28. Talk to me
En m'approchant de l'escalier en pierre blanche devant l'immeuble, Ayden sur mes talons, je me mets à trembler. Mes jambes cotonneuses ont du mal à me porter. Je m'accroche d'une main à la rampe en fer forgé. Face à moi, Ayden ne semble pas remarquer mon trouble, il me regarde avec attention, comme s'il attendait des explications.
Malheureusement, je n'en ai même pas pour moi-même. Cette fois, je n'ai aucune excuse, je me suis mise en danger toute seule comme une grande. Je ravale un sanglot en baissant les yeux. Hors de question qu'il me voie pleurer.
Il pose doucement une main sur mon bras en s'approchant de moi. Je la laisse où elle est, on n'est plus vraiment à ça près vu ce qui vient de se passer.
- Parle moi.
Je n'ose pas lever les yeux vers lui, j'ai trop peur de ce que je pourrais encore faire si jamais je plonge à nouveaux dans ses yeux liquides. Je n'ai qu'une envie, là tout de suite, c'est de me réfugier dans ses bras puissants et de tout oublier. Mais je ne peux pas. Depuis que j'ai croisé son chemin, j'ai l'impression qu'une forme de schizophrénie s'est emparée de moi, et je dois très vite y mettre fin.
C'est tellement dur de lui résister, chaque fois que je me retrouve en sa présence, je me sens comme aimantée. Pour la première fois de ma vie, je n'ai plus le contrôle de moi-même, je ne sais pas où je vais, et je suis morte de peur. Rien à voir avec l'appréhension de débarquer à New-York, non, là, c'est bien pire : je ne me reconnais carrément plus.
Ayden n'est pas le premier type arrogant et prétentieux que je rencontre, mais d'habitude, j'ai tendance à partir en courant quand je croise ce genre de personne. D'accord, le reste du monde n'a pas son talent, mais ça ne devrait rien excuser. J'en arrive presque à regretter de l'avoir entendu cette fois là dans les studios de Live, parce que sa voix a brisé des barrières en moi. Si ça n'avait pas eu lieu, je crois que je n'aurai jamais laissé cette main sur mon bras propager autant de chaleur jusque dans ma chair.
En redressant la tête, je dirige volontairement mon regard ailleurs.
- On n'aurai pas dû...
Ma voix, qui n'est déjà qu'un murmure, se brise. Ayden fronce les sourcils, m'enjoignant à poursuivre.
- Je te le répète encore, Ayden, je ne suis pas libre. Je ne peux pas faire ça. Tu ne peux pas... me jeter comme une merde et m'embrasser quand ça te chante. Je ne veux pas être un de tes plans pour la soirée.
Ses grands yeux me déstabilisent. Il s'approche encore de moi, je peux sentir le doux coton de son sweat à capuche gris contre mes bras. Son odeur si familière m'anesthésie de nouveau de la plus douce des manières.
Face à face, nous nous apprêtons à une confrontation douloureuse mais salutaire.
- Tu n'es pas un de mes plans pour la soirée. Et je ne t'ai pas embrassée, sourit-il doucement. Du moins, pas ce soir.
Agacée qu'il me rappelle cette partie de l'histoire, je ne peux pas m'empêcher de lever la voix.
- Mais qu'est-ce que tu me veux, à la fin ?
- J'en sais rien. Tu me plais, c'est tout.
- Je te PLAIS ? Comment tu peux dire ça, après la manière dont tu m'as traitée depuis qu'on s'est rencontré ?
- Putain, mais tu poses toujours autant de questions ? s'agace-t-il. Oui, tu me plais, je t'ai traitée comme ça parce que je ne voulais pas...
Il se tait, hésitant.
- Tu ne voulais pas quoi, Ayden ?
- Dans le studio. Je t'ai vue. J'ai vu tes larmes.
Oh. Foutue vitre sans tain. J'aurais pu m'en douter... Donc, depuis le départ, il sait l'effet qu'il me fait ? Et pourtant, il a agi comme un enfoiré... Impatiente et agacée d'être percée à jour depuis le départ, je le relance encore.
- Et ?
- Et j'ai flippé. J'ai pas supporté que tu comprennes à ce point. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour t'éloigner. Je voulais que tu sois une petite conne comme les autres. Comme ça, pas besoin de réfléchir à ce que j'ai vu de toi ce jour-là.
