TRENTE
Un soupir, et je ferme la porte de mon appartement derrière moi. La tête bourdonnante, je ferme les yeux et inspire longuement.
— Angie ? Ah bah enfin ! T'étais où ?
Je rouvre brusquement les paupières, et fais face à April qui vient d'allumer la lumière et s'avance vers moi. Mes épaules s'affaissent alors qu'elle me fixe, incrédule. Elle m'interroge du regard, mais je suis incapable de répondre. Je la considère sans un mot et sens mon cœur se serrer. Je sors peu à peu de la torpeur dans laquelle je me suis enfermée, et mettre des mots dessus me terrifie.
— J'étais chez Tyler, finis-je par annoncer.
Le visage d'April se tend, son regard se peignant d'une inquiétude latente.
— Et ? hésite-t-elle.
— Et je lui ai tout dit.
Ma voix s'étrangle dans ma gorge et je sens mon souffle se couper. April entrouvre les lèvres, les yeux brillants.
— Et ça ne s'est pas bien passé, devine-t-elle, la voix tremblante.
Je secoue la tête, et la regarder dans les yeux fait s'effondrer toutes mes barrières. Mes sanglots remontent malgré moi et les larmes noient bientôt mes yeux. April ne dit rien, mais elle me laisse tomber dans ses bras. Elle me serre contre elle, emplie de chaleur. Elle pourrait dire tous les mots pour tenter de me rassurer, mais elle reste silencieuse. Parce qu'elle sait que c'est ce dont j'ai besoin. Je ne veux pas entendre des mots voulant adoucir ma douleur, je ne veux pas qu'elle me dise que tout ira bien alors que c'est faux. Je veux juste l'avoir auprès de moi et sentir son amour m'inonder le cœur. Pour oublier tout le reste. Pour oublier le monde. Tant qu'elle est avec moi, j'irai bien, je me le suis promis. Je savais bien qu'au bout du compte, il ne me resterait plus qu'elle.
* * *
Je ne sais même pas ce que je fais là. Au milieu d'un groupe de gens qui pensent me connaître et à qui je mens depuis le début, à prétendre que tout va bien alors que mon cœur est brisé, à hocher la tête alors que je ne les écoute pas. Combien de temps vais-je encore me moquer d'eux ? Je les regarde et je les vois tous enjoués, à l'aise, rieurs. Je les vois me sourire comme si j'étais leur amie.
Depuis ce matin, tout me semble se dérouler comme dans un rêve. Je me rappelle à peine du trajet jusqu'au lycée, et encore moins les premiers mots que j'ai échangé avec eux. Mes oreilles sifflent en permanence, mon cœur est toujours aussi affolé, ma poitrine toujours aussi lourde. J'ai le souffle court, le ventre noué. Chaque minute de plus à leurs côtés me pèse et me donne l'impression d'étouffer, de me noyer dans mon mensonge. Je vois le regard sévère de Connor, celui inquiet de Jason, et je me sens faiblir. Je repense à notre discussion de la veille, quand ils me disaient que même s'ils m'en voudraient tous, ça finirait par passer. J'avais aimé y croire un instant, avoir un peu d'espoir, penser qu'au final, je les récupérerais. Mais hier, j'ai changé d'avis. Tyler m'a fait changer d'avis. Il ne me pardonnera pas. Et eux non plus.
— C'est toujours bon pour ce soir ? fait Hailey en posant sa tête sur ses paumes, les coudes sur la table d'extérieur à laquelle nous sommes assis.
Son regard pétillant parcourt le groupe qui acquiesce, et je me surprends à la trouver particulièrement belle, aujourd'hui. Elle a l'air reposée, sereine. Peut-être que je la vois différemment depuis hier, depuis que j'ai signé la fin de l'illusion. Peut-être qu'à présent, chacun des regards que je perçois me paraît précieux, parce que je sais que je n'en recevrai plus aucun bientôt.
Ce soir, il y a une soirée que beaucoup attendent avant la période de révisions qui approche. « Première soirée en boîte avec toi ! » se réjouissaient les filles tout à l'heure. Je leur ai souri, sans trop promettre de venir. Je sais que je pourrais passer un si bon moment que je repousserais encore la révélation, et je ne peux plus faire ça. Ils méritent mieux que ça. Moi, je ne sais pas.
