Chapitre 3
Dans la journée, Seungmin découvrit que Chan ne savait pas grand-chose. S'habiller avait été une bataille de plusieurs trentaines de minutes, tenir ses couverts fut une rude épreuve, l'apprentissage de la lecture et l'écriture failli lui faire perdre la tête. Pourtant Chan l'avait prévenu, une fois que Felix leur avait donné de quoi le vêtir. Il avait honteusement avoué ne presque rien connaître de leur monde. La lune lui avait simplement donné la parole. Si Seungmin devait le comparer à quelque chose, il l'aurait associé à un nouveau-né. Le noiraud découvrait le monde sous ses yeux et le prince n'en restait pas insensible. Il voulait être celui qui l'aiderait à s'adapter à la vie dans leur royaume.
Et puis, au-delà de toutes ces contraintes, Chan était adorable. Chaque question était un plaisir à répondre. Il apprenait vite aussi ! Seungmin avait été très surpris par la vitesse à laquelle il enregistrait le vocabulaire et les codes de leur maison. En une journée, il lui avait découvert un don dans le maniement de l'épée, tout devenait facilement naturel. Sauf peut-être la lecture et l'écriture, ces connaissances devaient être entretenues sur le long terme pour qu'il puisse correctement les manier, il n'en serait pas rapidement débarrassé.
Beaucoup de mystères rôdaient encore autour du noiraud, Seungmin n'en savait que très peu sur lui. Il lui avait seulement dit être ici pour peu de temps, une semaine pour être exact. Et c'est bien pour cela qu'il se démenait et apprenait au mieux, il n'avait qu'une semaine pour devenir parfait aux yeux du prince.
Seungmin était ému par la détermination et sincérité de Chan, le voir donner toute son énergie pour lui plaire le touchait tout particulièrement. La perfection n'avait jamais eu de forme précise à ses yeux. Il n'avait jamais voulu fréquenter quelqu'un qui remplissait les critères parfaits de leur société. Cependant, si le prince devait aujourd'hui définir la perfection, il répondrait Chan sans hésiter. Ce n'était ni ce visage angélique ou ce don d'apprendre rapidement qui avaient enchanté son cœur, il avait été charmé par la détermination du noiraud.
Sa volonté était sa perfection et elle lui retournait le cœur, il faisait tant d'efforts pour s'adapter... Seungmin se sentait flatté.
— Chan ?
Le noiraud remua, ils étaient tous les deux installés dans le Boudoir de la Reine. En son absence, Seungmin aimait beaucoup s'y réfugier, les murs étaient de couleur chaude, le mobilier était tout mou, il avait l'impression de s'asseoir sur un nuage et l'odeur omniprésente de sa mère le rassurait. Elle avait beau avoir des idées farfelues, elle restait sa mère et il l'adorait. Ses frères n'avaient pas l'air d'être de retour, alors il avait traîné Chan avec lui dans sa cachette secrète. Le Boudoir étant réservé à la Reine et ses favorites, il ne venait pas à l'idée des domestiques de venir inspecter la pièce lorsque Seungmin disparaissait soudainement.
Il faisait découvrir à Chan une partie de lui.
En parlant de Chan, celui-ci s'était endormi depuis un moment sur ses genoux. Seungmin avait remarqué ses longues cernes ce matin, mais n'avait pas osé lui demander la raison soudaine de ces poches sous ses yeux. En début de semaine, Seungmin avait proposé au garçon de faire chambre séparée, afin de ne pas précipiter les choses mais il remettait en question cette proposition, Chan n'avait pas l'air d'avoir bien dormi... Le bouclé se retourna, enfonçant son nez dans la cuisse du brun, faisant sursauter et rougir de surprise le prince qui ne s'attendait pas à une telle proximité.
Timidement, il glissa sa main dans les cheveux de l'endormi, il n'avait pas osé le faire depuis leur rencontre et cette sensation lui avait manqué. Chan avait quelque chose qui l'apaisait, il n'arrivait pas à se lasser de sa présence, au contraire, elle commençait à devenir essentielle.
— Ce matin, Jeongin est venu m'informer que mes parents organisaient un bal masqué à leur retour. C'est super non ? Vous allez pouvoir rencontrer plein de monde !
Il lui massait doucement le haut du crâne, s'amusant de ses adorables froncements de sourcils.
