec toi et... Jasie ?

- Jos- je m'apprête à répondre pour continuer mon mensonge.

- C'est pas ma copine abruti ! Me coupe soudainement Thomas en se pinçant l'arrête du nez.

Marcus met quelques seconde à percuter, il ouvre sa bouche en grand et pointe un doigt accusateur dans ma direction.

- Sale menteuse ! T'es qui toi alors ?

- Lola Enola Davis, enchantée. Je réponds de mon nom entier.

Johnson se tourne pour s'adresser à moi:

- Va prendre une douche, c'est en haut tout de suite à droite.

J'acquiesce et m'éclipse du salon à la recherche d'une salle de bain.

Je vais enfin pouvoir retirer cette odeur de brûlé qui me colle à la peau.

- Attention, la baignoire est gigantesque, essaie de pas te noyer ! Crie une voix perçante dans mon dos qui doit sûrement être celle de Marcus.

- Je ferais attention, merci ! Je le remercie avec amusement sans me retourner.

Tout est plus grand que lors de ma dernière visite, je me pers presque dans toutes les salles inutiles qui se trouvent à l'étage supérieur.

Après quelques minutes de recherche, je peux enfin enlever mes vêtements et sentir l'eau couler sur moi.

Mais une fois sous la douche, je suis à nouveau seule et cette image revient s'afficher dans ma tête.

Elle tourne en boucle, comme une mauvaise cassette qui ne s'arrête jamais pour vous hanter.

Mon coeur se resserre à nouveau et j'ai envie de crier de toutes mes forces pour relâcher toutes les mauvaises émotions en moi.

Mon stress s'est intensifié ces derniers temps, ce qui fait que mes ongles sont totalement rongés.

Je ne peux plus les enfoncer jusqu'au sang dans ma peau.

Je regarde longuement mon bras avec une idée bizarre derrière la tête puis, sans réfléchir, j'agis.

J'amène mon avant-bras à ma bouche pour y enfoncer mes dents avec force.

Après quelques secondes, le sang s'éparpille dans ma bouche et la douleur physique a pris le dessus.

Alors je recommence, partout sur mes bras, encore et encore et encore, jusqu'à ne plus du tout y penser.

Le plus douloureux c'est que pendant un instant, j'ai cru que ça pouvait être différent.

Différent de ma relation avec Brad, qu'il serait différent de tous les autres.

Mais il a fait pire, il l'a fait avec ma meilleure amie.

Ma meilleure amie qui est aussi la copine de son meilleur ami.

Et j'ai beau me creuser la tête, je ne trouve aucune explication à ça.

Ça ne lui ressemble pas.

Quand l'eau s'arrête enfin et que je sors de la baignoire, ma peau et recouverte d'une dizaine de petites morsures, c'est vraiment pas beau à voir.

J'évite au maximum le long miroir, histoire de ne pas fondre en larme une fois que j'aurais croisé mon corps dedans.

J'attrape ma jupe à carreaux mais c'est là que je me rends compte qu'elle est à moitié brûlée et que je n'ai pas envie d'enfiler mes vêtements qui puent le feu après une douche.

Je tourne sur moi même, à la recherche de quelque chose à me mettre quand mes yeux tombent sur un tissu étendu sur le porte serviettes.

C'est un très large tee shirt blanc qui doit sûrement appartenir à Thomas que je mets sans perdre une seconde.

Il est assez confortable et retombe sur le bas de mes cuisses, assez long pour couvrir l'entièreté de mes ecchymoses.

Je sors de la salle de bain après avoir fait un chignon haut décoiffé et descend rejoindre les autres.

Quand j'atteins le jardin, tous les regards se tournent vers moi ce qui me met extrêmement mal à l'aise.

J'entends Marcus siffler sur sa bouée et le gars de tout à l'heure joue des sourcils.

- Eh Thomas, si t'en veux plus tu me la donne ? Interroge celui à la peau mate posé sur le bord de l'eau.

- Volontiers.

Sa réponse ne m'étonne même pas.

- Ah oui ? Je ne savais pas que j'étais un colis Amazon.

Il glousse puis plonge dans l'eau avec le reste de sa bande.

