Chapitre 03: Il faut souvent se sentir partir pour savoir qui va rester
~Canada~Toronto~Septembre 2024~
Une lumière imposante est dirigée vers mon visage.
Mon corps est si lourd et je sens des picotements dans tous mes membres.
Je me redresse doucement en plissant les yeux pour analyser la petite salle dans laquelle je me trouve.
Il y a un petit lavabo gris et plusieurs machines effrayantes m'entourent. Les murs blancs ont tourné au beige à cause de la saleté et de la moisissure.
Je masse mes tempes en essayant de me souvenir les événements de la veille mais le seul dont je me souvienne c'est le doigt de Karim s'enfonçant dans le creux sur mon cou. Il avait un sourire sadique sur le visage, comme s'il prenait plaisir à me voir suffoquer.
L'air s'échappait rapidement de mes poumons, j'avais l'impression que la mort me tendait la main et bizarrement, ça ne me dérangeait pas tant que ça.
Ma tête se laisse tomber sur le mur derrière moi sans me préoccuper de la raison de ma venue ici.
Mon crâne résonne et mes membres sont engourdis, me suis-je évanouie ?
Des bits insupportable se font entendre dans la salle toutes les cinq secondes.
Dix minutes, vingt minutes, une demi-heure et toujours personne.
Ma patience commence à s'évaporer alors j'attrape mon téléphone posé sur mon chevet histoire de reprendre contact avec le monde qui m'entoure. Même si en réalité je suppose que personne n'a remarqué ma soudaine disparition des réseaux.
Ce n'est pas un message de Josie qui s'affiche sur mon écran mais celui du psychopathe qui continue de m'harceler.
De Numéro Inconnu
> Attention, mon plan est mis à exécution.
De moi
> Rien à foutre.
Pour l'instant cette histoire ne m'inquiète pas plus que ça, j'imagine qu'il s'agit de Karim ou bien un de ses potes débiles.
Je m'attendais au moins à des messages de Brad, mais non, rien de sa part.
Mes paupières commencent à se refermer quand la porte s'ouvre violemment laissant passer une petite femme avec des lunettes. Sa blouse blanche est beaucoup trop grande sur elle et ses cheveux châtains légèrement grisés me font comprendre qu'elle n'est pas toute jeune.
- Ah ! Vous êtes enfin réveillée mademoiselle Davis !
Ce surnom qu'emploient mes harceleurs me renvoient quelques temps en avant et je me souviens soudainement de ce qu'il s'est passé.
Je me rappelle le regard amusé de Karim lorsqu'il me poussa pour la dernière fois avant que je ne me cogne fortement la tempe gauche sur le coin de l'estrade.
Je passe furtivement la pulpe de mon doigt à cet endroit et sens une légère bosse.
En appuyant doucement je me rends enfin compte que c'est très douloureux.
- Qui... qui êtes vous ? M'entends-je murmurer.
- Je m'occupe de vous durant votre séjour à l'hôpital. Me confesse-t-elle en souriant. Vous vous êtes ouvert le crâne, rien de bien inquiétant.
Effectivement la douleur est surmontable, mon corps a connu pire. À côté de mes autres blessures ce n'est qu'une égratignure.
Elle s'avance en direction de mon lit étroit et se tourne face au robinet.
J'entends le jet couler puis elle me tend un grand verre d'eau.
Je me redresse doucement pour l'attraper d'une main hésitante.
Cette petite dame me fait un peu peur avec son sourire forcé et ses traits sévères.
J'essaie d'imaginer sa vie pour penser à autre chose que les rires et les visages de mes camarades qui envahissent mon esprit.
- Vous m'écoutez ? Sa voix suraigüe me sort de mes pensées et me fait sursauter.
- Hum, vous disiez ?
- D'après les résultats de vos examens, votre malaise n'était pas du à votre accident mais à votre manque considérable d'énergie et de sucre.
Je l'observe me raconter la cause de mon malaise en me tripotant les ongles. Ce n'est pas une surprise, il fallait s'y attendre aux vus de mes derniers maigres repas.
- Qu'avez-vous mangé hier ?
J'essaie de revenir un jour en arrière.
Je creuse dans mes souvenirs mais rien ne me vient.
- Je ne me souviens pas.
- Faites un effort !
Son ton me fait détourner le regard et me met très mal à l'aise.
Il faut dire que la pression qu'exercent ses iris sur moi ne m'aident pas particulièrement.
Je sais déjà que je mettrais un mauvais avis sur le personnel dans leur site en rentrant.