— Je m'en moque, grommela Chan en passant ses bras autour de la taille du Prince. Tout ce qui compte c'est que vous soyez là.
Un rire attendri lui échappa, Seungmin se sentait sur un petit nuage. Ça ne faisait qu'un jour que Chan était à ses côtés, mais il avait déjà opéré à tant de changements en lui. Il se sentait bêtement sourire, chaque mot qui sortait de la bouche du bouclé devenait l'un des plus fascinants du monde. Il pouvait rester des heures à l'écouter sans en être rassasié ! Il se sentait tout pantelant à chaque fois que leurs regards se croisaient et ne pouvait réprimer ses rougissements lorsque le noiraud le surprenait à coups de compliments.
Était-ce parce qu'il n'était qu'un inconnu ? Ou était-ce parce qu'il lui plaisait ? Ça ne faisait qu'un jour... Les choses ne pouvaient pas se faire si rapidement, n'est-ce pas ? Il aurait aimé que Hyunjin soit là pour le guider, l'aider à comprendre ce qu'il se passait dans son corps. Attirance ? Timidité ? Simple enthousiasme ?
Il ne savait pas quel mot poser sur ce qu'il ressentait. L'ignorance le faisait angoisser, il n'aimait pas ne pas savoir.
Son silence intrigua l'endormi qui se releva, glissant ses doigts sous son menton pour loucher sur son visage.
— Tout va bien ?
Il posa précipitamment ses mains sur les joues de Chan, scrutant avec attention son visage. Ses cheveux étaient en désordre, il avait les pommettes écarlates à cause de leur soudain contact et ses yeux papillonnaient encore de sommeil. Doucement, le noiraud posa ses mains par-dessus celles du prince, il serra tendrement l'une et fit reposer sa joue dans l'autre. Le cœur de Seungmin battait tellement fort qu'il l'entendait dans ses oreilles, Chan était vraiment beau.
Il détourna aussitôt la tête, intimidé par la sensation de ses oreilles brûlantes.
— Comment pouvez-vous être convaincu de m'aimer ? murmura doucement Seungmin, la voix tremblante d'hésitation.
Un sourire attendri se dessina sur les lèvres de Chan et il se laissa tomber à côté du Prince, une expression rêveuse déguisant son visage.
— Je vous connais depuis longtemps mon Prince. Je vous ai vu dans tous vos états, heureux, triste, hésitant, colérique... Vous m'avez même confié pleins de choses, j'en sais beaucoup sur vous.
Il souriait malicieusement, puis osa poser une main sur la cuisse de Seungmin, le ton plein de sincérité.
— Je vous ai vu grandir, devenir mon propriétaire, mon meilleur ami puis l'homme qui fait battre mon cœur.
Chan bondit sur ses pieds, tirant à sa suite le brunet. Le prince écarquilla les yeux lorsqu'il sentit les bras musclés de son voisin délicatement se poser sur ses hanches. Chan le serrait contre lui. Il était si tendu qu'il n'avait pas osé bouger, intimidé par la confiance que le noiraud avait dans ses gestes. Il avait une aisance que le prince n'avait pas, Seungmin se heurtait à des murs, la méconnaissance le terrifiait toujours plus.
Chan sentit rapidement le débat mental auquel se livrait le prince, il se tenait droit comme un pic, avait les yeux fermés et les sourcils froncés. Il était atrocement mignon. Il voulut le serrer contre plus fort contre lui, mais il ne devait pas le forcer. Seungmin était fragile lorsqu'il s'agissait d'exprimer ses sentiments, il se posait beaucoup trop de questions.
— Qu'avez vous envie de faire mon Prince ?
Seungmin se mordit l'intérieur de la joue, il avait envie de répondre à son étreinte mais il ne savait pas de quelle façon il devait s'y prendre. Passer ses mains sur ses épaules ? Autour de son cou ? Poser sa tête à droite ou à gauche ? Il était si confus qu'il en perdait les moyens, il avait pourtant lu tant d'histoires romantiques... Il devrait savoir quoi faire !
Une main sur sa joue le tira de ses pensées, Chan le regardait avec attendrissement et patience.
— Laissez-vous aller, écoutez votre cœur et non votre tête.
