Le réveil lui défonçait les tympans. D'un mouvement las, l'homme étendit le bras pour l'éteindre, mais encore à moitié endormi, sa main poussa l'appareil qui tomba dans un léger fracas. Et malgré tout, il continuait de sonner. L'homme émit un grognement, avant de se lever, et de se diriger d'une manière nonchalante vers le réveil. Il le prit, l'éteignit, et le reposa d'une manière sèche sur la table de nuit. Puis il se dirigea à pas lents vers sa salle de bain.
Il s'observa dans le miroir : ses longs cheveux noirs de jais tombaient en cascade sur ses épaules, des cernes se dessinaient sous ses yeux qui affichaient un ultime air blasé. Il passa la main sur sa barbe, qui avait vraiment poussé. Il songea à rester ainsi pour aller au travail, puis finalement se ravisa, et se saisissant d'un rasoir, il retira cette barbe de plusieurs jours.
Car chaque jour où sa barbe était un peu trop longue, sa chère collègue, Nemuri Kayama, ne cessait de lui faire des remarques, le traitant de vieux clodo SDF à longueur de journée.
Et pourtant, il était à peine plus jeune qu'elle, avec ses trente ans.
Après une bonne dizaine de minutes, il se rinça le visage, et passa sa main sur son menton : cette peau, qui était piquante il y a à peine quelques minutes, était devenue incroyablement lisse, comme la peau d'un bébé.
Il finit de se préparer, et prenant un élastique autour de son poignet comme à son habitude, sortit de la salle de bain pour s'habiller. Par chance, l'endroit où il travaillait n'exigeait pas de porter un costard tous les jours, mais au moins d'être un minimum correct. Il opta pour un jean sombre et un col roulé noir, le tout pour être à la fois correct et confortable toute une journée.
Après enfilé sa veste et son écharpe et avoir pris son sac, il sortit en verrouillant bien derrière lui ; on n'est jamais trop prudent, selon lui.
Il descendit les escaliers de son immeuble, un total de quatre étages. Puis il se dirigea vers l'arrêt de bus la plus proche.
Il devait être 7h, soit l'heure de pointe. À l'arrêt, en attendant le bus, il consulta son portable, à l'affut d'une information pouvant mettre en péril son trajet quotidien, lorsqu'il reçut un message de son directeur, Toshinori Yagi :
De : Toshinori :
Salut, Aizawa-kun, c'est pour te dire qu'il faudrait que tu arrives plus tôt, aujourd'hui. La mairie m'a prévenu ce matin d'un nouvel employé qui va bosser chez nous. Désolé de te prévenir aussi tardivement. J'ai fait passer le message à Kayama-san. À tout à l'heure !
Shota soupira : le peu de calme qu'il y avait dans le service où il travaillait était déjà très gênant pour lui, il espérait au moins que ce nouvel employé soit aussi calme que lui pour que ça n'empiète pas sur son travail.
Il répondit au message de son supérieur, puis rangea son téléphone et leva le regard vers les habitués des transports matinaux. Un petit nombre – de 1 à 10 – apparaissait au-dessus de la tête des gens.
Car Shota Aizawa avait une particularité, une sorte de pouvoir surnaturel : depuis sa naissance, il pouvait voir le degré de dangerosité des personnes, noté sur une échelle de 1 à 10. Naturellement, un enfant aurait un niveau de 1 tout comme un commando de l'armée aurait un niveau de 8 ou 9. Ce pouvoir n'était pas vraiment un atout pour lui, puisque la plupart des personnes qu'il croisait, que ce soient des proches ou de simples passants, tous avaient un niveau de dangerosité entre 1 et 6, ne dépassant jamais cette barre. Quand on parlait de niveau de dangerosité, c'était notamment vis-à-vis de sa propre vie. Mais comme ce simple critère était beaucoup trop général, Shota considérait que ce degré de dangerosité s'appliquait à toute personne autour de l'individu en question. La seule personne qui était au courant pour son pouvoir était sa grand-mère, qui avait aussi la même capacité. Mais elle n'était plus de ce monde depuis bien longtemps, malheureusement, car le jeune homme avait encore des questions à lui poser à ce sujet.
D'un regard amusé, il s'amusait à faire la somme de tous les nombres qu'il voyait à côté de la tête des passants. Puis le bus finit enfin par arriver.
