Chapitre 2

   Je m'agrippe à mon couteau comme si c'était une bouée. J'hésite à m'en servir... Cela me permettrait de m'échapper facilement, mais qu'est-ce que ces gens feraient à mes camarades ? Je préfère ne pas y penser. Je lâche petit à petit mon arme de fortune et laisse les hommes me conduire jusqu'au repaire de mon géniteur. 

   Lorsque nous arrivâmes à destination après 4h de route, on m'enleva enfin le bandeau qui couvrait mes yeux et je pus voir où nous nous trouvions. Ce que je vis me laissa stupéfaite. Nous étions devant un petit chalet de montagne, comme celui de l'ami de mon frère où nous allons skier chaque année. Cette sorte de grande cabane était perchée sur une falaise, sur le flanc d'une haute montagne complétement déserte. Il n'y avait qu'une route rocailleuse pour y parvenir, et aucun sentier n'était tracé. Seule quelques plantes écrasées prouvaient que des gens vivaient dans cet endroit perdu. La maisonnette donnait sur le pic d'en face, un peu moins haut que celui où je me trouvais. Les deux montagnes étaient séparée par un lac dont les deux extrémités se transformaient en rivières. L'eau était de toutes les nuances de bleu possible. Indigo, turquoise, bleu roi, azur, bleu marine, bleu nuit... Toutes ces nuances, plus belles les unes que les autres, donnaient un résultat somptueux. Deux cabanes de pêcheur trainaient au bord du lac. 

— Vos frères sont déjà là, dit un des hommes, me ramenant à la réalité.

Mes frères ? Je n'ai qu'un frère, Matéo.

— Matéo est votre demi-frère par alliance, souligna l'homme. Je vous parle de vos 5 frères. D'ailleurs, vous avez 2 autres demi-frères, mais ils ne sont pas encore arrivés. 

— Pardon ??

  On peut dire que ça, c'est une grosse révélation. Tout d'un coup, j'ai très envie de rencontrer mon géniteur. Je déteste ne pas savoir ou ne pas comprendre. Il me faut absolument des explications. Comment puis-je avoir 5 frères ? Ma mère ne nous aurait pas dit toute la vérité, à Matéo et moi ? Si ces frères sont moins âgés que moi, cela voudrait dire que... Non impossible. Ils sont forcément plus grands. Mais comment peut-on être 9 dans ce minuscule chalet ?

— Votre père vous expliquera. Suivez nous.

   L'intérieur du chalet était très élégant, le plafond bien plus haut que dans les maisons habituelles. Tous les meubles étaient dans les mêmes tons bruns.  L'entrée, simple, comportait une armoire en bois pour les vestes et un petit meuble à chaussures reposait juste à côté. Un banc en bois juste en face, et un petit tapis de la même couleur bois du banc. On débouchait directement sur le salon et sa baie vitrée immense. Deux canapés beige, un de ces tapis tout doux que j'ai toujours rêvé d'avoir, un table basse simple et une télévision accrochée au mur, entre deux bibliothèques pleines à craquer de toutes sortes de livres. Une enceinte en bois également était posée en haut de chaque bibliothèque. En traversant le couloir, on arrivait dans une salle à manger très simple, avec une petite cuisine derrière un bar. Dans la pièce d'à côté, un WC plutôt grand comparé à la taille de la maison. C'était un endroit tout à fait banal jusqu'à qu'on me conduise devant une armoire incrustée dans le mur et qu'on me fasse passer dedans. J'entrai dans l'armoire et en poussant le fond, je débouchai dans une toute petite pièce, complètement vide mais contenant des escaliers. On me dit de les descendre, et l'accès à la porte était bloqué par les hommes. Je descendis donc avec méfiance, mais aucun piège n'était posé, ou du moins activé. Arrivée à l'étage du bas, j'ouvris la porte coulissante, qui était en fait une bibliothèque. C'est à ce moment là que je vis la perfection, la chose dont j'ai toujours rêvé d'avoir chez moi. La pièce était juste énorme. Il y avait littéralement un terrain d'athlétisme dans une maison. Le tartan était bleu, magnifique. Au lieu du terrain d'herbe, il y avait toutes sortes de machines de musculation, ainsi qu'une piscine. Qui peut être mon géniteur pour avoir tout ça ?  De plus, je pu repérer de loin des escaliers à l'autre bout de l'immense salle. La maison avait encore un étage ? Je me demande quelles autres choses surprenantes je pourrai encore découvrir dans cette maison. Mais je suppose qu'il y a sûrement les chambres en bas. 

— Incroyable, n'est-ce pas ? dit une voix qui m'est pour le moment inconnue. 

   Je me retourne.

— Qui es-tu ? 

— Et toi, qui es-tu ?

   Un jeune homme plus que magnifique se dresse face à moi, avec un sourire agaçant planté sur ce joli visage. Je le dévisage sans gêne. Ce que je vois en premier, c'est ses cheveux. Noirs comme les miens, mi longs, un peu comme ceux de l'acteur Will Yun Lee quand il ne les coiffe pas. Ses yeux aussi noirs que les miens, en amande. Des lèvres charnues, une peau mate. De larges épaules. J'ai l'impression de me voir dans un miroir, mais en homme. Il ne doit pas avoir plus de 17 ans, peut-être 16.

