Jour 33 (partie 1)
Aujourd'hui est un grand jour. Je sais que tout va probablement changer du tout au comble. Je fais enfin avoir les réponses (du moins la plupart) aux questions qui m'intriguent depuis si longtemps. Je vais pouvoir savoir ce qu'est réellement le Conseil de Londres. Et plus que tout, je vais retrouver maman. Peut-être pas aujourd'hui, ni demain, ni dans les semaines à venir, voire les mois, mais une chose est sûre, ces événements, celui du mystérieux collègue de mon père, du logo qui est apparu sur mon poignet et sur celui de Sara, de mes cauchemars répétitifs, et la mort de mon père, ont tous un lien avec le SCL.
Nolan et moi avons quitté exceptionnellement à quatorze heures, ce qui nous laissait amplement le temps pour nous rendre à la librairie dont Monsieur Belereau nous avait parlé et pour interroger Monsieur Lebrun.
On a pris nos vélos et on est parti en direction du 32 Avenue de la Seine. C'était à environ trente minutes en vélo.
En arrivant devant la librairie, Nolan a déposé son vélo sur le côté et a dit :
- Tu es sûre que c'est une bonne idée ? Et si Monsieur Belereau avait raison ?
- Si jamais il a raison, et que Monsieur Lebrun est aussi fou qu'il l'a décrit, alors on partira directement.
Il a semblé hésiter. Il était angoissé. J'ai continué :
- Moi j'y vais. Fais comme tu veux.
- Je viens avec toi. Il faut juste qu'on fasse attention.
Nous sommes rentrés dans la librairie. Malgré l'aspect vieux du bâtiment vu de l'extérieur, l'intérieur avait l'air d'avoir totalement été rénové. Il y avait de grands rayons remplis de livres de tous genres. Au centre de la pièce était situé deux petits fauteuils autour d'une table, sur laquelle était disposé un livre (probablement un nouvel ouvrage) ainsi que quelques magazines.
Mon regard s'est arrêté sur un livre en particulier. Il s'agissait d'un vieux livre, de part l'aspect déchiré et jauni de sa couverture. Il était disposé dans un petit rayon, sur lequel était affiché un papier avec écrit : "Livres à donner ! Servez-vous !". C'était un vieil exemplaire du "Tour du monde en 80 jours", par Jules Verne. Je ne savais pas pourquoi mon esprit s'était arrêté sur ce livre en particulier. Une femme plutôt âgée est venue nous voir. Elle a commencé, sur un ton peu aimable :
- C'est pour quoi ?
Nolan a répondu, en hésitant légèrement :
- Heu... nous voudrions parler à Monsieur Lebrun.
La femme a levé un sourcil tout en soupirant de façon nonchalante.
- Il est occupé.
J'ai répondu :
- Nous avons besoin de lui parler tout de suite. C'est important.
- Il est occupé je vous ai dis. Repassez plus tard.
Nolan et moi avons soupiré, puis il s'est avancé vers elle en disant :
- Nous en avons vraiment besoin. Il faut qu'on lui parle. On en aura que pour quelques minutes.
La femme a froncé les sourcils de mécontentement. Elle a croisé les bras, en signe d'impatience. Au moment où elle s'apprêtait à prendre la parole, un homme est arrivé :
- Qu'est ce qu'il se passe ici ?
Il avait l'air beaucoup plus aimable et chaleureux que la femme. Il avait un léger accent allemand. Il s'est approché. Il était très grand, et faisait au moins trente centimètres de plus que sa femme, qui de son côté, n'excédait pas les 1 mètre 60. L'homme avait les cheveux châtains, qui se teintaient de plus en plus de gris. Du même ton désagréable qu'elle prenait depuis le début de la discussion, la femme a répondu :
- Ils veulent te parler. Je leur ai dit que tu étais occupé mais ils n'ont pas arrêté d'insister.
- Pas de problèmes. De quoi voulez-vous me parler ?
- On préférerait que cela reste assez... privé. - a répondu Nolan.
La femme, qui j'ai deviné devait être l'épouse de Monsieur Lebrun a levé les yeux au ciel tout en soupirant, puis est repartie à ses occupations.
- D'accord. Venez donc dans mon bureau.