En retraçant ma journée de la veille je me rends maintenant compte que je n'ai rien avaler de la journée mise à part de l'eau.
Et ce n'est pas la première fois que mon ventre ne reçoit que de l'eau durant la journée.
- Il... il me semble que j'ai mangé une pomme.
- D'accord, et durants les autres repas ?
- J-je n'ai mangé que ça durant la journée. Réponds-je d'une voix tremblante.
Elle sort rapidement ses mains de ses poches et les lève au ciel.
- Pour l'amour de dieu, mangez ! Les jeunes de nos jours ne mangent plus rien c'est pas possible.
Je déteste les vieilles aigries dans son genre. Elle se contente de se plaindre des jeunes comme moi sans s'intéresser à la cause de nos actes.
L'infirmière s'impatiente de mon silence et tourne les talons avant de fermer la porte aussi violemment qu'elle ne l'a ouverte.
Je laisse un soupir m'échapper et m'enfonce dans le matelas assez inconfortable.
J'attrape lentement mon portable en espérant que la vieille ne revienne pas de si tôt.
Toujours aucun message.
J'appuie fortement sur le bouton de mon téléphone pour l'éteindre et le jette pratiquement sur la petite table près de moi.
L'air autour de moi devient soudainement froid. Je m'enfonce sous la fine couverture et replis mes genoux sur moi même.
J'aimerais tellement être chez moi dans mon lit à moi. Celui ci est loin d'être confortable et j'ai vraiment froid.
Est ce que maman viendra me voir ? Je n'attends rien de la part de mon père mais j'ai un petit espoir pour ma mère.
Je cligne plusieurs fois des yeux avant de les refermer pour de bon.
Dans ma tête résonnent toujours les voix de mes camarades se moquant de moi.
Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ?
La porte se réouvre mais beaucoup plus doucement cette fois. On dirait que la personne hésite à entrer.
La haute silhouette de ma mère apparaît finalement dans mon champ de vision.
Elle remet ses cheveux ondulés en place en me scrutant intensément du regard.
- Comment tu t'es retrouvée ici ?
Elle est contrariée.
- L'infirmière m'a dit que tu n'avais pas mangé hier.
- On se demande bien pourquoi.
Mon regard accusateur n'a pas l'air de lui plaire, elle resserre la lanière de son sac en claquant son talon sur le sol.
- Tu te rends compte que je vais les payer parce que tu n'es pas foutue de manger ? Sexclame-t-elle en haussant la voix.
- T'es culottée. C'est bien toi qui m'interdis de prendre un gramme, n'est ce pas ?
Je regrette rapidement mes propos en apercevant ses pas rapides s'approchant vers moi.
Ses talons qui claquent sur le parquet me donne encore plus mal à la tête.
Une fois assez proche de moi, elle lève sa main et me gifle sans réfléchir à mon état déjà piteux.
Ce n'est pas la même joue qu'avant hier, ça devrait aller.
- Si je prends du temps à te rédiger un régime c'est pour que tu le respecte !
- Me fait pas croire que tu ne te réjouis pas. Ça te plais n'est-ce pas ?
Son expression me répond à sa place, ma mère sait que j'ai raison. Cela lui fait plaisir de savoir que je m'affame durant plusieurs jours.
Elle me tourne le dos et s'avance vers la sortie puis m'annonce avec un pied déjà dehors:
- Je retourne au travail, je n'aurais pas du venir. C'était sûrement une perte de temps.
J'entends le bruits de ses talons aiguilles s'éloigner.
Elle me fait penser à une sorcière déguisée dans un tailleur et un pantalon formel.
Elle dit que c'est pour lui donner un côté plus sérieux lorsqu'elle rencontre ses clients.
Ma mère est faite pour son métier à la con. Vendre des maisons à longueur de journée avec son côté manipulatrice ça doit être facile.
Je plains sérieusement ses collègues qui doivent la supporter.
Mes yeux fixent le couloir à l'extérieur de ma chambre que ma mère n'a bien évidemment pas fermé.
Il y a quelques femmes en blouse qui marchent d'un pas pressé, des documents à la main.
Les bip en continue des machines qui m'entourent me rappellent de très mauvais souvenirs.
La dernière fois que je suis venue dans un hôpital je suis ressortie tout en sachant que je ne reverrais plus jamais ma meilleure amie.
Elle me manque tellement, chaque jour, chaque instant.
Je secoue brusquement la tête pour ne pas y penser plus longtemps au risque de finir en sanglots.
Comme chaque fois qu'une mauvaise idée me subvient, je la mets en action sans y réfléchir plus longtemps.