La main sur bouclé vint se poser sur la poitrine du prince, au niveau de son organe vital. Dans ses yeux dansait une lueur d'encouragement qui fit déglutir Seungmin. Les joues rouges, il posa sa propre main sur celle veineuse du noiraud. Il avait envie de tenter.
— Que vous dit-il ? chuchota Chan, se rapprochant lentement du visage du brun.
— Je veux vous enlacer... répondit-il, timidement.
Il avait si chaud qu'il était prêt à confirmer les dires que Felix avait eu la veille : il avait certainement les joues plus rouges que les chaussures favorites de Hyunjin. Il inspira avec courage et déposa également sa main au niveau du cœur de Chan. Ses doigts tremblaient sur le torse sec du noiraud, mais il était fier d'avoir osé faire un pas vers lui. Le cœur du jeune homme battait si fort que Seungmin pouvait sentir son rythme cardiaque frapper contre la paume de sa main, il plongea son regard dans celui de Chan.
— Et vous, que vous dit-il ?
— Oh moi, Chan eut un rire sincère. Il bat fort n'est-ce pas ?
Seungmin hocha vigoureusement de la tête. Leurs visages étaient proches et leurs regards ne se quittaient pas. Ils retrouvaient cette enveloppe intime et complice de la veille, celle durant laquelle Seungmin avait cessé de se poser des questions et avait simplement vécu l'instant.
Chan lui prit la main et y déposa un baiser.
— Il crie votre nom. Je crois que je suis complètement amoureux.
Il rigolait, les joues rouges et les oreilles brûlantes. Cette réaction sincère fit vibrer Seungmin de la tête aux pieds. Il arrêta alors de réfléchir, ses mains se posèrent sur les épaules de Chan et le tirèrent contre lui. Une fois torse contre torse, il glissa ses bras dans sa nuque et le serra fort. Ceux du noiraud avaient retrouvé leur place sur ses hanches et le ceinturaient délicatement. Ils restèrent dans cette position un moment, le prince alla même juste laisser sa tête reposer contre l'épaule de Chan.
Il ne se reconnaissait pas et n'avait pas envie de se reconnaître.
Trois jours plus tard, dans l'après-midi, Jeongin avait insisté pour qu'ils se préparent pour le bal. Celui-ci approchait à grands pas et serait la première apparition de Bang Chan en public, tout devait être parfait. Ils n'avaient pas pu longtemps cacher les origines du noiraud aux valets et les trois avaient simplement souri mystérieusement, le chargeant d'en discuter avec le prince Hyunjin directement.
Ils avaient même aidé dans la conception d'une identité, ainsi que d'un passé, au nouveau venu. Jisung s'occupait de lui apprendre un maximum de choses, afin d'égayer ses connaissances. Felix s'occupait de lui faire plusieurs tenues sur-mesure, Bang Chan vivait au château, il ne pouvait pas se permettre de porter de la pacotille ! Jeongin s'occupait de lui apprendre les codes de politesse, il ne devait en aucun cas faire tâche, au risque de paraître suspect et d'attirer le mauvais œil. La famille royale ne devait encourir aucune rumeur. Ils n'étaient pas valets pour rien, c'était l'honneur du nom Kim avant tout !
Jeongin les observait danser, Seungmin se retenait de rire tandis que Chan faisait au mieux pour suivre les instructions. Ils s'étaient plusieurs fois marchés sur les pieds et chaque froncement de sourcil du noiraud était une image qu'il ne pouvait s'empêcher de vouloir observer à nouveau. Il faisait d'amusantes grimaces, le prince ne s'en lassait pas.
Cependant le valet ne laissait aucun détail échapper. Il marchait lentement, analysait leur position de haut en bas et corrigeait les imperfections avec un bâton. Plusieurs fois il avait dû relever la tête du noiraud qui ne pouvait s'empêcher de regarder le sol.
— Monsieur Bang ! Combien de fois vais-je me répéter ? Ne regardez pas vos pieds ! s'exclama-t-il en le fusillant du regard.
Amusé, Seungmin se contentait de glousser en voyant son valet s'exciter. Jeongin était jeune mais restait très pointilleux, son regard aiguisé ne ratait jamais une erreur. La main du noiraud s'était glissée sur son omoplate gauche et lui se contentait de faire reposer sa main sur le biceps de Bang Chan. Il se retenait de crier, Chan était vraiment musclé à souhait.
