Jour 23 (partie 1)
Je suis arrivée sur une grande falaise. Mes souvenirs d'avant étaient totalement flous. Il y avait une grande route, avec un virage assez serré qui tournait sur la gauche.
J'entendais d'ici les vagues frapper la falaise. La mer était déchaînée, le temps était nuageux. Je ne sais pas ce que je faisais ici, ni pourquoi. J'ai marché quelques mètres sur la chaussée, et je suis finalement arrivée à un genre de point de rendez-vous. Il donnait une vue sur la mer, c'était beau. J'ai toujours adoré la mer, je la trouve réellement passionnante. On ignore encore tant de choses à son propos, des milliers de mystères planent encore sur elle...
Je me suis finalement retournée pour observer la terre ferme qui m'entourait : à part la route, il n'y avait que des champs et quelques rochers. J'ai vu aussi un petit endroit dans lequel il y avait une voiture. Je me suis approchée. Sa couleur me rappelais étrangement quelque chose.
En arrivant devant le pare-brise de celle-ci, j'ai directement reconnu. Couleur rouge, siège en daim marron, porte-clé en forme de fleur sur le rétroviseur intérieur... c'était la voiture de ma mère. Elle... elle était là. Dans ce lieu, dont j'ignorai le nom. Sa voiture, la sienne... Maman était probablement ici aussi.
Soudain, j'ai entendu un bruit lointain de moteur. Il se rapprochait à une vitesse phénoménale. A peine ai-je eu le temps de me rendre compte de sa présence, qu'une voiture fonçait droit sur moi. J'ai tenté de voir qui était au volant. Plus celle-ci se rapprochait, plus j'arrivais à distinguer la personne qui la conduisait.
Alors qu'elle n'était qu'à quelques mètres de moi, j'ai enfin compris qui en était le conducteur. C'était mon père... Il semblait si sûr de lui. Il fonçait tout droit sur le fossé, dans la mer... Il ne semblait pas une seconde avoir l'envie de changer de trajectoire. Son regard était fixe, son visage neutre, aucune émotion, aucune larme, aucune haine. Juste lui. Son expression disait tout. Il voulait partir, loin, dans un autre monde. Ne plus faire partie des vivants. Il voulait mettre fin à ses jours. Partir à jamais.
Aussitôt, lorsque j'ai compris son attention, de façon idiote, j'ai tenté de m'interposer. Je voulais qu'il me voit, qu'il change d'avis. Qu'il se rappelle de ma présence, et de l'importance de la sienne à mes yeux.Qu'il se souvienne de la famille aimante qu'il avait. Je ne voulais pas le perdre, je n'aurais jamais voulu le perdre.
Alors je me suis placée face à sa trajectoire, juste au dessus de la falaise. Il accélérait de plus en plus. Plus sa voiture s'approchait, plus je sentais les larmes monter à mes yeux. Il n'était pas lui-même. C'est comme si il était contrôlé par quelqu'un d'autre. Je ne pouvais pas croire qu'il voulait mettre fin à ses jours. Pas maintenant, pas ici. Jamais. Le bruit du moteur s'approchait rapidement. Il ne restait que quelques secondes avant l'impact, et je ne sais pourquoi, j'avais toujours espoir qu'il s'arrête.
Si il tombe, je le ferai aussi. Les secondes entre lui et moi devenaient de moins en moins nombreuses. Je n'ai pas bougé. J'ai fermé les yeux. Une larme a coulé sur ma joue.
Puis, plus rien. Le silence, le vide. Plus de bruit de moteur. Rien. J'ai ouvert lentement les yeux avant de voir que devant moi, il n'y avait plus de voiture. Il n'était pas là. Et pourtant, il n'avait pas sauté. Je n'avais rien senti.
Je me suis alors retournée rapidement, et ce que j'ai vu m'a tout simplement glacé le sang. Il était la, dans sa voiture, dans les air. Ils chutaient, tous deux. Ils fonçaient dans la mer. Je ne pouvais plus rien faire. C'était trop tard. C'est comme si il était passé en moi, sans que je ne ressente rien. Comme si j'avais été transparente, invisible.
Je l'ai vu tombé au ralenti, comme si tout autour s'était figé dans le temps. Je voyais mon père partir. Je le voyais foncer tout droit dans la mort, et je ne pouvais plus rien faire. Je ne pouvais pas l'arrêter.
Je me suis écroulée au sol, en hurlant. La douleur de ce que je venais de voir était si forte. Je n'avais jamais ressenti ça auparavant. Voir l'un de nos êtres les plus chers mourir devant nos yeux, n'est-ce pas la pire chose qu'il puisse nous arriver ? Mes larmes ont coulé tout le long de mes joues, jusqu'à arriver sur ma poitrine. Je n'arrivais quasiment plus à respirer. Je ne pouvais plus rien contrôler.
Soudain, tout s'est assombri autour de moi, jusqu'à ce que ma vision devienne entièrement noire. Tout a disparu, je n'entendais plus rien.
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Je me suis réveillée en criant. J'étais totalement angoissée, j'avais chaud. Ce n'était qu'un cauchemar. J'ai regardé mon réveil avant de me rendre compte qu'il était trois heures du matin. Le bruit de la pluie se faisait entendre. Les gouttes ruisselaient sur ma fenêtre. Le grondement lointain laissait comprendre qu'il y avait de l'orage.