Thomas est le seul sur un transat, le regard plongé sur son portable et une clope au bec, comme à son habitude.

Les bras croisés sur ma poitrine j'avance vers lui pour m'installer à côté.

Celui-ci lève les yeux dans ma direction et les fait descendre sur tout mon corps avec précision.

- Rassure moi, t'as une jupe en dessous ?

- Non, elle puait le cramé.

- Putain, il souffle dans sa barbe, t'es au courant que tous ces gars dans la piscine sont des affamés ?

- Ne t'inquiète pas, j'ai l'habitude avec toi.

Il n'ouvre pas la bouche pour riposter alors je me contente de prendre place sur le transat à sa droite pour contempler ses amis se jouer dans l'eau.

Marcus essaie tant bien que mal de tenir sur sa bouée flamant rose, ses cheveux roux retombant devant ses yeux.

Le gars qui est venu nous parler au début, probablement Ethan, essaie de le rejoindre.

Ses longs cheveux noirs gouttent dans son dos bien sculpté.

Celui qui me reluquait le plus est blond est plutôt fin comparé aux autres, il s'amuse à faire des bombes pour éclabousser Thomas qui s'irrite de plus en plus.

Il y aussi celui qui m'a traité ouvertement d'objet, sa peau un peu plus mate que la mienne dégouline d'eau. Il est adossé au murs de la piscine et n'arrête pas de m'observer.

C'est très gênant.

Pour finir, l'un d'eux fait des longueurs tel un nageur professionnel, je ne peux donc pas savoir à quoi il ressemble.

Au moins avec toute cette présence masculine, je vais pouvoir occuper mon cerveau quelques temps pour ne plus penser à celui qui occupe mon coeur.

J'ouvre enfin la bouche pour briser la glace entre Thomas et moi.

- Qu'est ce que tu comptes faire ?

- Parce qu'il y a plusieurs options ? Je comptes la quitter, c'est tout.

Je m'en douter, mais je voulais tout de même l'entendre de sa bouche.

- Tu ne l'aimais pas donc...

- Je n'étais peut-être pas complètement amoureux mais je tenais assez à elle pour me sentir mal. Sa voix se brise sur la dernière syllabe et je devine que malgré mes préjugés sur lui, Thomas a été autant touché que moi.

Il ferme ses paupières quelques secondes comme pour masquer sa vulnérabilité.

- C'est normal tu sais. De te sentir mal, c'est elle qui a merdé, pas le contraire.

J'aimerais ne pas avoir à lui faire de discours réconfortant aux vues de tout ce qu'il m'a fait dans le passé, mais actuellement j'ai juste besoin de parler.

Parler pour oublier.

- Peut-être que si je lui avais donné plus d'attention elle ne serait pas allait en chercher chez Noa. Admet-il. Noa est plus doux, plus attentionné avec les filles, Noa est... parfait.

Oh.

Alors depuis tout ce temps, il était simplement jaloux de son meilleur ami.

Je compatis énormément.

- Dis pas de conneries, elle ne mérite pas que tu te remettes en question.

Tout ce que je dis est totalement vrai, Josie a vraiment fait n'importe quoi sur ce coup là.

Cette fois ce sera difficile de lui pardonner.

- Et toi alors ?

- Quoi moi ? Je suis pas en couple avec Noa, j'en ai rien à fai-

- Pitié, ne mens pas encore.

C'est vrai qu'en y repensant, j'ai toujours raconté ma vie à base de mensonges, ça en devient fatiguant.

- Si tu veux tout savoir, j'ai mal, j'ai vraiment vraiment très mal. Avoué-je après quelques temps de réflection. Et j'ai peur... que cette douleur ne s'en aille jamais.

- Bon les tourtereaux ! Gueule le blond à l'autre bout de la piscine. Vous comptez rester là ou vous venez avec nous ?

- Ferme la Eliott, je compte pas me baigner en pleins hiver.

Contrairement à Thomas, je reste silencieuse, gentiment assise et grelotant de froid.

Eliott sort de l'eau l'air contrarié après quoi il fait de grandes enjambées pour nous rejoindre.

- Une piscine ça se profite toute l'année.

