Le 20 Novembre

Avant, il m'envoyait ces sourires apaisants, ces regards pleins de douceur qui me faisaient me sentir en sécurité, comme si rien ne pouvait m'atteindre tant qu'il était là. Mais maintenant, il semble m'éviter. Il est devenu plus distant, presque indifférent. Je sens son regard se détourner chaque fois que je passe près de lui, comme si la rumeur l'avait contaminé. Comme si, d'un coup, il avait choisi de prendre de la distance. Ses yeux, qui étaient autrefois un refuge, un endroit où je pouvais me perdre, deviennent maintenant fuyants, vides. La chaleur de sa présence a disparu. Il flotte autour de moi, comme s'il était ailleurs, plus haut, au-dessus de tout ça, comme s'il avait trouvé une manière de se couper du monde auquel je suis encore attachée. Et moi, je reste là, sous le poids de tout ça, noyée dans le silence de son éloignement, incapable de comprendre pourquoi. Pourquoi il n'est plus là. Pourquoi il n'essaie même pas.

Je me dis que peut-être je me fais des films, que je suis paranoïaque, que je me laisse emporter par mes peurs. Mais non, il y a quelque chose de différent dans la façon dont il me regarde maintenant. Un vide, un mur invisible que je ne peux franchir. Et ça me ronge de l'intérieur. Pourquoi, pourquoi lui ? Pourquoi cette rumeur a-t-elle tout bousillé ? Je veux le retrouver, le Félix d'avant, celui qui me rassurait juste en étant là, mais il me semble que ce Félix-là n'existe plus.

Je vais à l'aréna pour me changer les idées. Je me chausse en vitesse, pas trop envie, mais faut bien faire quelque chose. Dès que je mets les pieds sur la glace, quelque chose se passe. C'est comme si je retrouvais un peu de liberté, comme si chaque coup de patin me permettait d'oublier, ne serait-ce qu'un instant, tout ce qui m'oppresse. Le bruit des lames sur la glaces me procure des frissons de plaisirs.

Y'a d'autres gars et filles qui patinent autour de moi, mais je les remarque à peine. Je me concentre sur mes mouvements, sur le son de mes patins qui glissent. C'est bizarre, mais ça me fait du bien. C'est comme si, pendant quelques secondes, je pouvais juste être moi, sans avoir à penser à toute cette histoire de rumeur, à lui, à ce qu'il pense de moi maintenant.

Mais même sur la glace, mes pensées reviennent toujours à Félix. Pourquoi est-ce que ça m'atteint tant, cette distance qu'il a mise entre nous ? On s'est toujours compris sans parler, et là, tout à coup, c'est comme s'il était à des années-lumière de moi. Pourquoi, pourquoi lui ? Qu'est-ce que j'ai bien pu faire pour mériter ça ?

Je m'arrête sur le bord, les mains posées sur la barrière. Je regarde la glace, et la pression dans ma poitrine se fait plus forte. L'air semble devenir plus lourd, comme si même l'atmosphère ne voulait pas me laisser tranquille. Je ferme les yeux, essaie de respirer, de me calmer. Si seulement je pouvais lui parler, tout expliquer... mais même l'idée de m'approcher de lui me fait perdre mes moyens.

Un bruit de patins m'arrache de mes pensées. Je tourne la tête, et là, j'le vois. Félix. Il est là, tout près, dans l'ombre. Il regarde la glace, comme s'il attendait quelque chose, mais il ne bouge pas. Moi, je reste là, figée, en train de me dire que j'ai peut-être rêvé qu'il viendrait vers moi. Mais non, il reste là, à me regarder sans rien dire. Je suis comme une statue, je peux même pas bouger.

— Je savais pas que tu patinais, dit-il.

— Humm, j'adore patiner, enfin, jouer au hockey, en fait...

Je vois ses yeux retrouver un éclat un instant, mais ça disparaît aussi vite.

— Je vais tirer des poques dans le but, dit-il en s'éloignant.

— Tu veux que je fasse la gardienne ? dis-je.

— Si tu veux, répond-il en haussant les épaules.

Je le suis jusqu'au but et m'installe, le cœur battant un peu plus fort. J'essaie de me concentrer, de ne pas trop penser à tout le reste. Félix prend son élan et lance la rondelle. Je parviens à la bloquer, sans trop de mal. Je me redresse et lui lance un regard, presque un sourire.

— Eh bien, pas mal, dit-il, comme s'il n'avait pas trop envie de s'étendre.

Je hausse les épaules, essayant de ne pas paraître trop fière de moi.

— C'est juste un coup de chance.