Après une bonne quinzaine de minutes, Shota descendit à l'arrêt correspondant à la mairie de Musutafu. Il marcha encore cinq minutes, passant à côté de la mairie, pour arriver devant un minuscule bâtiment digne d'une épicerie. Il rentra d'un pas lent, et salua vaguement Toshinori Yagi : c'était un vieil homme blond aux joues creuses, qui était le directeur du service de presse de l'hôtel de ville, directement rattaché à celui-ci. Mais il n'était pas comme ces gens qui se croient supérieurs à cause de leur poste élevé, au contraire, il était gentil et bienveillant, priorisant toujours une vie saine à ses employés à leur travail. Mais il n'était pas très autoritaire, ce qui faisait que l'autre employée, un peu plus énergique, profitait toujours d'une ouverture pour laisser faire tout le boulot aux hommes.
D'ailleurs, la personne manquante arriva enfin, dans son tailleur bleu marine laissant apparaître ses généreuses formes. Nemuri Kayama, trente-et-un ans, était une jeune femme, belle et ravissante, tantôt adorable, tantôt sournoise et perverse, n'hésitant pas à taquiner son jeune collègue.
_ Bonjour, les garçons ! Fit-elle en arrivant telle une star de télévision dans le bâtiment.
_ Salut, Kayama-san ! Répondit joyeusement Toshinori.
_ Salut, fit simplement Shota.
Il les observa : au-dessus de la tête du directeur était inscrit le chiffre 2, tandis que celui de la jeune femme était 4. Bref, que de simples personnes lambdas.
Shota était assis devant son bureau, et alluma son ordinateur. Il était en fait journaliste, mais puisqu'il n'aimait pas apparaître sur les médias, il s'occupait de chercher les informations pour ensuite les rédiger et les donner à Nemuri et Toshinori, qui eux s'occupaient de la rédaction des articles.
_ Bon, quand est-ce qu'il arrive, le nouveau ? Demanda la seule femme du groupe en s'installant à son bureau.
_ Il ne devrait pas tarder, fit le directeur en consultant sa montre.
Shota était plongé dans son travail, ce qui agaçait la jeune femme, qui se leva et prit d'assaut sa barbe rasée :
_ Oh, Shota-kun ! Tu t'es rasé juste pour l'occasion !
_ Ne te méprends pas, Nemuri, répondit promptement le noiraud. Je l'ai fait juste pour que tu me laisses tranquille, et maintenant, si tu le permets, j'ai du boulot...
_ Rooh ! T'es pas drôle, Shota-kun ! On commence le travail à 9h, tu peux au moins faire autre chose comme moi !
_ T'as rien à faire ?
_ Si, mais je commencerais à 9h pile, pas avant !
_ Alors, tiens, va me chercher du café, s'il te plaît.
Et il lui tendit sa tasse vide, avec une pointe d'amusement dans le regard.
_ Va le chercher, toi ! Répliqua-t-elle en croisant les bras. Je suis pas ta boniche.
_ Non, tu es la femme de ménage, plaisanta le noiraud en retournant à son travail.
Outrée d'une telle insulte, Nemuri lui sauta dessus en touchant son menton. Celui-ci se débattait, en vain, car il savait que la jeune femme était toujours collante.
_ Lâche-moi !
_ Ta peau est toute douce ! On dirait celle d'un bébé !!
_ Toshi ! Vire-là ou c'est moi qui le fais !
_ H-hey, Kayama-san... dit trop calmement Toshinori. Laisse Aizawa-kun, s'il te plaît...
Vu la réaction de son directeur, Shota se leva brusquement de sa chaise, prit Nemuri par les épaules, et la regarda avec un regard noir.
_ Fous-moi la paix, dit Shota d'un ton calme et effrayant. On a du boulot, c'est ton problème si tu ne fais pas le tien, mais ne me dérange pas dans mon travail.
Puis il partit se servir de café avec la machine, et revint à sa place pour reprendre son activité.
Quelqu'un frappa à la porte du bâtiment. Toshinori ouvrit, se retrouvant face à un jeune homme blond avec une petite moustache, les cheveux longs et lisses, un casque autour du cou.
_ Hello ! Fit le blond. C'est bien ici le service de presse de la mairie ?
_ Oui, je suppose que c'est vous, le nouvel employé ! Déclara le directeur. Je suis Toshinori Yagi, le directeur du service. Enchanté de faire votre connaissance !
_ Moi de même, Yagi-kun ! Je suis Hizashi Yamada, journaliste, et expert dans la recherche d'information !
_ Bonjour, Yamada-kun, moi c'est Nemuri Kayama, la rédactrice du service avec Toshinori-kun !
Agacé par le bruit causé par ses collègues, Shota décida de lever la tête pour voir ce qu'il se passait. Devant la porte, Nemuri et Toshinori étaient agglutinés autour du nouveau venu, plutôt aux goûts du noiraud physiquement. Mais il remonta instinctivement les yeux un peu plus haut, au-dessus de la tête de l'individu.
Il se figea un instant, puis se leva brusquement de sa chaise : Hizashi Yamada avait un niveau de dangerosité à 10.
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