Chapitre 02: Certains cauchemars ne prennent jamais fin

~Canada~Toronto~Septembre 2024~

La moitié des garçons sont assis sur ma table quand je mets un pieds dans ma classe qui pue l'hypocrisie.

L'odeur des brumes Victoria's Secret sature l'air quand je passe à côté du clan des filles.

Des gars se battent au fond de la classe tandis que d'autres filment la situation pour prouver qu'ils ont une vie sur Instagram.

Rien de plus normal.

- Décalez vous.

Ils arrêtent leur conversation et se retournent vers moi pour me lancer un regard noir.

- Va autre part sale conne. Pouffe Maxime, le plus exclu de la bande.

Où veux-tu que j'aille ?

Je soupire bruyamment en espérant qu'ils aillent faire chier quelqu'un d'autre aujourd'hui mais mon avis n'a pas l'air de les intéresser.

- Ferme la.

- C'est noté, à présent j'arrêterais de respirer, Karim.

- C'est bon les gars, laissez la s'asseoir. Proteste finalement Brad en remettant ses cheveux en place.

Ils finissent par céder et s'en vont tout en ricanant bruyamment.

J'ai cru que j'allais m'écrouler sous mon sac qui pèse cinquante kilos. La faute à mon père qui m'oblige à ramener des livres d'exercices en plus.

- Alors Lola, commence Mathieu d'un ton qui se veut malicieux, apparemment tu veux la queue à Noa Lee ?

Je m'étouffe presque avec ma salive.
C'est la plus grosse connerie que j'ai entendu de ma vie.

- À toi de me le dire, puisque apparemment vous connaissez plus ma vie que moi même.

Sa mâchoire se contracte et son regard s'assombrit promptement. Je prends peur et me rétracte sur moi même, serrant mon stylo à pleine force. J'ai cette mauvaise manie de prendre les gens de haut pour regretter quelques secondes plus tard.

Il se lève brusquement et m'attrape par les cheveux avant de me tirer en arrière. Je n'ai même pas eu le réflexe de me décaler.

- La prochaine fois que tu ripostes j'te casse la gueule, compris Davis ?

J'acquiesce de la tête puis il me lâche finalement.

J'ai parfois l'impression qu'ils font une compétition pour savoir qui réussira à m'humilier le plus.

Brad le guette sans rien faire comme à son habitude, il fait l'aveugle. Le fait que son caractère s'assimile à celui de ma mère me donne des frissons.
J'éloigne cette pensée de mon esprit et sors mes affaires en silence.

- Réponds ! S'énerve Maxime.

Ah parce que c'était une vraie question ?

- J'ai déjà un mec j'te rappelle, je vois pas pourquoi j'irais en voir un autre.

Surtout qu'il a déjà un fan club bien rempli, ça ne servirait à rien de tenter ma chance désormais.

- Parce que t'es qu'une salope.

Ils éclatent tous de rire, même celles qui sont sensées être mes amies.

Mon regard reste figé sur Brad qui n'a absolument aucune réaction. On dirait presque qu'il n'en a rien à foutre mais en même temps qu'il m'en veut un peu pour je-ne-sais quelle raison.

- Pensez ce que vous voulez.

- Tu sais qu'un mec comme lui voudra jamais de toi ?

Je manque de rire avec eux, il ne m'apprend rien. Tout ça, je le sais déjà.

- Autre chose ? Marmonné-je à moitié sûre de moi.

Karim plisse les yeux avant de me bousculer violemment et de s'en aller en rigolant.

J'imagine que le supplice est terminé.

***

- On doit aller voir Noa. Déclaré-je à ma meilleure amie.

- Trop bien ! Je pourrais me rapprocher de T-

- L'enfoiré aux cheveux bruns ? L'interromps-je, exaspérée. Oui tu pourras, mais d'abord j'ai des questions à leur poser par rapport à la rumeur qui circule sur moi.

Elle fait la moue mais me suit tout de même en direction des deux nouveaux.