Il tend ses bras et attrape les mains de Thomas pour le forcer à se mettre sur pieds.

Celui-ci se laisse faire malgré l'expression blasé sur son visage.

- Enola ! Viens toi aussi ! Hurle Marcus en s'agitant.

Apparemment il n'a retenu que mon deuxième prénom, c'est mieux que rien.

Je me lève alors pour lui faire plaisir mais l'avertis que je resterais seulement au bord, les pieds dans l'eau.

Eliott nous pousse de force jusqu'aux autres là où je freine brusquement juste avant de tomber dans la piscine probablement glacée.

Malheureusement pour lui, Thomas n'a pas eu le même réflex et chute à l'intérieur dans un hurlement effrayé.

Des rires se font entendre dans tout le jardin quand il revient finalement à la surface, les cheveux en arrière.

Son tee shirt lui colle à la peau et laisse apercevoir tous ses abdominaux quand il essaie de sortir.

- De l'aide ?

Je lui tends une main qu'il attrape avec bien plus de force que je ne m'y attendais.

Je suis poussée en avant et retombe avec lui.

L'eau doit être à six degrés au moins, ma circulation se gèle pratiquement.

C'est tellement froid que ça en est douloureux, je n'ai jamais ressenti ça.

Bizarrement c'est une sensation que j'adhère.

- Enfoiré ! Je m'écris tout de même en chassant mes cheveux longs qui se sont détachés.

- Quoi ? Je voulais seulement que tu profites avec nous.

Les gloussements reprennent de plus belle tandis que je m'efforce de descendre mon tee shirt qui ne fait que remonter à cause de l'eau.

Mon bras plaqué sur ma poitrine, je cache la vue de mes tétons qui pointent à tous ces daleux.

Thomas sort rapidement mais moi je suis bloquée dans la piscine, si je sors, on verra tout.

Le plus loin possible des autres, j'attends qu'il fasse demi tour avec sa serviette pour lui faire part de mon problème.

Je ne veux pas rester ici indéfiniment.

Il revient enfin proche du bord, je lui fais donc signe de se pencher pour lui chuchoter quelque chose.

Il hésite longuement, pensant que je vais le pousser comme il l'a fait mais finit par se baisser.

- Thomas j'ai... un tee shirt blanc. J'admets à voix très basse.

- Et donc ?

Je roule des yeux constatent qu'il ne percute pas.

- Et j'ai pas de soutif en dessous.

Il a finalement une illumination et se relève vite.

- Dehors !

Ses amis se regardent sans comprendre avant de reprendre leurs occupations.

- J'ai dis, tout le monde dehors !

- Mais pourquoi ? On commençait à peine à s'amu-

- Tirez vous de ma baraque bordel ! Il le coupe brusquement, le regard assassin.

Cette fois, toute la bande se précipite de sortir et attrape une serviette pour s'éclipser de sa villa avec empressement.

Je les regarde s'échapper tour à tour, laissant des flaques d'eau derrière eux.

Juste avant de disparaître du jardin, Marcus s'adresse à moi une dernière fois:

- Si un jour t'en a marre de cet abrutis, j'ai laissé mon numéro dans la cuisine.

- Casse toi bouffon ! Retentit la voix rauque de Johnson.

Le roux me fait un clin d'oeil puis s'en va.

- T'étais pas obligé de les mettre à la porte non plus.

- Tu les connais pas, ils t'auraient tous sauté dessus si t'étais sortis de l'eau dans cet... accoutrement.

Je me dirige vers les marches pour m'extraire du bassin tout en égouttant mon haut.

Ma peau fait encore plus mal que quand j'étais à l'intérieur, mon sang recommence à couler mais mes jambes sont légèrement rougis et j'ai l'impression qu'on me frappe tout le corps de l'intérieur.

Plus jamais je prendrais de bain glacé.

Thomas me balance une serviette que j'attrape au vol et enroule autour de ma poitrine.

- À quoi tu pensais en t'habillant ?

- J'imaginais pas qu'on m'aurait poussé dans l'eau avec une bande d'affamés. Soufflé-je en claquant des dents.

Je l'abandonne dehors pour me réfugier à l'intérieur et tombe sur un bout de papier posé sur la table.

