Chapitre 21: À cause d'un sapin

Je n'ai jamais aimé la période de Noël.

Les sourires radieux ainsi que les visages joyeux m'ont toujours insupporté.

C'est probablement la jalousie qui prend possession de moi quand j'aperçois toutes ces personnes si heureuse de partager un moment avec leur famille.

La seule chose que j'apprécie pendant les fêtes de fin d'année sont la nourriture et la neige même si elle ne tombe pas qu'en cette période mais pratiquement durant la moitié de l'an.

Les jours qui arrivent sont censés me rendre de bonne humeur, pourtant je ne me suis jamais sentie aussi mal.

L'événement qui s'est passé avec Noa m'effraie énormément, tellement que je me réveille souvent en sursaut après avoir imaginé la scène où son corps s'écrasait de l'autre côté de la fenêtre.

J'ai déjà vécu la mort d'un être cher, et j'ai assez souffert pour savoir que je ne supporterais pas un autre décès.

Non seulement ça mais aussi, Josie ne répond plus à mes messages depuis que nous sommes en vacances.

Je comprends qu'elle se soit renfermée depuis le massacre qui a du traumatiser son petit cœur sensible, mais ça m'inquiète si fort que j'ai recommencé à me ronger les ongles.

D'un côté, ce n'est pas une mauvaise chose.

Ma porte s'ouvre sans aucune délicatesse, je devine subitement de qui il s'agit.

- Sors de ta chambre ou tu vas fusionner avec ton lit. Amalia s'injure en levant les bras. Oh mon dieu, ça pue ici, ouvre tes fenêtres bordel ! Elle se pince le nez comme si on se trouvait dans une déchèterie.

Je retrousse ma tête sous ma couverture après avoir soufflé bruyamment.

- Allez, t'es pas sympa d'abandonner ton mec. Il doit subir une conversation avec les parents en bas.

Je fronce les sourcils et me redresse subitement.

- Noa n'est pas mon mec putain, lâche moi avec ça !

Je lui balance un coussin dans la figure pour la chasser mais elle l'attrape au vol et me le renvoie avec force.

Je me le prends en pleine face et me laisse retomber sur le lit.

- Donc je peux te le prendre ? Elle affiche un sourire rempli de désir qui me donne un haut-le-cœur.

Son attirance pour les plus jeunes commence sérieusement à me faire flipper.

- Tu sais que, c'est de la pédophilie ? Je lui fais remarquer avec un ton plus sérieux.

- Rien ne m'empêche de le traiter comme mon frère adoré puisqu'on vit ensemble. Et si j'allais le masser ? Ma soeur se mort sensuellement la lèvre inférieure avant de disparaître rapidement de ma chambre en ricanant.

J'ouvre la bouche ahurie  puis m'empresse de la suivre à toute vitesse pour qu'elle évite de faire ce qu'elle a l'intention de faire.

Je dévale les escaliers mais une fois arrivée dans le salon, je me retrouve face à toute ma famille, y comprit Noa, qui me contemple comme une folle.

Je baisse légèrement les yeux sur ma tenue.

J'oubliais que j'étais encore vêtue d'un petit short noir et d'une simple brassière de sport rose bonbon qui me sert de pyjama.

Amalia part en fou rire tandis que je plaque une main sur ma bouche et me précipite à nouveau dans ma chambre.

Je viens sûrement de me taper la plus grosse honte de ma vie à cause de cette peste.

J'enfile rapidement un jogging noir ainsi qu'un pull assez ample pour dissimuler tout mon corps à l'intérieur.

Mes yeux s'arrêtent une seconde devant ma fenêtre qui donne sur le côté centre-ville.

Je dois avouer que les multitudes de décorations sont belles à regarder d'ici.

Les sapins qui se déploient sur ma gauche sont remplis de petits flocons, c'est magnifique.

Un lac glacé se déploie un peu plus loin, le paysage en est presque féerique.

Je reviens malgré tout à la réalité et retrouve les autres en bas.

J'évite du mieux que je peux le regard insistant de Noa et me dirige vers ma soeur qui me tape sur l'épaule avec pitié.