Sa seconde main était posée dans la paume libre du beau jeune homme et tous deux levaient les coudes à même hauteur. Leur position était parfaite, il n'y avait que cette histoire de pieds qui les empêchait de fuir cette leçon.
— Bon, j'ai une solution, annonça Jeongin.
Le valet souffla longuement, le prince eut même l'impression qu'il allait jeter l'éponge. Il ébouriffa ses cheveux et tendit le bras, son bâton de bois se glissa sous le menton de Chan qu'il releva d'un mouvement de poignet.
— Nous allons fonctionner différemment. Monsieur Bang n'arrive pas à guider à la danse, il n'aura jamais le temps de tout maîtriser pour le bal. Si vous voulez danser avec le Prince, vous devez l'inviter, c'est le protocole. Et si vous l'invitez, alors vous devez mener la danse. Mais vous êtes incapable d'utiliser correctement vos pieds, nous allons essayer quelque chose, peut-être pourrons nous déguiser votre danse.
Il posa une main les coudes du prince et les releva de quelques centimètres, satisfait par le magnifique angle de cent quatre-vingt degré que faisaient les bras des deux garçons.
— Si vous êtes celui qui invite le Prince, vous garderez cette posture. Tout le monde croira que Monsieur Bang guide la danse mais en réalité le Prince en sera chargé. Contentez vous de le regarder droit dans les yeux et de suivre le Prince, peut-être que ça fonctionnera mieux !
— Si ça me permet d'éviter de vous écraser les pieds, je veux bien tenter ! ajouta le noiraud avec un rire embarrassé.
Il avait un grand sourire qui fit bondir le cœur du brunet. Seungmin n'était pas certain que l'idée du valet fonctionne, mais il devait avouer qu'elle méritait un essai. Après tout, entre lui et Chan, il était celui qui connaissait mieux que tout cette danse, c'était un schéma qu'il avait toujours dû parfaitement maîtriser. S'ils jouaient parfaitement le jeu, personne ne verrait que le cavalier qui avait invité le prince n'était pas en train de mener ! Le sourire de Chan l'avait motivé, ils avaient encore quatre jours devant eux, ils auraient largement le temps de perfectionner leur échange s'ils ne trouvaient pas de solution.
Jeongin se mit à compter les temps de la musique et Seungmin commença automatiquement à bouger. Ses pieds glissaient sur le sol, répétant une succession de pas qu'il connaissait par cœur. La tête haute, il ne quittait pas le regard du noiraud. Chan le regardait timidement, comme s'il avait peur de faire à nouveau une bêtise. Pourtant aux yeux du prince il se débrouillait plutôt bien, sa posture était presque parfaite, ce n'était que ses pieds rebelles qui les embêtaient.
Jeongin semblait avoir trouvé la solution miracle, car pas une seule fois leurs pieds ne se rencontrèrent. Chaque temps compté était une commissure qui s'agrandissait, un œil qui se plissait lentement, un sourire content qui se dessinait sur le visage de Chan. Il retrouvait confiance et affichait un sourire radieux.
— Comment c'était ? questionna le noiraud avec impatience.
Il serrait plus fortement la main du prince, prêt à recevoir le verdict.
Jeongin les regardait sans rien dire, il y avait une lueur perplexe dans son regard. Il n'avait pas l'air de s'attendre à que ce changement fonctionne du premier coup. Il papillonna des yeux et bredouilla une rapide réponse.
— Il y a quelques détails à revoir, mais dans l'ensemble c'était encourageant, il déglutit, les joues rouges. Une parfaite équipe, cela faisait longtemps que je n'avais pas vu une telle harmonie entre deux danseurs. La technique du prince Seungmin compense vos lacunes et votre regard décoince le Prince. Je ne l'ai jamais vu danser si naturellement, même avec ses frères il restait droit comme un piquet, un vrai balais !
Chan offrit alors un clin d'œil malicieux au prince qui sursauta d'embarras. Les joues chaudes, il se recula et détourna le regard. Il ne voulait pas que le noiraud le voit rougir de la sorte. Il sentit les doigts de Chan le serrer un peu plus fortement, accélérant considérablement les folies de son cœur.
Seungmin avait détourné le regard, certes, mais pour rien au monde il ne lui lâcherait la main.