Une fois à quelques mètres d'eux, Thomas lève les yeux au ciel de façon exagérée.

- Vous être vraiment ch-

- Ferme la, je suis pas venue ici pour te parler.

Rien que d'entendre sa voix me donne un terrible mal de crâne.

Je me tourne face à Noa qui m'a l'air plus abordable, déterminée à avoir des réponses.

- Est ce que t'aurais raconté des trucs sur moi aux gens ?

- Pourquoi ?

- Répond à la question, c'est pas compliqué.

Il m'observe pendant une éternité avant de répondre, les sourcils arqués:

- Pourquoi j'aurais fais ça ?

J'en souffle d'agacement face à son comportement.
Il ne peut pas juste dire « oui » ou « non » ?

- Pour me nuire ?

- Sérieux, il a autre chose à foutre. Intervient Thomas alors qu'on ne l'a jamais appelé.

Mon regard noir ne suffit pas à le raviser alors je proteste:

- La majorité des gens que je connaisse font tous leur possible pour me nuire, alors s'il te plaît, répond moi honnêtement. Est ce que t'as lancé une rumeur sur moi ?

- Non, j'aurais jamais fait ça. Nie finalement Noa sans me lâcher des yeux.

Il bouge frénétiquement la mèche épaisse qui lui tombe devant les yeux pour que ses pupilles noisettes soient à la vue de tous.

Je m'apprête à tourner les talons quand je me rappelle l'obsession de mon amie pour Thomas.

J'aimerais qu'ils soient en couple pour qu'elle arrête de m'embêter avec ses histoires. Je suis fatiguée, exténuée, par les gens qui m'entourent, et devoir écouter Josie en boucle me donne des envies de meurtres.

- Je vous laisse entre vous, je crois que Josie voulait te parler.

Mes baskets blanches avec déjà beaucoup de vécu, frottent sur le gravier en traversant la cour de récréation.

Des rires atteignent mes oreilles, c'est insupportable au point où j'en viens à les boucher à l'aide de mes mains.

Ils te regardent tous, ils te jugent.

Instinctivement, je serre mon ventre et enfile ma capuche sur ma tête avant de continuer mon chemin.

Je m'éloigne le plus possible des autres et m'accroupie dans mon endroit préféré de cette établissement.

La tête posée contre le mur beige et les jambes repliées, je sors mon carnet de mon sac.

Je cherche en vain mon crayon porte bonheur dans ma trousse et lâche un soupir rassuré quand je l'aperçois enfin.

Je l'attrape et le fais tournoyer autour de mes doigts en cherchant des mots pour m'exprimer avant de les écrire sur une nouvelle page.

C'est inexplicable mais c'est la seule chose qui me fait me sentir bien. Comme si je me sentais enfin compris par quelqu'un, là en l'occurrence ce n'est que du papier.

Je prends toujours ma plus belle écriture pour que mes écrits soient jolies à regarder et à lire.

Mon esprit se permet de repenser à mon « moi » d'avant.
Quand j'étais plus jeune, j'écrivais dans le but que ma mère tombe accidentellement sur mon carnet et puisse enfin comprendre ce que je ressentais.

Ça n'est jamais arrivé, mais en grandissant j'ai très vite compris que peu importe la manière dont je m'exprimerais, je serais toujours incomprise.

Toujours dans mes pensées, je me revois à l'âge de dix ans, en toisant mes amies avec leurs pères. Cette relation que j'ai toujours rêvé d'avoir et que j'ai abandonné en comprenant que je n'obtiendrais jamais l'amour d'un père.

Une main se pose sur mon épaule et me tire de mes pensées.

Je ferme brusquement mon carnet et lève la tête avec appréhension.

- Qu'est ce que tu fous ici ? Me questionne Brad avec un regard interrogateur.

Je me relève difficilement en retirant les feuilles qui se sont accrochées à mon uniforme.

Les poings sur les hanches, il attend patiemment que je lui donne des explications.