- Ma pauvre, ça a du être la honte de ta vie.

- Tu veux que je te rappelle tous les moments gênants de ta vie ? Je la défie des yeux mais elle me fait signe de la fermer.

Mes parents apportent de grosses caisses qu'ils posent sur la table à manger.

Je les scrute, curieuse de savoir ce qu'il y a à l'intérieur.

Ma mère passe derrière moi pour se chercher un café et me chuchote au passage:

- Quelle idée de s'habiller comme ça en plein hiver ?

Je lève les yeux mais ne lui réponds rien.

J'aime seulement le fait d'avoir froid pour ensuite retrouver une chaleur réconfortante sous ma couette, mais même ça elle ne le comprendrait pas.

Mon père se racle bruyamment la gorge comme pour imposer sa présence.

Oui, on sait que tu es là.

- Ici se trouvent toutes les décorations pour le sapin de Noël. Il tape de sa paume le couvercle de la large boîte. Vous vous chargerez de le décorer pour demain.

Demain ?

Noël c'est vraiment demain ?

Je n'ai même pas vu le temps passer et n'ai préparé aucune liste de cadeaux.

Mais peu importe, tout ce que je veux c'est un nouveau casque.

Évidemment comme nous sommes les enfants, c'est à nous de s'en charger.

Je déteste cette tache, elle est longue et épuisante.

Sur ce, ils disparaissent tous les trois, me laissant seule avec Noa dans le salon.

Je lui adresse un faible sourire gêné.

- J'ai rien vu tu sais.

J'aurais aimé qu'il ne parle pas de cet accident malaisant.

- Tu mens.

- C'est vrai. Je ne pensais pas que le rose c'était ta couleur mais en fait-

- Tu veux bien la fermer ? Je l'arrête brusquement. Je parie que tu portes encore des sous-vêtements Bob l'éponge.

En réalité je suis rassurée que la seule chose qu'il ai vu soit mon soutif et pas les horribles ecchymoses qui recouvraient mes bras et mes jambes nus.

Il affiche une mine indignée, une main posée sur le coeur.

- Et c'est quoi le problème avec Bob l'éponge d'abord ?

Je roule des yeux en gloussant discrètement.

Je suis heureuse de voir que rien n'a changé entre nous, malgré ce qu'il s'est passé récemment.

À sa place je me serais renfermée durant un mois jusqu'à ce que l'épisode soit oublié.

J'espère seulement que ça n'arrivera plus jamais et je ne préfère pas en reparler.

Je l'observe taper quelque chose sur son portable en retrait.

- C'est Malicia ? Les mots sont sortis si vite de ma bouche que j'en reste figée.

Il sourit, victorieux de ma jalousie.

Je croise les bras, tout de même dans l'attente d'une réponse.

- Je suis dans l'interdiction de parler avec d'autres filles, ma Lola ?

- Ne m'appelle pas comme ça, ici. Quand il y a ma famille dans les alentours, je suis seulement Lola, ok ?

- Ok, « Seulement Lola ».

Je lui lance un regard noir puis m'effondre dans un fauteuil, désespérée.

Ses yeux suivent chacun de mes faits et gestes, s'en est presque oppressant.

- Tu peux parler avec d'autres filles, bien entendu. J'annonce, la tête vers le plafond. Mais cette fille là, elle est bizarre.

Elle n'est absolument pas bizarre, mais je n'ai jamais ressenti une telle envie envers quelqu'un avant, c'est perturbant de penser à elle constamment.

- C'est toi qui parle ou ta jalousie ? Il me rejoint, son téléphone toujours encré dans sa main.

- Je ne suis jamais et ne serais jamais jalouse. Je mens délibérément en attrapant la caisse pour la poser sur mes genoux.

Il ouvre en grand sa bouche comme pour montrer sa stupéfaction face à mon gros mensonge.

Un sourire innocent s'étire sur mes lèvres tandis que je retire toutes les guirlandes interminables ainsi que la multitude de boules multicolores.

Au vu des couleurs, le sapin s'annonce affreux.

- Bon, je souffle avec ennui, on le fait rapidement comme ça on en est débarrassé.

