Le 4 Décembre-Bonus

La maison de Félix est une jolie maison en rangée située au cœur de notre quartier résidentiel paisible de Boisbriand. Avec ses briques beige clair et ses volets blancs, elle a ce charme simple et accueillant des habitations modestes, mais bien entretenues. En cette soirée d'hiver, elle se dresse fièrement sous un épais manteau de neige, chaque bordure de toit ornée d'un liseré scintillant sous les lampadaires.

Le terrain est petit mais fonctionnel. Une allée, encombrée de neige, mène à la porte d'entrée. Un lampion suspendu sur le perron éclaire doucement un tapis où l'on peut lire "Bienvenue". Le stationnement est occupé par une voiture usée mais robuste, ensevelie sous une épaisse couche de neige que Félix devra pelleter à l'aube.

Mon cœur bat à toute vitesse alors que je me glisse à l'intérieur. La maison de Félix sent bon la soupe aux pois, et la lumière tamisée ajoute une chaleur réconfortante à l'atmosphère. À droite de l'entrée, un salon aux murs pâles est décoré de dessins d'enfants encadrés, de photos de famille sur une étagère, et d'un canapé un peu défraîchi recouvert d'un plaid coloré. Dans un coin, un petit sapin de Noël artificiel se dresse, décoré d'ornements faits maison, une étoile un peu bancale au sommet.

— Ooooh, bonsoir ! lance une petite femme souriante.

Elle me gratifie d'un sourire chaleureux, plein de dents.

— Salut... je m'appelle Crépuscule.

Son sourire s'élargit légèrement, comme si elle savait déjà qui j'étais.

— On vient juste chercher ma salopette et déposer mon équipement de hockey, explique Félix.

Oli est adossé nonchalamment contre le mur qui sépare l'entrée de la cuisine. Il me regarde avec un sourire espiègle. Je lui rends un sourire exagéré et forcé pour le taquiner, ce qui le fait éclater de rire.

La mère de Félix se retourne avec son sac d'équipement dans les mains et fusille Oli du regard.

— Crépuscule va faire partie de notre équipe ! déclare fièrement Oli. 


Je reste un instant figée, surpris par l'assurance d'Oli, mais je me ressaisis vite. 

— Ben, j'ai pas encore dit oui, que je précise.

Félix et Oli répliquent d'une seule voix :

— Elle va dire oui.

Leur mère éclate de rire.

— Alors ça, il faut fêter ça ! s'exclame-t-elle. Entre, ma belle.

— Oh, c'est gentil, mais c'est correct, que je tente de refuser poliment.

— J'insiste, dit-elle, un ton au-dessus.

Je jette un coup d'œil à Félix, qui hausse les épaules en signe d'impuissance. Résignée, je retire mon manteau et mes bottes avant de les suivre dans la cuisine.

La cuisine, bien que petite et un peu encombrée, est le cœur de la maison. Une table en bois éraflée mais solide trône au centre, entourée de chaises dépareillées. Au mur, quelques casseroles pendues témoignent des nombreuses heures passées à cuisiner. Un calendrier, griffonné de notes et d'horaires, révèle l'emploi du temps chargé de leur mère.

— Je fais un mojito ! propose-t-elle avec enthousiasme.

Les garçons s'installent autour de l'îlot et répondent d'un « Oui ! » énergique.

Sonia arrive de l'étage. En me voyant, elle sursaute légèrement avant de sourire, mais cette fois, c'est un sourire différent : chaleureux, sincère, presque complice. Je ne l'avais jamais vue sourire comme ça.

— Salut ! s'exclame-t-elle avant de me prendre dans ses bras. C'est cool que tu fasses partie de l'équipe !

— Merci beaucoup, que je lui réponds, un peu gênée.

— Les filles, un mojito ? propose la mère des garçons.

— Oui, merci ! répond Sonia avec entrain.

— Et toi, Crépuscule ?

— Heu... je sais pas c'est quoi.

— Tu goûteras celui de Félix, me rassure-t-elle avec un clin d'œil.

