Chapitre 47

Diane

J'observe le corps ensanglanté de Mélanie sur le sol boueux de la grotte, au milieu des autres cadavres. J'éprouve comme un regret de ne pas l'avoir fait souffrir comme nous avons souffert par sa faute. J'aurais aimé me pencher sur son visage grimaçant de douleur et sourire de toutes mes dents, j'aurais aimé l'entendre me supplier de l'achever, ne supportant plus son supplice. 

Habitée par cette haine et cette rage, j'empoigne mon poignard et le plante dans son corps inanimé. La sensation de transpercer sa chaire me procure une immense satisfaction, alors je recommence encore et encore. Je suis couverte de sang, je dois avoir l'air d'une démente comme ça à m'acharner sur un cadavre. Mais je continue, jusqu'à ce quelqu'un m'arrache la dague des mains. Je suis tellement en colère que je veux insulter cette personne, mais mes paroles acerbes se meurs dans ma bouche quand je rencontre les yeux bruns emplis de douleur et de chagrin de Théophile. Je me calme alors, revenant à la réalité. 

La mort de la traîtresse sonne la fin de la rébellion des vampires. Tous nos ennemis sont morts. Peut-être qu'il reste quelques rebelles cachés par-ci par-là dans Aliumnos mais un gros coup leur a été porté par cette attaque.

Nous évacuons le repère des vampires tandis que les soldats du CJN placent des explosifs partout dans la grotte. Ils veulent éliminer toute trace des rebelles et envoyés un symbole fort aux derniers qui se cachent : nous vous retrouverons et vous subirez le même sort. Mieux vaut se soumettre directement aux Lys Rouges. 

Mon père soulève comme une princesse ma mère, toujours inconsciente et l'entraîne loin de cet enfer. Sur le plateau enneigé, Sarah se fait soigner l'épaule par une sorcière appartenant aux Lys Rouges. Henri, un autre Chasseur et une sorcière s'occupent de Théophile un peu plus loin. Je voulais venir avec eux mais Henri m'a dit de leur laisser un peu de temps, histoire de guérir ses blessures les plus graves. Je vois ensuite deux loups-garous tirer la carcasse d'un loup brun. Ma gorge s'assèche à la vue d'Amarok. Mon cœur se serre de chagrin mais je n'arrive plus à pleurer. D'autres corps sont ensuite rapatriés de la caverne. Je détourne mes yeux de ce funeste spectacle.

Sachant que je ne peux rien faire pour aider ceux que j'aime, je m'approche de Héloïse et Lucas qui aident un loup-garou blessé à sortir de la grotte. L'homme les remercie de leur aide et part en clopinant vers une sorcière pour être soigné. 

- Héloïse, Lucas, je les appelle doucement. 

- Diane ! S'écrit la Chasseuse en me sautant dans les bras. Je suis si heureuse de te revoir saine et sauve !

Je serre la jeune femme dans mes bras, partageant sa joie. 

- Je pensais que ces fantômes t'avais tuée. 

- En fait quand ils sont passés à travers mon corps, ça m'a paralysée. J'étais toujours consciente de ce qu'il se passait autour de moi mais j'étais comme prisonnière de mon propre corps. J'ai eu tellement peur quand les vampires sont arrivés ! Je voulais hurler mais impossible de bouger ou de parler. J'ai ensuite vu Antoine et Cloé se faire tuer et les vampires vous courir après...

Héloïse se coupe un instant, combattant les larmes qui lui montent au yeux. 

- J'ai attendu des heures comme ça, sur le sable à penser que vous étiez tous morts. Je pouvais voir Antoine, le visage défiguré par les griffes de ses monstres. C'était horrible, j'ai cru que j'allais mourir comme ça, en regardant les cadavres de mes amis. 

La voix de la Chasseuse se brise sur la fin de sa phrase. Elle secoue la tête comme pour enlever les horribles images qui assaillent son esprit. Une fois calmée, elle reprend son récit d'une voix plus posée.

- Heureusement, des Chasseurs ont fini par nous retrouver. Ils ont vu que j'étais toujours en vie et nous ont ramenés à Venator. Comme j'étais plongée dans une sorte de torpeur, ils ont fait venir une sorcière pour me réveiller. 