J'ai connu des hématomes plus douloureux, je n'ai rien à faire dans ce putain de lit d'hôpital.
C'est pourquoi mes jambes se faufilent hors de la chambre puis escaladent la large fenêtre encore ouverte.
Par chance, il n'y a qu'un mètre qui me séparait du sol. J'ai donc l'occasion de me sauver à grandes enjambées, mon portable à la main et ma robe d'hôpital toujours sur moi.
À force de guetter mes arrières, ma tête entre en collision avec un torse musclé qui s'arrête face à moi.
- Merde.
- Regarde là où tu marches princesse.
Il me suffit de ce dernier mot pour savoir de qui il s'agit.
C'est pas possible, il est pas partout là où je suis.
- Arrête de me suivre, t'es putain de flippant.
Il exécute un mouvement de tête pour bouger sa mèche rebelle sans dédaigner me répondre.
Moi qui l'imaginais moins insolent que son ami, son sourire actuel me confirme l'inverse.
- Je te ramène chez toi ?
- Et puis encore ? Marions-nous tant qu'on y est.
Je n'aime pas sa facilité à s'immiscer dans ma vie alors que je l'en empêche du mieux que je peux.
Ma paume exerce une pression sur ses pectoraux pour le pousser en arrière mais il se recule de lui même.
Noa n'insiste pas plus puis me cède le passage pour que je puisse me tirer au plus vite.
***
-Donc Lola, tu donneras des cours d'anglais à Noa tous les lundi de seize heures à dix-sept heures. Vous pouvez commencer ce soir.
C'est une malédiction.
Elle nous adresse un grand sourire avant de sortir, son sac sur le dos et ses mains remplies de copies.
Nous laissant seuls avec un silence gênant qui plane dans la classe vide, il brise finalement la glace:
- J'ai vraiment l'air d'un connard pour que tu fasses cette tête ?
- Ouais. Enfin, c'est surtout qu'à cause de tes difficultés, mon lundi après-midi sera constamment occupé.
- Ça passera vite à mes côtés.
Mes yeux tournent si fort vers le plafond qu'ils pourraient sortir de leur orbite.
Je lui tourne le dos avant de me diriger vers les toilettes pour me rafraîchir le visage.
Les filles y sont installées, Shona, Alyssa et Clémence se racontent des potins sur les nouveaux qui font tourner la tête de toute la gente féminine du lycée. D'autre part, Tessa mastique un chewing-gum tout en brossant les cheveux de Sacha qui se remet du gloss.
- Alors ? T'as accepté de lui donner des cours ?
- J'avais pas vraiment le choix.
Sacha referme aussitôt son gloss pour me faire face malgré qu'elle m'atteigne seulement à l'épaule.
- Je t'ai déjà dit plusieurs fois qu'il me plaisait, qu'est ce qu'il te faut de plus pour que tu t'éloignes de lui ?
Ses airs de princesse pourrie gâtée commencent sérieusement à m'ennuyer. Je ne suis pas sûre de la supporter longtemps, elle et son petit groupe. Si Clémence n'y était pas, il y a bien des semaines que je l'aurais quitté.
- Qu'est-ce que tu veux que j'y fasse ? Je saute pas sur tout ce qui bouge, tu peux me faire un minimum confiance.
- Avec la rumeur qui tourne en ce moment, j'ai du mal.
Tessa se rajoute dans la conversation comme à son habitude simplement pour son amour des dramas.
- Je m'attendais à mieux de toi Lola.
Elle tourne les talons et s'en va avec sa petite bande qui la suit. Le bruit de leurs escarpins qui claquent contre le sol m'insupporte.
J'en reste bouche bée le temps d'un instant, même Clémence n'a pas dédaigné me défendre cette fois.
La sonnerie retenti dans mes tympans et une femme de ménage au visage fatiguée me demande de sortir des cabinets.
Habituellement je suis heureuse de finir les cours mais cette fois je vais devoir rester une heure de plus pour enseigner.
Je ne suis même pas payée.
Je zieute les numéros sur chacune des portes quand j'atteins enfin la salle 333.
La classe est dans le noir, avec la lumière du jour comme seule source de luminosité.
Je n'allume pas la lumière et m'installe sur une table au fond à l'attente de mon nouvel élève.
Des pas se rapprochent dans le couloir puis la poignée s'abaisse mais ce n'est pas Noa qui fait son entrée.
Brad s'assit à l'envers sur la chaise face à la mienne, son sac accroché sur son dos.
- T'as pas accepté de lui donner des cours j'espère ?
- Si. Un problème ?