Le visage glissant sur ma main, je me redresse et les observe continuer leur discussion sans un mot. Il fait beau, aujourd'hui. Presque trop, pour un jour si sombre. Enfin, qu'est-ce que je raconte ? Le soleil n'en a que faire de mon humeur.
Soudain, une main ébouriffant mes cheveux me fait sursauter. En me retournant, je vois le visage lumineux de Cameron, que je n'ai pas vu depuis plus d'une semaine.
— Ça va, toi ? me sourit-il.
J'acquiesce et il salue le reste du groupe. Il baisse ses yeux bruns vers moi puis me fait signe de le suivre. Je m'exécute et me lève du banc. Nous nous écartons un peu, et je vois au visage de Cameron qu'il a quelque chose derrière la tête. Il passe sa main dans ses cheveux blonds, et se penche légèrement vers moi.
— Ta pote Ally, elle est célibataire, non ?
Je fronce les sourcils, prise de court par sa question.
— Hein ? hoqueté-je. Oui, pourquoi ? T'es intéressé ?
Il hausse les épaules, l'ébauche d'un sourire barrant alors son visage. Je lève le menton et lui lance un regard incrédule.
— Elle a dit que t'étais un joueur et qu'elle aimait pas ça, je te préviens.
— Hum, fait Cameron en tournant brièvement les yeux vers elle. Bah je vais la faire changer d'avis, alors.
Son air narquois me fait pouffer doucement. Je penche la tête sur le côté, le fixant d'un air perplexe.
— Mais tu ne pouvais pas lui demander directement ? Pourquoi passer par moi ?
— Je sais pas, peut-être que j'ai pas trop envie de passer pour le séducteur un peu lourd, cette fois, répond-il en me coulant un regard brillant.
J'arque les sourcils, amusée malgré moi. Je n'aurais jamais pensé qu'il s'imaginerait avec Ally. Je me rappelle les avoir vus discuter à la dernière soirée, mais à ce point ? Il va devoir ramer, ce cher Cameron, j'en suis certaine.
À cette pensée fugace, mon cœur se serre. Je me rends compte que je ne serai sûrement pas là pour voir ça. Alors, je sens mon expression changer alors que j'observe Cameron. Je n'avais même pas pensé à tout ce que je pourrais rater.
— Ça va ? s'enquiert le blond en voyant mon sourire s'éteindre.
— Ah, oui oui, me rattrapé-je en agitant la main. Tu vas en boîte ce soir ?
— Bien sûr ! Vous aussi ?
J'entrouvre les lèvres pour répondre, mais une chose m'en empêche au même instant. À quelques mètres, s'approchant dangereusement de la table à laquelle tout le groupe est, la silhouette de celui que je redoutais le plus arrive et traverse l'herbe. Chacun de ses pas me paraît donner un coup dans ma cage thoracique, et plus je distingue son visage, plus j'ai mal. Le temps se suspend, me plongeant dans le ralenti de chaque bruissement autour de lui. Je savais que le revoir me ferait cet effet. Mais je n'aurais pas pu prévoir l'état de peur dans lequel je me retrouve plongée brutalement. Et quand, après avoir souri à tous ses amis, il se tourne dans un geste hasardeux et croise mon regard, la terreur qui me foudroie est indéniable. Parce que je vois dans ses yeux ce que jamais je n'aurais cru y voir. Il n'y a plus de haine, ni d'affection, il n'y a plus la colère d'hier ni la tristesse. Il n'y a plus rien. Voilà ce que je vois aujourd'hui dans son regard, qui auparavant me semblait parler à mon âme. Rien.
Et, étrangement, c'est ce qui me fait prendre ma décision. Parce que je sais ce qui m'attend, maintenant. Je sais que je ne verrai en eux que cette indifférence, bien pire que la haine. Je sais qu'eux aussi, à leur tour, ils détourneront leur regard, et m'oublieront. Et je sais que plus j'attendrai, plus j'aurai mal. Eux, peut-être pas, finalement. C'est déjà trop tard, de toute façon. Je ne repousse que pour moi. Je m'accroche à ce qui ne sera bientôt plus que d'amers souvenirs. Rien de tout ce que j'ai sous les yeux n'est réel, alors pourquoi persister ? J'ai cru que mon amour pour Tyler était vrai, mais il n'existait que parce que je ne l'étais pas moi-même. Je veux toujours croire que j'ai une vraie amitié avec ces gens. Illusion, encore une fois.
