Jour 10
Nouvelle journée sans maman. Je n'ai toujours aucune nouvelle, et j'ai eu beau l'appeler pour la centième fois après ce qu'il s'était passé à la gendarmerie, elle ne répondait toujours pas. J'allais beaucoup mieux, j'avais repris des forces. Je pourrai sortir demain.
Je me suis dirigée vers la douche. Je ne m'étais pas lavée depuis quelques jours, et sans le cacher, ça se voyait... C'est en commençant à me déshabiller que je me suis aperçue qu'il y avait une trace étrangement noire sur mon poignet. Je l'ai regardée de plus près: c'était une un cercle noir, dans lequel était dessiné un ovale horizontalement, et le tout coupé d'un long trait. C'était étrange. Ce dessin me rappelait quelque chose, mais je ne savais pas quoi.
En mettant du savon sur ma peau, j'ai longuement insisté sur la partie où il y avait ce symbole étrange. Après tout, peut-être l'avais-je faite sans le savoir? J'ai donc commencé à frotter, encore et encore, mais rien n'y faisais, la trace ne voulait pas disparaître. Même la couleur ne s'effaçait pas, ou ne serait-ce que s'éclaircir. Le symbole restait totalement intact. J'ai passé une seconde couche de savon en frottant encore plus fort, jusqu'à ce que ma peau en devienne rouge écarlate. Elle restait là, comme un tatouage, encrée sur ma peau.
Malgré l'angoisse et le grand nombre de questions qui me traversaient l'esprit, je suis sortie de la douche et je me suis rhabillée. En retournant vers mon lit, je me suis aperçue que mon plateau du midi avait été apporté. J'ai mangé, en regardant toujours mon poignet. Le dessin était précis, simple, les traits étaient parfaits, comme si on les avait dessiné dans les moindres détails.
Après cet événement étrange, j'ai décidé de faire mes devoirs. J'avais un travail à rendre en français, et avec les dernières choses qui s'étaient passées, je n'avais pas eu le temps de m'y pencher. Il fallait rédiger un devoir sur la confiance en soi. Comme beaucoup d'adolescents, je n'ai pas du tout confiance en moi. Alors, il est vrai qu'il est compliqué d'écrire un devoir entier sur ce sujet, mais après quelques dizaines de minutes de réflexion, j'ai finalement trouvé de l'inspiration. Je suis assez douée en français, c'est vrai. J'aime aussi raconter des histoires, imaginer. Maman aimait ça. Quand j'étais petite, je créais des histoires entières et les mettais en scène. Elle et papa me regardaient, l'air fier.
Après avoir terminé de rédiger mon devoir, je me suis reposée et j'ai un peu utilisé mon téléphone. Je suis allée sur Instagram. Je suis une personne assez simple, c'est vrai. Comme 3/4 des adolescents de nos jours, j'ai Instagram et même Snapchat. Je ne sais pas vraiment pourquoi d'ailleurs, parce que je ne poste pas, je ne parle pas avec d'autres personnes, je ne suis même pas dans le groupe de classe. Mais le fait d'avoir les réseaux sociaux me rend plus "normale". J'ai l'impression de rentrer dans le moule, d'être comme les autres. Mais les autres, eux, ont des amis avec lesquels ils parlent, ils postent des photos d'eux, leurs amis commentent, aiment, partagent... Je ne comprends pas vraiment à quoi ça sert. Poster, liker, commenter, partager, se suivre. Les gens essaient par tous les moyens d'obtenir le plus de notifications possible. Ils ne pensent qu'au buzz, qu'à être connu, aimé , apprécié. C'est ironique, quand on y pense, tout ça. Des inconnus t'aiment, te suivent. Et les gens en sont fiers. Les gens disent que c'est ainsi qu'ils se forgent, qu'ils se crées une communauté. Qu'ils apprennent à s'accepter , qu'ils gagnent confiance en eux. Je n'y crois pas. La confiance en soi, on ne peut pas la gagner en ayant une communauté, malgré le fait que l'on peut se sentir plus confiant. La confiance en soi, on ne peut la gagner que par nous-même. C'est nous, juste nous.
Comme je disais, je me promenais sur Instagram quand j'ai vu passer dans mon fil d'actualité les paroles d'une chanson. Elles disaient:
"And if your heart bleed, that's okay baby only words bleed"
J'ai directement reconnu "Photograph" d'Ed Sheeran. On adorait cette chanson avec maman. Jusqu'à la connaître dans les moindres détails. C'était notre chanson préférée.