Ses doigts se resserrent pour former des poings sur la table, ses narines frétillent et ses pupilles me font à nouveau cet effet dérangeant.
- Le problème c'est que je suis ton copain bordel ! Ce mec n'attend qu'une chose, te mettre dans son lit.
- Tu dis vraiment de la merde. Tu picoles ces derniers temps ?
- Lola !
Je sursaute à l'écoute du ton violent qu'il emploie.
- J'ai pas envie de rire là, je veux que t'annule tes cours avec ce putain de chinois.
- Il est coréen.
Sa main attrape ma mâchoire en coupe pour la presser de toutes ses forces.
Nos corps sont proches, je peux même inhaler l'odeur désagréable de son déodorant.
- Je m'en branle de là où il vient. Éloigne-toi de lui, c'est tout.
Après qu'il ait finit sa petite crise, Brad s'apprête à m'embrasser mais je recule mon visage au dernier moment.
- Quoi ?
- Tu pues de la gueule.
- Rien à foutre.
Nos lèvres se frôlent pratiquement mais je trouve une nouvelle fois un moyen d'échapper au baiser.
Ça le contrarie de nouveau, la tension monte terriblement, pas dans le bon sens malheureusement.
- Qu'est ce que t'as merde ?!
- J'ai pas envie c'est tout !
Ses traits s'endurcissent, son silence en dit long sur l'état colérique dans lequel il se trouve.
Il glisse une main sous ma chemise pour avoir accès à mon soutien gorge mais mes doigts retiennent son poignet avant qu'il ne le détache.
- Mais lâche moi !
Mon avis ne compte pas, comme toutes les autres fois où j'ai été dans l'obligation de lui céder mon corps.
J'appuie sur son pied avec la semelle de ma chaussure, je me débat, je secoue la tête.
Ça n'y change rien.
- T'as changé Lola, t'es plus comme avant.
- Les gens changent.
- Pas toi. Il approche sa bouche de mon oreille pour me chuchoter quelque chose.T'es condamnée à rester cette gamine qui se fait tabasser par son père.
Aïe.
Il sait parfaitement là où il faut piquer pour que ça fasse le plus mal.
Brad profite de mon esprit qui se brouille et pose brusquement ses lèvres sur les miennes sans que je n'ai le temps de me décaler.
Ça ne dure qu'un instant, une voix grave me sort immédiatement de ce cauchemar.
- Elle t'a dit d'arrêter.
Pour mon plus grand plaisir, Brad se détache rapidement de moi et se retourne vers Noa qui est appuyé sur l'encadrement de la porte.
- De quoi tu te mêles ? Aboie Brad en marchant dans sa direction.
Je profite de leur chamaillerie pour rhabiller mon chemisier et ma veste d'uniforme.
Noa reste indifférent et croise les bras sur son torse.
- Tu sais que t'as la même attitude qu'un violeur ?
Il m'adresse un vif regard de pitié, comme si je lui faisais de la peine.
Je déteste ça.
- On est ensemble, j'ai bien le droit de l'embrasser !
Un léger rire s'échappe de la bouche de Noa. Il n'a probablement pas conscience que s'il continue à rire de cette façon, Brad se défoulera sur lui à l'aide de sa force.
- Tu vas me faire croire qu'elle en a envie là ? Contrôle tes couilles mec, c'est pas compli-
Sa phrase n'atteint pas la fin, Brad lui assène un violent coup de poing dans le visage.
Le bruit m'en a donné des frissons tout le long des cervicales, pire encore lorsque du sang se met à couler de son nez.
Il ne s'en préoccupe pas et disparaît de la pièce sans se retourner.
Noa me détaille, le nez ensanglanté, pendant que je rattache le dernier bouton de mon haut.
- Quoi ?
- Rien. Juste ton copain qui vient de me casser le nez.
Je lui jette un paquet de mouchoirs sans sérieusement m'intéresser à sa blessure.
Je n'ai pas l'intention de le remercier, c'est probablement la pitié qui l'a poussé à prendre ma défense.
Il ne le prend pas mal et s'installe sans perdre une minute après avoir recouvert son nez de papier.
Mes yeux ne peuvent pas s'empêcher de le scruter quand il se concentre sur les exercices que je viens de lui donner.
Ses cheveux d'un noir profond retombent sur son frond juste au dessus de ses yeux ronds légèrement bridés. Je ne les vois pas très bien de là où je suis mais il me semble qu'ils sont marrons foncés.
Ses cils sont étonnement longs, sa peau pâle ne semble pas avoir ne serait-ce qu'une seule imperfection et ses lèvres roses bougent régulièrement.
