Jour 26

Nous sommes vendredi 17 mai, il est 19 heures et cela fait maintenant 18 jours que maman a disparu. Deux jours auparavant, l'espoir était revenu en moi, comme un vieil ami que je n'avais pas vu depuis longtemps, mais désormais c'était comme si je ne l'avais jamais connu, comme si il n'avait jamais existé. Cela faisait deux jours que je continuais mes recherches à l'école comme à la maison, à la bibliothèque comme sur Internet. Mais toujours rien. Il y avait la liste que j'avais trouvé mercredi dernier à la bibliothèque, mais j'avais déjà regardé tous les prénoms qui y figuraient, mais aucune page ou même information n'était disponible à leur propos. Même sur Google. C'était comme si ils n'avaient jamais existé.

J'étais retombée dans le même moral qu'avant, perdue entre continuer ou arrêter. J'étais sur un fil, cent mètres au dessus du sol et je devais choisir entre avancer ou tomber. Tout le monde aurait choisi d'avancer. Mais au jour d'aujourd'hui, j'étais si indécise, si perdue, que je ne savais plus quel choix faire. 

Chaque seconde qui passait m'éloignais un peu plus de maman. Je remettais chaque geste en question, j'avais toujours l'impression d'être sur la mauvaise piste. Je pensais de plus en plus à l'idée qu'elle soit partie de son plein gré. Que, sans m'en apercevoir, j'eue fait une erreur qui l'eue brisé le coeur.

Je pensais à chaque piste que j'avais eu jusqu'à maintenant, laissant mon esprit valider certaines idées, et en réfuter d'autres. J'étais allongée sur mon lit, vide d'espoir, et je fixais le plafond comme si je voulais y décrypter quelque chose. Je ne savais plus quoi faire, plus où me tourner. 

Il y avait la soirée de Sara. Je lui avais dit que j'irai peut-être, même si je n'avais absolument pas le moral à faire la fête. Et je savais pertinemment que rien là haut ne m'avancerais sur la disparition de maman. 

Mais j'avais envie de prendre l'air, de sortir. De vivre ma vie. Maman aurait été si heureuse de savoir que j'avais été invitée à une soirée. Elle m'aurait poussé à y aller. 

Alors, je ne sais pourquoi, j'y suis allée. J'ai enfilé ma robe rouge, que j'avais porté au nouvel an, et je me suis maquillée. C'était étrange de me voir maquillée, bien coiffée et bien habillée. Je ne m'étais pas préparée ainsi depuis longtemps. Malgré le fait que j'ai tenté du mieux possible de "m'embellir", ma tristesse ne cessait de prendre le dessus. Je me suis regardée dans le miroir, et j'ai pleuré. J'en avais marre... Je me suis ensuite entraînée à sourire, pour paraître la plus naturelle possible. Je ne voulais pas me faire remarquer, ou qu'on porte l'attention sur moi. Je voulais que les autres me voient heureuse, belle. 

Je suis partie à pied. La maison de Sara se situait à environ 30 minutes de la mienne. J'ai marché, longtemps. Puis, il s'est mis à pleuvoir, gâchant tout ce que je venais de faire auparavant : mon lissage, mon maquillage... 

***************************************************

Je suis arrivée à la soirée de Sara. Il y avait de la musique jusque dans la rue. Je pouvais déjà voir à travers les fenêtres qu'il y avait du monde. 

J'ai toqué à la porte d'entrée et quelqu'un (que je ne connaissais pas) est venu m'ouvrir. J'ai traversé le couloir jusque dans le salon et la salle à manger où une bonne partie des invités étaient. J'ai reconnu quelques personnes de ma classe et d'autres que j'avaient déjà croisé quelques fois au lycée. Il y avait aussi beaucoup de personnes que je ne connaissais pas. 

Il y avait de l'alcool un peu partout, des chips, des pizzas... C'était un peu le genre de soirée clichée que l'on voit dans tous les films. 

Je suis sortie dans le jardin, qui était illuminé par quelques dizaines de guirlandes, et c'était vraiment joli. 

Les parents de Sara sont plutôt riches, et cela se remarque rien qu'à ses vêtements et sa maison. Cette dernière était énorme, alors que Sara était seulement fille unique. Tous les meubles étaient modernes, bien aménagés, il y avait même des tableaux de grands peintres ça et là...          Son jardin était aussi immense que sa maison. Elle avait une grande piscine ainsi qu'un jacuzzi. Bref, c'était le genre d'endroit parfait pour faire des soirées, et Sara l'avait probablement bien compris.