Alors, ce soir, je vais aller en boîte de nuit avec eux. Je vais prétendre une dernière fois, être Malia, la simple adolescente un peu fermée. Je vais profiter une dernière fois de mon illusion malsaine, et accepter qu'elle a pu me procurer un semblant de bonheur. Je vais les regarder une dernière fois et m'imaginer que dans une autre vie, nous sommes vraiment amis. Puis, je leur dirai tout, et tout sera terminé.
— Oui, réponds-je alors vivement en détachant mes yeux du groupe. Oui, on y va aussi.
Cameron sourit et regarde derrière moi en agitant la main. Visiblement interpellé, il s'éclipse après un signe chaleureux et me laisse seule, à quelques mètres du groupe et de Tyler, qui s'est assis à ma place.
Je reste plantée là quelques secondes, à me maudire d'avoir laissé mon sac près de la table. Au moins, si je l'avais, j'aurais pu partir en courant.
Le cœur battant, je serre les poings et fais un pas pour avancer. Mais après à peine un mètre parcouru, je vois Connor se lever abruptement et me rejoindre en quelques pas souples. J'entrouvre les lèvres, surprise, avant qu'il n'attrape mon poignet pour me faire pivoter.
— Tyler est au courant ? me lâche-t-il tout à trac.
Je reste bouche bée, avec l'impression de me prendre une gifle en pleine figure.
— Qu-quoi ?
— Tyler. Il sait qui tu es ou pas ?
Ses yeux brillent d'une intensité étrange. Je le considère sans rien dire, analysant son expression, emplie d'une tension que je ne saurais déchiffrer. Je me détache de l'emprise de sa main sur mon avant-bras et hoche la tête.
— Oui, avoué-je alors. Je lui ai dit hier. Comment tu sais ?
Ses épaules se détendent, et il fronce les sourcils. Je sais ce que son expression signifiait. Il n'en pouvait déjà plus de cacher le secret à ses amis, et il n'attendait que le moment où je le dirais enfin à Tyler. Parce qu'il savait que, une fois que ce dernier le saurait, le temps me serait compté.
— Ça se voit, répond-il d'un ton plus calme. Quand c'est en rapport avec toi, ça se voit toujours.
Je ne dis rien, mais ses mots me serrent un peu plus le ventre. Je soutiens son regard bleuté et tente d'y lire un soupçon d'attendrissement. Mais en vain. La déception, je l'ai vue. Il a mal pour ses amis, et sûrement trop pour essayer d'être compatissant.
— Et les autres alors, c'est pour quand ? s'enquiert-il alors. Si tu crois que Tyler va garder ton secret pendant des semaines, tu...
— Oui, Connor, je sais.
— Alors pourquoi tu fais comme si de rien n'était ? Tu viens à la soirée, tu comptes leur dire en boîte ?
Son ton piquant me fait mal au crâne, alors je pousse un léger soupir.
— Écoute, dis-je fermement. Je sais ce que je fais maintenant. Je l'ai dit à Tyler, donc crois moi que je ne peux pas faire comme si de rien n'était.
Il plisse les paupières, attentif. Je poursuis, amère.
— Une fois que je leur aurais dit, je n'aurai plus personne. D'accord ? (d'un signe de tête, je désigne le groupe) Ils ne me parleront plus jamais. Toi, de toute façon tu t'en fous. Et Jason, même s'il est compatissant, il suivra ses amis, normal. Alors s'il te plaît, laisse moi juste une dernière soirée. Après, je vous laisserai tranquille, promis. Mais juste ce soir. Essaie de comprendre.
Connor ne réagit pas tout de suite, impassible, puis souffle en détournant ses yeux lentement vers ses amis.
— Ils te pardonneront peut-être, déclare-t-il alors. Avec le temps.
Je ne comprendrai jamais comment il réfléchit. Est-il énervé contre moi ou blessé ? Veut-il me rayer de la carte ou m'accepter dans leur groupe ?
— Arrête de dire ça, réponds-je à mi-voix.
Il me regarde sans rien dire. Je me demande à quoi il pense. S'il croit lui même à ce qu'il me dit. Et pourquoi essayer de me rassurer quand il donne l'impression d'accorder si peu d'importance à mon sort ?
— Des fois, marmonné-je, je me demande vraiment si t'as pas un trouble de la personnalité.
