Jour 32

Après les cours, Nolan et moi avons décidé d'aller interroger Monsieur Belereau, un vieil ami de ses parents, qui avait habité vingt ans dans le quartier de Westminster, à Londres. Il travaillait là haut, dans un bureau de publicités. Il était donc revenu habiter en France pour prendre sa retraite. Les parents de Nolan ont été longtemps amis avec lui, et Nolan le connaît depuis qu'il est tout petit.  

On a donc pris la route vers le onzième arrondissement de Paris. En arrivant devant chez lui, j'ai directement compris que c'était une personne plutôt riche, de par la beauté du bâtiment, mais aussi par les vêtements qu'il portait. L'appartement dans lequel il vivait était grand, spacieux et très bien décoré.

Monsieur Belereau nous a accueilli chaleureusement. Il a pris Nolan dans ses bras, comme si il ne l'avait pas vu depuis des années. Nolan m'a présenté à lui et il m'a fait un grand sourire. C'était un homme de petite taille, d'une soixantaine d'année. Il vivait seul mais n'avait pas l'air de le vivre si mal. Il portait un pull en laine qui devait probablement coûté un prix exorbitant et un pantalon élégant. 

- Bonsoir les jeunes ! 

- Bonsoir Monsieur Belereau, désolé de débarquer ainsi, mais nous voudrions vous poser quelques questions. 

- Oh voyons, arrête de t'excuser ! Et je t'ai déjà dit d'arrêter de me vouvoyer ! Appelle-moi Jean. 

Il nous a fait entré. Il nous fait nous asseoir sur son canapé.

- Vous voulez quelque chose ? Du thé ? Du café ? 

- Non, merci. - a dit Nolan.

- Alors, dis-moi, comment vont tes parents ?

- Ils sont à Madrid. 

- Ils sont en voyage d'affaires ? - l'a interrogé Monsieur Belereau.

- Oui, depuis deux semaines. 

J'ai regardé Nolan d'un air étonné. Je ne savais pas que ses parents faisaient des voyages d'affaires, et encore moins qu'ils n'étaient pas là. C'est à ce moment que j'ai réalisé que je ne savais pas tant de choses sur Nolan. Il connaissait presque toute ma vie, je lui avais tout raconté, mais moi, je ne savais rien de lui. Depuis la soirée de Sara, je lui avais quasiment tout dit, et la seule chose que je savais de lui était qu'il habitait au 39 avenue des roses, à Paris, et que sa grand mère s'était suicidée lorsqu'il avait 7 ans. Je ne savais pas comment il se sentait, pas ce qu'il avait vécu à part la mort de sa grand mère, et encore moins qui il était réellement. Quelle était sa vie, quelles étaient ses ambitions. J'avais passé trop de temps à lui raconter mes problèmes, tandis que lui m'écoutait, mais je ne m'étais jamais intéressé aux siens. 

Lorsqu'il a croisé mon regard rempli de questions, il a baissé les yeux, comme si il avait honte de quoi que ce soit. 

- Et ta soeur, Léa, comment va-t-elle ? 

Une fois de plus, j'ai été totalement choquée d'apprendre qu'il avait une soeur. Je l'ai à nouveau regardée avec insistance. Il a fait semblant de ne rien voir et a répondu :

- Elle va bien. 

- En quelle classe est-elle maintenant ? CM1? CM2? Sixième ? 

- Elle est en CM2. 

Un léger silence s'est installé. Il avait donc des parents probablement souvent pris par leur travail, et une petite soeur de 10 ans... et dire que j'ignorais tout ça...

Monsieur Belereau s'est tourné vers moi et a finalement dit :

- Et toi, c'est...

- Eli. Elle s'appelle Eli. - a répondu Nolan. 

- Enchanté Eli. 

- Enchanté.

- Dîtes moi, qu'est ce qui vous amène ici ? 

- On voulait vous poser quelques questions à propos de Londres, et plus particulièrement du Conseil Scientifique. 

- Hum, je vois. 

