4. New house
Chris pose mes valises dans l'entrée. Tara retire ses chaussures et me sourit :
- Bienvenue chez toi, Mélanie ! Tu veux boire quelque chose ?
- Oui, merci, je meurs de soif. Je mangerai bien un bout aussi, je suis affamée!
Je ne veux pas paraître impolie, mais je n'ai rien avalé depuis plus de dix heures. La pression retombée, j'ai l'impression que je vais faire un malaise si je n'ingurgite pas un peu de nourriture dans la seconde.
Chris, qui ouvre l'agence tôt le lendemain matin, nous souhaite bonne nuit, embrasse Tara, puis disparaît derrière une porte blanche au fond de la pièce.
J'enlève mes chaussures à mon tour, et j'en profite pour observer mon nouveau chez moi. Le salon qui me fait face est très accueillant, décoré avec goût dans des tons beige clair et gris-bleu. Les plafonds sont très hauts, et accentuent la sensation d'espace. Le parquet en bois, dans les mêmes tons que celui du pallier, ajoute une touche d'authenticité et de chaleur. Deux immenses fenêtres entourées de rideaux donnent sur la rue et doivent apporter en plein jour une luminosité intense. Sur le mur du fond, une grande bibliothèque accueille des centaines de livres. Au centre de la pièce se trouvent un canapé en tissu gris bleu (qui a l'air tellement confortable que j'ai immédiatement envie de m'y vautrer) et deux fauteuils assortis. Un îlot central à ma droite sépare le salon de la cuisine toute neuve, dans des tons clairs elle aussi. Je sens que je vais apprécier de rentrer dans cet appartement après une bonne journée de travail! Je me rappelle tout à coup que je n'ai que deux jours devant moi avant de commencer mon stage à Live Nation, et je chasse cette idée de mes pensées avant de me remettre à stresser.
Je passe les mains dans mes cheveux emmêlés, masse ma nuque raide et pousse un soupir de contentement d'être enfin arrivée à destination. Dans la cuisine, Tara sort différents ingrédients du frigo et s'affaire à me préparer un sandwich. Je m'assois sur un des tabourets disposés autour de l'îlot et demande à Tara :
- Cet appartement est génial, c'est toi qui a fait la déco?
-Merci, Mélanie, me dit Tara en me servant un jus d'orange frais.
Mon compliment a l'air de lui faire plaisir. Elle poursuit :
- Ça ne s'est pas fait en un jour, mais je suis plutôt contente du résultat. Chris et moi nous sommes souvent disputés à ce sujet, tu connais les hommes et leur manie de se mêler de ce qui ne les regarde pas!
Elle me fait un clin d'œil et nous rions toutes les deux, complices.
- Tu peux m'appeler Mel, je reprends. Je n'ai pas l'habitude qu'on m'appelle Mélanie.
Le jus d'orange apaise ma soif et me donne un regain d'énergie. Au fil de la conversation, j'apprends que Tara a vingt-six ans , qu'elle adore cuisiner (ça tombe bien, j'ai horreur de ça), et que le peu de temps qui lui reste en dehors de son travail avec Chris, elle le passe à peindre et à faire du shopping. Puis elle me demande des nouvelles de ma famille, qu'elle me dit avoir hâte de rencontrer. Elle me parle de la sienne, restée à San Francisco, en m'expliquant à quel point ça peut être difficile parfois d'être loin des siens.
Ayant très récemment quitté tout repère, je me sens tout à coup proche d'elle, même si on se connaît à peine, et je lui parle de ma tristesse d'avoir quitté Théo et ma famille. Je sais que je pourrais facilement me confier à elle en cas de coup de blues, ce qui ne manquera pas d'arriver au cours des prochains mois.
Tout en m'écoutant, Tara pose devant moi un énorme sandwich au poulet et s'assoit à mes côtés. J'avais lu un truc sur les quantités démesurées de nourriture qu'avalent les américains, mais je ne m'attendais vraiment pas à ça ! Affamée comme je l'étais, j'en arrive quand même à bout. Je vais devoir faire attention à ce que je mange: si tous les repas sont comme ça, mes jeans taille 38 vont vite crier au scandale. Je suis plutôt mince, mais c'est grâce à une surveillance de tous les instants, et il est hors de question que la junk-food ait raison de mes efforts. Après un tel en-cas, le manque de sommeil se fait sentir et Tara s'en aperçoit, elle se lève et me dit gentiment:
- Viens, je vais te montrer ta chambre, tu dois être épuisée. Demain matin, tu peux dormir autant que tu le souhaites. Chris et moi, nous serons partis travailler, mais nous t'avons fait un double de la clé pour que tu puisses sortir et prendre tes repères dans le quartier. Si tu as besoin de quelque chose, il y a une épicerie au coin de la rue, et nous t'avons laissé nos numéros de téléphone pour que tu puisses nous joindre en cas de problème.
Je suis Tara à travers le petit couloir qui prolonge le salon. Elle ouvre une porte à sa gauche, qui donne sur une petite chambre bien agencée. Comme dans le salon, il y a du parquet au sol, et la fenêtre est toute aussi grande. L'un des murs est peint d'un bleu turquoise très reposant.
