Chapitre 06: Disparaître semble souvent être la meilleure solution
~Canada~Toronto~Septembre 2024~
Un grand bruit fracassant nous fait sursauter.
Des cris s'ensuivent et d'autres choses sont éclatées sur les murs.
Des coups se font entendre et résonnent dans ma tête.
Tout ce brouhaha me ramène chez moi.
Même quand j'essaie de m'enfuir, tout me ramène à cet enfer sans fin.
Le verre qui se brise sur le sol et les insultes me font vibrer de peur.
Ma respiration devient saccadée et si forte que Noa s'en rend compte.
Il se précipite vers un petit objet noir et appuie sur l'un des boutons.
La musique Bathroom de Montel Fish s'enclenche alors.
Oh le bordel.
- Je pense que tu t'es trompé de playlist.
Il s'agite dans tous les sens, ses joues rougissent lorsqu'il s'empresse de changer la musique pour Drop It Like It's Hot de Snoop Dogg.
Il augmente tellement le volume que ça cache les bruits qu'on écoutait.
Mon angoisse descend petit à petit et je me laisse emporter par les paroles qui couvrent les cris d'en bas.
La mélodie fait disparaître ma peur.
C'est la seule à pouvoir me calmer.
- Qu'est ce que... c'était quoi ce bruit ?
Mes mains glacées tremblent toujours.
Il soupire en s'affaissant dans son lit, cette situation lui semble normal.
J'observe méticuleusement son visage épuisé et sa pomme d'Adam qui ressort.
- Mon père est un putain de taré. Il doit sûrement gueuler sur son patron qui ne le paye pas assez.
Il garde les yeux clos mais son sourire a disparu.
C'est la première fois que je le vois comme ça, sans son masque.
Est ce que quelqu'un m'a aussi déjà vu sans mon masque ?
Sans mon sourire habituel que je me force à garder.
- Tu viens demain ?
- Demain ? L'interrogé-je sans comprendre à quoi fait-il illusion.
- On a organisé une sortie au Laser Game avec la classe.
- J'étais pas au courant.
Les filles n'ont pas pensé à me prévenir, ça ne m'étonne pas. Ce qui m'aurait étonné c'est qu'elles le fassent.
L'envie d'y aller me surprend moi même. Passer un moment avec ma classe est un supplice mais quelque chose m'y pousse.
La voix de Noa m'extrait de mes pensées:
- A quoi tu penses ?
- À rentrer chez moi. Je lui réponds sans même le regarder.
- Tu mens.
Je me mords la langue sous l'effet de surprise, d'une telle façon qu'elle se met à saigner.
- Si tu voulais rentrer tu ne serais pas encore ici.
Je m'empresse de regarder ma montre, mes yeux s'écarquillent quand ils se rendent compte que le bus a du passer il y a déjà vingt minutes.
- J-j'ai pas vu le temps passer.
- Je suis pas con. Il susurre en prenant un air blasé.
- La preuve que si. J'ai hâte de rentrer chez moi !
Sa chaise roule lentement jusqu'à moi sans même que je ne m'en aperçoive.
- Regarde moi dans les yeux et dis moi que ta famille te manque.
Détourner le regard est probablement la pire erreur.
- Regarde moi j'ai dis.
Je me reconcentre sur Noa, lui prouvant que je suis capable de fixer ses yeux sans paraître déstabilisée.
Ou peut-être est-ce à moi que j'essaie de le prouver.
- J-j'adore ma famille et... j'ai hâte de les revoir en rentrant.
- C'était vraiment pas convaincant.
Avec les autres ça a toujours marché, pourquoi il ne veut pas me croire ?
- Bah vas-y, rentre chez toi.
Mon coeur se resserre rien qu'à l'idée de mettre un pied chez moi.
Mais personne ne doit savoir ça.
- Ouais, et j'y vais de ce pas.
Il me regarde sortir de la chambre en arquant un sourcil.
- Salut. Je souffle avant de descendre les escaliers à toute vitesse pour ne pas recroiser ses parents.
Les yeux clos, j'essaie de me remémorer le chemin que nous avions emprunté à l'allée.
Le souffle du vent fait voltiger ma tresse remplie de branchages.
Des brindilles craquent sous mes pieds et les feuilles de la même couleur que mon uniforme voltigent de partout.
Je rajuste ma jupe carmin en lançant des regards derrière mon dos à plusieurs reprises.
J'aurais préféré être un homme pour ne pas à avoir besoin de développer ce tic quand je marche seule dans la rue.
La manche de ma chemise s'accroche à un buisson et on peut voir un trou à l'intérieur quand j'arrive enfin à m'en détacher.