Il s'est assis sur le fauteuil à côté de nous, et a commencé :

- Et qu'est ce que vous voudriez savoir en particulier ? 

- On aimerait savoir si des choses étranges se sont passées là haut.- a dit Nolan.

- Vous savez, je n'y ai pas travaillé, j'étais juste agent de publicités. 

-  Mais vous connaissiez des personnes qui y travaillaient ? 

- J'étais ami avec Fred Mcgarten. Il travaillait au Conseil Scientifique depuis dix ans. 

- Vous avez encore contact avec ? -ai-je demandé.

- Malheureusement il est décédé dans un accident tragique en 2015... C'était un brave homme.

- Je suis désolée. 

- Si ce n'est pas indiscret, que s'est-il passé ? 

- On a jamais réellement su ce qu'il s'était passé. On l'a retrouvé dans sa voiture, échoué sous une falaise un matin, voilà tout. 

- Et vous connaissiez d'autres personnes ? - a interrogé Nolan.

- Non, je ne connaissais que lui.

- Avez-vous déjà entendu parler d'un de ses collègues avec un comportement comment dire... étrange ? 

- Non, jamais. Je devrai ? 

- Oh, heu non, rien de grave. Et connaissiez vous un "Monsieur Toberson" ? 

- John Toberson. -ai-je corrigé. 

- Je n'en ai jamais entendu parlé... qui est-ce ?

- C'était mon père.

Il a hésité :

-... "c'était" ? 

- Oui, il est décédé en 2014.

- Je suis désolé pour vous. Je ne connais pas de John Toberson... 

- Et... vous ne connaîtriez pas de personnes susceptibles d'en savoir un peu plus sur le Conseil Scientifique de Londres ? 

- Non, enfin je ne crois pas...

Il a semblé hésité. Un silence s'est installé. Nolan et moi fixions Monsieur Belereau comme si notre vie en dépendait. Au bout de quelques secondes, il a fini par ajouter :

- En fait si... mais c'est trop compliqué.

- Trop compliqué ? - a dit Nolan. 

- Oui, je ne peux pas me permettre de vous faire faire cela. Ce serait trop dangereux.

Je me suis approché de lui :

- Monsieur, nous avons besoin de savoir. Ce n'est qu'une question de temps.

Il a réfléchi quelques secondes, et a fini par dire :

- C'est un ami à moi. Il s'appelle Tom Lebrun. Il travaille à la librairie "Saint Joseph", dans le septième arrondissement. Il est venu travaillé en France il y a cinq ans. Il a travaillé vingt ans au Conseil Scientifique de Berlin, et il me semble, si mes souvenirs sont bons, qu'il s'est déjà rendu à Londres pour faire part de ses projets. 

- Et pourquoi nous ne devrions pas y aller ? - ai-je continué. 

- Depuis quelques années, il est assez étrange. 

- Etrange ? - a interrogé Nolan. 

- Certains disent qu'il est devenu fou. Au premier abord, il se comporte de façon totalement banale, mais plus la discussion s'intensifie, plus il se comporte étrangement. La dernière fois que je suis allé le voir, il y a deux mois, il s'est mis à crier et à se comporter violemment. Et ce, depuis qu'il est venu s'installer à Paris. Voilà pourquoi je ne veux pas que vous alliez le voir, parce qu'il peut être dangereux pour vous. 

Nolan s'est approché :

- Monsieur Belereau...

- Je t'ai déjà dis de m'appeler Jean.

- Jean, je vous promets que nous ferons attention.

- Nolan, si tes parents apprennent que je vous ai entraîné dans des affaires louches, je risque d'avoir de sérieux problèmes.

- Ils ne seront au courant de rien, c'est promis. 

L'homme a soupiré puis à fini par céder :

- Bon, d'accord. Il habite au 32 avenue de la Seine. Mais pourquoi vous voulez savoir tout ça ? 

J'ai noté sur un papier, puis j'ai répondu :

- Rien d'important. On mène une enquête dessus. 

- Faîtes attention à vous. Je ne veux pas qu'il vous arrive de problèmes par ma faute.