Il devait y avoir au moins cinquante personnes. Certains étaient entassés dans le canapé, d'autres discutaient dans la cuisine ou la salle à manger, et le reste était dans le jardin ou la piscine, qui, malgré sa grande taille, était elle aussi bondée. 

Et c'est à ce moment précis que je me suis demandée pourquoi j'étais venue, ce que je faisais là. Tous ces gens étaient si différents de moi... ils étaient heureux, juste heureux d'être ici, tandis que j'étais au bord de la dépression. Un grand nombre d'entre eux étaient ivres. Il y avait aussi des couples. Je ne me sentais pas du tout à ma place. Je n'avais aucun ami, personne avec qui passer la soirée. Je pensais que venir ici pouvait être une bonne chose, et pouvait m'aider à ne plus penser à ma situation le temps de quelques heures. Mais non, rien n'y faisait. J'avais juste l'impression de trahir maman. 

Alors, j'ai décidé de partir. Je me suis retournée, et au même moment, une main a touché mon épaule :

- Eli ! Je suis contente que tu sois venue ! 

C'était Sara. Elle était accompagnée de deux garçons qui lui tenaient les épaules, tandis que son coeur flasque marchait sur le sol fébrilement. Elle était totalement ivre, et j'avais senti une odeur d'alcool dès son arrivée. Elle titubait légèrement. Il était seulement 20 heures ...

- Oh, salut. Heu oui, mais justement j'allais partir. 

Elle m'a regardé, le sourire au lèvres, avant de dire :

- Oh, mais non ! La fête vient seulement de commencer, reste !

- J'ai encore beaucoup de devoirs. Désolé.

- Pourquoi t'es si coincée ? C'est la fin de l'année ! Une soirée ça ne te feras pas de mal.

- Non, désolé, je dois vraiment rentrer.

Elle m'a regardé quelques secondes, puis elle a repris :

- Hé, Tom, Sam, montrez lui comment on s'amuse. 

Automatiquement, les deux garçons ont lâché Sara et sont venus vers moi. Ils m'ont pris les bras et m'ont tiré vers la piscine.

- Hé ! Qu'est ce que vous faites !

Ils ont continué à me tirer par les bras en se dirigeant de plus en plus rapidement vers la piscine. Les personnes qui y étaient se sont décalées, et ont commencé à crier :

- A l'eau, à l'eau !

- Non, lâchez moi ! J'ai mon téléphone ! Et je n'ai pas de vêtements de rechange !

Ils sont restés silencieux, tandis que les voix autours devenaient de plus en plus forte. Puis, ils m'ont jeté. Je suis tombée dans l'eau, totalement habillée et maquillée. J'ai senti peu à peu les corps se rapprocher de moi, bouger dans la piscine. J'ai sorti la tête de l'eau et tout le monde était en train de crier "ouais", tout en sautant dans l'eau. 

************************************************************

Je suis sortie de la piscine et me suis dirigée vers la maison. J'avais besoin de me sécher. J'ai demandé à quelques personnes où était la salle de bain, et je m'y suis finalement rendu. Il n'y avait personne.

J'ai pris une serviette et j'ai tenté de me sécher un maximum. Puis, j'en ai pris une seconde car malgré le fait que nous étions au mois de mai, le soir, il faisait assez froid. Je suis redescendue avec ma serviette et je suis allée dans la cuisine. J'avais soif. J'étais triste. Je voulais oublier. Alors, je me suis servie un grand verre de vodka, totalement inconsciemment et je suis partie m'installer dans le jardin, sur un petit banc isolé du reste des invités, et qui donnait une vue sur Paris. Il ne faisait pas encore nuit, mais le soleil tardait tout de même à se coucher.

Je suis restée assise là environ cinq minutes. L'alcool n'avait pas encore fait effet mais je sentais tout de même que je n'étais pas dans mon état habituel.

Soudain j'ai senti une présence derrière moi. Je me suis retournée, avant de m'apercevoir qu'il s'agissait de Nolan. Il s'est approché avant de dire :

- Salut, je peux ?

Il m'a regardé, puis a regardé la place vide qu'il restait sur le banc. Je suis restée quelques secondes à le regarder, en tentant d'examiner la phrase qu'il venait de dire, comme si il avait parler une autre langue. Je commençais à perdre le contrôle de moi même. Puis, j'ai fini par prendre la parole, en essayant de prendre un air sobre :

- Salut, oui, bien sûr. 

