Ayden - Prologue

NYC, 2017

Oublier. C'est le premier et le seul putain d'objectif que je m'étais fixé en arrivant ici. Ça fait deux ans maintenant, et même si je l'ai pas tout à fait atteint, ça prend doucement forme. Je me souviens de ce premier jour à New-York comme de celui où j'ai tiré un trait sur tout ce qui a fait ma vie ces vingt-trois dernières années.  A part la musique, mais je crois pas qu'on puisse oublier un truc qui paraît tellement naturel qu'on le fait même sans y penser. 

Ce jour-là, il pleuvait à torrents, rien à voir avec le soleil de LA, et je me rappelle avoir eu la sensation de me laver de tout ce dont je ne voulais plus me souvenir. Dans les premières minutes, j'ai savouré cette putain de solitude qui m'a tant manqué. L'absence des fantômes qui me hantent depuis bien trop longtemps. Pour la première fois de ma vie, je me suis senti en paix. 

J'ai débarqué ici sans rien d'autre que ma guitare et quelques fringues dans un sac à dos, mais ça me suffisait. De toute manière, je suis pas le genre de mec à faire des plans sur la comète. Chaque fois que j'ai essayé, chaque fois que j'ai cru pouvoir planifier un truc dans ma vie, ça n'a jamais marché.  

Ca fait bien longtemps que j'essaie même plus. C'est tellement bon de vivre sans penser à rien. Sans se préoccuper de qui que ce soit. C'est comme ça que je fonctionne depuis des années, mais dans cette ville gigantesque, personne n'est là pour me dire quoi faire de ma putain de vie. Et je vis ça très bien. Ça fait longtemps que je ne laisse personne s'approcher trop près de moi. A force de prendre des coups, j'ai compris la leçon, je connais trop bien les conséquences. Les rares personnes à qui j'accorde un peu d'intérêt savent très bien qu'il est inutile de chercher à comprendre. Je suis venu ici pour qu'on me foute la paix, pas pour créer des liens qui se déferont d'une façon ou d'une autre. 

Comme d'habitude, je me lève bien trop tard pour profiter d'une journée normale. Je ne sais pas ce qui se passe en ce moment, mais j'éprouve de plus en plus de difficultés à trouver un intérêt quelconque à ma vie. Si tant est que ça se soit déjà produit. A part écrire des textes et enregistrer des chansons, plus rien ne m'intéresse vraiment. Et encore, c'est plus un exutoire qu'autre chose, mais c'est le seul truc au monde qui me fasse encore du bien. Il paraît que la musique soigne les âmes. La mienne est trop sombre pour être récupérable, et j'ai beau écrire des textes pour essayer de me guérir, j'y suis jamais arrivé.

Pour une putain de fois dans ma vie, j'ai eu la chance de rencontrer quelqu'un qui m'ouvre les portes d'un studio sans même que j'aie à lever le petit doigt. Et pas n'importe lequel, en plus : celui de Live Nation. Je ferai jamais rien de ma musique, je suis pas fait pour les autographes, mais ce studio là vaut vraiment la peine. 

A moitié endormi, je rejette le drap qui me tient trop chaud sur une blonde sexy dont je ne me rappelle pas le nom. Malgré quelques heures embrumées par l'alcool, je crois qu'elle a beaucoup crié. Zack va encore gueuler. Les yeux fixés sur elle, je me rends compte que même sa nudité ne me dit rien. Je n'ai besoin que d'une chose, m'enfermer dans cette pièce calfeutrée et silencieuse à quelques kilomètres de là et vider ma tête une fois de plus de toute la rage qui gronde. La blonde trouvera la sortie toute seule. 

Plusieurs dizaines de minutes plus tard, je respire enfin derrière mon micro. Les yeux clos, concentré sur ma voix qui gronde et qui pleure à la fois des mots dont je ne parle jamais, j'oublie le monde extérieur pour me concentrer sur mes blessures qui ne veulent pas s'arrêter de saigner, quoi que je fasse. Quand le silence revient, je réalise que je ne suis pas seul : la personne qui me laisse carte blanche ici est en train de m'écouter. 

- Qu'est-ce que tu veux, Chuck ?

Ma voix est dure, je ne suis pas sûre qu'il mérite ça, mais je préfère le tenir à distance. Ce mec ne  m'a jamais inspiré rien d'autre que de la défiance. 

- Bonjour, Ayden. Je voulais te prévenir qu'on accueille une nouvelle stagiaire lundi. Essaye de ne pas la faire fuir, celle-ci. 

Un nouveau terrain de jeu. Intéressant. 

- Je te rappelle que c'est toi qui les a virées. 

- Parce que tu n'as pas été capable de ne pas t'amuser avec elles. 

- Elles connaissaient les règles. 

- S'il te plaît, pas cette fois. C'est la nièce d'un ami, je ne peux pas me permettre que ça se passe mal. 

- Dommage. J'en aurai bien baisée une de plus, je raille. 

Je jubile quand ce connard soupire. Je sais qu'il ne supporte pas mes "frasques", comme il les appelle gentiment, mais il a trop besoin de moi pour me faire dégager. Et dans des moments comme ça, c'est carrément jouissif. 

- Contente toi d'enregistrer, ça suffira. 

Je l'observe sortir de la pièce pour couper court au débat. J'étouffe un rire. Comme si j'allais me priver de le faire chier une fois de plus. Ses mises en garde attisent ma curiosité, au point que je me pointe quelques minutes plus tard au bureau de son assistante. 

- Salut, Erin. Tu peux me filer le CV de la nouvelle stagiaire ?

- Pour quoi faire, Ayden ? Pour que tu puisses encore faire dégager une de ces pauvres filles ?

- Tu sais comme moi qu'elles n'étaient pas à la hauteur. 

A part dans un lit. Et encore. 

- Ce n'est pas une raison. Je ne te donnerai rien du tout. 

- S'il te plaît. Si je la croise et que je ne sais pas qui c'est, je risque encore de faire des embrouilles inutiles. Tu ne crois pas qu'on devrait éviter ça ?

- Tu es le type le plus infernal que j'ai jamais rencontré. 

- Ouais. Je sais. Mais au moins, je m'en cache pas.  

Erin me tend finalement le CV de ma future victime, et je retiens un sourire avec peine. C'était presque trop facile. Je change de tête quand le visage de la fille apparaît sous mes yeux. Je la connais, putain, je l'ai déjà vue. Elle sait déjà quel genre de mec je suis. J'ai vraiment un karma de merde. 

Je reprends la lecture du CV de Mélanie Garnier. Même moi, j'aurai pas supporté un nom de famille pareil. Heureusement qu'elle est assez jolie pour me faire oublier les mauvaises blagues que son nom m'inspire. Si j'ai bien tout compris, elle est diplômée, et française. Il paraît qu'elles sont douées pour l'amour. On verra bien qui est le plus fort à ce petit jeu, mais je crois que je vais bien m'amuser.  


Bienvenue dans mon monde. 

<3.

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