Le 1 décembre
Les cartons s'empilent dans le salon, transformant la maison de grand-mère en un étrange labyrinthe. Chaque boîte, étiquetée à la main par Mamie, porte des mots soigneusement tracés : "Céramiques", "Livres", "Photos". Malgré cet effort d'organisation, un léger chaos règne.
— Attention avec celui-là ! avertit grand-mère d'une voix un peu rauque. C'est mon service à thé chinois, il a plus de 50 ans.
Papa et moi échangeons un regard amusé. Depuis ce matin, elle a donné la même consigne au moins trois fois.
— Promis, Cécile, je vais le traiter comme un trésor national, plaisante Papa, soulevant la boîte comme s'il transportait une boîte remplie d'œufs.
Mamie, dans son éternel tablier à fleurs, s'assoit sur un vieux tabouret qui grince sous son poids. Ses mains, marquées par le temps, triturent nerveusement le tissu de sa jupe. Elle scrute la pièce d'un regard étrange, où se mêlent nostalgie et soulagement.
— Ça va, Mamie ? je demande doucement en posant une main sur la sienne.
Elle me sourit, mais ses yeux brillent un peu trop.
— Oh, je vais bien, ma chérie. C'est juste... un peu étrange de partir. Cette maison, c'est toute ma vie.
Je m'assois à côté d'elle.
— Je comprends. Moi aussi, j'ai trouvé ça dur quand on a déménagé. Mais c'est une nouvelle vie, une nouvelle expérience.
Je me rappel de ma réaction exagéré face au déménagement et ça me fait sourire. Je ne pouvais pas savoir que je rencontrerais Astrid et le magnifique Félix.
Papa intervient, son ton léger :
— Et tu ne seras plus seule, Cécile. On va prendre soin de toi.
Mamie sourit, touchée.
— Vous êtes des amours.
La porte d'entrée claque. Maman entre en trombe, essoufflée, une main appuyée sur son ventre arrondi, l'autre sur sa hanche.
— Faut que je m'assoie ! annonce-t-elle, le souffle court.
Un éclat de rire secoue la pièce.
— Bien sûr, ma chérie, répond Papa, amusé.
— Tu veux quelque chose, mon enfant ? demande Mamie.
Maman secoue la tête, prenant appui sur le dossier d'une chaise.
— Ça va, merci, mais qu'est-ce qu'ils sont lourds ! Je n'arriverai plus à marcher dans quelques semaines si ça continue !
Une pause. Je fronce les sourcils.
— "Ils" au pluriel ? répété-je, intriguée.
Maman lève les yeux, réalisant qu'elle a parlé trop vite.
— Euh... oui. Je suppose que le moment est bien choisi pour une annonce.
Un silence étrange s'installe, jusqu'à ce que Mamie s'impatiente.
— Eh bien, crache le morceau, ma fille !
Maman inspire profondément.
— Ce sont des jumeaux. Deux garçons.
Les mots tombent comme une bombe. Je reste figée, incapable de répondre, tandis que Mamie ouvre de grands yeux. Je ne sais pas trop comment me sentir face à cette nouvelle, ni comment réagir. Deux bébés. Deux frères. Comment ma vie va-t-elle changer avec eux ?
— Y misère ! souffle-t-elle, entre choc et amusement.
Mamie porte une main tremblante à sa poitrine, ses yeux passant de Papa à Maman, comme si elle cherchait confirmation dans leurs visages.
Une seconde de silence s'installe, puis Mamie éclate de rire.
— Finalement, je ne déménage plus !
Maman, surprise, se retourne.
— Maman ! Franchement ! dit-elle.
— À mon âge, tu veux que je vive dans une maison avec deux bébés qui pleurent toute la nuit ? Vous voulez ma mort ou quoi ?
Un sourire narquois étire ses lèvres, mais ses yeux pétillent.
— Quel sera leur nom ? je demande, inquiète de la réponse. Quand même pas Aurore et Nuit, dis-je en blague.
Papa, tout fier, répond avant Maman.
— Soan et Sacha.
Mamie hoche la tête, impressionnée.
— Eh bien, je dois dire que vous m'épatez. J'ai hâte de voir ces deux petits morveux. Mais je veux qu'ils sachent que, chez moi, ce sera silence obligatoire après 20 heures !
Par chance que Mamie est là.
— Soan et Sacha, répéta mon père avec fierté, comme s'il venait d'inventer les prénoms les plus révolutionnaires du siècle.
Olala ! Je lève les yeux au ciel. Dans quelle famille de fous je suis tombée !
— Bon, assez parlé de bébés. Aidez-moi à remplir ce dernier carton, dit Mamie en pointant une boîte un peu abîmée dans un coin.
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