Il nous amené dans une petite pièce, où était disposé un bureau sur lequel il y avait un grand nombre de papiers éparpillés ça et là. Il nous a invité à nous asseoir. L'endroit était assez sombre, mais rien ne semblait être étrange. Du moins pas aussi étrange que la description qu'avait fait Monsieur Belereau.
L'homme a commencé :
- Alors, dîtes-moi, que voulez-vous ?
- Nous venons de la part de Monsieur Belereau. C'est un ami à mes parents. Il nous a dit que vous pourriez nous donner des informations à propos du Conseil Scientifique de Londres. - a dit Nolan.
- Bien, mais que voulez-vous savoir en particulier ?
- Tout ce que vous savez à propos du Conseil. -ai-je répondu.
- Vous savez... cela remonte à 2014... Et je n'y sui
- Essayez de vous souvenir du plus de détails possibles.
- Eh bien, c'était un laboratoire plutôt comme les autres.
- Vous n'avez rien remarquer d'étrange ?
- Pas forcément, non. Le personnel était agréable, et les scientifiques du Conseil étaient gentils.
- Pourriez-vous nous parler un peu plus d'eux ? -ai-je demandé.
- Je ne me souviens plus vraiment de leurs noms.
J'ai sorti un papier légèrement chiffonné de ma poche de jean, et je l'ai tendu à Monsieur Lebrun :
- C'est la liste des scientifiques.
J'avais noté la liste à partir du livre que j'avais trouvé 4 jours auparavant, dans la bibliothèque du lycée. Il a commencé à lire à voix basse :
- John Toberson, Fred Mcgarten, Stan Clever, Steeve Sterlon, William Foster...
Il m'a rendu le papier :
- Oui, ces noms me disent bien quelque chose.
- Pourriez-vous nous en dire plus ? -a demandé Nolan.
Je lui ai à nouveau tendu le papier, il l'a pris et a relu le premier nom :
- John Toberson. Je m'en souviens. C'était un homme plutôt gentil, et aimable, oui, très aimable. Il était assez réservé et sérieux dans son travail. Il avait des lunettes il me semble.
- Oui, il en avait.
- Je ne lui ai pas beaucoup parlé. Comment savez-vous qu'il avait des lunettes ?
- C'était mon père.
- Oh, d'accord.
Après quelque secondes d'hésitation, il a lu le deuxième nom :
- Fred Mcgarten... si mes souvenirs sont bons, c'était le petit humoristique de la bande. C'est lui qui m'a accueilli lorsque je suis arrivé ; il m'a fait visiter les bâtiments, et m'a présenté tout le monde.
Nolan m'a regardé, et a chuchoté :
- C'était l'ami de Monsieur Belereau !
Monsieur Lebrun avait entendu :
- Oui, c'était l'ami de Jean... Il m'a appris son décès. C'est triste... les circonstances de sa mort, n'est-ce pas ?
On a hoché la tête.
- Stan Clever... ah oui, ça me reviens. Il était un peu... excentrique. Et il avait l'air d'avoir l'esprit compétitif. Une fois, l'un de ses collègues, je ne sais plus exactement lequel, lui a fait part d'un de ses projets, il lui a ri au nez en disant que son idée était ridicule.
- Il était donc plutôt méchant ?
- Pas méchant, non, mais moqueur. Il était sûr de lui, et voulait toujours avoir raison.
- Et Steeve Sterlon ?
- Il ne parlait pas énormément. Je pense que ce n'était pas le genre de personne a causer des ennuis. Il suivait beaucoup Stan Clever. Lui, et William Foster étaient très amis avec Stan. Ils s'opposaient très rarement à lui. Steeve était un peu celui qui faisait la conclusion de chaque réunion.
- Donc, vous voulez dire que Stan était le chef du groupe ? - ai-je interrogé.
- Oui, enfin surtout avec William et Steeve. John et Fred osaient plus facilement exposer leur point de vue.
- Et William ? Comment était-il ?
- Un peu comme Stan. Moqueur, compétitif...
- D'accord. Merci beaucoup.
- Est-ce que vous serriez si quelque chose d'étrange a pu se passer durant la période de votre voyage ?
A partir de ce moment, Monsieur Lebrun a commencé à se comporter de manière étrange. Il répétait plusieurs fois les mêmes choses, et faisait des mouvements rapides et brusques.
- Je... non, je ne crois pas.
- Vous êtes sûr ? - a demandé Nolan.
Il a hésité.