Je tourne la tête dans sa direction voyant qu'il ne me répond pas.

Il pouffe, toujours plongé dans ses textos.

Je ne sais pas pourquoi mais ça m'énerve tellement que je serre fortement les dents.

D'habitude il m'adresse toute son attention.

- Ok bon, je vais me faire foutre alors.

Il réagit finalement et lève la tête vers moi.

Mes yeux lancent des reproches aux siens alors que la culpabilité s'étend sur son visage.

- Non, désolé. Désolé de t'annoncer que tu n'es pas le centre du monde. Son ton était ironique mais ça blesse tout de même quelque chose en moi.

Il le remarque rapidement et se lève pour rejoindre la porte d'entrée sous mon regard interrogateur.

- C'était une blague. Il soupire avant d'enfoncer les clés dans la serrure pour laisser entrer quelqu'un.

Thomas apparaît en premier, les cheveux en bataille, habillé d'un jogging noir et d'un simple tee shirt blanc.

Je reste bouche bée face à sa silhouette dans mon salon.

- J'espère que c'est juste un cauchemar, ma tête se secoue dans tous les sens. Je vais me réveiller... je vais me réveiller.

- Ma venue t'exaspère à ce point Davis ?

Les mains dans les poches, il s'avance jusqu'à moi en me regardant du haut de ses un mètre quatre-vingt-dix. 

Son doigt est à un centimètre de mon visage, il s'apprête à replacer une de mes mèches en place mais j'attrape fermement son poignet au vol.

Il ne jouera plus jamais avec moi.

- Où est Josie ? Je lui rappelle l'existence de sa proie actuelle, mes yeux poignardant ses iris.

Il n'a pas le temps de répondre que la principale concernée apparaît dans le salon en souriant faiblement.

Je la reconnais à peine.

Elle ne porte pas ses habituels accessoires de cheveux ni tous ses bijoux excessifs.

Sa dégaine est si morose qu'on pourrait croire que Thomas l'a influencé dans sa manière d'être.

- Ça va ?

Elle se contente d'acquiescer doucement en silence.

Les derniers événements l'ont vraiment touché pour qu'elle se retrouve dans un état pareil.

Les grosses cernes qui entourent ses yeux me laissent penser qu'elle ne dort pas assez.

J'aimerais la prendre dans mes bras seulement pour qu'elle retrouve son sourire éblouissant.

J'interroge Noa sur la raison de notre présence à tous les quatre dans ma maison.

- On est ami, on peut faire le sapin tous ensemble.

Est ce qu'il est naïf ou il le fait exprès ?

Josie est au bout du rouleau, Thomas et moi sommes dans une situation indescriptible, Noa a failli y rester et je ne sais plus dans quel catégorie situer notre relation, sans compter que la relation entre Josie et Thomas est elle aussi très floue.

Mais d'après lui, c'est le moment parfait pour passer du temps ensemble.

- On a pas besoin d'être quatre pour faire ça. Je me lamente, mes doigts récupérant l'entièreté de mes cheveux pour les attacher.

- Allez, c'est le réveillon après tout. Nous motive fébrilement Josie.

J'aperçois les yeux de Thomas se lever au ciel.

Mon envie de le gifler augmente à chaque minute qui passe.

Rien que son visage m'irrite.

Il faut croire que ce jour là, mon ego a été touché à jamais.

Et savoir qu'il s'apprête à faire exactement la même chose à Josie m'exaspère mais je ne peux rien y changer.

J'attrape malgré tout une guirlande dorée que je lance à Noa.

- Occupe toi des guirlandes avec Thomas, on accrochera les boules avec Josie.

Il a acquiesce mais Thomas arque un sourcil, réticent à mes ordres.

- Pourquoi c'est toi qui mène la danse maintenant ?

- Parce que c'est chez moi. Je lui réponds du tac au tac en le fusillant du regard.

Je lâche un long soupir pour montrer mon exaspération puis fais quelques pas en direction de l'armoire préférée de mon père.

Elle contient une centaine de bouteilles d'alcool ainsi que plusieurs paquets de cigarettes.

