Chapitre 23
Diane
La plage est plongée dans la pénombre. En effet, ce soir, la lune brille par son absence, et malgré quelques étoiles scintillantes, le ciel reste sombre. Seul le feu de joie crépitant nous permet d'y voir clair. Nos rires contrastent avec le bruit des vagues qui s'écrasent sur la plage.
Nous faisons la fête comme des adolescents normaux et insouciants. Je m'amuse comme une folle. Lucas nous a chanté des chansons tout en me faisant des petits clins d'œil charmeurs. A force de le côtoyer j'ai appris à ne plus rougir face à de tels tours de charme.
Le soleil étant couché depuis quelques heures déjà, l'air est plus frais mais l'alcool et le feu de joie nous permettent de nous réchauffer. Lucas s'est à présent improvisé DJ tandis que Héloïse, Cloé et Antoine dansent comme des fous.
Je m'assois près de Théo qui sirote une bière près du feu. J'enlève mes chaussures et mes chaussettes afin de sentir le sable fin sous mes pieds nus. J'écarte les orteils pour que le sable frais s'écoule entre eux. Puis j'enterre totalement mes pieds dans le sable.
- Dis moi Théo, tu as déjà regretté d'être né Chasseur ?
Théo tourne la tête vers moi et me regarde un instant les yeux écarquillés. Puis il explose de rire.
- Quoi ? M'offusqué-je.
- Tu es trop bizarre Diane ! On passe une soirée tranquille et toi tu me poses une question philosophique !
- Désolée de t'avoir embêté.
Je me renfrogne, vexée.
- Oh non Diane, je ne voulais pas dire ça comme ça, je suis désolé.
Il me pousse gentiment avec son épaule. Je me retourne vers lui et le regarde malicieusement.
- Alors ? Tu regrettes ?
- Je ne sais pas. Je ne me suis jamais posé la question. A quoi bon imaginer des choses qui de toute façon ne se réaliseront pas ? Je suis Chasseur, point.
- Mais tout de même ! Si tu pouvais revenir en arrière et naître humain, mettre derrière toi toutes tes responsabilités de Chasseur, tous les rebelles que tu devras tuer lorsque tu seras un Chasseur accomplit, tu n'aurais plus à rendre des comptes à l'ordre des Chasseurs, tu le ferais ?
Mon ami prend quelques secondes pour réfléchir avant de me répondre.
- Non.
- Non ?
- Non. Peut-être qu'être Chasseur c'est difficile quelques fois mais tout ce que j'ai traversé en tant que Chasseur, cela a fait de moi qui je suis aujourd'hui. Et je m'aime comme ça. Je ne voudrais pas être quelqu'un d'autre.
J'observe un silence pour digérer ce qu'il m'a dit.
- Moi, j'aurai préféré être humaine, avoué-je en chuchotant en regardant les flammes du feu de joie danser devant moi.
Une main se tend devant moi. Je relève la tête et rencontre les yeux chocolat de Théo. J'étais tellement concentrée sur les flammes que je ne l'ai pas entendu se lever. Un beau sourire éclaire son visage. Je n'avais jamais remarqué ses fossettes. Elles creusent ses joues d'une manière prononcée. Je trouve ça craquant, elles donnent au Chasseur un coté adorable.
- Viens danser au lieu de broyer du noir.
J'attrape alors sa main tendue. Elle est calleuse par endroit, dû au maniement répété d'armes. Sa grande main se referme sur la mienne qui disparaît totalement dans la sienne. Son toucher est doux et rassurant. D'une petite poussé il me met sur pieds et nous dirige vers les autres Chasseurs.
Théo m'entraîne dans une danse folle. Il me fait voler, tournoyer, sauter jusqu'à avoir la tête qui tourne. Sa main au creux de mes reins me brûle et je ressens sa chaleur jusque sur ma peau nue. Je m'accroche à ses épaules alors qu'il me porte une nouvelle fois dans les airs. Un peu pompette, je ris aux éclats.
Quand il me repose, je manque de tomber et entoure sa nuque de mes bras pour me rattraper. Nos deux visages sont très près et je peux le contempler à loisir. Son front large est couvert d'une fine pellicule de sueur. Sur la partie gauche, il a une petite cicatrice. Je me demande un instant comme il se l'ait faite.