- Rien.

Rien que d'imaginer sa colère monter et ses coups s'abattrent sur moi, mes membres se gélifient.

J'ai développé une très grande peur pour n'importe quel homme depuis le collège même si j'essaie de la cacher du mieux que je peux.

Ils représentent tous la figure paternelle avec laquelle j'ai grandi, ils m'horripilent, tous.

- Comment ça rien ? Et déjà c'est quoi cette rumeur de merde ?!

Ma surprise n'est pas grande, il était entendu que cette rumeur parviendrait un moment ou à un autre à ses oreilles.

J'aurais tout de même apprécié que cela se fasse dans un peu plus de temps.

- J-je sais pas. J'ai jamais rien fais avec Noa, je le connais à peine.

Mon assurance me fait ses adieux, comme chaque fois que mon corps se retrouve face à celui de mon petit ami.

Il place son doigt en dessous de mon menton et me fait relever la tête vers lui.

- J'te jure que si tu me mens je-

Il s'arrête net en apercevant mon corps qui tremble comme une feuille face à son contact.

- J'espère que je fais bien de te faire confiance Lola. Termine-t-il avant de s'en aller, me laissant toute seule face au mur.

Je me laisse tomber sur le sol mouillé sans prendre compte du fait que ma jupe à carreaux doit sûrement être actuellement marron.

Je tripote mes ongles en me demandant si Josie me cherche en ce moment même ou si en réalité elle n'en a rien à faire de ma présence.

Peut-être qu'à l'heure qu'il est elle s'est déjà faite une autre amie et qu'elle est en couple avec Thomas.

Peut-être même qu'elle traîne avec moi par simple pitié ou que ma mère la paie pour le faire.

Mes ongles s'enfoncent brusquement dans mes jambes à l'idée que cette mauvais pensée soit vraie.

***

- Bon tu m'écoutes là ?

Non.

- Oui, oui. J'acquiesce auprès de Clémence qui me raconte l'obsession de Sacha pour Noa.

Elles n'ont que son prénom à la bouche ces derniers temps. Je ne pensais pas qu'il ferait fureur de la sorte.

- Je la comprends, il est vraiment canon

- C'est bon on a compris, merde ! M'écrié-je sous le coup de la colère et sûrement de la fatigue aussi.

- Calme toi Davis ! S'exclame Karim sur le même ton que moi, un sourire moqueur aux lèvres.

- J'ai un putain de prénom, alors utilise le bordel !

Je déteste le fait qu'ils m'appellent tous par mon nom de famille, ça ne fait que me rappeler la seule chose que j'ai hérité de mon père.

Il s'approche à grands pas et presse son doigt dans le creux de mon cou de façon à bloquer ma respiration.

- Répète.

Je regrette immédiatement mon impulsivité. Souvent je me contente de fixer mes pieds en me laissant faire mais ces derniers temps je ne les supporte réellement plus.

Il enfonce de plus en plus son indexe et j'ai de moins en moins d'air.

Ce serait con de clamser ici, dans une salle de classe, comme une merde sans défense.

- Allez Davis, montre nous que t'es pas juste une intello de merde.

Je retiens mes larmes qui menacent de couler et tente du mieux que je peux d'économiser le peu d'air qu'il me reste.

- Tu voudrais... tout de même... pas... avoir ma mort sur la conscience Ka...rim ? Arrivé-je à articuler avec difficulté.

Sa poigne me lâche soudainement avant de me pousser contre Mathieu avec une puissance surdimensionnée.

Il m'intercepte et me pousse à nouveau en direction de son ami.

- Mais allez-y, jouez au ping-pong avec moi tant que vous y êtes.

Le mouvement de Karim se fait trop violent et je tombe au sol en me cognant le crâne contre l'estrade.

J'ai d'abord très mal à la tête puis les derniers sons que je perçois sont les rires de mes camarades.

Puis, plus rien.

{ La suite dans le prochain chapitre }

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top