Le troisième soir, le brunet était en étoile sur son lit et soupirait de contentement tout en serrant fort son coussin. Il avait le cœur gonflé de joie et un sourire idiot ne voulait pas quitter ses lèvres. Il avait été tant occupé dans la journée que cela faisait longtemps qu'il n'avait pas pris de temps pour lui, il avait l'impression de flotter sur un petit nuage à chaque fois qu'il se remémorait un moment passé avec Chan. Gloussant, il enfonça sa tête dans l'oreiller pour laisser échapper un petit cri, s'il avait su que ce maudit vœu le mènerait à perdre ses moyens chaque seconde de sa vie, peut-être aurait-il reconsidéré son souhait.
Il roula sur le dos, les cheveux en bataille. Mais s'il n'avait pas fait ce souhait, Chan n'aurait pas été là et jamais il n'aurait ressenti tant de choses. Il aurait continué sa vie monotone et se serait lamenté sur son sort sans jamais rien tenter. Il fit une grimace, il fallait vraiment que Hyunjin revienne au palais, il avait beaucoup de questions... Et puis, au-delà de réponses, l'absence de ses frères commençait à vraiment peser, il avait besoin de leur présence.
Par réflexe, il tendit le bras, cherchant son ours en peluche pour le serrer contre sa poitrine. Là, maintenant, il avait terriblement besoin d'un câlin.
Mais rien ne vint, il fronça un sourcil et se redressa de surprise. Où était passé son doudou ? En trois jours, il n'avait pas véritablement fait attention à la peluche, les journées avaient été si épuisantes qu'il n'avait pas sollicité son ourson. Boudeur, il se laissa tomber à genoux au sol et chercha à tâtons sous son lit, mais là encore, aucun signe de l'ours en peluche.
— Où es tu passé ? murmura-t-il pour lui-même.
Il fronça les sourcils, perplexe, cette disparition commençait à l'inquiéter. La fatigue lui avait permis de dormir sans remarquer son absence. Mais maintenant qu'il avait notifié la disparition, il lui serait impossible de fermer l'œil sans l'avoir retrouvé. Peiné, il leva chaque objet de sa chambre, remua les rideaux et les draps afin de retrouver son doudou favori. L'ourson n'était pas bien gros mais suffisamment grand pour être visible, ce n'était pas le genre de peluche que l'on pouvait perdre facilement !
Peut-être Jeongin l'avais pris par mégarde en changeant les draps ? C'était sa seule et unique solution. Il n'avait pas une seule fois emporté la peluche avec lui, il ne pouvait donc pas être celui qui l'avait fait sortir de sa chambre !
Il sortit dans le couloir à pas de loup, il devait en avoir le cœur net car il était désormais incapable de dormir. Il se mit à courir sur la moquette mauve, la plupart du personnel avait pris congé le temps de l'absence du Roi et de la Reine. A cette heure-ci il ne risquait pas de croiser son valet, ni même Felix ou Jisung, il avait le champ libre.
Il dut prendre plusieurs couloirs afin d'arriver jusqu'à la laverie, et dans la pièce il fut déçu de ne pas trouver ce qu'il était venu chercher. Son doudou avait tout bonnement disparu.
— Que faites-vous là ? demanda une voix dans son dos.
Il sursauta en un hurlement de surprise et glissa sur une serviette qui gisait au sol. Dans sa chute, il se fit rattraper par un bras qui s'enroula autour de sa taille, puis il fut tiré en arrière et remis sur pied en un clin d'œil. Cette poigne, il la connaissait par cœur et elle n'annonçait rien de bon.
— Changbin ! Je peux tout vous expliquer !
Le cuisinier en chef le toisait de haut en bas. Il ne portait pas sa tenue de travail et était revêtu du simple uniforme du château : une chemise blanche et un pantalon noir. Changbin ne le lâchait pas du regard, les bras croisés sur le torse et les cheveux tombant strictement sur son front. Si Felix était un valet très pointilleux, son fiancé lui, était encore plus intransigeant. Il allait se faire remonter les bretelles s'il ne trouvait pas rapidement une excuse valable.
— J'aurai aimé vous faire quelques remontrances, mais j'ai plus important à faire.
Changbin semblait préoccupé, il avait un sourcil de froncé et son regard faisait des aller-retours entre lui et la fenêtre.
