Chapitre 27

Diane

Je me réveille avec un grognement. Ma tête me fait atrocement souffrir. Je prends un moment pour revenir à la réalité. Je fais jouer mes sens pour comprendre ce qu'il se passe. Je sens un sol dur et froid sous mon dos. Quelque chose de métallique me serre les poignets. Je suis frigorifiée, remplie de douleur et déboussolée.

- Tu es réveillée ? 

Une voix inquiète me parvient de très loin.

Je fais un effort et entreprends d'ouvrir les yeux. Au début je ne vois rien, puis, petit à petit, mes yeux s'habituent à la pénombre. Une silhouette est penchée sur moi et deux mains chaudes m'encadrent le visage. 

J'essaie de me relever mais très vite des points noirs dansent devant mes yeux et je sens ma tête partir en arrière. Deux bras me rattrapent in extremis avant que je ne m'éclate au sol.

- Doucement, tu as utilisée toute ton énergie en usant de ta magie.

La voix grave qui a parlé me dit quelque chose mais j'ai dû mal à la replacer. Je fouille ma mémoire un instant et fini par reconnaître l'homme qui me fait face. 

- Théo ? Demandé-je d'une voix pâteuse.

- Oui c'est moi. Comment tu te sens ?

- Pas très bien, j'ai mal partout et je meurs de soif. On a eu un entrainement plus corsé que d'habitude hier ?

Théo semble décontenancé un instant et me regarde l'air soucieux. Puis il dit d'une voix hésitante :

- Diane, on a été attaqué par des fantômes puis par des vampires à la plage, tu te souviens ?

D'un seul coup, tous mes souvenirs resurgissent. Comment ai-je pu oublier ? Le jeu cruel des fantômes, la mort d'Héloïse, la venue des vampires, la bataille inégale, le massacre d'Antoine et de Cloé, notre fuite. Jamais je ne pourrai oublier la violence avec laquelle mes amis ont été assassinés.

Et maintenant ? Où sommes nous ? Je me souviens que lorsque les vampires nous ont retrouvés, ils nous ont tirés à leur suite au lieu de nous tuer. Ils nous ont portés comme des sacs à patates sur leurs épaules tandis qu'ils couraient vers une destination inconnue. J'ai bien essayé de me débattre mais j'étais bien trop faible. J'ai fini par perdre connaissance. 

- Où sommes nous ?

- Je ne sais pas, les vampires nous ont transportés tellement loin que j'ai fini par m'endormir à bout de force. Je me suis réveillé il y a quelques minutes ou quelques heures, je ne sais pas trop... Ils ont dû nous fouiller aussi, toutes mes armes ont disparues, de même que ma cape.

La voix de Théo se brise sur la fin, il est complètement abattue. C'est une grande honte pour un Chasseur de se faire désarmer et enlever sa cape, symbole de son appartenance à l'ordre. Cela me rappelle l'arc de ma grand-mère. Je revois ce vampire le briser d'un seul coup, si facilement, alors que cette arme appartient à ma famille depuis plusieurs générations. Moi aussi j'ai honte d'avoir perdu ce bien si précieux pour moi. Le chagrin me serre le cœur. 

J'essaie de lever ma main droite afin d'essuyer une larme coulant le long de ma joue mais cette chose métallique qui m'enserre les poignets me stoppe dans mon élan. Je baisse le regard sur mes mains et découvrent qu'elles sont encerclées de menottes. Du sang s'échappe des ouvertures où les menottes ont strié ma peau. Je tente de tirer dessus mais me rends vite compte qu'elles sont incassables. 

- Ce sont des menottes bloquant tes pouvoirs, m'explique le Chasseur, j'ai déjà essayé de te les enlever mais elles résistent à ma force. Elles doivent être faites de titane. 

Oui, effectivement, les menottes ont bien cet aspect blanc métallique caractéristique du Titane. Ce métal est le seul qui puisse résister à la force d'une créature surnaturelle. Il résiste à tout, même au feu. J'avais déjà entendu parler de menottes capables de bloquer les pouvoirs d'une sorcière. Un tel objet ne peut provenir que de la magie, c'est donc une sorcière qui a créé ces menottes. Ça me dégoûte de penser que l'une des nôtres aie pu créer une chose aussi immonde, une chose nuisant à sa propre race.