- En fait si. Je crois qu'il y avait quelqu'un d'autre.
- Qu'est ce que vous voulez dire ?
- Il y avait une autre personne dans le Conseil Scientifique de Londres.
Nolan et moi nous sommes regardés de la même façon, avec la même expression, mélange d'étonnement et de questionnement. A partir de ce moment, mon coeur s'est mis à battre vite, comme si je m'apprêtais à recevoir une information qui allait bouleverser ma vie. Mes mains sont devenus moites, je sentais l'angoisse prendre peu à peu possession de mon corps. Mon esprit ne cessait de se focaliser sur l'homme dont mon père avait parlé dans son enregistrement. Et si c'était lui ? Parmi toutes les descriptions que Monsieur Lebrun avait faites, aucune ne correspondait à l'homme étrange, dangereux, solitaire et violent dont avait parlé papa.
- Quel est son nom ? - a finalement demandé Nolan.
- Je... je ne sais plus exactement.
Il s'est mis à trembler. Ce n'était pas le simple tremblement que chacun d'entre nous peut avoir lors d'une situation angoissante, mais celui de la terreur en personne, du sentiment de menace, de mort le plus profond, le plus intense. Je n'avais jamais vu une personne trembler ainsi.
- Vous êtes sûr que ça va ? - ai-je demandé.
- Oui, tout va bien. - a t-il dit en se servant un verre d'eau, tout en continuant de trembler de la même manière qu'avant.
- Vous êtes sûr de ne pas savoir le nom de cette personne ?
- Je... c..c'était un homme étrange. Il...il ne parlait à personne. Il était, selon ses collègues... probablement dépressif. S..Stan disait qu'il était violent.
Une nouvelle fois, Nolan et moi nous sommes regardés, mais de façon totalement choquée. C'était lui. C'était l'homme.
- Vous ne vous souvenez vraiment pas de son prénom ? - a insisté Nolan.
Monsieur Lebrun s'est levé brusquement de sa chaise, a frappé deux fois la table et s'est mis à tourner en rond, en frappant dans le vide. A ce moment précis, j'ai compris ce à quoi Monsieur Belereau faisait allusion. Cette folie, menant presque à l'hystérie. Malgré les gestes violent que Monsieur Lebrun faisait, je ne voulais pas partir, je devais savoir le nom de l'homme. Coûte que coûte, même si il fallait que je quitte cette librairie remplie de coups. Monsieur Lebrun s'est tourné vers nous, rapidement, et s'est approché en criant, d'une joie effrayante :
- Ted !
Mon coeur a cessé de battre l'espace de quelques secondes. Il s'est mis à me faire terriblement mal, d'une douleur indescriptible, comme si quelqu'un venait de me planter un poignard. J'ai crié de douleur.
- Eli ! Ca va ?
- Oui, oui ne t'en fais pas juste un mal de coeur.
Il semblait totalement déboussolé, déstabilisé et hors contrôle. Il m'a chuchoté :
- Il faut qu'on y aille. Il commence clairement à me faire peur.
Nous nous sommes dirigés vers la porte, tandis que Monsieur Lebrun dansait et chantonnait à tût tête : "Ted! Ted!". Lorsque j'ai appuyé sur la poignée, il m'a tiré vers l'arrière, en disant :
- Mais où allez-vous ? On vient tout juste de commencer !
Il était totalement fou. Effrayant.
- Lâchez la ! - a dit Nolan.
L'homme s'est mis à trembler à nouveau, de façon encore plus violente que tout à l'heure. Il regardait vers le ciel, et on ne distinguait quasiment plus ses pupilles. Que le blanc, angoissant, perturbant de ses yeux. Il s'est mis ensuite à baver.
Nolan et moi étions totalement hors contrôle. Il fallait qu'on l'aide. Mais on avait terriblement peur. Nous regardions un homme faisant une pseudo crise d'épilepsie devant nous, impuissants.
Soudain, la porte s'est ouverte et sa femme est entrée, de la même manière nonchalante qu'au départ. Elle était furieuse.
- Qu'est ce que vous avez fait ?!
Aucun trait de son visage ne semblait montrer de la pitié, de l'angoisse, ou même de la tristesse envers son mari.
- Sortez d'ici ! Tout de suite !
Nous nous sommes exécutés. Elle a claqué la porte derrière notre dos.
J'avais l'homme. J'avais son nom.
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