J'en sort une délicatement avant de refermer ce meuble maudit.

Mon bras tendu, je propose la cigarette à Thomas, un sourire forcé aux lèvres.

- Pourquoi tu me donnes une clope ?

- Pour que tu crèves plus rapidement.

Il ouvre la bouche durant une seconde mais finit par l'accepter en pouffant.

Le sapin est maintenant habillé de quelques guirlandes multicolores que Noa a installé tout seul puisque Thomas passe son temps à nous contempler, confortablement installé sur mon canapé.

Alors que j'accroche difficilement une boule à sa branche du sapin, j'aperçois du coin de l'œil Josie se hisser sous l'une des épaules de Thomas et se coller à lui.

- Alors c'est officiel vous deux ? Je demande curieuse, dos à eux.

- Non.

Thomas a répondu bien trop rapidement.

Comme si c'était une évidence.

Comme si ça ne pourrait jamais arriver.

Je me retourne pour examiner la réaction de Josie et comme si je m'y attendais, elle est blessée.

Les traits de son visage se sont assombris et son regard divague dans le vide.

Noa me lance un coup d'œil.

On peut voir la pitié dans ses yeux, je sais qu'il a lui aussi aperçu la déception sur le visage de notre amie.

- On peut faire un jeu ? Il propose subitement alors pour changer de sujet.

J'hausse les épaules et m'installe sur le large fauteuil avant de me rendre compte qu'il détient encore l'odeur déstabilisante de mon père.

Je grimace et change de siège en prétextant qu'il n'était pas assez confortable.

- C'est quoi ton jeu Sherlock ?

Le surnom qu'utilise Thomas me laisse bouche bée.

Moi qui pensait que c'était un truc entre moi et Noa, il a en fait tout raconté à son meilleur ami.

Je me demande s'il lui raconte vraiment tout ce qu'il se passe entre nous dans les moindres détails.

Je parie qu'il a fait exprès pour me mettre mal à l'aise.

Le regard noir de Noa envers son meilleur ami me laisse penser que c'était censé être un secret.

- Des confessions !

La voix de Josie que je pensais morte me fait presque sursauter.

Je cligne des yeux lentement en appréhendant la suite.

Les confessions ça n'indique rien de bon.

- On répond aux questions à tour de rôle, Thomas tu commences.

Il accepte après avoir soufflé sa fumée toxique dans ma direction.

Heureusement nous sommes trop loin pour que ça m'atteigne.

- Qu'est ce que tu cherches avec Josie ? C'est quoi ton réel objectif avec elle ?

Noa attaque directement.
Çe me fait plaisir de savoir qu'il s'inquiète pour elle tout autant que moi.

Les deux se regardent avec stupéfaction mais il déclare sans hésiter.

- J'aime Josie, seulement, je ne veux pas précipiter les choses.

Mes yeux s'écarquillent brusquement et je dois me racler la gorge pour éviter d'éclater de rire.

Ce gars joue vraiment bien, je dois avouer qu'il ne s'y prend pas mal.

La lueur d'espoir dans les pupilles de Josie m'inquiète.

Elle y croit.

Dans le doute, je me penche à l'oreille de Noa pour lui demander son avis.

- Il ne ment pas. M'affirme-t-il sans hésiter.

Il dit... la vérité ?

J'aimerais le croire, il le connaît mieux que personne.

Mais la simple idée que Thomas ne mente pas me laisse sceptique.

Ou alors, suis-je simplement si jalouse que je n'arrive pas à accepter qu'il l'aime comme ça n'a jamais été le cas avec moi ?

Je suis déboussolée, je n'arrive pas à savoir s'il dit vrai ou s'il manipule encore le cerveau naïf de Josie.

Noa a posé la question que je voulais aussi lui demander alors je dérive complètement de sujet.

- Les rumeurs disent que tu t'es fait renvoyer de ton ancien lycée, pourquoi ?

- Oui c'est vrai. Il annonce fièrement. J'ai jeté ma cigarette dans une poubelle après l'avoir utilisée et la classe a pris feu.

Josie et moi le contemplons sous le choc.