Un lit simple, un petit bureau et une coiffeuse agrémentent la pièce. Des bougies parfumées sont disposées un peu partout. Derrière une porte coulissante sur le mur du fond, je découvre une salle de bains et un petit dressing qui suffira largement à ranger le peu d'affaires que j'ai emportées avec moi. Intérieurement, je suis ravie : ça ne m'enchantait pas vraiment de partager la salle de bains de mon oncle... Du coup, je me sens un peu moins coupable : avec ma propre salle de bains, j'ai l'impression que je dérangerai un peu moins. Et bien évidemment, un peu d'intimité est toujours la bienvenue, surtout pour moi qui ne suis pas vraiment à l'aise avec mon corps.
Mon expression ravie parle pour moi: cette nouvelle chambre ne possède pas tous les souvenirs que j'ai dans celle de mon enfance, mais je m'y sens vraiment bien. Théo l'aurait adorée, cette pièce aurait fait un cocon idéal pour nous deux... Étonnamment, c'est très calme, mais je suppose que la majorité des appartements à New-York sont équipés de double vitrage.
Tara me confie: "Quand nous avons acheté cet appartement, nous avons pensé que cette chambre servirait pour un bébé, plus tard. Mais pour l'instant, elle est à toi!"
- Elle est fantastique ! Merci pour tout !
Je suis envahie par une bouffée de reconnaissance : même si Chris est mon oncle, rien ne l'obligeait à supporter une nièce encombrante au milieu de sa toute récente vie de couple, surtout après tout ce qu'il avait déjà fait pour ma famille. Pourtant, quand il avait appris que mes projets avec Théo étaient compromis, et que mes économies n'allaient pas suffire à payer le minuscule logement que nous avions réussi à louer, il avait spontanément proposé de m'héberger. Finalement, c'est à lui que je devais mon stage et d'avoir un toit pour l'année : il y avait de quoi se sentir redevable.
- C'est tout à fait normal, me répond Tara. Chris et moi sommes loin de nos familles. C'est important pour nous de faire ce que nous pouvons pour toi, d'autant plus que tu pourrais jouer ton avenir ici. Maintenant, je te souhaite une bonne première nuit américaine, je vais dormir parce que sinon, mes clients auront devant eux un vrai zombie !
Spontanément, elle me prend dans ses bras, puis sort de la pièce et ferme la porte derrière elle. Voilà, ce sont les premières minutes de ma nouvelle vie pour quelques mois...
J'apprécie ce premier moment de solitude, qui signifie tant pour moi. J'ouvre la fenêtre de ma chambre, respire cet air inconnu saturé d'énergie. En fermant les yeux, j'essaie de m'imprégner des bruits de la ville, animée comme en plein jour. Cette agitation me donne la bougeotte : je décide de défaire mes bagages. Je branche mon ordinateur portable, range mes vêtements et les livres que j'ai emportés, puis je dispose des photos sur le bureau : une de ma mère, Jules et Sarah prise lors de son anniversaire, une autre de Théo et moi, et une dernière de Léa et Sam, mes deux meilleures amies, prise lors de la soirée qu'elles avaient organisé pour mon départ.
Elles avaient vraiment assuré pour que la surprise soit totale : elles avaient carrément loué un bar , et invité toutes mes connaissances du lycée et de la fac. On avait dansé toute la nuit, et moi qui ne bois jamais, j'avais pris une cuite monumentale. J'avais été malade comme un chien le lendemain, et Théo m'avait veillée jusqu'à ce que je me sente mieux. Je me remémore soudain son visage inquiet penché sur moi, son magnifique regard noisette, ses cheveux bruns coiffés en bataille et son sourire malicieux. Son regard attentif sur moi, la chaleur de ses bras, le goût de ses lèvres... j'essaie de me souvenir de la moindre sensation éprouvée à ses côtés.
Me secouant pour ne pas sombrer dans une nostalgie prématurée, je parcours du regard le résultat de mon rangement : la pièce me paraît déjà un peu plus familière. Je suis tellement déboussolée que je sais déjà que je ne trouverai pas le sommeil. J'attrape mes affaires de toilette et pars à la découverte de ma nouvelle salle de bain rien qu'à moi : une douche bien chaude devrait me détendre un peu. La cabine, spacieuse, se trouve sur ma gauche. En face de celle-ci, un grand miroir ovale est accroché au dessus d'un lavabo de style ancien. Je prends le temps de me démaquiller et de me brosser les dents, puis je me déshabille et soupire de bien être en pénétrant sous l'eau chaude.
De longues minutes plus tard, enfin détendue, je sèche mes longs cheveux bruns et enfile un débardeur et un pantalon en coton.Je prends mon portable et envoie un message à ma mère pour la rassurer sur mon arrivée et mon installation, en lui promettant de l'appeler le lendemain. Je branche mes écouteurs et m'allonge enfin sur le lit moelleux. Je tombe sur "Baby's Romance" de Chris Garneau, exactement ce dont j'avais besoin pour m'endormir : épuisée, je tombe dans un sommeil sans rêves en à peine quelques minutes.
Et... Bonne nuit à vous aussi ! Ou pas d'ailleurs.
<3.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top