- Mais tu m'as embrassée. Pourquoi ?
- J'ai pas pu m'en empêcher. J'étais en colère, je savais pas quoi dire. Je l'ai fait, c'est tout.
Il me fixe avant de lâcher sur un ton espiègle :
- Je ne pensais pas que tu aurais autant de répondant.
Son regard perçant ravive le souvenir encore intense de ses bras autour de moi sous cette terrasse, et je rougis en baissant les yeux. C'est vrai que ce baiser était... Stop. J'y penserai plus tard. Pour une fois qu'il baisse un peu sa garde, il faut que j'en profite jusqu'au bout.
- Donc je suppose que la blonde dans la boîte était aussi en colère ? Tu l'as embrassée pour la calmer ?
Ayden rit doucement, amusé.
- Non. Cette fille, je la connais depuis longtemps. On est amis... avec quelques avantages. Chaque fois que je la croise, entre nous, c'est comme ça. Ce soir là, c'est moi qui suis allé vers elle.
Devant mon visage qui se décompose, Ayden poursuit.
- Attends, avant de t'enflammer. Tu te rappelles, je t'ai dit que je voulais vérifier un truc ?
J'aboie plus que je ne réponds:
- Oui. Et alors ?
- Je voulais savoir... si je ressentirais la même chose avec elle.
Alors ça, c'est la pire excuse que j'ai jamais entendu. Comment peut-il décemment me dire une chose pareille ?
- Tu plaisantes, j'espère. Tu t'y prends comme ça aussi pour coucher avec elles ? Tu les déshabilles et tu fais une grille d'évaluation pour choisir la meilleure ?
- Mais putain, t'es tellement obtuse ! J'essaie de te parler, là. De pas te mentir. Alors oui, c'est peut-être tordu comme méthode, mais au moins j'ai eu les réponses à mes questions !
Emporté par la colère, il recule d'un pas et détache sa main de mon bras. Je note avec horreur que sa chaleur me manque. En respirant bruyamment, il se détourne de moi.
- Je n'ai pas l'habitude de me justifier. Je le fais seulement parce que je veux que tu comprennes. Je te dis les choses telles qu'elles sont, tu les prends comme tu veux. Mais le résultat, c'est que cette fille...
Il hésite encore, le regard toujours tournée vers la route.
- ... c'était pas toi.
Bon. Au moins je sais que je ne suis pas la seule à avoir ressenti que quelque chose de... spécial s'était passé entre nous. Je m'assieds sur les marches du perron et cache mon visage dans mes mains en soupirant. Je suis larguée. Mais je sens que je dois m'éloigner. Depuis qu'il fait partie de ma vie, je suis devenue... Irréfléchie, coléreuse et incohérente. Je dois me reprendre, et essayer de rester droite. C'est un peu tard, mais je peux encore sauver les meubles.
Ayden se pose à mes côtés, les jambes repliées. Ses yeux me scrutent, attendant une réaction qui tarde à venir. Je décide d'être honnête avec lui, et avec moi-même, pour une fois.
- Si tu veux tout savoir, dis-je dans un soupir, je crois que tu me plais aussi. Mais il faut voir les choses en face : non seulement on ne s'entend pas du tout, mais je suis avec quelqu'un que je n'ai pas l'intention de quitter. Je ne veux pas lui faire de mal. Ce qui rend les choses compliquées pour moi, c'est qu'on doit continuer à travailler ensemble. Je ne peux pas me permettre de bousiller mon stage.
Ayden sourit doucement et je me perds une seconde dans la contemplation de ses lèvres douces et charnues pour lesquelles j'ai franchi tant de limites un moment plus tôt. Il a l'air tellement sûr de lui, en cet instant, que je me sens à nouveau toute petite et sans défense.
- Il y a au moins une chose pour laquelle on s'entend bien.
En prononçant ces mots lourds de sens, il se décale légèrement vers moi pour que nos corps se touchent. J'avale ma salive avec difficulté.
- Ayden. Je suis sérieuse.
- Mais moi aussi, je suis sérieux !
Un grand sourire étire maintenant sa bouche parfaite. Je le déteste.
- Comment tu fais pour être comme ça ?
Il plisse les yeux, m'interrogeant du regard.
- Comme ça comment ?
- Tu te fiches de tout. Tout le temps.
- Très peu de choses ont de l'importance. Tu ne crois pas ?