Il s'est assis, puis a dit :

- Comment ça va ? 

- Niquel, super, ouais parfait. Et toi ?

Je n'avais pas laissé le temps à mon cerveau de créer une phrase normale, alors j'ai dit cette réponse débile. Il m'a fixé étrangement avant de répondre :

- Moi aussi. T'es sûre que ça va ? 

- Ouais, ouais super. Je suis au top !

J'ai levé un pouce en l'air. Une fois de plus, je n'avais pas réussi à me contrôler, et l'alcool avait pris le dessus. Il a froncé les sourcils avant de continuer :

- J'ai vu ce qu'ont fait les deux garçons tout à l'heure. C'était idiot.

- Non, t'inquiète pas ! On fait la fête, on profite ! Hou hou !

Je me suis mise à danser, assise sur le banc, tout en chantonnant. Il m'a coupé :

- Tu serais pas bourrer par hasard ? 

J'ai pris un air étonné :

- Moi ? Non pas du tout !

- Si, tu l'es, aller, calme toi. Assis toi. 

Je me suis calmée peu à peu, et je me suis assise à nouveau. J'ai tenté de prendre un air sérieux, mais l'alcool me donnait un sourire idiot que je n'arrivais pas à faire disparaître. Nolan a regardé à mes pieds, ce que j'ai ensuite imité. Il fixait la bouteille de vodka, que j'avais vidé de moitié. J'ai directement compris qu'il allait la prendre, alors je l'ai prise avant lui. 

- Eli, lâche cette bouteille. 

- Non !

- Eli !

Jusqu'à maintenant, il était resté sérieux. Mais à partir de ce moment, il a commencé à s'énerver. Puis, il a finalement réussi à prendre la bouteille de mes mains, et l'a jeté au loin. 

- Hé !

Il m'a regardé, le visage neutre. Je le fixais comme un enfant le fait avec sa mère après s'être fait gronder. J'ai continué :

- Pourquoi tu fais ça ?! 

- Pour ton bien. T'es totalement saoule. 

J'ai soufflé. Quelques minutes sont passées. Aucun de nous deux ne parlait. Nous fixions juste le soleil se coucher peu à peu. C'était beau, silencieux. Bon, pas vraiment, c'est vrai, avec la musique et les autres autours, mais c'était comme si tout cela s'était totalement estompé. Il a fini par briser le silence :

- Qu'est ce qui ne va pas ? Tu peux me le dire tu sais.

- Mais je vais bien ! 

- Tu n'as vraiment pas l'air.

- On ne se connaît même pas. Tu ne sais rien de moi ! Et puis, de toute façon je ne te dirai rien ! Et pourquoi tu veux m'aider ? Hein ?!

Il a continué à me fixer étrangement, puis il a répondu, de la même façon calme qu'au début de la discussion :

- Je veux t'aider tout simplement parce que tu n'as vraiment pas l'air d'aller bien.

- Et qu'est ce que t'en sais ? 

- Tu te comportes de façon étrange. Au lycée tu t'es mise à pleurer d'un coup. Et la dernière fois, tu as fais un malaise en plein milieu de la route...

- Qu'est ce qui te dis que je ne suis pas comme ça en tant normal ? 

- Personne ne se comporte comme ça en tant normal. 

- Et bien moi si !

J'ai commencé à sentir les larmes monter. Mon visage devenait rouge et je serrais les poings. J'ai crié tout en tapant sur mes genoux :

- Je suis comme ça ! Je suis comme ça ! Je suis... comme...

J'ai éclaté en sanglots. Je ne serais pas dire si c'était les effets de l'alcool, ou juste mes nerfs qui me rendaient ainsi, mais je me sentais terriblement mal. J'ai mis ma tête dans mes bras tout en pleurant. J'avais réussir à tenir plus d'une heure sans y penser, mais à ce moment précis, c'était comme si tout m'étais revenu en plein visage tel un éclat d'obus. Nolan s'est rapproché de moi et m'a tapoté l'épaule. J'ai levé la tête, il m'a regardé dans les yeux, tout en disant :

- Ca va aller, ne t'en fais pas. 

Je lui ai répondu, d'une voix fébrile, plutôt calme :

- Et qu'est ce que t'en sais toi ? Tu as des amis, et je suis sûre que tout le monde t'aime. 

- Je le sais, c'est tout. 