Je me suis levée pour aller à ma fenêtre. Quand j'étais petite, j'adorais regarder l'orage. Je trouvais ça relaxant, et à la fois impressionnant. Je pouvais passer des heures à regarder les éclairs déferler sur la ville. Maman disait que c'était le ciel qui se mettait en colère.
Sans savoir réellement pourquoi, je suis restée là, assise sur une chaise, pendant 30 minutes, à regarder la foudre s'abattre un peu partout. J'avais pris mes écouteurs, et j'écoutais de la musique tout en regardant le spectacle. C'était beau. Je ne pouvais tout de même pas cesser de me dire que le cauchemar que je venais de faire était peut-être prémonitoire. Et si mon père avait vraiment voulu mettre fin à ses jours ? Et si, depuis le début, maman me mentait, et elle savait que ce n'était pas un accident, mais un suicide ?
Toutes ces questions tournaient dans ma tête, tandis que les dernières notes de "Saturn" de "Sleeping at last" se terminaient.
Après ce moment de tranquillité, je me suis levée et je suis allée dans la salle de bain. Je me suis regardée dans le miroir. Rien n'avait changé, j'avais toujours ces cernes, ce teint pâle, ces yeux mi-clos... J'ai voulu voir si les mystérieuses traces qui avaient apparues sur tout mon corps s'étaient estompées. Une fois de plus, rien n'avait changé. L'étrange symbole qui était apparu seulement trois jours après la disparition de maman était toujours présent, de la même intensité qu'au départ, il ne s'était pas estompé... J'avais encore des bleus le long de ma cuisse, des traces de mutilations le long de mes bras... Je ne savais toujours pas d'où elles venaient.
J'étais laide. Je me trouvais horrible. Je n'ai jamais aimé ce à quoi je ressemblais, mais à ce moment précis, je savais que je n'avais jamais autant détesté à ce point mon physique. Je suis restée face à mon miroir 5 minutes. Les larmes ont fini par couler peu à peu. J'avais tout perdu, mon père, ma mère, le peu de confiance que j'avais en moi... tout.
Je suis finalement retournée me coucher, pour éviter à nouveau de penser à tout ça.
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Je me suis réveillée dans les alentours de six heures. Les rayons du soleil de printemps commençaient à transpercer mes rideaux et se reflétaient sur les murs de ma chambre. La lumière commençait également déjà à pénétrer la pièce, et les oiseaux au dehors chantaient. C'était un matin calme, un réveil doux, le calme après la tempête, la douceur après la violence. C'est étrange à dire, mais l'espace de quelques minutes, c'était comme si tout était revenu comme avant. Un matin de mai, la lumière légère du jour. Je n'avais pas aussi bien dormi depuis très longtemps. Il ne manquait plus que l'odeur enivrante du pain grillé, et maman dans son fauteuil et tout aurait été pareil.
Je me suis levée de mon lit, pour la deuxième fois de la journée. Je n'avais fais aucun autre cauchemar. J'avais probablement rêvé, mais mon esprit avait fini par l'oublier.
Je suis descendu, et je me suis préparée deux tartines de pain grillé. Ce petit-déjeuner m'avait manqué. Evidemment, ce n'était pas pareil. Je me suis assise dans le fauteuil dans lequel maman avait l'habitude de s'installer. J'ai soudain compris mieux pour quelle raison elle aimait tant se mettre à cet endroit ; lorsque l'on regardait à travers la fenêtre, la vue donnait directement vers le levé du soleil. Maman les adore.
J'ai mangé mes tartines en silence, pensive, tout en regardant le ciel s'éveiller peu à peu. C'était magnifique. Il se tachait de couleurs orangées, jaunâtres.
J'avais envie que tout change, de me reprendre en main. Je ne voulais pas sombrer. Je devais rester forte pour elle, garder mon énergie pour la retrouver.
Alors, comme je ne l'avais pas fait depuis longtemps, je suis allée courir. J'ai enfilé mes Nike et j'ai quitté la maison. Je ne savais pas où j'allais, je courais simplement, pour me défouler, évacuer les mauvaises ondes. Il est impossible d'oublier quelque chose comme ce qui est en train de m'arriver, certes, mais le fait d'essayer de faire autre chose que d'y penser m'aidais à y voir plus clair, à me ressourcer. J'ai couru vers quelques champs, monté quelques collines, avant de m'arrêter, au bout d'une vingtaine de minutes. Je n'habite pas réellement à Paris, mais dans les alentours. Certains endroits permettent de pouvoir observer la ville, à partir de mon village. J'étais sur une petite pente, et d'ici, on pouvait voir Paris s'éveiller doucement et les lumières des lampadaires s'éteindre au fur et à mesure que le jour se lève.
C'est en observant cela qu'une pensée m'est venue. Et si le cauchemar que j'avais fait cette nuit était un indice sur la disparition de maman ? Si celle-ci avait un lien avec la mort de mon père ?
Cette dernière idée m'a redonné la motivation de chercher. J'ai alors couru à toute vitesse vers la maison, persuadée que ce que je venais de penser pouvait être une avancée de plus.
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