Je savais qu'il était capable de beaucoup mais là...

Les deux garçons éclatent d'un rire sincère, satisfaits de notre réaction.

- C'est faux. Le contredit finalement Noa sans s'arrêter de rire. Le lycée avait beaucoup d'attentes et il n'avait pas la moyenne, c'est tout.

Quel imbécile.

Je suis tout de même rassurée de savoir que je ne suis pas en compagnie d'un tel délinquant.

- À ton tour Lola, j'ai une question.

J'aimerais qu'il la garde pour lui mais je n'ai pas d'autres choix que d'accepter.

- Quel est ton plus grand secret ?

Cette question me fait l'effet d'une gifle.

J'ai tout d'un coup si chaud que j'aimerais retirer mon pull mais je reste immobile.

Quel est mon plus grand secret ?

J'ai une multitude de secrets, tous plus douloureux les un que les autres, mais je n'ai jamais su en prononcer un seul à voix haute.

Sûrement parce que je suis dans le déni et que ça me ramènera à la réalité de celle-ci.

Je m'interrogeais sur la raison de sa question mais soudain, cette nuit me revient en tête.

Mon souffle coupé, mes pleurs incessants, et la pulpe de son doigt caressant le contour d'un hématome qui recouvrait ma jambe.

Thomas connait une de mes faiblesses, il sait tout.

Comment j'ai fait pour oublier ?!

Il a en sa possession un secret que je m'efforce de garder et veut en connaître la totalité des informations.

Tous leurs yeux sont braqués sur moi, c'est étouffant.

Les doigts de Josie se fraient un chemin jusque les miens pour me serrer fort la main en guise de réconfort.

- On a le droit à un joker, tu peux l'utiliser si tu veux.

- Oui, j'accepte directement, j'utilise mon joker.

Mes yeux la remercie infiniment en silence.

- C'est injuste ! Moi j'ai répondu, pourquoi elle aurait un joker ?

- Tes questions étaient simples, abruti. Lui rappelle Noa en levant les yeux.

Je suis si surprise.

Surprise de voir que j'ai peut-être deux vrais amis, qui me défendent et me réconfortent peu importe la situation.

- Je joue plus à votre jeu débile.

Josie écrase sa main sur son front, Noa et moi nous contentons de rire face au côté gamin qui ressort de Thomas.

C'est étrange, parfois il peut se montrer insupportable et pervers, mais il y a certains moments où il est très enfantin et drôle.

- Noa, Josie persiste à continuer les confessions, as-tu déjà été amoureux ?

Je me tourne face à lui, impatiente de connaître sa réponse.

Ses joues s'empourprent au moment où nos regards se croisent et se lient.

Je n'ai jamais ressenti ça avec quelqu'un, c'est comme si nos yeux pouvaient communiquer et se comprendre.

Il replace une de ses mèches noires, gêné par l'attention posée sur lui.

- J'en sais rien.

Un petit sourire étire mes lèvres.
Il sait très bien.

- Tu peux approfondir ?

Elle s'intéresse un peu plus, toujours installée sur le bras de Thomas qui la matte sans retenue.

- Tu vas me poser combien de questions au juste ? C'est une par personne.

Mon amie lève les yeux au ciel, déçue.

- Alors je le fais à sa place. propose Thomas qui se redresse, un sourire malicieux aux lèvres.

- Je croyais que tu ne jouais plus ?

Il marmonne quelque chose d'incompréhensible avant de croiser ses bras.

Les visages se tournent alors vers moi avec attente.

Je secoue la tête quand ma soeur dévale les escaliers.

- Le sapin avan- elle s'arrête net dans sa phrase quand elle s'aperçoit qu'il y a deux intrus dans le salon.

Elle me jette un regard interrogateur auquel je ne réponds rien.

- Ce sont des amis. Anticipe Noa.

- Ah et, vous parliez de quoi ?

- De rien.

- On préparait un plan à quatre. Répond Thomas au même moment que moi.

Je lui fais un doigt discrètement mais son rictus  reste en place.

Il veut tout faire pour m'humilier, c'est agaçant.