Je serre une nouvelle fois mon amie dans mes bras. Je me dis que Théo sera très heureux de la revoir. Ça l'aidera peut-être à accepter toutes les horreurs qu'il a subies. 

Dans mon dos je sens un mouvement furtif. Je me retourne et vois Lucas, la tête légèrement baissée, l'air penaud. 

- Diane...

- Oui ? 

Il a l'air de vouloir dire quelque chose mais ne semble pas savoir par où commencer. Ses joues sont rouges. Enfin il se décide à parler.

- Je voulais m'excuser... J'ai vraiment honte d'être parti comme ça sur la plage, d'avoir pris la voiture et de vous avoir laissé tomber. 

Je repense à cette soirée où tout à basculé. C'est vrai qu'en partant en premier avec la voiture Lucas nous a condamné. Mais je ne peux pas lui en vouloir. Quand on se retrouve face à la mort, chacun réagit différemment. S'il nous avait attendu peut-être qu'il se serait fait prendre lui aussi.

- Je ne t'en veux pas. Et puis tu t'es bien rattrapé en venant nous aider aujourd'hui !

Le Chasseur semble soulagé et s'enhardit même à sourire. 

- Oui, quand Henri nous a parlé de cette mission interdite, je n'ai pas hésité et Héloïse non plus ! J'étais tellement heureux d'apprendre que vous étiez toujours en vie. Je m'en serais voulu toute ma vie autrement !

Je lui rends son sourire. Même si il est venu pour alléger sa conscience, l'important c'est qu'il soit venu. De l'autre côté du plateau Henri nous fait signe que nous pouvons les rejoindre. Je m'avance avec empressement, impatiente de retrouver Théophile. Mais plus je m'approche du petit groupe, plus j'ai peur. Dans quel état vais-je le retrouver ? Me déteste-t-il de l'avoir laissé ? Me considère-t-il comme responsable de tout ce qui lui ait arrivé ?

Henri s'avance vers moi, m'attrape le bras et m'emmène à part. 

- Il est très perturbé, me prévient le vieux Chasseur, il n'a pas dit un mot depuis qu'il est sorti de la grotte, c'est comme si il ne nous entendait pas. Il va falloir y aller en douceur, il va aussi avoir besoin d'un psychologue. 

Je hoche la tête et observe Théo soucieusement. Il a l'air absent, renfermé sur lui-même. Ce n'est plus la Chasseur joyeux que j'ai rencontré.

- Et toi ? Reprend Henri. Comment vas-tu ? 

Je prends quelques instants pour réfléchir.

- Honnêtement, pas très bien. Mais ça ira mieux avec le temps. Je veux juste aller me coucher et mettre derrière moi tout ça, je veux juste oublier et passer à autre chose. 

- Je vois. Tu es très courageuse Diane Selma. 

- Diane Arcanus Selma, je le corrige. 

Henri a un petit sourire et me tapote la tête avec fierté. 

- Tu as enfin acceptée tes origines de Chasseuse ! Tu combats même avec l'arc de ta grand mère. J'étais pourtant persuadé qu'il se trouvait en vitrine dans le musée du château...

Je rougis honteusement. J'avais complètement oublié cette histoire. 

- Ne t'inquiètes pas, tu peux le garder, il te revient de droit. 

Je le remercie d'un petit sourire et marche jusqu'à Théophile. Il a le regard perdu sur les pics enneigé. Il ne semble pas conscient de son entourage. La sorcière à ses côtés referme les derniers trous dans sa peau. Elle chancelle, guérir Théo a dû lui demander énormément d'énergie. Je la remercie de son aide, puis aidée d'un loup-garou elle se lève et s'éloigne. Je remarque qu'elle a bandé soigneusement la main droite du Chasseur. Théo a toujours des ecchymoses sur le visage mais ce qui me marque le plus c'est son absence d'expression.

- Théo, je l'appelle, Théo tu m'entends ? 

Au son de ma voix, il trésaille. Lentement, il tourne les yeux vers moi. Son regard brun finit enfin par exprimer quelque chose. Il me reconnait et semble soulagé. Il tend une main vers moi. Je l'attrape et la serre. Elle est gelée mais se réchauffe à mon contact. Ses yeux ne quittent pas les miens,  sa raccrochant à moi tel un noyé à une bouée de sauvetage. 



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