Mes pas se font de plus en plus lents mais une lueur d'espoir apparaît en moi quand j'aperçois le bus arriver au loin.
Malgré la douleur dans l'entièreté de mon corps, je force mes jambes à courir et attrame le bus de justesse.
Finalement, il me reste encore un millième de chance.
Ma bouge expire doucement sur la fenêtre pour laisser la buée s'y installer.
Mon index trace des vagues et un corps gisant au fond de l'océan.
Un corps mort, qui ne sert désormais plus à rien.
Un corps mort n'a pas besoin d'être sauvé.
Un corps mort mérite de rester là où il est.
Ce corps mort c'est moi, et chaque jour je meurs un peu plus.
Un jour, mon dos heurtera enfin le sol, et je pourrais rester dans les profondeurs sans que personne vienne me déranger.
J'agite la tête pour sortir de mes pensées envahissantes qui ont tendance à prendre trop de contrôle sur moi en ce moment.
En descendant du bus, la nuit est à présent pratiquement tombée.
Le couvre-feu est passé.
Je sais déjà ce qu'il m'attend.
Ma main se pose doucement sur la poignée de la porte d'entrée.
Je tremble à l'idée de l'ouvrir.
Je tremble à l'idée de retrouver mon quotidien.
Elle se décide finalement à enfoncer la clé dans la serrure avant de la tourner et d'ouvrir lentement la porte.
En mettant un pied dans le salon, c'est comme une montagne qui s'effondre sur moi quand j'entends sa voix.
Je reste figée, fixant le sol.
Je l'attends.
Plus vite ce sera fait, plus vite je pourrais retrouver ma chambre.
La silhouette de mon père apparaît enfin dans mon champ de vision.
Il est déjà en pyjama et tous les traits de son visage sont froncés.
- Papa je...
Il ne me laisse pas finir ma phrase et attrape mes deux bras de ses mains musclés.
Il me secoue tellement fort que la sensation de mes organes se détachant me parvient. Je dois me retenir de vomir.
- Qu'est ce qu'il te passe par la tête ? Est ce que ça t'arrive de réfléchir ?!
Il compresse mes bras et finit par me balancer tel un coussin sur un des fauteuils.
Il attrape le premier objet qui lui passe sous la main.
J'ai le malheur que ce soit une altère que ma soeur a sûrement laissé trainer.
Je reçois un premier coup dans la côte gauche puis estime son poids.
Je dirais dix kilos.
- Tu sais à quel point on s'est inquiété ?!
Parce que vous vous êtes soudainement souvenu de mon existence ?
- Tous ce que tu fais c'est de la merde, tes notes sont en chute libre et tu te permets de recommencer tes petites fugues !
Je n'ai jamais fugué, j'aime simplement me perdre dans les endroits calmes de Toronto pour penser à autre chose que les bleus qui hantent mon esprit et mon corps.
Mon bras droit reçoit un autre coup, encore plus intense.
- La prochaine fois que tu fugues, ne reviens pas.
Ne reviens pas.
Mon coeur s'arrête pendant une seconde.
Même si j'ai l'habitude, la douleur de ses paroles reste la même.
C'en est même plus douloureux que les blessures physiques.
Un cri s'échappe de ma bouche quand je reçois un nouveau coup dans le tibias.
- C'est ça, cries. Personne ne viendra t'aider. Tu ne sers à rien à part nous attirer des problèmes.
Mes yeux me piquent, j'ai l'impression qu'ils vont prendre feu.
- Pourquoi... pourquoi tu me fais ça ?
Arrivé-je à prononcer entre deux sanglots.
- Parce que rien que de voir ta sale gueule me tape sur le système. Est ce que tu comprends ça ? Tu ne sers à rien à part m'énerver.
« Tu ne sers à rien. »
Je ne sers rien.
Rien.
Ses coups s'enchaînent de plus en plus en vite mais seulement ses mots se baladent dans ma tête
Je n'arrive même plus à croiser son visage.
- Oh d'ailleurs, j'ai vu ton petit carnet.
Mon coeur rate un battement et ma respiration se coupe.
Mon carnet. C'est là où je déverse toutes mes pensées. Parfois je parle même de lui, de la douleur qu'il me laisse après chacune de nos confrontations.
Il l'a lu.
Son sourire sadique me confronte à l'attente d'une réaction de ma part.
- Si tu souhaites tant disparaître, pourquoi tu ne le fais pas ? Disparais petite garce, disparais.
Disparais.
{ La suite dans le prochain chapitre ✨}
( Désolée pour le chapitre très court)
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