En lisant la consigne je vois son visage se froncer d'incompréhension ce qui me fait lâcher un petit gloussement.
Il se rappelle soudainement de ma présence, la tête relevée dans ma direction.
- C'est quoi qui te fais rire autant ?
- Toi.
- Je dois le prendre comment ?
Son sourire est communicatif, je me surprends même à faire de même durant une milliseconde.
Il n'est pas si chiant finalement, juste un peu envahissant.
J'approche ma chaise de la sienne et lui relis la consigne à voix haute puis entoure les éléments importants dans la phrase pour les lui expliquer.
- T'as compris maintenant ?
- Je sais pas. J'étais concentré sur tes cheveux.
Ce mec est pas croyable.
Par chance, il ne se permet pas de les toucher mais se contente de contempler mes boucles brunes avec admiration.
Je ne pensais pas que cette partie de moi que je déteste tant pourrait plaire à quelqu'un un jour.
- Concentre toi sur ton devoir. J'ai pas toute la soirée.
- Pourquoi ? T'as des plans ce soir ?
- Ça te regarde pas.
- Donc non. Il estime, fier de lui.
Mon oeillade noir n'a pas le résultat voulu, il se marre comme un enfant en tournoyant le stylo au bout de ses doigts.
Après une demie-heure, il me rend ses exercices terminés.
En récupérant la copie, nos doigts se touchent et nos regards se croisent de nouveau.
J'ai l'impression de lire la noirceur la plus profonde au fond de ses yeux, ça donne presque froid dans le dos.
Quand ses pupilles commencent à se dilater, je rompt immédiatement notre contact pour enfoncer les feuilles dans mon sac de cours.
Nous nous retournons au même instant en direction de la porte lorsque celle-ci s'ouvre, je lâche un long soupire en voyant son ami à l'entrée.
- Qu'est ce que tu fous ici ? Ça fait un bail que je t'attends.
- J'ai pas pu te prévenir, mais je dois prendre des cours particuliers tous les lundis. Tu peux prendre ma moto.
Bizarrement, Noa n'a pas l'air de se réjouir de la venue de Thomas. Comme s'il était déçu.
- Avec cette conne ? Il s'esclaffe après avoir fait quelques pas de plus dans notre direction.
- Moins conne que toi en tout cas.
Noa qui me défend auprès de son ami ?
Étrange.
Il penche sa tête sur la mienne pour m'observer de plus près, un sourire malsain se dessine sur ses lèvres.
- Une grosse intello. Prévisible.
Ses cheveux me chatouillent le front tant notre proximité s'accentue.
- Tu veux pas la fermer ?
J'éloigne ma chaise dans un bruit insupportable qui fait résonner la salle.
- J'écoute pas les petites emmerdeuses dans ton genre.
Thomas sort une cigarette qu'il amène vivement à l'ouverture de ses lèvres.
Ce geste similaire à celui de mon père me donne un haut le cœur que je ne cache pas.
- Qu'est ce que t'as ? T'as peur des clopes ?
Il souffle sa fumée toxique en plein dans mon visage, cela lui fait éclater d'un rire sardonique.
Mes poumons ne supportant pas ça, j'accours à la fenêtre pour prendre une bouffée d'air frais.
- T'es malade ! Je suis asthmatique putain !
- Oui, oui allez. Bref, mec, t'as vu le nouvel album de Damso ?
Mais ce gars est un taré !
J'aurais pu mourir asphyxié mais il n'en a rien à faire une fois de plus.
- Je t'ai déjà dit cinquante fois que j'aimais pas le rap. Lâche l'affaire. Soupire Noa avec un geste de tête pour remettre une mèche en arrière.
- Tu sais pas ce que tu rates.
Il enfonce son casque sur sa tête et se lève pour faire demi-tour.
Ils s'adressent un dernier geste d'au revoir avant qu'il ne disparaisse de la classe comme si de rien était.
- Comment tu fais pour trainer avec cet abruti ?
Son gloussement ne me plaît pas du tout, je me remets encore de mes émotions tandis qu'il enfile sa veste d'uniforme carmin.
- La vie a plus de goût avec lui.
- Je préférerais encore me couper la langue dans ce cas.
Noa se trouve à la sortie, l'épaule appuyée sur l'encadrement de la porte, il scrute chacun de mes faits et gestes.
- T'es marrante toi.
- Ouais, je sais.
Notre conversation se conclue à l'instant où je m'enfuie à toute vitesse vers le hall de sortie, mon sac sur une épaule.
{ La suite dans le prochain chapitre ✨}
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