— Le gamin à qui j'ai prêté des vêtements. Il s'amuse sous la neige, je n'arrive pas à le faire rentrer. Il fait super froid dehors, il va y passer s'il continue à jouer nu pied dans la cour !
— Chan est dehors ? s'étrangla Seungmin, il poussa le cuisinier et s'en alla avec précipitation.
Décidément, il courait souvent ces derniers temps.
Dans sa tête fusaient plusieurs interrogations, que faisait Chan seul dehors ? Pourquoi n'était-il pas en train de dormir ? La nuit était tombée depuis un moment ! Était-ce pour cela qu'il avait l'air si fatigué ? Passait-il chacune de ses nuits seul, dehors, dans le froid de l'hiver ?
Il tendit le bras et attrapa son gilet en laine tout en poussant la grande porte qui menait à la cour extérieure. Chan était fou ! Seungmin regardait à gauche et à droite, il était si inquiet qu'il ne prit le temps d'apprécier le décor dans lequel il se trouvait. La neige avait recouvert le jardin. Tout était blanc, lisse, mais la beauté du paysage ne serait pas suffisante pour étouffer son inquiétude. Il avait besoin de vérifier si le noiraud allait bien.
Au loin il put l'apercevoir, Chan avait un sourire rêveur dessiné sur les lèvres, il tendait les bras et regardait le ciel avec apaisement.
— Bang Chan ! s'exclama Seungmin, courant dans sa direction.
Il faillit trébucher, l'appelant une nouvelle fois pour attirer son attention. Il faisait nuit noire, il ne voyait presque rien, mais cette silhouette ne trompait pas, encore un effort et il le rattrapait.
— Vous allez attraper froid ! ajoutait le brunet en posant son gilet sur les épaules du garçon. Bon sang, quelle idée de sortir par un temps pareil !
Il râlait tout époussetant le bas de son pantalon ce qui arracha un rire à Chan. Le noiraud glissa une main sur sa taille et l'attira contre lui, un sourire taquin sur les lèvres. Seungmin eut un coup de chaud, comment Chan pouvait avoir une attitude si enfantine mais toujours le surprendre avec une allure séduisante ? Il le tira plus proche de lui, le laissant reposer dans ses bras.
— Vous aussi, vous allez avoir froid si vous ne vous couvrez pas mon Prince, chuchota-t-il à son oreille en un rire.
— Ce n'est pas amusant ! Je me suis inquiété !
Il posait ses mains sur le visage froid du noiraud, il avait le nez rougi par la température et les yeux vitreux.
— Pourquoi être ici, en plein milieu de la nuit ? demandait le Prince, soucieux.
Chan le regarda avec attendrissement. Il glissa une main dans ses cheveux, embêté.
— J'étais curieux, je n'arrivais pas à dormir et je voulais voir la neige. Celle dont vous n'avez de cesse de faire l'éloge, celle que l'on retrouvait dans les livres que vous me lisiez.
Seungmin se recula d'un pas, son cœur venait de se serrer. Il n'était pas certain de comprendre, ou peut-être souhaitait-il simplement ne pas comprendre.
C'était incongru, mais pas impossible. Il glissa sa main le long de la joue du noiraud, un maigre sourire sur les lèvres, tandis que Chan fermait les yeux sous la caresse des doigts du prince.
— Je vous ai lu des histoires...
Il plissa le regard et glissait ses mains le long du col du noiraud tout en réfléchissant.
— Qui êtes-vous ?
Question qui lui brûlait les lèvres depuis plusieurs jours déjà.
La neige se mit à tomber à nouveau et le sourire de Chan se fit plus grand. Il leva une main, laissant les flocons fondre dans sa paume. C'était magique, c'était poétique, il comprenait pourquoi le prince aimait tant l'hiver.
— Savez vous ce qui a été le plus difficile depuis que la lune m'a donné l'opportunité d'être à vos côtés ?
Il esquivait la question du prince, peut-être que lui compter son histoire le guiderait vers la réponse. Seungmin fit non de la tête, il ne pouvait pas l'interrompre, trop curieux. Chan était resté très mystérieux depuis son réveil dans ses draps. Il voulait comprendre l'origine de cette peine qu'il lisait dans son regard, ses cernes grandissaient de jour en jour. Chan souffrait, il le savait, mais la lâcheté l'avait rendu muet. Il n'osait pas poser les questions.