Il semble un peu gêné.

Je le regarde. Avant, c'était plus facile. On parlait de tout et de rien. Là, il est là, devant moi, mais on dirait qu'il hésite à engager une conversation.

— Tu veux qu'on refasse un autre tir ? je propose, pour briser le silence.

Il secoue la tête, comme s'il avait déjà perdu l'envie de jouer.

— Non, je vais juste tirer quelques poques, dit-il en se déplaçant vers l'autre côté du but.

Je le regarde, un peu déçue. C'est bête, mais j'aurais aimé que les choses soient plus simples entre nous. Comme avant.

Je me mets à patiner autour du but, mais je n'arrive pas à me concentrer comme d'habitude. Ça me perturbe un peu, tout ce changement entre nous. Peut-être que je m'en fais trop, peut-être qu'il n'y a rien de particulier, juste qu'il n'est pas d'humeur. Mais je sens que quelque chose est différent.

Je fais quelques tours de patin, plus pour occuper mon esprit que pour vraiment profiter. C'est bizarre. Ça m'agace un peu. Je n'ai jamais été du genre à trop me poser de questions, mais là, je me demande pourquoi il est comme ça. Je vais finir par avoir un gros mal de tête.

Je m'arrête de patiner un moment, l'esprit toujours un peu perdu dans mes pensées. Félix continue de tirer, sans vraiment me prêter attention. Je prends une grande inspiration, puis je me décide à avancer vers lui. Pas pour lui faire un discours, ni pour régler quoi que ce soit, mais juste pour montrer que je ne vais pas laisser cette distance qui s'est installée entre nous.

Je me place près du but, assez loin pour qu'il remarque ma présence, mais pas trop proche pour ne pas paraître pressante. Il relève la tête quand il m'entend approcher.

— Hé, Félix, tu veux qu'on essaie de faire une passe, ou tu préfères juste tirer dans le but ? je lui demande, tentant de donner une touche légère à ma voix.

Il me regarde un instant, puis, il hoche vaguement la tête, et je vois dans ses yeux qu'il n'a toujours pas complètement cessé de m'éviter. J'ai de l'espoir et en même temps son hésitation me brise le cœur.

— Pourquoi pas, dit-il avec un sourire qui essaie de cacher l'embarras.

Je me place un peu plus près, prête à recevoir la passe. On se renvoie la rondelle quelques fois, sans trop de paroles, juste le son de la glace et des patins qui se répondent. Je vois bien qu'il est toujours un peu distant, mais je continue de jouer comme si rien n'avait changé. Je n'ai pas l'intention de me laisser entraîner dans ce vide. Je veux juste qu'il sache, d'une façon ou d'une autre, que je suis là. Qu'aucune rumeur, ni rien d'autre, ne changera ce que j'éprouve pour lui. C'est peut-être naïf, mais c'est vrai. Je ne veux pas que ça soit plus compliqué que ça.

Quand il tire une dernière fois, je réussis à l'arrêter, et cette fois, je garde la rondelle, comme pour marquer le point de cette petite confrontation silencieuse.

— Bon, ça va, t'as gagné, lui dis-je, un sourire en coin.

Il s'arrête, et cette fois, il ne semble pas vouloir partir aussitôt. Il se met à fixer la rondelle, comme s'il cherchait quelque chose à dire.

— Je voulais pas que ça soit weird entre nous, tu sais, dit-il finalement, sa voix un peu hésitante. C'est juste... avec tout ça, je suis pas vraiment sûr de quoi penser.

Je le regarde en silence un instant. Mon cœur bat plus vite, je l'entends tambouriner dans ma poitrine.

— Félix... C'est juste des conneries, tout ça. Je veux dire... je suis toujours la même. Et je suis là pour toi. Si ça te dit de parler, ou juste d'aller patiner, je suis là.

Un silence s'installe, mais ce n'est pas lourd, cette fois. Il semble presque soulagé, ses yeux semble retrouver leur étincelles . Ses épaules se détendent un peu.

 Finalement, il lève les yeux droit dans les miens. ARR C'est beau yeux vert!! Un frissons me parcours le corps.

— Ça me ferait plaisir, je... je vais essayer d'arrêter de me laisser emporter par toutes ces conneries, dit-il, plus sincère que je ne l'aurais cru.

Je lui souris, enfin, une vraie sourire. C'est pas parfait, mais c'est un début. Et pour une fois, je me sens un peu plus légère. Peut-être qu'on va pouvoir remettre les choses à leur place.


Salut!! N'hésiter pas à me dire ce que vous en penser!  À la semaine prochaine :)



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