- Nous ferons attention. -lui ai-je répondu. 

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Nolan et moi sommes repartis en direction de ma maison, après que Monsieur Belereau nous ait donné les derniers informations concernant "Tom Lebrun" et son comportement aux multiples facettes. 

Sur le trajet, je me suis finalement décidée à questionner Nolan :

- Qu'est ce qu'on fait maintenant ? 

- C'est logique non ? On va voir Tom Lebrun.

- On aura pas le temps d'y aller aujourd'hui !

- On ira demain. 

- D'accord.

Je sentais que Nolan savait où je voulais en venir. Au bout de quelques secondes, il a fini par dire :

- Bon vas-y. Qu'est ce qui t'intrigues ? 

Il s'est arrêté et m'a fixé droit dans les yeux, en attendant une réponse. 

- Je ne vois pas de quoi tu parles...

- Eli, je sais très bien que quelque chose t'intrigues. Pose tes questions.

J'ai soupiré. 

- Pourquoi tu ne m'en as pas parlé avant ? De tes parents ? De ta soeur ? 

- Pourquoi ? J'aurai dû t'en parler ? 

- Bien sûr que oui !

- Ce n'est pas si important.

- Si, ça l'est. Tu aurais dû m'en parler. Je te parle bien de mes problèmes !

- Mais je n'ai pas de problèmes ! Mes parents sont souvent en voyages d'affaire, voilà tout.

- Et pour ta soeur ? Pourquoi tu ne me l'as pas dis ? 

- Pourquoi te l'aurai-je dis ? 

- Mais Nolan, tu ne comprends pas ! C'est important ! Elle est seule, en ce moment même, pendant que tu es avec moi ! 

- Eli, ma soeur et moi avons toujours vécu seuls. Elle est habituée.

- Elle n'a que dix ans !

- Elle sait se gérer toute seule !

- Ne me fais pas croire qu'elle peut tout faire seule. 

- De toute façon, je ne rentre jamais tard. Je cuisine, je l'aide pour ses devoirs... Qu'est ce que tu imagines ? Que je la laisse seule du matin au soir ?

- Mais comment ? Tu es avec moi !

- Je rentre suffisamment tôt pour rattraper le temps perdu. 

- Nolan... je ne veux pas que tu perdes du temps avec ta soeur à cause de moi. Je peux me débrouiller toute seule.

- Ne t'en fais pas. 

- Comment ? Comment tu veux que je ne m'en fasse pas ? C'est de ma faute !

- Eli, rien est de ta faute. C'est moi qui ai décidé de t'aider. 

Un silence s'est installé suite à cette dernière phrase. Je réfléchissais. 

- Et si on faisait tout ce qu'on fait chez moi, chez toi ? 

- Mais, elle va se douter de quelque chose.

- On a qu'à lui dire que ce n'est qu'un travail. Un exposé ? 

Il a soupiré, puis a fini par conclure la discussion par :

- Bon... d'accord.

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Ainsi, jeudi s'est achevé. Nouvelle piste, nouvel espoir. Nouvelles choses à découvrir. Et peut-être également, un pas de plus vers maman. Un pas de plus pour la retrouver.

Nous sommes allé conclure le peu de nouvelles preuves de la journée chez Nolan. Il m'a présenté sa petite soeur. Elle avait l'air timide et réservée. Mais attentionnée. En me voyant, la première chose qu'elle eut dit à Nolan fut :

- C'est ta petite amie ? 

Moment assez gênant, mais elle a fini par bien comprendre que nous ne faisions qu'un pur et simple "exposé".


C'est étonnant à dire, mais en ce jeudi, j'avais l'impression que quelque chose avait changé. Qu'une page se tournait. J'avais le sentiment que nos recherches allaient avancer, que l'espoir était revenu. Même si il n'y avait rien à tirer de la discussion avec Monsieur Belereau, du moins aucune information importante, je savais pertinemment que la rencontre avec Monsieur Lebrun allait marquer un tournant dans nos recherches. Et peut-être même, un tournant dans nos vies. 


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