N'attendant pas de réponse, je fais volte face et me dirige vers la table en me forçant à ne pas m'arrêter. Arrivée à leur niveau, mon cœur bat si fort dans mes tempes qu'il me donne des vertiges. Tyler lève les yeux vers moi, je le sens jusque dans mes entrailles, mais je ne soutiens pas son regard. Le faire serait dangereux. Alors, je me contente de prétexter un devoir à finir pour me dérober à la situation, et rattrape mon sac du bout des doigts avant de les quitter. En partant, je réprime tant bien que mal mon envie viscérale de me retourner pour capter le regard de Tyler. J'aimerais tant pouvoir le voir sans ressentir tout ce qui me détruit le cœur à l'instant même. J'aimerais tant retourner à cette table et hurler la vérité, puis me rasseoir à leurs côtés parce qu'ils auront tout accepté. J'ai beaucoup d'espoirs, enfouis en moi, beaucoup de scénarios idéals que je déteste m'imaginer. Je me suis attachée trop vite, comme une idiote. Et je n'espère même pas m'en détacher aussi vite.
* * *
— Angie ?
— Oui ?
— Si je pars vivre en Floride pour mes études, tu viendras me voir ?
— En Floride ? Sérieusement ? Tu préfères les marais à Central Park ?
— Je préfère le soleil, surtout !
— Mouais, ça se discute. Mais peut-être que je viendrai si t'as une villa en bord de mer.
Après ça, elle avait rit, puis on avait encore longtemps débattu de la qualité de Miami et de New York. Ma soeur aurait préféré Miami, sans aucun doute. Je me demande si dans une réalité alternative, on y vit toutes les deux.
— Angie ?
Ce que je prends d'abord pour l'écho de mes pensées m'apparaît finalement comme la voix de Jason, à peine audible. Levant lentement la tête, arrachée à mes songes, je découvre son visage serein.
— C'est ton endroit, maintenant ? s'amuse-t-il en prenant place sur un fauteuil devant moi.
J'esquisse un sourire, me redressant lentement sur mon siège en détournant les yeux. C'est vrai que la dernière fois qu'on a discuté, c'était ici, dans ce coin calme du lycée, près d'une grande fenêtre ensoleillée.
Jason se penche un peu en avant, cherchant mon regard.
— Connor m'a dit que tu avais parlé à Tyler. C'est pour ça que tu restes toute seule aujourd'hui ?
La tête soudainement lourde, j'acquiesce.
— Il l'a mal pris, alors, devine Jason.
Je ris dans un souffle du nez.
— Il ne veut plus entendre parler de moi, tu veux dire.
— C'est normal, il est sous le choc, répond-il calmement en s'enfonçant dans son fauteuil.
Je secoue la tête.
— Non. C'est vraiment fini. Je l'ai vu.
Il ne dit rien, ses yeux plissés rivés sur moi. Je détourne le regard et le pose sur l'herbe dehors, toujours balayée par le soleil. Ma gorge se noue.
— Je suis amoureuse de lui, tu sais.
Je le dis presque dans un murmure mais Jason l'entend, et laisse planer un silence pesant pendant une seconde.
— Oui, je sais, finit-il par souffler.
— Et le pire, c'est que je crois qu'il aurait pu tomber amoureux de moi aussi. Je le voyais dans ses yeux.
Encore un silence. Encore un souffle du vent sur l'herbe, verte et rayonnante.
— Et maintenant, tu vois quoi dans ses yeux ?
L'écho de sa question résonne dans mon crâne sans que je puisse y trouver une réponse. Du moins, sans que je trouve la force d'y répondre. Parce que c'est ce que j'ai vu dans son regard ce matin qui m'a fait comprendre que j'étais condamnée. Parce que je n'ai rien trouvé qui aurait pu combler le vide creusé en moi depuis hier. Parce qu'à présent, dès que je le verrai, je me souviendrai de tout ce que j'aurais pu avoir.
Jason n'attend pas de réponse, et se contente de me scruter alors que je garde les yeux dans le vide.
— Est-ce que j'ai été égoïste, Jason ? hésité-je.
Je le vois du coin de l'oeil pencher la tête sur le côté, brièvement muet.
— Je ne pense pas, non, finit-il par répondre. Pas vraiment. Idéaliste et naïve, oui. Mais je ne crois que tu aies fait tout ça par pur égoïsme.