Marcus m'a vraiment laissé son numéro...

- Appelle le, ça lui fera plaisir.

Je sursaute au son de sa voix et me retourne quand je tombe nez à nez avec son torse trempé à un centimètre de moi.

Des gouttes d'eau tombent de ses cheveux et coulent sur ses tempes.

Sa serviette attachée à la ceinture lui donne un air de dieu grec.

- Non merci. J'articule finalement après l'avoir longuement détaillé.

*

Assise devant la télé, un autre tee shirt sec de Thomas sur le dos et mes collants aux jambes, j'attends patiemment qu'il finisse sa douche depuis une demi-heure.

Je ne pensais pas qu'il prenait autant soin de son hygiène.

Le brun finit par descendre les escaliers en se frottant les cheveux à l'aide d'une petite serviette noir.

- J'ai une question ?

Je lève les yeux dans sa direction pour l'inviter à continuer.

- Pourquoi tes parents t'ont appelé Lola Enola Davis ?

- Et toi, pourquoi ils t'ont appelé Thomas Johnson ?

- Il n' y a aucune signification, avec toi par contre, il y en a souvent une.

Il s'assoit à mes côtés sur le canapé à l'attente d'une réponse.

Je prends une grande inspiration après quoi je lui explique:

- Lola est le diminutif de « dolores » en Espagne, ce qui signifie « douleur ». Et pour Enola, tu as juste à retourner mon prénom pour avoir ta réponse.

Il se creuse un peu le cerveau avant d'avoir une révélation.

- Alone ? Si on retourne Enola ça fait « seule ».

- Bravo. Je réponds avec ennuie.

- Douleur et seule, tes parents avaient déjà tracé ton destin à ta naissance.

J'affiche une moue déprimée pour lui faire comprendre que sa plaisanterie n'avait rien de drôle.

- Tu m'en veux encore ? Il change subitement de sujet.

- Je n'arrêterais jamais de t'en vouloir.

La télé continue de parler et provoque un bruit de fond dans notre discussion.

- Noa l'aurait bien découvert tôt ou tard.

Il le fait exprès ?

- Ce n'est pas que ça ! Tu m'as utilisé Thomas, tu m'as prise pour un putain de jouet qu'on peut jeter quand on en a plus besoin.

Il fallait que je le dise, il faut qu'on parle. Je n'en pouvais plus de garder mes mots au fond de ma gorge.

- Mais-

- Mais je ne suis pas un objet !

- Tu n'as vraiment rien compris...

- Bien, alors explique moi.

Les bras croisés et le visage totalement retourné face à lui, j'attends qu'il me donne des explications concrètes.

- C'est... trop dure.

- Qu'est ce qui est trop dure ?!

- De t'en parler !

Nos nerfs montent en puissance, ça ne m'inspire rien de bon.

- Dis juste que tu voulais simplement t'amuser mais comme ça n'a pas marché, tu es allé voir Josie.

Ses pupilles se dilatent à mesure que je parle.

- C'est faux, c'est toi qui est allée voir Noa !

- Mais qu'est ce que ça a avoir avec toi ?!

- Parce que moi c'est toi que j'ai toujours voulu !

Hein ?

Sa phrase reste en suspens et plane autour de nous.

Son erreur s'affiche sur son visage puisqu'il se rétracte et passe nerveusement une main dans ses cheveux.

- Est ce que... est ce que j'ai bien entendu ? Balbutié-je les sourcils froncés d'incompréhension.

- Davis... rentre chez toi.

Il n'est plus capable de me regarder en face.

J'avale difficilement ma salive et me lève pour ne pas l'énerver d'avantage.

Ma main en suspend sur la poignée, j'attends qu'il dise quelque chose mais rien ne vient alors je l'enfonce et sort de sa maison.

Mes cheveux gouttent dans mon dos provoquant une sensation très désagréable alors que je traine mes chaussures par terre en regardant le ciel nuageux.

C'est impossible.

Je ne peux pas y croire.

Thomas vient vraiment de m'avouer qu'il a des sentiments pour moi depuis le début ?

{ La suite dans le prochain chapitre }

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