Résignée, j'observe la pièce en silence. Une torche unique éclaire notre cellule d'une lumière faible. La torche doit brûler depuis longtemps déjà car elle semble sur le point de s'éteindre. Depuis combien de temps sommes nous ici ? Hélas il n'y a aucun moyen de le savoir.

Le sol de la pièce est terreux, il semble formé d'argile grise. Par endroit il y a des gouttes d'eau qui coulent à intervalle régulier formant de la boue. Les murs nus de la pièce ressemblent à des parois creusées dans la terre. La salle ne présente aucun mobilier, pas même une paillasse, nous sommes allongés à même le sol boueux. Pas étonnant que mon dos soit en compote. En face de nous se dresse un porte blindée. 

L'air est humide et raréfié. La température ambiante est très froide. Je suis gelée et j'ai dû mal à respirer normalement. Moi qui n'aime pas me retrouver enfermée dans le noir, je suis servie. Notre cellule doit se trouver en sous sol, peut-être dans une cave ou dans un souterrain. 

- Pourquoi ne nous ont-ils pas tué nous aussi ? Demandé-je sans comprendre.

- Je ne sais pas.

La voix de Théo n'est qu'un murmure. Il se décale sur le coté et s'appuie contre le mur de la pièce en se repliant sur lui-même. A cet instant, il ressemble à un petit enfant noyé de tristesse, la tête entre les mains. Si je suis anéantie par la mort des Chasseurs que je ne connais que depuis deux mois, je n'ose imaginer son état, lui qui vient de perdre ses meilleurs amis.  

Hésitante, je m'approche doucement de lui. Je remarque que son corps est secoué de soubresauts. Théo sanglote comme un petit enfant. Cette vision me saisit et l'envie de pleurer me prend à mon tour. Pourtant, nous ne pouvons pas nous laisser aller au désespoir dans une telle situation. Si Théo perd pieds, alors c'est à moi de le soutenir, comme il m'as soutenu durant la bataille. Je dois me montrer forte pour lui et lui montrer que même si la situation parait impossible, il reste de l'espoir. 

Timidement je tends mes mains emprisonnées vers lui et lui caresse doucement le sommet du crâne. Le Chasseur trésaille à mon toucher mais ne semble pas pouvoir s'arrêter de pleurer. Je fais glisser mes bras par dessus lui pour encercler son coup. J'avais peur qu'il ne me repousse mais au contraire, il m'attire plus près de lui. Il niche son visage au creux de mon coup et me serre fort contre lui. Ses larmes mouillent mon cou et le haut de mon t-shirt. 

Je m'efforce de le réconforter du mieux que je peux. Je sais que lorsqu'on est malheureux, aucune parole ne peut nous faire sentir mieux, alors je me tais et me contente de lui montrer que je suis là pour lui.

Au bout d'un moment qui me parait être une éternité, ses larmes se tarissent. Il garde cependant la tête enfouit dans mon cou. Alors je l'entends murmurer d'une voix éteinte :

- J'aurais préféré être humain moi aussi et ne jamais vivre... "ça".

Théophile s'est arrêté avant de parler de la mort de ses amis à voix haute. Je comprends, c'est beaucoup trop difficile pour en parler. Le dire tout haut reviendrait à pleinement reconnaître leur mort, à comprendre que plus jamais nous ne joueront avec eux, mangerons avec eux, rigolerons avec eux, plus jamais nous ne les verrons. Des gouttes d'eau salés s'échappent de mes yeux sans que je ne m'en rende compte. 

- Non, finis-je par répondre, tu n'aurais pas préféré être humain. C'est toi qui avait raison sur la plage. Etre des créatures surnaturelles c'est difficile c'est sûr, mais tous les obstacles, toutes les épreuves que nous avons surmontés ont fait de nous qui nous sommes. Tu ne serais pas toi si tu n'avais pas été Chasseur, nous ne nous serions jamais rencontré. Arrêtons de regretter et essayons de voir vers l'avenir. 

Je ne sais pas si mon petit discours l'a aidé à se sentir mieux, en tout cas, il a cessé de trembler et semble plus calme. Je le tiens encore serré contre moi, ne pouvant me résigner à le lâcher. Lui aussi semble peu disposer à s'éloigner de moi. 

Brusquement, la porte blindée s'ouvre avec fracas. 




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