Je suis allée chercher mes écouteurs, pour l'écouter. Ca faisait longtemps...
Puis,devant mes yeux, s'est déroulée une scène que j'avais déjà connu auparavant. C'était nous deux, dans la voiture. On avait allumé la radio, et "Photograph" passait. Maman avait augmenté le volume jusqu'à le mettre presque au maximum. C'était au mois d'août dernier. Tout était si différent. Elle s'était mise à chanter en conduisant, et j'ai fini par la rejoindre dans son karaoké. Nous avions l'air de deux idiotes à chanter ainsi, sur l'autoroute. On avait ouvert nos fenêtres, les gens sur l'autoroute nous regardaient étrangement. Mais on n'en avait rien à faire. Nous étions heureuses, ensemble. Et ça s'était le principal. On revenait de notre semaine de vacances à la mer,qui étaient probablement les meilleures vacances de ma vie. Il faisait chaud. Le ciel était bleu. Tout le monde était épuisé de la route, de la chaleur. Et il y avait nous. Malgré les quelques heures que nous avions déjà fait, rien ne pouvait changer notre joie. Le sourire jusqu'aux oreilles, on chantait. Puis après cette chanson, on a attendu la suivante, qu'on a à nouveau chanté. Même si l'on ne connaissait pas les paroles... C'était l'un des meilleurs souvenirs de ma vie, plus rien ne comptait autours, nous étions dans notre bulle, heureuses. Le temps ne comptait plus. Le trajet est passé à une vitesse lumière. C'était si bien, la vie, avant. Maman, l'été,le soleil. Le monde avant que l'Amérique disparaisse, avant que tous les médias se mettent à parler de tout ça, avant que l'angoisse mondiale soit présente. Le bonheur. Ca me manque, terriblement. Elle me manque.
Touts'est effacé devant mes yeux. La vision de la voiture, et de nous deux s'est transformé en chambre d'hôpital. J'ai senti quelques larmes couler rapidement sur mes joues. J'ai fixé le sol, pensant à tout ça. Tout ce que je ne vivrai probablement plus. Le temps passe si vite. Tout est passé si vite. La tristesse remplissait mes pensées. Mon regard se posait sur le sol. Je fixait le vide, en écoutant les dernières notes de la chanson qui a écrit mon enfance, qui a à jamais laissé un souvenir, probablement le plus beau, d'un moment de ma vie qui aurait pu être oublié.
Soudain,quelqu'un a toqué. La porte s'est ouverte et je me suis empressée d'essuyer mes larmes. J'ai retiré rapidement mes écouteurs.
C'était Nolan. Il venait me ramener les cours de la journée. Il s'est approché:
-Salut.
J'ai tenté de sembler la plus normale possible, avant de répondre:
-Salut.
-Comment ça va?
Sa voix était légère, douce. Il me regardait dans les yeux. Il était si simple. Un garçon parmi tant d'autres, mais il semblait quand même différent. Je ne savais pas pourquoi.
J'ai menti, de la meilleure façon possible, comme un enfant ment à sa mère:
-Je vais mieux, et toi?
-Ca va.
Il s'est approché, et m'a tendu une pochette avec quelques fiches à l'intérieur:
-Tiens. C'est les cours d'aujourd'hui. Les profs ont demandé si certains savaient où tu étais. Je leur ai dis que tu avais fait un malaise, mais que tu reviendras demain.
-Merci.
Il a fait un petit sourire, avant d'ajouter:
-Je dois y aller. Il y a contrôle d'histoire demain.
-Quoi??
Il a rigolé.
-Non, je plaisante. Enfin, je dois vraiment y aller. Mais il n'y a pas de contrôle.
J'ai ris à mon tour.
-A moins que tu étais effrayé par la perception de me voir partir...
Il me regardait avec un grand sourire. Il attendait que je réagisse.J'ai fini par dire, avec une voix étrange, et ironique:
-Bien évidemment.
On a rigolé, puis il a fini par dire:
-Bon, je dois vraiment y aller, à demain.
-A demain.
Il est reparti, en souriant une dernière fois. Il avait l'air si heureux. Si seulement je pouvais l'être aussi...
La porte s'est refermée. J'ai regardé l'horloge au dessus de celle-ci :il était 18 heures 30.
L'infirmière est venue m'apporter mon dîner. J'ai mangé, puis j'ai allumé la télé. Ca faisait quelques temps que je ne l'avais pas regardé. Ils parlaient ,encore, de l'Amérique...
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