— Tu es mon frère, affirmai je.

— Tu es ma sœur, donc logiquement oui je suis ton frère, ricana-t-il. 

— Tu es arrogant. 

— Peut-être, mais je suis beau garçon.

— Et prétentieux.

— J'ai juste confiance en mes capacités.

— Ok j'ai plus rien à dire. 

— Je sais, je gagne toujours à ce jeu là. Bref, moi c'est Tiago.

— Tiago comment ?

— Mon nom complet tu veux dire ? Tiago Duc Hoa Wu. Pourquoi ??

— Je sais pas, pour savoir.

   Je n'y comprenais plus rien. Mon nom de naissance est Thanh Lin Ngoc, et je m'appelle maintenant Trinity Lin Lee. Mon géniteur, c'est Allen Hsu Wu. Les enfants de ma mère et mon géniteur s'appellent aussi Wu. Le nom de ma mère est Lee. Pourquoi mon nom de famille est Ngoc ?

— Et toi, tu dois être Thanh Li...

— Je m'appelle Trinity Lee, dis-je en lui coupant la parole. 

— Ah d'accord..

   Un silence gênant s'installa. Deux minutes passèrent sans que personne ne parle, me laissant le temps de réfléchir encore à tout ça. Je ne sais pas trop quoi en penser. Mon géniteur est riche, a une énorme maison, vit sur une montagne perdue et isolée du monde... J'ai 5 frères, deux demi-frères... Pourquoi mon géniteur voulait me voir ? Est-ce que mes frères vivent ici ou est-ce nouveau pour eux aussi ? Et mes demi-frères ? Qui est mon géniteur, et ces gens en noir ? Et Tiago ? Il est arrogant et prétentieux, mais il ne m'a pas l'air vraiment insupportable. Il a la tête de celui qui fait le snob pour rire. Peut-être qu'eux deux pourront s'entendre. Surtout qu'il n'a pas l'air d'être trop vieux. 

— Je parie 50 francs que tu as 17 ans, dis-je en le regardant droit dans les yeux. 

— Et moi que tu en as 15. 

— C'est vrai, je dois l'admettre.

— Pareil pour moi... Tu sais, j'ai hésité à mentir, je suis fauché.

   Je ris. C'est officiel, il n'est pas chiant. 

— T'es là depuis longtemps ?

— Non, je suis arrivé hier. Oui, j'ai déjà rencontré nos autres frères, ainsi que nos demi-frères et notre "père". 

   Tiago mima les guillemets avec ses doigts. 

— Et non, je ne sais pas ce qu'il nous veut. Oh d'ailleurs, j'allais oublier. Môôôsieur notre père nous a tous convoqués dans son bureau cet après-midi à 16h.

   Je regarde l'heure sur ma montre, il est 14h24. 

— Oh, d'accord.

   Mon frère vient de répondre à mes questions sans que j'aie besoin de les formuler. C'est un peu effrayant, mais aussi drôle. Personne ne dit plus rien pendant une poignée de secondes, puis Tiago me proposa de me montrer ma chambre. J'acceptai avec joie, épuisée par toutes ces informations. Les chambres n'étaient pas à l'étage du dessous comme je le pensais, mais 3 étages plus bas. En fait, les chambres n'étaient pas des chambres, c'était plutôt d'immenses suites, comportant une chambre à coucher, une salle de bain luxueuse ainsi qu'une petite cuisine. Il y avait aussi un canapé blanc et deux fauteuils de la même couleur disposés en face d'une télévision accrochée au mur. Je ne me donnai pas la peine d'examiner en détail mon mini appartement. Je m'écroulai juste sur mon lit, sans même enlever mes chaussures. Je tombai dans les bras de Morphée. 

   Je rêvais d'un renard qui dansait qu'on je sentis que quelqu'un me secouait. J'ouvris péniblement les yeux en marmonnant.

— Qu'est-ce que tu me veux, Matéo..?

   Puis je me souvins que je n'étais pas chez moi, que mon frère n'était pas avec moi. Ces pensées me firent l'effet d'une douche froide, parfait pour bien se réveiller. 

— Allez Trinity, dépêche toi ou on arrivera en retard. 

— Hein ? Aller ou ? 

— Sérieux ? T'as oublié !?

   Tiago s'esclaffa tandis que je lui jetais le regard le plus noir possible. 

— Pourquoi tu ris comme ça ? C'est pas drôle.

— Pardon. On a rendez-vous avec Msieur notre géniteur dans 3 minutes, et il déteste les gens en retard, alors dépêchons nous tu veux ?

— Je sens qu'il ne va pas m'aimer dans ce cas, dis-je en sortant de mon lit. 

   Je couru derrière mon frère à travers les étages. Nous arrivâmes essoufflés, mais pile à l'heure. Nous nous rangeâmes aux côtés du reste de la fratrie, qui attendait déjà depuis un moment. Quelques minutes plus tard, nous entendîmes une voix grave, la voix que nous attendions tous.

— Bien le bonjour, mes très chers enfants. Je suis ravi de vous voir tous ici présents.


1605 mots, 28 janvier 2024, Thi Linh Nguyen

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