Seungmin était muré entre changement et fuite, pour Chan il était prêt à donner de sa personne, prêt à tenter l'inconnu mais il était aussi effrayé, avait peur de ce qu'il pouvait ressentir et d'où cette histoire le mènerait. Il n'arrivait pas à sauter le pas et à chaque fois qu'il se sentait prêt à le faire, il faisait instinctivement trois pas en arrière. Il ne se sentait pas digne de l'amour qu'il lisait dans le regard brisé du noiraud.
— Vous m'avez chéri plus que tout, vous m'avez tout confié, j'ai toujours été à vos côtés et n'ai jamais douté de ce que je ressentais pour vous. Mais depuis que la lune a béni ma demande, vous n'avez de cesse de vous éloigner, il y a un mur entre nous qui n'existait pas avant. Aujourd'hui je dois me montrer à la hauteur, je dois vous convaincre de m'aimer et j'ai peur. Et si ce n'était pas suffisant ? Et si à vos yeux je n'étais qu'un ami d'enfance et non un compagnon de vie ?
Il serra la main du prince, la portant à ses lèvres pour y déposer une traînée de baisers.
— Je n'ai jamais dormi sans vous, ces trois dernières nuits ont été les plus difficiles, il eut un rire triste. Je n'arrive pas à trouver repos sans vous à mes côtés. Vous ne vous confiez plus à moi, je n'ai plus l'impression d'avoir d'utilité. Je vous ai vu de nombreuses fois pleurer, vivre la tristesse les épaules hautes et la libérer à mes côtés. Vous m'avez toujours bercé de bonheur et je me suis demandé à quel point la vie était douloureuse pour qu'elle puisse vous arracher tant de larmes. Aujourd'hui je comprends...
Seungmin le regardait avec les yeux écarquillés, il avait la gorge brûlante et les lèvres tremblantes. Devant lui, Chan posait une main sur ses joues rougies par le froid, les larmes glissaient sur son visage en silence. Il semblait si perdu, si peiné et ses pleurs le brisèrent violemment, il avait fait mal au noiraud.
— J'aurai beau m'armer de confiance, je vous ai perdu lors de cette nuit. Le constater me fait terriblement mal.
Cette fois ce fut un bruyant sanglot qui échappa au noiraud, Seungmin l'attira dans ses bras, retenant ses larmes. Chan ceintura sa taille, sa tête trouvant refuge dans la nuque du brunet. Il y laissa couler sa douleur, ses peines, ses peurs. Ses doigts tremblaient contre le corps du prince, Seungmin se mordit violemment les lèvres, il s'en voulait terriblement.
— Tu es mon ours en peluche.
Il raffermit son étreinte, serrant plus fortement le brunet contre lui. La neige grondait sur leurs têtes, mouillant leurs vêtements. Si seulement il avait remarqué sa disparition plus tôt...
— Il ne me reste que quatre jours à vos côtés. Je vous aimerai aussi fort que possible, je ferai tout pour à nouveau gagner votre confiance. Il frotta son nez contre la nuque du prince, les épaules tremblantes sous ses derniers pleurs. Je vous en supplie, ne me laissez pas disparaître, aimez moi...
Trop, c'était trop, le Prince renifla pour contenir ses larmes. Il ne devait pas céder à la tristesse. Il était l'égoïste et non la victime, ses larmes n'étaient pas légitimes. Avait-il une seule fois pensé à ce que pouvait ressentir Chan ? Ces trois jours avaient été rudes pour le noiraud, il avait dû s'adapter sans dire mot et jamais il n'avait véritablement pris le temps de lui poser des questions. Le Prince avait tout mis sur le compte de l'ignorance, il avait l'impression d'être sur le point de commettre une des plus grandes trahisons.
Là, maintenant, il avait besoin de ses frères, d'un guide, il était incapable de savoir quoi faire. Toute cette situation... C'était au-dessus de ses forces, c'était trop dur.
— Un vœu n'est jamais sans conséquences. Le prix à payer était notre complicité. Être une peluche était moins douloureux, aujourd'hui je ne suis qu'un inconnu à vos yeux. Je vous ai perdu mon Prince... Aurai-je la chance de vous récupérer ?
Une larme roula sur la joue du Prince, il avait été si ignorant... Lui, Kim Seungmin, avait blessé son précieux Bang Chan.
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