- Vous n'êtes pas un peu... jeunes pour ça ?

Cette conversation part vraiment en couilles.

- Tout à l'heure, le fait que je sois jeune ne te dérangeait pas tant que ça non ? L'interroge Noa d'un ton ferme.

Je ne peux pas m'empêcher de glousser à la vue d'une Amalia gênée.

Ça lui apprendra à fantasmer sur des mineurs.

Elle se gratte maladroitement la tête alors que je continue de me moquer délibérément d'elle.

- Comment tu sais ça toi ? Elle essaie de se défendre, toujours debout comme un poteau.

- Tu n'es vraiment pas discrète. Et puis tes regards ne mentent pas.

- T-tu t'inventes une vie, en plus j'ai vingt-et-un ans, jamais je ne m'intéresserais à toi !

Elle replace ses mèches ondulées en arrière comme si ça lui donnerait un air assuré.

J'hausse exagérément les sourcils dans sa direction pour lui rappeler son gros mensonge.

- Stronza* ! Elle s'écrie avant de remonter les escaliers pour disparaître de notre vue. ( *connasse )

- Qu'est ce qu'elle a dit ?

- Rien, elle m'a insulté en italien. Je réponds en haussant les épaules.

*

Je reluque le sapin qui ne contient que trois pauvres boules.

- Notre sapin est vraiment laid. Réplique Thomas, lisant dans mes pensées.

Il ne tarde pas à se lever en repoussant doucement Josie qui s'est endormie sur lui.

Je le dévisage alors qu'il attrape plusieurs décorations pour y remédier.

Ses doigts les passent dans chaque branche avec habilité.

Noa dort lui aussi, sa tête posée sur le rebord du canapé.

Ses yeux clos, on peut apercevoir la longueur fulgurante de ses cils.

Je reste longuement là, à le scruter du moindre détail jusqu'à ce que la voix de Thomas me parvienne:

- Lola ?

- Mhm. Je marmonne, réticente.

- Tu aimes vraiment Noa ?

Je lui lance un regard noir en indiquant du menton le principal concerné.

- C'est bon on s'en fout, il dort.

- Peut-être qu'il fait semblant pour écouter notre conversation.

Je l'imagine mal faire ça, mais jamais je n'avouerais mes sentiments en sa présence, alors on ne sait jamais.

- De toute façon, qu'est ce que t'en a à faire de ce que j'éprouve pour lui ? Dis-je à voix basse.

- Rien, t'as raison.

Ses boucles brunes m'hypnotisent durant une minute.

Je retrouve ses iris poignantes que je n'avais plus aperçu depuis bien longtemps.

Aucun d'entre nous ne bouge pour rompre le contact visuel.

Mes yeux descendent jusque ses phalanges recouvertes d'un bandage teinté de sang.

- Tu t'es encore battu ?

- Non, je me suis fait ça à l'entraînement.

J'arque un sourcil inquisiteur.

- L'entraînement ? Je répète dans l'incompréhension.

- Tu n'es pas au courant que je fais de la boxe ?

Comment aurais-je du être au courant ?

- Oh, tout s'explique. Je murmure, perdue dans mes pensées.

- Quoi ?

- Tes pulsions bagarreuses. Je réponds en secouant la tête.

Il pouffe avant de se décaler, me laissant la vue sur son travail.

Wahou.

Je suis tout autant émerveillée que surprise par le magnifique arbre de Noël qui se déploie devant moi.

Les boules ont étaient raccordées aux guirlandes, dont une lumineuse qui apporte de la gaieté au sapin mort d'il y a quelques minutes.

- Finalement tu as des qualités.

Il me jette sans hésiter une boule restante dans la figure.

Je l'esquive de justesse et me surprends à rire.

Je ris, avec Thomas.

C'est flippant.

Ma mère apparaît de nulle part, éparpillant du rouge à lèvre bordeaux sur ses lèvres fines.

Son cors en sablier est habillé d'une nuisette en dentelle noire.

- Bonsoir.

- Pourquoi tu mets du rouge à lèvre à vingt-trois heures ? Je l'interroge, à moitié somnolente.

