Diane

Nous devons faire vite et rester le moins longtemps possible dans l'antre des vampires. Comme prévu par mon père, les deux sorcières restent dans la salle du bassin. Trop de personnes se baladant dans les tunnels de la grotte attirerait plus l'attention. Et puis, nous auront besoin d'elles à notre retour, elles se posteront en embuscade pour faciliter notre fuite.

Nous sommes donc cinq à progresser dans la grotte. Connaissant le chemin, je prends la tête de file. Sarah et ma mère maintiennent la bulle d'invisibilité nous protégeant. Nous sommes donc invisibles, inodores et discrets. Nous ne pouvons que réussir, n'est-ce pas ? 

Nous tombons assez vite sur deux sentinelles vampires dans le premier couloir que nous empruntons. Ma mère lance un sort sur le premier qui le paralyse immédiatement. Très vite, je tire une flèche dans le cœur du second. Avant qu'il ne s'effondre au sol bruyamment et attire toutes les créatures monstrueuses, Amarok bondit et vient amortir la chute du vampire. Quant à la sangsue paralysée, mon père l'achève d'un coup d'épée. Nous plaçons ensuite les deux cadavres dans un renfoncement du tunnel et continuons notre chemin.  

J'ai cependant une désagréable sensation. Un nœud à l'estomac qui ne veut pas s'en aller. Pourtant jusqu'ici tout va bien. Nous n'avons croiser que peu de vampires et nous avons envoyé facilement en enfer les quelques monstres qui se trouvaient sur notre chemin. Je devrais être soulagée que notre plan marche à merveille mais pourtant, je reste nouée. 

Mon angoisse s'accentue au fur et à mesure que nous nous rapprochons du carrefour. Lorsque nous y débouchons, la place principale de la grotte est déserte. Cette fois, mon instinct me dit que quelque chose ne va pas. Tout cela est trop facile. Nous sommes au cœur de l'ennemis et nous ne rencontrons qu'une faible résistance. Où sont donc tous les vampires ?

Je m'approche de mon père pour l'avertir mais avant que je ne puisse faire quelque chose, notre bulle invisible vole en éclat. Surprise, je tourne la tête vers les sorcières. Ma mère est perplexe, ne comprenant pas bien pourquoi la magie s'est brisée. Puis je vois avec stupeur que Sarah gît au sol, une épée plantée dans l'épaule. Je reconnais l'arme de Théophile que nous avions laissée ici avant notre tentative de fuite. La sorcière gémis par terre, au moins est-elle toujours vivante. 

Amarok pousse un grognement menaçant ce qui me fait regarder devant nous. Circé est là, devant la salle du trône, un sourire machiavélique peint sur la visage. C'est elle qui vient de lancer l'épée. Etant une sorcière, elle a vu clair à travers notre sort d'invisibilité. Ne pouvant tuer une autre sorcière par la magie, elle a utilisé l'arme du Chasseur. 

Du coin de l'œil, je vois ma mère retirer l'épée de l'épaule de Sarah et tenter de la soigner. Soudain, j'entends du mouvement tout autour de nous. Une centaine de vampires sort de tous les côtés du carrefour et nous encerclent. Des sangsues arrivent même du couloir que nous venons d'emprunter, ils devaient nous attendre cachés dans la salle du bassin. Cela veut dire que nos deux sorcières se sont faites tuer. Affolée, je réalise que j'ai guidé les miens tout droit dans le piège de Mélanie. La culpabilité me prend la gorge, aussi violemment que la peur. Que faire ? Nous sommes condamnés ! Je nous ai condamnés !

Nous nous regroupons au milieu du carrefour, nous tournant le dos afin de faire face à tous nos ennemis. Mon père adopte une position défensive et je l'imite. J'essaie d'oublier mes émotions négatives pour me concentrer sur notre seule tâche : nous défendre le plus longtemps possible. Peut-être parviendrons-nous à rester en vie assez longtemps pour que les renforts arrivent ? Ils sont désormais notre seule chance ! Je me focalise là-dessus pour ne pas perdre espoir et m'effondrer ici aux pieds de cette garce de Circé.

Un rire tonitruant retenti. Il provient de la salle du trône. Mélanie s'avance à côté de Circé et nous toise en souriant. 

- Je n'arrive pas à croire que vous soyez réellement revenus vous jeter dans la gueule du diable pour un garçon à moitié crevé !

Je serre les dents à l'évocation de Théo. Cependant, son discours indique que mon Chasseur n'est pas encore mort. Et cela suffit à me donner du courage. 

- Mélanie, marmonne mon père avec une rage mal contrôlée. 

- Tristan, ça fait longtemps mon chéri !

- Relâche le garçon et ma fille, ce n'est pas eux que tu veux. 

- En effet, je me fiche d'eux. Bien que ta... fille soit une réelle abomination qui ne devrait même pas exister !

Mélanie crache le mot "fille" comme si ça la dégouttait. 

- Mais ce n'est pas pour autant que je vais les relâcher ! Ta fille mérite la mort pour avoir osé vivre ! Quant à ce charmant Chasseur, je me demande si je ne vais pas le transformer. Après tout, il est résistant et plutôt courageux. 

- Si tu touches à un seul de ses cheveux je te tue ! Crié-je sans pouvoir m'en empêcher. 

La vampire me regarde amusée.

- Vraiment ? J'aimerais voir ça.

Elle claque ensuite des doigts et deux loups-garous sortent de la salle traînant quelque chose derrière eux. Mon cœur fait un bond quand je reconnais Théo. Il est bien amoché mais il est vivant. Il relève la tête et je croise son regard d'ambre. Mon cœur se brise à sa vue. Il est épuisé, à bout. Ses yeux ne sont plus rayonnants comme avant, non, ils sont éteins. Il n'y a plus cette étincelle de vie qui animait son corps autrefois, il semble résigné, prêt à accepter le silence éternel. 

Je veux lui transmettre ma vie par mes yeux, je veux qu'il sache que je suis là pour lui, que je ne l'abandonne pas. Je veux lui transmettre tout mon amour pour que lui non plus n'abandonne pas. Il semble me reconnaître et vouloir dire quelque chose mais les deux loups-garous l'amènent aux pieds de Mélanie. Celle-ci se penche et attrape les cheveux du Chasseur, tirant dessus pour exposer sa gorge. Théo gémit de douleur et s'agite faiblement. 
Les crocs du vampire s'approche dangereusement de mon ami et c'est plus que ce que je ne peux supporter. 

Je bande mon arc et tire. Ma flèche fuse droit vers Mélanie. Alarmée par le sifflement de la flèche, la traîtresse se retourne et tente de l'éviter. Au lieu de se figer dans son cœur de pierre, ma flèche perfore légèrement son omoplate. J'ai raté mon coup mais au moins elle s'est détournée de mon ami. 

Le regard que me jette la vampire me fait froid dans le dos. Ses yeux rouges prennent une tête encore plus foncée tandis qu'elle enrage. Puis, d'une voix froide, elle laisse tomber notre sentence. 

- Tuez-les.