J'ai séché mes larmes et je lui ai posé une nouvelle question :

- Pourquoi tu t'intéresses tant à moi ? 

Il avait l'air étonné de ma question. 

- Parce que je veux aider le plus de personnes possibles. 

Il a semblé hésiter un court instant, avant de continuer :

- Ma grand mère est morte il y a 9 ans. Elle s'est... elle s'est suicidée. Elle était terriblement mal au fond d'elle, elle avait des problèmes de confiance en elle. Elle était dépressive. Et mes parents et moi, on le voyait bien, qu'elle était mal. Mais on n'a rien fait, on a laissé le temps agir, comme si ça pouvait la guérir... On a attendu bêtement qu'elle s'en remette par elle-même, et elle ne s'en ai jamais remise. Elle s'est suicidée le 21 octobre 2011, j'avais sept ans. 

- Je suis désolée.

- Et depuis ce jour, j'ai décidé d'aider le plus possible ceux qui en avaient besoin. De ne pas faire la même erreur, de ne pas croire bêtement que le temps guérira les choses, car il ne le fera pas. Le temps détruit tout. 

Je l'ai regardé, silencieusement. Il fixait les lumières de la ville, qui étaient allumées depuis peu. Ses yeux brillaient, son visage était resté neutre. Il a finalement tourné la tête, au bout de quelques secondes, et m'a regardé dans les yeux, tout en disant :

- Tu comprends maintenant pourquoi je cherches à t'aider ? 

J'ai hoché la tête en guise de "oui". 

- Bon, maintenant tu ne veux toujours pas me dire ce qu'il t'arrive ? 

- Si je te le disais tu ne me croirais jamais. 

- Je te promets que je te croirai.

- Tu vas me prendre pour une folle...

- Non, promis. Qu'importe ce que tu puisses dire, je te promets de ne pas te juger. 

J'ai hésité quelques secondes, et j'ai fini par tout lui expliquer. TOUT, dans tous les détails... A partir du jour où maman a disparu jusqu'à aujourd'hui. Il m'a écouté, sans dire un mot, en gardant la même expression neutre et sérieuse qu'il avait prise lorsqu'il m'avait fait part de ses problèmes. 

Quand j'eue fini de tout lui raconter, un silence s'est crée à nouveau. Pesant et angoissant. J'ai regardé Nolan et je me suis aperçu qu'il avait écarquillé les yeux. J'ai soupiré et dis :

- Tu ne me crois pas. J'en étais sûre que tu ne me...

- Si, bien sûr que je te crois. Je ne comprends juste pas comment ni pourquoi ta mère a disparu du jour au lendemain, sans nouvelles, ni pourquoi tu as toutes ces blessures et ces signes sur son corps...

- Je ne comprends pas non plus...

- Et, tu penses que ça aurait un lien avec la mort de ton père ?

- Je ne sais pas. Mais une chose est sûre, le symbole que j'ai sur mon poignet est le même que celui du laboratoire où travaillait mon père. Sara a le même. 

- C'est vraiment étrange...

- Oui... Tu promets de ne pas le répéter, et de n'en parler à personne ?

- Je te le promets. 

Il a souri, et j'ai souri à mon tour. 

**********************************************************************

Nous avons passé le reste de la soirée ensemble à parler de tout et de rien, de nos problèmes, nos souvenirs, nos voyages... On a rigolé. Ca me faisais tellement du bien de rire, sans avoir à me forcer, de sourire, et de partager des histoires et des anecdotes avec quelqu'un. 

J'avais découvert un garçon, que je pensais être comme les autres, différent. Il était simple, mais il avait un passé plus douloureux qu'il n'en avait l'air. 

J'aurai aimé que cette soirée dure une éternité, en dehors du temps. J'aurai pu passer des jours à parler avec lui, à rire. A me sentir aimé par quelqu'un d'autre que maman.

J'avais l'impression de le connaître depuis toujours. 

Je ne m'étais jamais confié ainsi auparavant. Je n'avais jamais raconté tous ces détails de ma vie à une personne que je considérais presque comme un inconnu. 

***********************************************************************

Mais la soirée s'est terminée. Nolan m'a ramené chez moi, à pied, et nous avons passé la fin du trajet à parler de notre avenir, du métier que nous aimerions faire plus tard. 

Je suis rentrée chez moi dans les alentours de sept heures du matin. J'ai dormi directement, ne faisant plus que de cette soirée un souvenir. 


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top