Je me tourne enfin vers lui, les yeux piquants, et fronce les sourcils.
— Même moi, je n'arrive pas à savoir ce qui m'est passé par la tête, avoué-je. À chaque fois que j'y pense, je change d'avis. Et plus j'y pense, plus je me sens coupable. Et le pire c'est que je ne sais pas si j'arriverai vraiment à l'expliquer. Il ne comprendra jamais ce que je ressens, parce que même moi je n'y arrive pas. Et les autres non plus.
Jason souffle du nez et se mord la joue. Je poursuis après un soupir.
— Je ne l'ai pas fait contre vous.
— Je sais.
— Non, oui, toi tu l'as compris. Mais j'ai quand même besoin de le dire. Je pense que mon erreur a été de ne pas assez penser à vous, et une fois que je l'ai fait, il était trop tard. Parce qu'au début, je ne comptais pas m'intégrer à vous. Et puis je me suis mise à aimer cette vie plus simple. Donc j'ai voulu y croire. Parce que c'était beau, tu sais. Avoir un groupe d'amis et tomber amoureuse. Malgré tout le reste, c'était beau.
Je m'arrête, la voix étouffée. Mes yeux brûlent, je passe le bout de mes doigts dessus. Jason ne répond d'abord rien, me regardant toujours du même air serein, les yeux emplis d'une compassion rare. Je ne sais même pas si mes paroles ont un sens, si elles l'intéressent vraiment. Mais elles me font du bien, car je sais qu'il les entend. Et je sais que dans ce chaos, il y a au moins une personne qui m'accepte.
— C'était beau, répète-t-il doucement. C'est juste à ça que tu dois penser. Que, même si tout s'effondre, et même s'ils ne veulent pas comprendre, au moins, il y aura eu une part d'eux avec toi. Et que même s'ils disparaissent de ta vie, ils t'auront au moins aidé à te rendre compte de sa valeur.
Ses mots me touchent tellement que je sens ma poitrine se soulever et les larmes perler aux coins de mes yeux. Il a dit exactement ce qui réside dans mon cœur et que je n'osais pas ressentir pleinement. Au fond, chacun d'entre eux m'a donné l'espoir d'une vie possible, a réveillé des émotions et des sensations que je pensais éteintes en moi pour toujours. J'ai compris que je pouvais vivre, et que la seule façon pour le faire pleinement était d'assumer mon nom, d'assumer mon histoire. Ils m'ont sortie d'une torpeur dans laquelle je serais sûrement restée jusqu'à me consumer totalement. Ils m'ont sortie de l'eau, m'ont sauvée de la noyade dans le néant qui m'habitait.
Lentement, j'ébauche un sourire à Jason, et hoche la tête. Ses yeux brillent quand il tend sa main pour attraper la mienne. Surprise par cet élan d'affection, je me laisse cependant faire, le considérant sans un mot. Je n'aurais jamais cru qu'il serait celui qui un jour, me tiendrait la main pour me témoigner son soutien. Quand j'ai rencontré le garçon discret assis contre un arbre, je ne pensais même pas lui adresser la parole un jour. Mais à présent, je crois que je comprends pourquoi il a tant marqué April. Et pourquoi, encore aujourd'hui, elle a l'impression que les choses sont inachevées. Tout est toujours inachevé, avec Jason. Tout est toujours à découvrir. C'est sans doute la chose qu'il a le plus en commun avec Tyler, d'ailleurs. Cette impression, dès qu'on le regarde, qu'un univers entier peut s'ouvrir, sans jamais s'arrêter.
Il a entièrement raison. Ce que chacun d'entre eux m'a donné va au delà d'une simple amitié illusoire. Et c'est pour cela que je ne dois plus avoir peur. Je ne perdrai pas tout, en les perdant, eux. Leur dire la vérité ne m'enlèvera pas tout ce qu'ils m'ont apporté jusqu'ici. Cela m'enlèvera seulement leur présence. Mais leur présence ne compte plus, quand ils m'ont redonné l'amour, l'amitié et l'espoir. Quand ils m'ont redonné la vie.
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J'espère que ce chapitre vous a plu !
Vous avez vu, pas 6 mois cette fois ;)
Chapitre de transition un peu, mais essentiel quand même, on ressent que la révélation approche !
À bientôôôt !
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