- Une femme doit toujours être jolie. Répond malicieusement Thomas à sa place.

- Je t'aime bien toi.

Non, tu ne l'aimes pas.

Ma mère lui fait une petite tape sur l'épaule avec un sourire satisfait.

Je profite qu'elle s'éloigne dans la cuisine pour lui chuchoter:

- Suceur.

- Pour mon plus grand plaisir, oui.

Je grimace avant de bailler et de me rendre compte qu'il est temps de le renvoyer chez lui pour que je puisse me reposer.

J'ouvre la bouche mais ma mère me devance:

- Vous restez dormir les enfants ?

- Oui

- Non. Je décline en même temps qu'il accepte.

Bien évidemment, elle n'écoute que sa réponse et nous demande de se répartir en deux groupes pour la nuit.

Ça ne me dérange absolument pas que Josie reste, mais Thomas c'est autre chose.

Le taux de masculinité dans la maison se fait bien trop élevé, c'est dérangeant.

D'une main hésitante, je secoue Josie en lui murmurant de se lever.

Elle ne se réveille qu'à la cinquième reprise, l'air déboussolée.

- Merde, je dois rentrer chez moi !

- Calme toi, vous dormez ici cette nuit. Je la rassure, ma paume posée sur son épaule.

Elle se détend et prend une grande inspiration puis se lève en se frottant les yeux.

Thomas a finalement réussi à réveiller Noa qui dormait visiblement à point fermé.

Je les laisse tous les trois passer devant moi dans les escaliers mais il s'arrête pour me céder le passage en premier.

Je le remercie et monte alors jusqu'à ma chambre pour m'écraser sur mon lit chaud.

Ma fenêtre encore ouverte, un petit être en profite pour se hisser à l'intérieur.

Le minuscule corps de Rosa se promène jusque mes chaussons.

Elle miaule tellement que je finis par l'attraper de mes mains pour la poser sur mes genoux.

- C'est quoi... ça ? Thomas a l'air si dégoûté que ça fait rire Josie.

- Un animal. Je lui réponds comme je parlerais à un bébé.

Il soupire bruyamment et s'éloigne avec les autres dans la chambre d'à côté.

Mes doigts passent à répétition sur le haut de son crâne ainsi que son dos.

Son pelage blanc est gelé, on ne peut pratiquement pas distinguer les flocons de neiges qui sont tombés sur elle.

Ses yeux d'un bleu profond me rappellent l'océan.

La caresser suffit à m'apaiser.

- Rosa, je chuchote assez bas pour qu'ils ne puissent pas m'entendre de là où ils sont, tu penses que je suis amoureuse de Noa ?

La question en réalité est, est ce que j'aime Noa ou j'aime l'attention qu'il me donne ?

Je suis effrayée à l'idée de retomber une nouvelle fois amoureuse.

Et s'il me manipulait comme l'a fait Brad ?

- Il est très gentil, je continue près de son oreille, il prend soin de moi, il est attentionné, et oui j'avoue, il est vraiment, vraiment canon.

Rosa miaule comme pour me faire comprendre que je suis complètement piquée.

Je souris tristement.

J'ai peur.

Extrêmement peur, de l'amour.

C'est le pire sentiment qui existe.

Il a le pouvoir de vous tuer ou de vous détruire petit à petit.

J'ai beau le fuir indéfiniment, il me rattrapera à un moment ou un autre, autant me l'avouer à moi même.

J'aime Noa.

Est ce que ça causera ma perte ?

J'espère fortement que non.

Josie revient dans ma chambre au moment où je pose Rosa au sol et rentre dans celle de Noa.

- Tu me remercieras plus tard. Lui dit Thomas avant de faire demi tour et suivre Josie.

- Remercier pour quoi ?

- Josie veut dormir avec Thomas. Il m'informe, assit sur son lit.

Ça ne m'étonne pas plus que ça, ce qui me choque c'est surtout que Thomas ai accepté.

Josie veut toujours se précipiter dans les relations, souvent ça se termine mal d'ailleurs.

- Et donc ?

- Et donc ce soir on dort ensemble.

{ La suite dans le prochain chapitre }

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