Ses yeux marrons me transpercent et semblent lire en moi. Je me sens rougir sous son regard. Je baisse les yeux vers sa bouche entrouverte. Elle est fine et rose. J'y suis irrémédiablement attirée. Je sens ses bras me serrer contre son torse aussi dur que le marbre sous son fin t-shirt. Dans son regard je lis son désir de m'embrasser.
Jamais personne ne m'avais regardé de cette manière-là et je dois avouer que c'est grisant. Un homme me désire ! Mon cœur s'accélère dans ma poitrine. Le bonheur de se faire désirer me fait oublier mon amour inavoué pour Rakael, à moi que ce ne soit l'alcool qui me rend si audacieuse ? Dans tous les cas, je me penche un peu plus vers lui.
Mais avant que nos lèvres ne se rencontrent, un cri terrifiant s'élève dans la nuit. Nous sursautons tous et regardons anxieusement autour de nous.
Lucas éteint la musique et le silence se fait sur la plage.
- Vous avez entendu ça ?
Cloé a chuchoté, sûrement par peur de briser le silence.
De nouveau le cri se fait entendre. Cette fois ce sont plusieurs cris, on aurait dit des cris de terreur. Exactement comme dans les films d'horreur lorsque le protagoniste se retrouve nez à nez avec le tueur.
Les cris terrifiants se rapprochent de plus en plus. Ils proviennent de la forêt tropicale de l'autre côté de la plage. Mon cœur bat à toute allure mais cette fois ce n'est pas de plaisir mais de peur. Ces hurlements me terrifient.
Personne n'ose bouger, c'est comme si nous étions tous pétrifiés. Alors que les cris deviennent de plus en plus forts, cinq taches blanches sortent de la forêt.
Lucas est le premier à réagir et se précipite sur son arme. Il enfile sa cape noire de Chasseur bien vite imité par les autres. Il brandi une hache, tandis que Héloïse sort un pistolet et vise les taches. Cloé et Antoine font tournoyer des dagues et Théo dégaine son épée.
Moi je n'ai toujours pas bougé, je suis paralysée par la peur. Je n'arrive plus à réfléchir. Plus les taches se rapprochent de nous et plus elles prennent forme. Ce sont cinq adolescents. Mais au lieu d'être de chair et d'os, ils sont translucides. Du sang semble dégouliner de multitudes de morsures présentes sur tout leurs corps. L'un d'eux n'a plus de bras et on peut apercevoir ses os en putréfaction, le reste de la chair à vif me donne envie de vomir. Un autre a la moitié du visage arraché. Un trou béant dans sa joue permet de voir l'intérieur de sa mâchoire. Ces humains ont été violemment massacrés. Et alors je comprends.
- Les fantômes de la plage sanguinolente.
Tout est vrai, on aurais dû se douter que dans notre monde, les histoires d'horreurs ne sont pas des légendes mais la vérité pure et simple.
Les Chasseurs se regroupent tenant fermement leurs armes. Je me retrouve derrière eux, comme si la barrière des Chasseurs allait pouvoir me protéger.
- Si ce sont des fantômes ils ne peuvent être tués, énonce lentement Héloïse.
Néanmoins, ils s'accrochent tous à leurs armes.
Survolant la plage de quelques centimètres, les fantômes ne sont plus qu'à une dizaine de mètres de nous. C'est alors qu'ils s'arrêtent. Une voix d'outre-tombe sort alors du premier fantôme qui semble être leur leader.
- Nous voulons jouer avec vous !
Nous nous jetons des regards angoissés et incertains. Comment ça "jouer avec nous" ? Que veulent-ils vraiment ?
Une autre voix tout aussi terrifiante s'élève et ordonne :
- Jouez avec nous !
Personne ne pipe mot. Le premier fantôme reprend alors la parole.
- C'est simple, nous allons jouer au jeu des choix.
- Le... Le jeu des choix ? Se hasarde Théophile.
Le fantôme soulève avec difficulté le coin de ses lèvres en une tentative ratée de sourire. Son sourire répugnant révèle une bouche sans dents.
- Oui ! C'est ça ! Le jeu est très simple, je propose deux actions et tu en choisis une ! On va bien s'amuser ! Qui veut commencer ?
Aucun d'entre nous n'ose parler. Nous échangeons des regards hésitants.
Peut-être que ces fantômes sont juste des adolescents recherchant des partenaires de jeu ? Peut-être que tout ce qu'ils veulent ce sont des amis ?
Mais lorsque le jeu a commencé, je me suis rendue compte à quel point j'avais tort.
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