J'acquiesce timidement et m'installe à côté de Félix à l'îlot. Sa mère sort du soda, des feuilles de menthe, des limes, du sucre... et une bouteille de rhum.

Quoi ? De l'alcool ? Mes parents ne proposeraient jamais ça, même pour plaisanter. J'ai 14 ans, après tout. Mais en même temps, les autres ont 15 ans... Peut-être que c'est normal ici ? 

Je fixe la bouteille de rhum pendant que la mère de Félix prépare les mojitos comme si c'était la chose la plus normale du monde. Félix remarque mon regard et se met à rire doucement.

— T'inquiète, dit-il en me donnant un petit coup d'épaule.

— Ouais, pis c'est pas obligatoire, rajoute Sonia en souriant. T'es pas obligée d'en prendre si t'es pas à l'aise.

— C'est pas ça, que je murmure en rougissant. C'est juste que... chez nous, ça serait jamais arrivé.

— Bienvenue chez les fous, rigole Oli en levant son verre imaginaire.

Sa mère lève les yeux au ciel, mais elle sourit. Elle termine de préparer les verres et nous les tend.

Je regarde le mojito devant moi. Le verre est joli, avec des glaçons qui cliquètent, des feuilles de menthe qui flottent, pis une tranche de lime accrochée au bord. Félix me regarde avec son sourire en coin, comme s'il attendait ma réaction.

— Allez, bois ! dit-il doucement.

Je prends une petite gorgée. C'est frais, pétillant, et sucré. Je suis surprise d'aimer le goût du rhum.

— C'est bon, que je dis en souriant timidement.

— Je te l'avais dit, répond Félix avec un clin d'œil.

La mère de Félix regarde derrière nous, je me tourne. Une fille de mon d'environ de mon âge est cachée derrière le coin donnant à l'escalier. Elle a des cheveux bruns, épais et frisés qui tombent en boucles désordonnées autour de son visage. Ses yeux verts, comme Felix et Oli, d'une couleur presque surnaturelle, semblent observer le monde avec une intensité tranquille. Elle a un regard calme, mais on peut y percevoir une profondeur qui dévoile qu'elle voit les choses différemment des autres. Son visage, doux mais marqué par une légère réserve, exprime une certaine inquiétude.

— Ma chérie, dit la mère de Félix. C'est une copine à Félix et Olivier, elle s'appelle Crépuscule.
Sa mère s'approche d'elle. La fille baragouine quelque chose et Tania, la mère de Félix, semble la comprendre.

— Je vais venir te le porter dans ta chambre, ma belle. À ce moment, elle court jusqu'en haut.

— Désolée, dit Tania d'un sourire gêné, c'est Lucie. Elle aime pas les intrus, t'inquiète, elle va se faire à toi.

Je souris... Je la comprends tellement...

On reste là, à l'îlot, à jaser et à rigoler. La mère de Félix est cool, vraiment relaxe, pis ça met tout le monde à l'aise. Oli raconte des blagues tellement mauvaises qu'on rigole quand même. Félix est juste là, à côté de moi, avec son sourire et sa façon de me regarder comme si j'étais la personne la plus importante de la pièce. Il me laisse boire le mojito au complet. Je suis un peu étourdie après, la tête me tourne un peu. J'ai l'impression que le mojito me monte plus vite à la tête que ce que je pensais. Mais je souris quand même, un peu gênée, et je me demande si je vais pouvoir marcher droit jusqu'à la porte.

Quand on décide enfin de partir, il est tard. Je me prépare pour le froid, puis Félix m'aide à mettre mon manteau, ce qui me fait rougir encore une fois.

— Prête pour ta trampoline ? me demande-t-il en attrapant sa tuque.

— Toujours, que je réponds avec un sourire.

Dehors, la neige tombe encore, silencieuse, et les rues sont presque désertes. Ça fait une drôle d'ambiance, tranquille mais magique. On marche côte à côte, nos pas qui crissent dans la neige, sans trop parler. Pas besoin de mots.

...

Qu'en pensez vous? Bisous :)

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