- Si. Mais je pense que toi et moi n'avons pas la même notion de ce qui est important.
- Ah bon ? sourcille-t-il. Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
- Hé bien, par exemple, j'essaie de faire attention aux autres. A ma famille. A mes proches. Aux gens en général.
- Et tu penses que je ne suis pas comme ça ?
Je ris.
- Tu ne l'es pas du tout.
- Peut-être parce que je n'ai encore croisé personne qui mérite mon attention.
L'intensité de son regard me cloue à la marche d'escalier. J'ai l'impression qu'il essaie de me faire passer un message, mais lequel ? Et puis comment ça, personne qui mérite son attention ? Il n'a pas de famille ? Des amis ? Cette phrase prononcée avec tant de sérieux attise ma curiosité.
- Je ne te crois pas. Zack, par exemple, il compte pour toi, non ?
Je n'ose pas le questionner sur sa famille, c'est trop risqué. Pour une fois qu'il est dans de bonnes dispositions, je ne veux pas qu'il se ferme.
- Oui, Zack est un bon pote. Mais c'est parce qu'on vit ensemble. On ne se ressemble pas.
Je ne peux pas m'empêcher de pouffer.
- Heureusement !
- Quoi ? Deux comme moi, ce serait trop dur pour toi ? me taquine-t-il en me donnant un coup de coude.
- Oooooh que oui ! souris-je en levant les yeux au ciel.
Reprenant mon sérieux, je jette un œil à mon téléphone qui indique deux heures du matin.
- A quelle heure passent te prendre les autres ?
- En fait, je vais aller les rejoindre. Quand j'en aurai fini avec toi.
La brûlure dans ma poitrine se manifeste à nouveau. Quand il me regarde comme ça, je ne gère plus rien.
- Ah, parce qu'on n'a pas fini ?
- On ne fait que commencer.
- Sérieusement, Ayden...
- Et toi, Mel, qu'est-ce que tu veux ? Si je ne tiens compte que de tes actes, je ne suis pas sûr de la savoir.
J'ignore le pincement de vexation qui se manifeste en moi. Il a raison : les deux dernières fois qu'on s'est vus, je n'ai pas exactement gardé mes distances avec lui.
- Je ne veux plus qu'on se touche. Plus de... ça.
Pour appuyer mes dires, je pointe un index fébrile entre sa bouche et la mienne.
- "Ça", ça n'avait pas l'air de te déplaire, pourtant.
- La question n'est pas là, Ayden. Faire attention aux autres, tu te rappelles ?
Il acquiesce en souriant.
- Oui, je sais. Ton mec. Est-ce que tu vas au moins lui dire ?
Sa question me prend de court.
- Heu... Je ne sais pas. Sûrement. Mais je ne veux pas le blesser. Et comme on est loin... J'en sais rien.
Son visage se durcit.
- Laisse tomber. Ça n'a aucune importance. Ne lui dis rien.
Mon cœur se brise. Quoi ? A quoi est-ce qu'il joue ?
- Pourquoi tu me dis ça ?
- Parce que c'est la vérité. On est des relations de travail. Ne bousille pas ton parfait petit couple, ça serait inutile.
Son air narquois me déstabilise complètement. Qu'est-ce que j'ai encore fait ? D'où vient ce changement d'humeur ?
Je n'ai pas le temps de réagir : il se lève subitement et esquisse quelques pas pour remonter Grove Street. Tout en marchant, il me jette sans se retourner :
- Je vais prendre le bus. Bonne nuit, Mel.
La froideur dans sa voix me glace alors que je le regarde s'éloigner.
Mais qu'est ce qui lui prend, bordel ?
Un petit cadeau!!! Parce que c'est dimanche soir et que si vous êtes comme moi le dimanche soir vous êtes en PLS... donc ça fait pas de mal 10 minutes de remontage de moral... Et puis, on a pas fêté les 1K, et comme on s'approche des 1,5... Fallait bien un petit plus. Voilà, c'est un cadeau fourre-tout quoi :)
Une immense merci encore et encore et encore d'être là presque dans la seconde où je publie, c'est tellement un énorme kif à chaque fois! J'espère qu'Ayden et Mel continueront de vous faire rêver, ainsi que Théo et tous les autres... Moi, vous me faites avancer, toujours.
Des bisous mes chouchous, profitez bien!
<3.
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